Campagne présidentielle : Sur le chemin de l’unité nationale
Le Calame – L’unité nationale est soumise à rude épreuve, c’est du moins ce que laissent voir les images des meetings de certains candidats à la présidentielle du 21 juin. En effet, mis à part la marginalisation des cadres UPR – ils sont une petite pincée dans une grosse mare, ce qui n’a pas manqué de susciter l’ire des cadres de Zouerate.
Ou d’autres formations politiques de la galaxie du pouvoir, presque l’écrasante majorité du public des candidats Ibrahima Moctar Sarr, Biram Oud Dah Ould Abdeid ne sont que des gens de couleur.
Le cas de Boydiel Ould Houmeid est quelque peu différent, il bénéficie de la sympathie de ce que certains appellent les « Beidane ». C’est là une mauvaise image de notre pays, de notre démocratie, tout court. La Mauritanie, quoiqu’on dise, est bien malade de sa cohabitation.
On aurait l’impression qu’un mur infranchissable sépare ses différentes composantes : d’un côté, les Noirs (Haratines et négro mauritaniens), cantonnés dans des Adwaba, et autres taudis des Kebas et bâches du HCR, comparés à des Bantoustan de l’ère Apartheid, qu’El Moustaqbel, El Hor, Ira, SOS, le Manifeste des Haratines et les FLAM et certaines organisations de défense des droits de l’homme dénoncent depuis des années.
C’est une triste réalité qui crève les yeux. Cette réalité tire sa source des pratiques d’exclusion du « Système » en place depuis l’indépendance du pays ; il a atteint son paroxysme, lors des tragiques évènements des années 1986 -1991. Cette marginalisation des composantes noires dans le pays a créé comme une espèce de « repli communautariste » qui apparaît dans les différents meetings des candidats.
Il faut y ajouter un autre fait, c’est celui d’une espèce de « noyautage » des populations de la vallée pendant les visites du président. Au Gorgol récemment, certains ont eu l’impression que cette région du Fleuve est peuplée plus par des maures blancs que par des noirs.
Cela n’était jusqu’ici que l’apanage vécu du petit écran ou certaines ambassades du pays où le Système n’envoyait presque jamais des noirs. «Le refus » d’accorder une chaine de télévision à un citoyen de couleur, en l’occurrence Dr Kane Hamidou Baba dont le dossier avait été qualifié de «béton » entrerait dans le cadre de la méthode d’exclusion de cette composante à qui on refuse, non seulement le droit de jouir, comme les autres, « des mêmes droits » dont celui d’informer et de s’informer, donc de s’ s’épanouir.
Des actes qui donnent des arguments aux extrémistes de tous bords pour alimenter la polémique et exacerber les tensions. L’obligation faite aux partis politiques de refléter la « diversité culturelle » du pays n’y change rien.
En effet, récemment, les militants et sympathisants du candidat Ibrahima Sarr ont déploré, au cours d’une rencontre à Nouakchott, l’absence des composantes maures (blancs et noirs). Pourtant, laissait entendre Sarr, son vice-président est un maure blanc.
Cette espèce de méfiance pour ne pas dire de « rejet » de l’autre est la conséquence de la « diabolisation » dont a été victime la composante négro-mauritanienne entre 1986 et 1991. Certains extrémistes ont réussi à « ancrer » dans la mentalité maure que tous les negro-mauritaniens sont des ennemis à abattre parce qu’ils ambitionnent de « tuer » cette composante.
D’où cette espèce de « dé-négrification » que le pays a vécue, entre 1989 et 1991, avec la complicité, il faut le reconnaître, de certains négro-mauritaniens, tapis dans l’ombre du Système. Des mauritaniens que certains cousins, comme l’artiste Yéro Gaynaak n’hésitent pas à fustiger. Pourtant, le Père de la Nation avait réussi, avec des quelques dérapages là aussi, à faire de ce pays, un trait d’union entre le Maghreb Arabe et l’Afrique Noire.
Après lui, la Mauritanie tourne presque le dos à l’Afrique, grâce, il faut le souligner aux pétrodollars, et sort de la CEDEAO. Ses dirigeants s’enferment et prennent, pour certains, le risque de mettre en péril, l’unité nationale du pays. Et rares sont les intellectuels mauritaniens qui ont osé dénoncer ce péril. Les organisations dites «radicales » ou « extrémistes » naquirent pour porter le flambeau.
Beaucoup de leurs jeunes militants voire les cadres seront contraints de fuir le pays pour échapper à la prison pour ne pas dire à la mort. Les FLAM ne reviendront au pays natal, qu’en 2013 « porteurs du rameau d’olivier », comme l’a dit, à cette occasion, son président Samba Thiam, dans son discours à la Nation. Mais jusque-là, la mayonnaise peine à prendre.
Et l’optimisme et l’espoir suscités par la décision de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, de faire revenir chez eux, de les réintégrer dans leurs droits les exilés Mauritaniens au Sénégal et au Mali ont été tempérés par le mouvement de la Rectification, intervenu le 6 août 2008. En dépit des promesses et quelques actes dans le même sillage, le président Mohamed Ould Abdel Aziz n’a rien changé du «Système » basé sur l’exclusion qu’il a hérité.
D’aucuns diront qu’il ne va pas scier la branche sur laquelle il est bien assis. Et l’histoire continue avec la bénédiction pour ne pas dire des «complices du Système ». Ils sont hélas partout. Ils répondre devant le tribunal de l’Histoire pour avoir, qui, par leur geste, qui par leur silence, qui par leurs intérêts égoïstes contribué à saper l’unité nationale de ce pays.