Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Plaidoyer pour une réintégration de la Mauritanie à la CEDEAO

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Jeudi, 29 Mai 2014

La Mauritanie est l’un des seize pays fondateurs de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO), le 28 mai 1975. Elle est également signataire du traité constitutif de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) du 17 février 1989. Ces deux sous-régions constituent son encrage naturel de par son histoire et sa géographie. Ces deux organisations ont pour objectifs le développement de la coopération et l’intégration des économies des états qui les composent.  Elles constituaient et constituent encore un véritable espoir pour les peuples de cette partie de l’Afrique. L’importance de la coopération et de l’intégration économique régionale  pour accélérer et renforcer le développement économique et social est reconnue depuis longtemps par les autorités mauritaniennes.
C’est ainsi que notre pays a été fondateur de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) en 1962, de l’Union Douanière des Etats d’Afrique de l’Ouest (UDEAO)  en 1966 et de la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO) en 1973. La sortie de notre pays de la zone monétaire ouest africaine en 1973 correspondait à des choix politiques de l’époque que beaucoup de mauritaniens avaient salués.
Même ex post, cette mesure peut être économiquement défendue. Sans l’instrument monétaire que cette décision a permis au pays de recouvrer, les ajustements liés aux périodes difficiles qu’a connues notre économie auraient été beaucoup plus douloureux pour les couches les plus démunies de nos populations et notre situation économique serait moins bonne qu’elle ne l’est maintenant (difficile d’imaginer plus difficile que maintenant).
Notre économie est la moins diversifiée de toutes les autres économies de la zone monétaire et la plus exposée aux aléas du climat et des prix de ses produits d’exportation (fer et poisson). Cette monnaie nationale est aujourd’hui un acquis économique et politique majeur que peu de gens peuvent contester.
S’il est possible d’avoir le plus grand consensus possible sur la question monétaire, la décision de quitter la CDEAO constitue à tous les points de vue une erreur grave qui doit être corrigée le plus rapidement possible. Il faut d’abord noter que non seulement nous avons le droit d’appartenir simultanément aux deux organisations sous-régionales,  mais aussi,   que notre intérêt nous le recommande vivement.
Sur les 54 pays africains, 27 sont membres de deux groupements régionaux, 18 appartiennent à trois groupements et 1 pays est membre de quatre groupements. L’appartenance à ces groupements économiques constitue un atout majeur pour notre économie et contribuera à accélérer le développement économique et social de notre pays. L’intégration au niveau de ces marchés permet à notre économie de surmonter les problèmes structurels auxquels elle est confrontée et de renforcer ses capacités productives.
La plupart des économistes s’accordent sur le rôle de l’intégration des marchés aussi bien sur l’allocation (une plus grande efficience en raison des « effets d’échelles et de variétés ») que sur l’accumulation (croissance liée aux circuits de l’investissement et du commerce), particulièrement pour les petits marchés (Baldwin 1997). Au fur et à mesure que les défis de la mondialisation et de l’interdépendance se sont imposés aux pays africains, avec le risque d’une marginalisation du continent, l’objectif d’intégration est devenu prioritaire.
Notre appartenance à l’un des groupements ne peut pas remettre en cause l’appartenance à l’autre. Notre double intégration aux deux organisations sous-régionales constitue non seulement un atout pour notre pays mais elle favorise également l’intégration des deux régions. La situation actuelle nuit considérablement à nos intérêts économiques. Non seulement, nous avons quitté la CEDEAO en 2000, mais l’Union du Maghreb Arabe (UMA) n’a jamais existé dans les faits. Nous ressemblons à celui qui a vidé ses outres parce qu’il a vu des nuages.
Certains expliquent notre sortie de la CDEAO par notre entrée à l’UMA alors que d’autres  évoquent l’imminence, à l’époque, du statut pétrolier. Notre décision de quitter la CEDEAO est une erreur quelque soit le motif invoqué. Nous avons intérêt à reconsidérer cette décision et à approcher nos frères et voisins du sud pour leur demander notre réintégration dans cette organisation sous-régionale qui devient de plus en plus dynamique et qui a un véritable avenir.
La CEDEAO comporte aujourd’hui quinze états membres avec un marché de 300 millions d’habitants et un produit intérieur brut (PIB) de l’ordre de 600 milliards de dollars des Etats Unis (Parité des Pouvoirs d’Achat), soit  la 25ième puissance économique du monde. Au cours des dernières années, la CDEAO a connu un dynamisme économique avec des taux de croissance économiques supérieurs à 6%.
Le sommet extraordinaire de la CEDEAO tenu à Dakar en octobre 2013 a décidé d’instaurer un tarif douanier extérieur commun dès le premier janvier 2015. Pour les partenaires extérieurs, l’accès au marché de la CEDEAO sera désormais unifié. Si les taxes sont prélevées à l’entrée de l’un des pays membre de la communauté sur une marchandise, celle-ci pourra circuler librement dans tous les autres pays de la zone.
Ce sommet a donc jeté les bases d’un véritable marché commun ouest africain. Les pays de la CEDEAO ont également entrepris ces dernières années d’importants investissements structurants, des infrastructures pour l’intégration, comme les autoroutes, la boucle ferroviaire d’Afrique de l’Ouest, le réseau électrique interconnecté, le West African Power Pool (WAPP), les ports, etc.
L’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), un des principaux sous ensemble de la CEDEAO, partenaire naturel de la Mauritanie, représentant plus du tiers du revenu et de la population de la Communauté, connait une accélération de la croissance économique et une avancée considérable en matière d’intégration économique, avec la normalisation de la situation en Côte d’Ivoire.
La situation économique de notre pays nous permet de tirer le plus grand avantage  de l’intégration à ce marché. Nous avons un niveau de croissance économique comparable (plus de 6%), des niveaux d’équilibres internes et externes confortables, une plus grande convergence avec les normes UEMOA en matière de pression fiscale, de rapports entre les recettes fiscales et la masse salariale, d’endettement, de niveau d’investissements publics, etc. Nous avons un vaste programme d’investissements en cours au niveau des infrastructures qui peut contribuer considérablement à notre intégration à ce marché et à en tirer le maximum de profit (les projets de l’OMVS, la ligne électrique Nouakchott – Saint Louis, la centrale électrique à partir du gaz naturel, le Pont de Rosso, les routes Adel Begrou – Nara et Seilibaby – Kaye, etc.). D’importants projets, en cours ou à l’étude au nord du pays comme la ligne électrique Nouakchott – Nouadhibou et la route Tindouf – Zouerate,  peuvent contribuer à l’intensification des échanges économiques entre les deux sous régions au nord et au sud de la Mauritanie avec tous les avantages pour notre économie.
Au niveau politique, le contexte est largement favorable. Nous présidons l’Union Africaine et nous jouons un rôle de plus en plus important au niveau de la sécurité de la région et du règlement des conflits. Nous présidons le G5 sahélien pour la sécurité et notre position au niveau de l’OMVS, avec trois des principaux pays de la communauté, favorise notre intégration au marché ouest africain.
Nos relations privilégiées avec les partenaires internationaux de la CEDEAO constituent un autre atout pour faciliter notre réintégration à la Communauté. Nous devons donc sans tarder entamer le processus de réintégration avec l’objectif d’être un membre à part entière de la CEDEAO dès le premier janvier 2015. Les craintes liées à l’immigration et à ses corollaires d’insécurité et  de déséquilibre démographique ne se justifient plus.
Nous disposons désormais d’un état civil fiable et d’un contrôle effectif sur les frontières qui peuvent garantir, avec la collaboration de nos partenaires sous-régionaux et européens, une maitrise de l’immigration, une immigration qui pourra être mise au service des besoins de notre économie.
En effet, notre marché du travail connait un déséquilibre structurel en matière d’insuffisance d’offre de main d’œuvre qualifiée que certains pays de la communauté peuvent receler alors que dans le secteur commercial où nos compatriotes semblent développer une expertise au niveau de la sous région, nous avons de façon structurelle une offre excédentaire que les pays de la Communauté peuvent absorber. 
Nous disposons d’un nombre important d’hommes d’affaires entreprenants qui peuvent largement profiter d’un tel marché. Ils sont déjà présents sur le marché ouest africain, malgré l’handicap que constitue le fait d’appartenir à un pays étranger à la Communauté. Il faut souligner également que cette réintégration à la CEDEAO ne gênera en rien notre rôle et notre place au niveau de l’UMA, si cette zone économique sera relancée un jour. Nous serions alors au centre de deux groupes économiques qui se complètent et dont nous favorisons l’intégration à leurs avantages communs. 
Yahya Ould El Waghf

 

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