Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Pourquoi Ibrahima N’Diaye menace-t-il de se suicider ?

altDans les années 70, la scission du Mouvement National Démocratique était due à deux conceptions opposées des priorités politiques. Un groupe dont la majorité des cadres évolue aujourd’hui dans la mouvance dite des nationalistes négro-africains pensait que la démocratie devait être une résultante de la résolution de la Question nationale et sociale.

Un autre groupe dont les ténors se retrouvent aujourd’hui majoritairement au sein de l’
Ufp, pensait que l’impérialisme était à la base de tous nos maux. Cette pensée a évolué, mais la question de la cohabitation reste toujours secondaire au sein de ce dernier groupe.

La seule évolution, c’est la disparition des préoccupations anti-impérialistes au profit de la primauté de « l’ancrage de la démocratie ». Dans les années 80, avec l’accession des militaires au pouvoir, le 
discours de la Baule a donné du tonus à ceux qu’on appelle avec pudeur les « démocrates » par opposition aux « nationalistes ».

Le système militarisé, contrôlé par une élite beydane et traversé par différents courants « nationalistes arabes », a transformé le nationalisme négro-mauritanien en bête noire à abattre par tous les moyens. Les événements de 79-80 dits de la circulaire 02 et la dénonciation de la réforme foncière du décret 83-127 menaçaient les fondements du système dont l’un des objectifs inavoués était le contrôle de la seule richesse inépuisable du pays que sont les terres de la vallée.

Ces nouvelles préoccupations qui, aux yeux du nationalisme noir aggravaient le fossé entre les communautés noires et beydanes, avaient largement contribué à prendre conscience de la nécessité d’une union des forces « nationalistes »disparates, qui aboutira à la création des 
FLAM le 13 mars 1983. La communauté internationale n’avait d’yeux et d’oreilles que pour la démocratie. Les militaires, pour faire bonne figure ont toujours essayé le copinage avec « les démocrates » du MND. Ces derniers leur rendaient bien leur bienveillance à leur égard.

Ce sont eux qui créèrent le concept de « nationalistes étroits » qui collait à la peau des nationalistes noirs. Et ce sont eux qui, à chaque fois que le nationalisme noir menaçait les fondements du système, venaient au secours des militaires en dénonçant « ceux qui divisaient le peuple mauritanien ».

Ce fut le cas en 1979 après les grèves contre la circulaire 02, en 1983 quand ils se posèrent en concepteurs de la réforme foncière source des tous les malheurs qui font qu’aujourd’hui les habitants de Donnaye sont obligés d’enterrer leurs morts au 
Sénégal, et comble de cynisme, en 1987 quand Taya exécuta Ba seydi,Sy Saidou et Sarr Amadou sous l’accusation de « complot noir » pour renverser le régime.

Nous n’oublions pas les années 1995 à 2000, quand un groupe issu de ces « démocrates » faisait le tour des camps des déportés au 
Sénégal et au Mali pour convaincre ces derniers de rentrer sans garanties avec les promesses fallacieuses de Taya de régler tous leurs problèmes une fois de retour au Pays.

Mais 
Taya est parti. Ely est passé par là. Sidy aussi. A une exception, ils ont tous quitté le pouvoir par un coup d’état. Depuis lors, malgré qu’à chaque fois le système résistait en réussissant à ne changer que sa tête tout en conservant le corps, l’idéologie « démocrate » a fini par aveugler plus d’un, surtout depuis la chute d’un Sidy Ould Cheikh Abdallah, « le seul chef d’état élu démocratiquement », – comme si la démocratie a une seule fois existé dans ce pays – . Même parmi ceux qui faisaient la fierté du nationalisme noir, l’urgence était désormais « le rétablissement de l’ordre constitutionnel ».

Comme si cet ordre constitutionnel avait déjà pu régler un millième de nos préoccupations. A deux fois durant les transitions de 2005 et 2007, le pays a raté un tournant décisif. 

Au lieu de profiter des coups d’états pour exiger un gouvernement de large union pendant les transitions afin de régler définitivement les problèmes qui minent la cohabitation nationale des différentes communautés, les politiques avides de pouvoir ont à chaque fois sauté sur l’occasion pour exiger des élections le plus rapidement possible, alors que des dizaines de milliers de déportés croupissent au 
Sénégal et au Mali, sans aucun droit, même pas celui de mettre un bulletin dans l’urne.

Durant cinq ans de règne azizien, le 
FND devenu COD est demeuré aveuglé par la conquête du pouvoir au détriment des luttes contre la spoliation des terres, pour le règlement juste des questions du passif humanitaire, pour le recouvrement de leurs biens et de leurs droits des déportés revenus apatrides sur leur sol, contre le génocide biométrique de l’enrôlement raciste, et contre l’exclusion systématisée des noirs de tous les rouges des leviers du pouvoir.

Un jour on créa le 
FNDU. On le scinda en pôles : société civile, syndicats, indépendants et politiques. « Les Grandes Préoccupations nationales »identifiées lors des journées du 28 février, 1er et 2 mars risquent encore de vite passer en préoccupations secondaires.

Désormais la vedette du 
FNDU est le pôle politique dont la préoccupation fondamentale du moment est la modalité d’accession au pouvoir grâce à des élections justes et transparentes par le biais d’un dialogue mort né avec un chef militaire allergique à ce genre de conciliabules.

Alors que des milliers de noirs peinent à s’enrôler, alors que des milliers de noirs déportés croupissent au 
Sénégal et au Mali, alors que des milliers de rapatriés n’ont même pas un « kaayit suukara » (comme disent les haalpulaar), ceux qui se vantaient d’être l’étendard de la lutte pour l’égalité, à l’instar d’Ibrahima Sarr et de Biram Ould Daddah, n’ont d’yeux que pour la présidentielle truquée, volée et gagnée d’avance par le pouvoir maître dans l’art de la tricherie et du mensonge. Légitimation anachronique d’un système qu’on prétend combattre.

Que voulez-vous quand cela ne se fait qu’au moment où ce sont des députés du nationalisme noir dont l’un est candidat déclaré à la présidentielle qui rassurent les déportés marcheurs sur les bonnes intentions de 
Aziz par rapport à la marche venue de 310 km, marche qui pourtant, finira sous les lacrymogènes, les matraques et les emprisonnements arbitraires ? Une marche pacifique et héroïque des apatrides abandonnés à leur propre sort par toute la classe politique.

C’est ainsi que nous comprenons la décision de 
Ibrahima N’DIAYE qui menace de se suicider. Face à un pouvoir fantoche et la traitrise d’une opposition maîtresse dans l’art des compromissions honteuses, Ibrahima n’a pas le choix. Mais Ibrahima, tu ne te suicideras pas, car nous avons besoin de toi, les damnés de ce peuple ont besoin d’un homme de ta trempe, un homme de conviction, un homme incorruptible. Non Ibrahima, tu vivras.

Amadou Alpha Ba

 

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