Vers une nouvelle stratégie de l’opposition avant la présidentielle: A la recherche du temps perdu
L’opposition démocratique, composée de la COD, de l’AP et du parti Tawassoul se concerte, depuis quelque temps, en vue de mettre en place, laisse-t-on entendre, une nouvelle stratégie pour la prochaine élection présidentielle prévue, semble-t-il, en juin prochain. C’est dans ce cadre qu’elle organisera, prochainement, un forum où seront évaluées les conséquences des dernières municipales et législatives que la COD et certains partis d’AP ont boycottées, avant d’harmoniser sa position pour la prochaine échéance, capitale.
Il s’agit, à tout le moins, d’éviter la Bérézina. A cet égard, l’unité est impérative. C’est peu dire que la moindre défaillance l’affaiblirait. Le risque est carrément de perdre la face devant le camp du pouvoir que pourraient renforcer les partis de la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP), formée de l’APP, El Wiam et Sawab. L’opposition engagée dans ces démarches se doit de les faire aboutir à des résultats forts et très concrets, faute d’être laminée en juin. Du coup, la question fondamentale semble simple : saura-t-elle sortir de ce forum avec une candidature unique, seule chance, selon certains, de mettre en ballotage le président de la République en exercice qui briguera, de toute évidence, un second mandat ?
Le syndrome de la division
Comme on s’en souvient, les tentatives d’harmoniser les positions de l’opposition, de manière générale, et de la COD, en particulier, se sont presque toutes soldées par un échec. Lors de la présidentielle de 2007, elle a raté l’occasion de renvoyer, définitivement, les militaires dans leurs casernes. Fautes de compromis entre Ould Daddah et Ould Boulkheïr, ce dernier finit par soutenir Sidi Ould Cheikh Abdallahi, pourtant suspecté de rouler pour les généraux, notamment Mohamed Ould Abdel Aziz. Un soutien qui engendra une forte inimitié, entre Ould Daddah, estimant avoir raté l’occasion, en or, de conquérir le Palais gris, et Messaoud Ould Boulkheir, arrivé en quatrième position. Résultat : certains refuseront, en 2009, de soutenir celui-ci, alors candidat du FNDD. L’opposition échouera, également, à aller unie au dialogue avec la majorité, en 2011, et, en 2013, aux municipales et législatives. Après moult conciliabules, Tawassoul a fini par présenter des candidats et s’en est sorti avec un nombre non négligeable de mairies et de sièges à l’Assemblée nationale.
L’opposition saura-t-elle, à présent, conjurer le syndrome de la division qui la mine depuis des années ? La question taraude ses militants et sympathisants, à quelques mois de la fatale échéance. Une division qui fait, évidemment, l’affaire du pouvoir qui s’est toujours employé, avec grand succès, à la promouvoir. Aujourd’hui, c’est l’enjeu de la présidence de la CUN et de la Chambre basse du Parlement qui risque de jeter, dans les bras de la majorité, les trois partis dialoguistes, APP, El Wiam et Sawab, réunis au sein de la CAP. Messaoud Ould Boulkheïr, qui a fort bien compris qu’en politique, il n’y a que des intérêts, et non des états d’âme, pourrait saisir l’opportunité que lui offre le pouvoir de se repositionner, ceci en dépit des scores de son parti, lors des dernières élections municipales et législatives. Reconquérir le perchoir de l’Assemblée nationale et compter, qui sait, des ministres, dans le prochain gouvernement ? Il serait, alors, le principal gagnant des dernières élections.
Le marchandage en coulisses, depuis quelques jours, avec le pouvoir et la sortie des nouveaux députés de l’UPR ont fini de prouver que celui-ci tient plus à la Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN) qu’au perchoir, ce qui ne manquera pas de faire grincer les dents de ceux qui espéraient, avec la victoire de leur parti, hériter de ce poste éminemment politique et même stratégique mais électoralement moins payant qu’une CUN en « symbiose » avec la présidence de la République.
Ceux de l’APP qui se hâtaient de pointer l’« ingratitude » de Mohamed Ould Abdel Aziz vis-à-vis de leur mentor, trouveront, si Ould Boulkheïr rempile, l’occasion de se taire. De fait, l’opinion selon laquelle Messaoud a rendu beaucoup de services au pouvoir n’est pas tout-à-fait dénuée de fondement. Il a, notamment, contribué à enrayer le Printemps arabe en gestation avec le mouvement du 25 février et les manifestions de la COD, avant de couper court aux folles rumeurs sur l’état de santé du Président hospitalisé en France, son incapacité à gouverner et la vacance du pouvoir, puis en acceptant d’aller aux dernières élections, sans aucune garantie de transparence. Un point de vue que ne partage, évidemment pas, l’intéressé. N’a-t-il pas déclaré, dans une récente interview qu’il a bien voulu accorder au Calame, parue dans l’édition n° 910 du 17 décembre 2013 : « Je pense que ce discours a été tellement développé qu’il n’accroche plus, parce qu’il a été démontré et prouvé que l’intérêt général du pays et de ses habitants a toujours été au centre de mes préoccupations et de mes positions. Tout le monde s’acharne à faire, de moi, une copie de tout le monde, mais je suis différent et je ne ressemble qu’à moi-même, n’en déplaise à mes détracteurs et à mes ennemis ».
Reste à savoir ce que le même pouvoir offrira à Sawab et, surtout, à El Wiam de notre pachyderme national. Boydiel ne cache pas ses ambitions de voir son parti siéger au gouvernement et ses nombreux cadres obtenir des promotions. Bref, le pouvoir et la CAP jouent, chacun de son côté, leur va-tout, sur fond de présidentielle. Le compromis pourrait-il conduire le président Messaoud à ne pas briguer le fauteuil présidentiel ? Cela semblerait logique mais, selon certains de ses proches, cette éventualité est totalement inenvisageable.
Dalay Lam
Source: Le calame