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FLAMNET-RETRO: Mauritanie: Nous voulons nos langes nationales, par Samba Thiam
Plaidoyer pour l’Officialisation des langues nationales pulaar, sooninke , wolof ‘’ Les leaders historiques de la Mauritanie ont pensé la culture comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir’’, maître Taleb Khyar.
Cette posture explique, peut-être, pourquoi la question des langues est toujours abordée avec passion , sans l’objectivité minimale requise . Dès qu’on évoque l’officialisation des langues nationales pulaar , sooninke , wolof , bambara c’est la levée de boucliers . Cette Officialisation répond cependant à la raison, à une nécessité, à des impératifs de plusieurs ordres :
– d’ordre éthique et de droit :
En se fondant sur la position principielle ou du droit, nous ne pouvons dénier à personne le droit d’apprendre et parler sa langue, si nous admettons que ‘’tous les hommes sont porteurs d’une dignité qui ne peut être aliénée’’, et donc que ‘’ toutes les langues ont droit au respect de leur dignité’’, dira A Maalouf.
‘’L’islandais et l’anglais remplissent exactement le même rôle du point de vue du besoin d’identité ;C’est dans’’ leur rôle d’instrument d’échange qu’elles cessent d’être égales’’ précise -t-il…
Par ailleurs, l’officialisation des langues nationales renvoie à un double souci d’équité et de justice sociale. Elle corrige l’inégalité structurelle persistante de notre système éducatif , pour restaurer l’égalité des chances à l’école et l’opportunité pour chaque enfant, de s’enraciner et de s’épanouir dans sa propre culture…’’La langue maternelle , nous rappelle Mohamed Abdel Haye, constitue pour tout un chacun l’outil irremplaçable de toute production scientifique effective et le socle de tout esprit créatif ‘’.
Cette officialisation restitue l’esprit de justice tel que préconisé dans la réforme initiée par le CMSN, qui avait été dévoyé par celle, inique, de 1999, en vigueur, opérée sous le prétexte, fallacieux, d’unifier le système.
Avec cette réforme, vicieuse, de 1999, l’Ecole mauritanienne cessa, depuis , de constituer un creuset par lequel les enfants accèdent aux mêmes chances de promotion culturelle et sociale …L’Ecole républicaine, tant ressassée actuellement, n’a de sens que pour autant qu’elle garantit l’égalité des chances ; or il y a inégalité structurelle à la base de notre Ecole que l’officialisation de ces langues redressera, encore une fois.
-d’ordre didactique et psycho-pédagogique
Les spécialistes de l’apprentissage admettent que la compréhension ou la maîtrise de la langue maternelle est capitale dans le processus cognitif ; Cela signifie que l’apprenant ( l’enfant) progresse plus vite dans l’apprentissage, parce qu’il réfléchit et communique dans sa langue maternelle; par images visuelles, interposées, des symboles et l’appropriation des concepts facilitées, en raison de l’élimination de la barrière linguistique.
Différentes évaluations menées, à travers plusieurs pays, ont montré que les enseignements dispensés dans la langue maternelle sont , de loin, plus faciles à assimiler ; ils augmentent, notablement, les chances de réussite scolaire, donnent de meilleurs résultats .
L’appreneur, à son tour, communique plus facilement son message, grâce à la suppression de la barrière de la langue. Dans la même veine, ces mêmes spécialistes s’accordent à dire que, ‘’un enfant qui démarre ses apprentissages par une langue étrangère accuse un retard de six ans dans sa scolarité’’ .
On en déduit que les écoliers négro-africains qui font face, dans le système actuel, à deux ‘’langues étrangères’’, au sens pédagogique du terme, accusent donc 12 années de retard…Pour des raisons cognitives, d’efficacité et de justice sociale, il nous faut adresser cette situation…’’ Il faut libérer et non pas inhiber le génie créateur de chaque peuple’’,(-et donc de chaque enfant-), nous dit le chercheur burkinabé Guissou.
L’officialisation des langues répond surtout à un impératif d’ordre psychopédagogique, pour ‘’jouer un rôle capital dans le développement psychomoteur, affectif et cognitif de l’enfant, qui ‘’réfléchit, compare, évalue et verbalise à travers sa langue maternelle, condition nécessaire de construction abstraite ‘’.
Bien des chercheurs en science de l’éducation soulignent que la langue maternelle constitue un facteur puissant d’affirmation de l’identité et de construction de la personnalité. Les écoliers négro-africains sont pénalisés depuis 60 ans, par un système scolaire assis sur une inégalité structurelle, que nous devons corriger pour être justes …
-Impératif d’ordre politique ou de cohésion nationale et sociale
L’école est censée offrir à tous les enfants qui la fréquentent les mêmes chances de promotion sociale. Par la discrimination opérée au niveau des langues ,on a créé, de facto ,un filtre qui élimine les uns et favorise les autres .
Le mépris, affiché, pour les langues et la culture des uns s’oppose à la consolidation de l’Unité nationale, tant prônée ; l’Unité ne saurait se construire et se consolider que dans une diversité qui s’appuierait sur le respect des identités respectives … .’’La langue est le pivot de l’identité et la diversité linguistique le pivot de la diversité’’, nous rappelle A Maalouf.
Cette officialisation de nos langues renforce et consolide l’unité nationale en instaurant une sereine diversité pour créer une empathie entre des locuteurs de plusieurs langues nationales que seront nos enfants. L’Unité, comme la diversité, ne se comprend, bien évidemment, que dans le respect des identités respectives.
L’Unité nationale doit découler du respect du principe d’équité (mêmes chances offertes à tous, même respect et dignité pour tous et chacun). ‘’La crise identitaire existe, nous dit maître Taleb Khyar, à cause de plusieurs facteurs, dont le plus important est l’école républicaine {…} dans laquelle est dispensé un enseignement suprémaciste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture, d’une race, d’une langue sur les autres ‘’. Or , ’’Il n’y a pas de majorité en matière de vérité ‘’, tout comme il n’y a pas de majorité en matière d’identité.
-Impératif d’ordre du développement et de la citoyenneté
Il est maintenant admis ‘’qu’un peuple ne peut s’épanouir et accéder au développement que dans sa propre langue’’. Le Japon, la Malaisie , la Norvège, entre autres, en sont l’illustration parfaite .L’usage des langues nationales – toutes les langues nationales – constitue donc un facteur puissant de développement économique et social, dès lors qu’il permet de former des adultes, pour en faire de bons paysans, de bons éleveurs et pêcheurs, des parents d’élèves capables de suivre et encadrer leurs progénitures dans leur scolarité, de bons citoyens enfin puisque , comme dit l’adage, ‘’l’instruction favorise et élève la citoyenneté responsable ‘’.
– Raison d’ordre pragmatique, enfin …
L’expérience mauritanienne, menée entre 1980 et 1999, a été une réussite incontestable, au vu des résultats des différentes évaluations menées; celle du BREDA (Bureau régional pour l’Education-Unesco-basé à Dakar) qui retient un taux de réussite de 82,10 % en milieu rural, 93,15% en milieu semi-urbain, et 81,52 pour le milieu urbain, et celle du ministère de l’éducation nationale( MEN), un taux de réussite de 71% pour les enfants de langue maternelle arabe qui apprenaient une 2eme langue négro-africaine… Réussite manifeste, visible de cette expérience sur bien des aspects ; telle est la réalité factuelle, indéniable, des choses …
-Pour lever des méprises, dissiper des malentendus et certaines croyances tenaces et erronées ‘’Croire que les communautés linguistiques, ethno-culturelles et réligieuses finiront par converger de sitôt vers une communauté homogène est une illusion grossière ‘’.
Voilà pourquoi ‘’spéculer que le temps simplifiera la configuration linguistique actuelle dans le sens de l’unilinguisme constitue une erreur tragique’’, avertit Samba Diouldé Thiam, homme politique sénégalais.
Si le facteur religieux constitue, certes, quelque chose d’important dans l’Unité des peuples , le facteur ethnique- et donc culturel – reste plus dominant, plus déterminant dans leur rapport de coexistence ; à titre illustratif on pourrait citer les cas de l’Inde et du Pakistan, des Turks et des kurdes, des kurdes et des arabes, des Wallons et des flamands, un Soudan du nord arabe et le Darfur etc .)
Cessons de penser l’enseignement de ces langues nationales (pulaar , soninke ,wolof) en termes d’opposition à l’arabe ou au français’’ ,car il est communément admis, en milieu scolaire, que la langue maternelle agit comme un accélérateur dans l’apprentissage de la langue no 2 ou ‘’langue étrangère’’. Il y a richesse et complémentarité et non pas opposition et adversité dans la relation.
Cessons également de croire que le plurilinguisme ou la diversité linguistique mène au séparatisme, car c’est une grossière erreur…En réalité, les germes de la division ou de la séparation, partout, naissent et prospèrent sur le terreau d’une longue tradition d’injustices accumulées et du déni des identités .
– Débarrassons-nous, enfin, de cette conception pernicieuse de la culture – toujours vivace dans nos esprits- qui fait dire à Taleb Khyar – que la culture est perçue par nos leaders historiques (et pas seulement qu’eux ) comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir; ce que M ould Bedrédine – connu pour son franc-parler – attestait en ces termes, lors d’un entretien accordé à Marion Fresia, : ‘’ les Maures ont voulu rétablir les rapports de force en leur faveur en utilisant deux instruments : la langue et l’Ecole’’. Paix à son âme.
II-Quelques points d’éclairage sur l’expérience de l’enseignement de ces langues menée par l’Institut entre 1982 -1999 ( 2eme partie ).
Elle démarre en 1980 avec la création de l’institut des langues nationales suivie de l’ouverture de classes expérimentales ,sous l’ère du CMSN ;elle perdure jusqu’en 1999, où elle est brutalement interrompue sans raison objective explicite valable. L’expérience portera sur 52 classes réparties dans cinq régions , -ayant pour langue 1ere le pulaar, le sooninke et le wolof ,et l’arabe comme seconde langue-, avec un effectif de 2268 élèves et 77 Enseignants-chercheurs. La date retenue pour la généralisation de l’expérience est fixée à l’horizon 1987- 1988*.
Quel était l’exposé des motifs du CMSN et que disent les évaluateurs de l’expérience ?
– ‘’ démocratisation objective de l’option linguistique pour les élèves dont la langue arabe n’est pas la langue maternelle et volonté d’indépendance culturelle où l’arabe sera la langue unitaire parlée par l’ensemble des mauritaniens’’ ; Option à l’horizon, ‘’ l’ officialisation de toutes les langues nationales, qu’il s’agira d’ utiliser comme véhicule du savoir, sous toutes ses formes{…} et d’installer d’emblée une dynamique propre à assurer leur plein développement et leur insertion , sans restriction, dans tous les secteurs de la vie sociale’’, lit-on dans l’exposé des motifs .
L’expérience fera l’objet de deux évaluations, externe et interne
– Celle du BREDA , portait sur la performance de 9 classes observées sur 14, à travers une mission qui conclut en ces termes :
« A l’oral comme à l’écrit les résultats restent satisfaisants dans l’ensemble {…} Les élèves s’expriment sans difficulté, et la majeur partie d’entre eux ont déjà atteint un niveau de lecture expressive qui dépasse nettement celui qu’on pourrait attendre d’un élève de 3e voire de 4e année des classes traditionnelles. Les mécanismes opératoires de calcul ( addition , soustraction , multiplication et division )semblent bien maîtrisés .
Aux tests ( opérations avec retenue et énoncés de problèmes ) qui leur ont été administrés sous nos yeux, les classes ont réalisé des succès intéressants : 70 à 80 % des élèves ». La mission poursuit, en conclusion partielle : ‘’ malgré quelques imperfections liées surtout à la qualité des outils didactiques et au métalangage pédagogique, les élèves des classes observées{…} ont un niveau ,à tout point de vue, comparable, sinon supérieur à celui qu’on peut attendre des classes traditionnelles **». Au titre d’observations annexes, cette mission note : ‘’-impact socio-culturel positif de l’expérience sur le milieu scolaire et villageois.
– réelle motivation des élèves qui , dans certaines classes, se livraient à des exercices scolaires en l’absence du maître.
-rapidité inattendue des progrès réalisés par les élèves en avance sur leurs camarades des classes traditionnelles**
– le climat des classes témoigne des conditions d’épanouissement et d’apprentissage hautement favorable.
– les maîtres rencontrés font preuve d’un engagement réel pour ces langues nationales et s’impliquent dans l’alphabétisation des adultes et l’animation socio-culturelle
– dans certains villages où les cours d’alphabétisation n’existaient pas, les élèves se chargeaient eux-mêmes d’enseigner leurs camarades ou certains adultes.
– disposition très favorable des collectivités locales enthousiastes à l’égard de l’expérience en milieu pulaar et wolof surtout qui, volontairement , anticipent la construction de salles de classes .
En conclusion générale, cette mission du BREDA retient : ‘’au double point de vue pédagogique et sociologique l’expérience mauritanienne en matière de revalorisation des langues nationales laisse l’impression d’une opération réussie.’’
Et quelle a été la conclusion des évaluations internes (Ministère de l’Education Nationale et l’ILN) ?
-Voici les termes du rapport de la commission créée en janvier 1988 par le MEN, chargée d’évaluer les travaux réalisés par l’ILN depuis son démarrage jusqu’en 1988 : « Si nous admettons le principe selon lequel la qualité d’un enseignement , pour ne pas dire l’efficacité d’un système éducatif se mesure par rapport au taux de réussite scolaire, force nous est de conclure d’une manière générale que l’expérience de l’enseignement des langues Pulaar , Sooninke et Wolof, dans l’ensemble des classes qui ont fait l’objet de notre évaluation , a connu un succès honorable avec un pourcentage moyen de réussite de 61% pour les filières de langue 1, et 71 % pour les classes de filière arabe du système traditionnel qui font pulaar , sooninke , wolof comme langue seconde » .
-l’ILN , quant à lui, conclut ainsi : « performance positive des élèves des classes expérimentales (-cours d’initiation 1ere année-) qui indique que, dans une large majorité, ceux- ci ont maitrisé les acquisitions instrumentales (lecture, écriture, calcul) » ; « un taux d’abandon scolaire très faible ». L’ILN relève les taux d’admission aux examens et concours –en 1ere ASB, de plusieurs années ainsi (données disponibles ) :
–1988-89 : 11,49% – – 1989-90 : 51,61 %- -1990-91 : 14,28%
-1991-92 :23,6% – -1995-96 : 61,90%.
Visiblement, efficacité nettement supérieure à celle du système en cours, hérité de la réforme désastreuse de 1999 , qui tourne autour de 8% , réforme à la base des maux de notre Ecole actuelle, complétement par terre…
En terme de coût financier l’expérience n’a pas coûté grand-chose, 481 .000.000um en tout et pour tout , en 19 ans, selon nos sources ; une misère !
Au regard de tout ce qui précède l’expérience apparaît, visiblement, comme un succès indiscutable. Malgré tout, elle est brutalement interrompue par l’autorité de tutelle en 1999 ; l’Institut est fermé pour être rattaché à l’Université, affecté aux disciplines des spécialités, délaissé à lui-même .
Qu’est-ce qui justifiait l’abandon d’une telle expérience à succès, à tout point de vue ? Quelles étaient les raisons véritables ou les motivations souterraines, ayant conduit à l’arrêt, arbitraire, sans explications de cette belle expérience qui n’avait que des avantages ?
Les inspirateurs et promoteurs de la réforme de 1999 qui arrêtèrent cette expérience nouvelle, prometteuse, proclamaient, mensongèrement, vouloir unifier un système à filière qui divise …Ils n’ignoraient pourtant pas que ce système à filière en vigueur était provisoire, et qu’il serait bientôt remplacé par celui issu de l’expérience de l’Institut en cours, dès qu’elle serait généralisée ! Ils feignaient d’ignorer que cette expérience nouvelle unirait, puisque nos enfants communiquaient déjà entre eux dans, au moins deux langues nationales !
En vérité les réformateurs nous cachaient leur jeu ou leur agenda, dissimulant une double motivation: Ils voulaient, d’une part, sauver les écoliers arabo-berbères naufragés de la filière arabe, engagés dans une impasse, sans débouchés internes ou externes et, d’autre part, surtout arrêter l’expérience de l’enseignement des langues nationales au taux de réussite fulgurant ;
Il fallait freiner cette tendance qui allait créer un réel équilibre pour la première fois dans le système éducatif , en rendant les chances de réussite identiques et égales pour tous .La crise identitaire existe, nous rappelait maître Taleb Khyar, en raison de plusieurs facteurs dont le plus important est l’Ecole républicaine{…} dans laquelle un enseignement suprémaciste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture , d’une race , d’une langue sur les autres est dispensé » ; restaurer cette suprématie d’une langue et d’une culture ‘’, c’était leur agenda secret .
Ces réformateurs partisans du statu-quo décrit, mus par un esprit cynique et machiavélique, décidèrent non seulement de freiner le projet, mais de tisser cette réforme de 1999 de telle sorte à assurer un échec collectif, certain, des écoliers non-arabes.
Ainsi, d’un côté ils levaient un écueil*** -retour du Français négligé dans la filière arabe-, de l’autre, ils multipliaient les écueils en imposant la langue arabe aux écoliers non arabes ; langue éclatée, de surcroît, en matières multiples affectées de coefficients accrus que rien objectivement ne justifie : l’histoire, la géographie, la philosophie, la langue, l’instruction civique, l’instruction religieuse sont dispensées en arabe.
D’où l’échec catastrophique, massif, persistant, observé ces 20 dernières années, consécutif au découragement de ces enfants non arabes désorientés, qui abandonnèrent et abandonnent encore massivement l’école ! Instrumentalisation manifeste de la langue arabe à des fins de domination et d’assimilation, ayant conduit au blanchissement**** méthodique, appliqué et continue de l’Administration, à partir des années 80 ; comme pour copier le Maghreb…
L’élite négro-africaine ne s’oppose pas à la langue arabe en tant que telle, mais à son instrumentalisation de plus en plus affirmée et assumée.
Par esprit de sabotage, par absence de volonté politique affirmée, à cause des résistances sourdes, il avait été mis fin, sans explications, à une expérience qui était une réussite et qui , de surcroît, ne coûtait pas tant que ça …
Faut-il reprendre l’expérience immédiatement ? Cela est-il possible ?
Oui, car les textes juridiques de base existent, les acteurs d’hier sont encore disponibles pour la plupart, le contexte politique et social , plus réceptif, le réclame avec force , aujourd’hui plus qu’hier ! Pour toutes ces raisons, il est bon de noter, d’ores et déjà, que toute réforme du ministère de l’enseignement fondamental à venir, qui ne tiendrait pas compte de – l’officialisation des langues – ferait fausse route pour reconduire les mêmes problèmes ,et risquerait , en conséquence , de faire objet d’un rejet massif…Des lobbies chauvins sont, de nouveau, à l’œuvre dans l’ombre, pour tout dévier, tentant une réédition du scénario de la circulaire 02 qui ne passera plus…
Nous Voulons Nos Langues !
Concluons pour dire que la problématique des langues n’existe pas que chez nous, mais partout ailleurs où coexistent des peuples aux habitudes mentales et mœurs différents ; Elle se pose parce qu’elle renvoie à cette notion ultra-sensible et irréductible que constitue l’identité; et parce que la langue – elle aussi – peut devenir un instrument idéologique puissant de domination et d’oppression …Que des pays comme la Belgique ,la Suisse , l’Afrique du Sud , entre autres, aient pu venir à bout de cette problématique devrait nous inspirer , nous inciter à plus d’optimisme et nous encourager enfin à essayer .
Nous réussirons à condition, toutefois, d’être mus par le seul désir de construire, une fois pour toutes, un système éducatif fonctionnel, efficient et juste, qui servirait l’égalité des chances, offrirait les mêmes opportunités à tous, et assurerait au peuple, dans toute sa diversité, développement, bien-être et harmonie.
27 Octobre -2020
Samba Thiam
Inspecteur de l’Enseignement Fondamental
Notes
* intermède ou anecdote à noter :
En 1987-88, au bout des 6 ans requis du Fondamental, la 1ere promotion devait passer le concours d’entrée en 6e année ; elle en est empêchée par décision du ministre, sans explications, et sans raison objective apparente.
Année perdue. 1988-89, ces élèves sont forcés de se reconvertir pour passer les examens, et composer obligatoirement en arabe ou en français pour toutes les épreuves, à l’exception de celle des mathématiques qui sera en langue nationale. (On imagine les énormes les difficultés auxquelles ces enfants ont dû faire face pour suivre un enseignement au secondaire dispensé en Français et en arabe ; malgré ce handicap, le taux de réussite sera de 11,49% ! )
Toutes les cohortes suivantes seront soumises cette reconversion subite, avec désormais des langues maternelles reléguées, tout juste, au rang de matière …). Et pourtant dans sa note de présentation le Décret no 81017/PG/MEN dit : ’’{ …} Ce système qui entrera en vigueur dans un délai maximum de six ans se fondera sur une officialisation de toutes nos langues nationales, la transcription en caractères latins et l’enseignement du pulaar , sooninke et wolof qui devront donner les mêmes débouchés que l’arabe’’ :
** Par classes traditionnelles il faut entendre le système à 2 filières (option arabe et option bilingue alors en vigueur ). L’option Arabe totalisait 20 h de français, et l’option bilingue 55h d’arabe. Le français n’est introduit qu’en 2e année dans les deux filières. Le choix de l’une ou l’autre langue est, de fait, ethnique.
*** Tous les maîtres et Prof d’arabe scientifiques furent relevés, recyclés, affectés à des tâches administratives ou reversés dans la diplomatie.
**** L’Armée -dans son corps de commandement- , l’Administration , les Ecoles spéciales ( L’Ecole des mines , de la magistrature , l’Ecole polytechnique , de médecine ,le Prytanée militaire , l’Ecole des officiers , d’Etat major, d’aéronavale, L’Eni de Nouakchott,) sont totalement blanchies. Un Système qui fait des Négro mauritaniens des ‘’citoyens’’ de seconde zone, quasiment invisibles dans les médias, sans pouvoir politique, sans pouvoir financier, sans pouvoir militaire, sans possibilité d’éducation… Une Unité nationale véritable ne saurait se construire de cette façon-là !