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Quel régime politique pour la Mauritanie de demain ? Par Moussa Hormat-Allah, Professeur d’université -Lauréat du Prix Chinguitt
Le Calame – Chapeau introductif D’emblée, un bref éclairage pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec les arcanes des systèmes politiques. La typologie des régimes politiques telle que théorisée, notamment par John Locke et Montesquieu, est appliquée dans la quasi-totalité des Etats de par le monde. Il s’agit de la classification des régimes en fonction de la répartition des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire.
Quand la séparation des pouvoirs est rigide, on parle de régime présidentiel. L’exemple type de ce modèle est le régime des Etats-Unis d’Amérique où les trois pouvoirs sont indépendants les uns des autres. Quand la séparation des pouvoirs est souple, on parle de collaboration des pouvoirs. On a alors un régime parlementaire. C’est le cas, en théorie, du régime français.
Enfin, quand il y a confusion des pouvoirs, on parle, notamment, de régime d’assemblée. Ce fut le cas en Russie (constitution 1918) et de la Suisse. Ces deux types de régime d’assemblée sont, cependant, très différents. Dans le cas suisse, il s’agit d’une sorte de démocratie directe, inspirée de l’agora de la Grèce antique, alors que dans le cas russe, il s’agit, au contraire, d’un système totalitaire.
Les régimes arabes n’obéissent à aucune de ces typologies. Ils ne sont, dans les faits, ni de type présidentiel, ni de type parlementaire et, encore moins, de type régime d’assemblée. Pour la plupart, ils sont soit autoritaires, soit totalitaires.
Leurs constitutions sont une pâle copie de celles des anciennes métropoles. Un mimétisme totalement inadapté aux réalités locales pour des raisons tant éthiques, culturelles, sociales qu’économiques. Ces régimes s’appuient, pour l’exercice du pouvoir, sur des lois fondamentales qui, au-delà des apparences et autres artifices de façade, permettent à un homme et à son clan de confisquer le pouvoir et s’accaparer les richesses d’un pays. De petits César, les couronnes de lauriers en moins, sans aucun véritable contrepoids pour refréner leur omnipotence et leur insatiable boulimie matérielle.
C’est dire qu’ils ne se soucient que de leur propre intérêt et de la préservation de leur pouvoir. La démission avilissante de la quasi-totalité des chefs d’Etat arabes devant les massacres effroyables perpétrés par les sionistes à Gaza en est la triste et pitoyable illustration.
Pour sortir de ce cercle vicieux qui obère la vie démocratique dans les pays arabes, on devra, en Mauritanie, élaborer une nouvelle constitution pour assurer de façon pérenne son développement et sa stabilité politique.
Est-il nécessaire de rappeler ici que la conjugaison de plusieurs facteurs, économiques, démographiques, culturels, politiques, sociaux, sociologiques et sociétaux, a radicalement bouleversé la scène politique nationale. C’est pourquoi il serait illusoire de vouloir continuer à gérer le pays avec un logiciel qui date du milieu du siècle dernier. Sauf à vouloir arrêter la marche inexorable du temps.
C’est dire qu’il est urgent de refréner les velléités néfastes des tenants du statu quo, des thuriféraires de tout poil et autres extrémistes qui ne voient ou ne veulent voir que la partie émergée de l’iceberg : Le confort du moment.
Pour désamorcer toutes ces bombes à retardement qui menacent, à terme, l’avenir et le devenir du pays, on devra, le moment venu, penser à l’élaboration d’une nouvelle constitution qui actera la naissance de la 3ème république. Il ne s’agira pas d’une révision, d’une réforme ou d’une modification de la constitution mais d’une refonte totale de l’actuelle Loi fondamentale.
En Mauritanie, on a déjà connu deux républiques : la première république (1960-1978), la deuxième république (1978-2029) au cas où l’actuel président est élu pour un second mandat. Si l’initiative proposée est retenue, la nouvelle constitution entrera alors en vigueur en 2029.
Un nouveau projet de société
Rien de durable ne peut être bâti sans fondation. Cette vérité élémentaire vaut, naturellement, pour la stabilité et la pérennité de l’Etat et de ses institutions.
Dans cette optique et au-delà du confort passager du moment, il devient urgent de bâtir un nouveau projet de société sur la base d’une répartition constitutionnelle du pouvoir entre les différentes composantes nationales. Une répartition juste, avec, comme corollaire, une redistribution plus équitable de la richesse du pays entre tous ses habitants.
Pas de méprise. Au-delà du discours hypocrite des professionnels du boniment et autres thuriféraires, il faut se rendre à une évidence : Pour peu qu’on se place dans une optique prospective, tout analyste averti conviendrait que la préservation de l’unité nationale, de la paix civile et sociale, voire de la pérennité de l’Etat lui-même, est à ce prix. L’avènement de la troisième république pourra, peut-être, constituer le salut tant attendu.
Dans une optique prospective, le modèle politique qui sous-tend cette troisième république est une synthèse entre l’Etat unitaire, une décentralisation poussée et, si les circonstances l’exigent, un certain type de fédéralisme.
Sans s’attarder sur les détails, passons en revue les principaux axes de cette nouvelle constitution. Une fois opérées, ces modifications constitueront un changement radical et une bouffée d’air frais dans la vie politique nationale. Cela concernera, notamment, un nouveau mode d’élection du président de la république, un retour au bicaméralisme avec le changement également du mode d’élection des membres de la haute chambre (Sénat), la bipolarisation de la vie politique nationale, et la création de 5 grandes régions autonomes en lieu et place des 12 actuelles. Tout en conservant, à part, Nouakchott, érigé en district…
Les régions autonomes
Dans cette optique, on pourra opérer un nouveau découpage territorial qui sera sous tendu par un objectif politique : une répartition plus hétérogène des populations. Les repères identitaires et géographiques disparaîtront avec le temps pour laisser place à de nouvelles grandes régions, plus viables économiquement.
En lieu et place de la douzaine de régions actuelles, nous aurons ainsi 5 grandes régions et un district : Nouakchott.
1. Région autonome Nord : Tiris Zemour, Adrar;
2. Région autonome Centre : Brakna, Tagant;
3. Région autonome Sud : Assaba, Gorgol, Guidimakha;
4. Région autonome Est : Hodh Chargui, Hodh el Gharbi;
5. Région autonome Ouest : Dakhlet Nouadhibou, Inchiri, Trarza;
District : Nouakchott.
Ces régions devront être dotées de nouvelles prérogatives pour les impliquer davantage dans la gestion des affaires locales. De même que des budgets régionaux conséquents.
Les budgets des régions autonomes pourront faire l’objet, le cas échéant, d’une étude séparée. Mais on peut dire, d’ores et déjà, que l’Etat central n’aura plus à gérer ces budgets. Son rôle se limitera à la conception des projets, au suivi et au contrôle. Les élus locaux prendront en main la gestion de leurs propres affaires.
On ne pourra plus invoquer, à décharge, le brouillard de la bureaucratie à Nouakchott, les détournements de fonds ou les pots de vin lors de la passation des marchés, notamment régionaux.
Avec des budgets conséquents (quelques centaines de milliards d’ouguiyas/MRO), les régions deviendront de nouveaux pôles économiques, notamment par la création d’emplois locaux, ce qui contribuera grandement à fixer les populations sur place et mettra fin à l’exode vers Nouakchott et les grandes villes du pays. On prendra alors conscience en Mauritanie, comme du reste dans tous les pays en développement, que le problème structurel demeure la répartition non équitable de la richesse nationale.
Les régions autonomes devront être dotées des infrastructures vitales : hôpitaux, universités, aéroports, caisses assurance maladie, etc.
Par ailleurs, chaque région autonome devra être dotée d’une cour de justice régionale qui coiffe les tribunaux départementaux. Les recours se feront au plan national auprès de la cour suprême. Les régions autonomes pourront se doter d’une police régionale qui viendrait épauler la police nationale, etc.
En matière d’administration territoriale, la tendance actuelle, de par le monde, consiste à desserrer l’étau du pouvoir central sur les entités régionales. Le monde est en mutation continue. Les collectivités locales ont une propension, de plus en plus affichée, pour s’émanciper de cette tutelle envahissante de l’État central. C’est pourquoi, on assiste, un peu partout, à des expériences de décentralisation poussée, qui sont le prélude à une future autonomie interne.
Ce schéma de régions autonomes est une formule entre une décentralisation poussée et une autonomie interne. Mais dans le cas d’espèce, il s’agira d’une autonomie interne dirigée, toujours dans le cadre de l’Etat unitaire.
Les instances des régions autonomes
Dans chacune de ces entités, le législatif local sera constitué par une Assemblée régionale, élue au suffrage universel. Pour sa part, l’exécutif local sera constitué par un Conseil exécutif et son président, tous désignés par l’Assemblée régionale. Les prérogatives, compétences et attributions des deux organes législatif et exécutif régionaux seront fixées par l’Etat. Les conseils municipaux resteront en place dans leur forme actuelle.
Les 5 régions autonomes et le district de Nouakchott conserveront des walis qui représentent l’Etat. Ils seront assistés dans chacune des anciennes régions par un wali-adjoint. Le wali de chaque région autonome sera nommé par le président de la République sur proposition du Conseil exécutif régional. Celui-ci proposera au chef de l’Etat trois noms parmi lesquels il en choisira un. Sur le plan protocolaire, le président de l’exécutif régional devra avoir la prééminence sur le wali et ce pour montrer l’importance qu’on accorde aux nouvelles régions autonomes.
L’Etat déterminera le champ des attributions respectives des instances des régions autonomes et des agents d’autorité (wali, walis-adjoints, hakems…). Ces instances des régions autonomes auront ainsi des compétences propres et des compétences partagées qui demanderont le contreseing du wali.
Le ministre de tutelle, en l’occurrence, le ministre de l’Intérieur, pourra annuler toute décision des régions autonomes qui, de l’avis du pouvoir central, ne seraient pas en accord avec la loi ou l’intérêt national. Les intéressés pourront, toutefois, contester le bien-fondé de cette décision en demandant l’arbitrage du chef de l’Etat.
Les membres des deux organes régionaux (exécutif et législatif) devront avoir une indemnité de fonction conséquente. Le président de l’Assemblée régionale et le président du Conseil exécutif devront, pour leur part, avoir des émoluments et des avantages similaires à ceux des ministres.
Servir son pays est, déjà, un objectif fort louable mais ceux qui sont à la manœuvre devront être placés dans des conditions matérielles convenables.
La création de régions autonomes, telle qu’esquissée plus haut, constituera, sans doute, une nouvelle donne stratégique sur l’échiquier politique national. Elle provoquera aussi, probablement, un engouement sans précédent et une émulation entre les différents acteurs politiques car tous les regards seront braqués vers ce nouveau et important centre d’intérêt. Ce qui, naturellement, atténuera la tension au niveau national.
A SUIVRE :
*Le président de la République, au terme du prochain mandat, devra, à l’avenir, être élu au suffrage universel indirect par un collège de grands électeurs. Cette disposition constitutionnelle est destinée à contrer de réelles et dangereuses velléités politiques sous-jacentes que beaucoup de gens n’entrevoient pas pour le moment.
*Pourquoi un retour au bicaméralisme et pourquoi les sénateurs devront-ils être élus au niveau de chaque région autonome ?
*Bipolarisation de la vie politique nationale. Le nombre des partis politiques devra être ramené, constitutionnellement à une dizaine sur la base de sensibilité commune et de projet de société. Ce regroupement des partis politiques (libéraux et conservateurs) devra se faire dans un cadre idéologique précis :
-socialiste
– libéral
– islamique
– nationaliste
– écologique
. Autres dispositions constitutionnelles
NB. Ci-joint carte des régions autonomes.
Découpage territorial proposé
le calame
Quel régime politique pour la Mauritanie de demain ? Suite et fin de l’article publié dans Le Calame du 14 février 2024/Par Moussa Hormat-Allah*
Le Calame – Je ne dévoilerai pas ici les raisons politiques qui, à mon avis, sous-tendent l’élection du président de la République au suffrage universel indirect. Il s’agit d’un sujet sensible qui ne doit pas être abordé dans les colonnes de la presse. En règle générale, ce genre de réflexions doit être communiqué de vive voix à qui de droit.
Toutefois, je reste convaincu, dans une optique prospective, que la condition sine qua non pour la préservation de la paix civile et sociale, la stabilité politique, voire la pérennité de l’Etat lui-même et de ses institutions est l’avènement d’une nouvelle république qui soit en phase avec les multiples bouleversements que connaît le monde. De quoi s’agit-il?
Avec l’avènement de la 3e république, le président sera, à l’avenir, élu par un collège électoral, composé de grands électeurs. Comme c’est le cas aux Etat-Unis d’Amérique ou, naguère, en France, au début de la Ve république.
En optant pour ce nouveau mode d’élection, le président sera toujours élu au suffrage universel, mais un suffrage universel indirect. Il sera élu par l’ensemble des élus nationaux. Ce collège de grands électeurs sera composé des parlementaires (députés et sénateurs), des 219 maires et des quelques milliers de conseillers municipaux et régionaux.
Le président sera assisté par un vice-président qu’il aura choisi et avec lequel, il aura formé un ticket lors de l’élection. Ce couple à la tête de l’exécutif fait penser au régime américain. Mais à la différence de celui-ci, il n’y aura pas d’États fédérés et encore moins d’Etat fédéral. Dans l’éventuel cas mauritanien, il s’agira de régions autonomes dans le cadre d’un Etat unitaire. Cependant, on peut dire, néanmoins, que ce système constitutionnel est une variante du régime américain avec certaines spécificités.
Pouvoir et contre-pouvoirs
Dans la formule que nous proposons, le président sera élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Le vice-président n’aura pas de pouvoirs propres. Son rôle essentiel est de remplacer le président en cas de vacance du pouvoir.
Le président qui est le véritable détenteur du pouvoir exécutif peut l’associer à la gestion des affaires comme il peut le tenir à l’écart. Toutefois, fort de la légitimité de son élection (ticket), il ne pourra pas être démis de ses fonctions.
Dans la nouvelle constitution, le poste de premier ministre sera supprimé. De même que la responsabilité politique du gouvernement (ou plus exactement du Cabinet). Les ministres seront des collaborateurs du président. Au nombre d’une quinzaine tout au plus, ils seront assistés par des agences spécialisées. En retour, le droit de dissolution de l’Assemblée nationale sera, lui aussi, supprimé. Suppression également du Conseil constitutionnel. Son rôle d’arbitre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sera dévolu à la cour suprême.
Dans le schéma proposé, nous aurons ainsi trois pouvoirs indépendants les uns des autres. Chacun de ces pouvoirs aura un champ d’action propre et aucun ne pourra empiéter sur le domaine de l’autre.
Le parlement (Assemblée nationale et Sénat) vote la loi et aura la haute main sur le budget. En détenant ainsi les cordons de la bourse, le parlement pourra influer dans le sens voulu sur la politique intérieure ou extérieure du pays.
Le parlement pourra ainsi bloquer certaines initiatives du chef de l’Etat. Fort de ses prérogatives constitutionnelles, il pourra aussi créer des commissions d’enquête… Par ailleurs, l’aval du Sénat sera obligatoire pour la nomination par le président aux hautes fonctions de l’Etat. Walis, ambassadeurs, etc.
Le pouvoir judiciaire
Le pouvoir judiciaire est réputé être la clé de voûte et le fondement de tout régime politique digne de ce nom. Malheureusement, le pouvoir judiciaire reste en Mauritanie, comme du reste dans tous les pays en développement, inféodé à l’exécutif. Car le Conseil supérieur de la magistrature avec ses deux formations (magistrats du siège et magistrats du parquet) est présidé par le président de la République.
Ce conseil jouit donc d’une indépendance toute théorique car la carrière des magistrats est gérée par l’exécutif. Pour que le pouvoir judiciaire retrouve le lustre, l’efficacité et l’autonomie qui doivent consacrer son indépendance, il faut couper le cordon ombilical qui le relie, dans la pratique, avec le pouvoir exécutif. Les citoyens, les opérateurs économiques nationaux, et, surtout, les investisseurs étrangers appellent de leurs vœux ce changement.
Beaucoup de ces investisseurs, notamment arabes et occidentaux, se sont souvent montrés timorés pour investir en Mauritanie en raison, précisément, de problèmes de justice. Une justice indépendante est la condition sine qua non de tout développement économique et social. D’où l’impérieuse nécessité d’une réorganisation radicale de notre pouvoir judiciaire.
La cour suprême, qui sera érigée en entité constitutionnelle, sera composée de 9 juges nommés par le président de la République avec confirmation de ces nominations par le sénat et ce pour une durée de 9 ans. Avec une présidence tournante.
Le statut pénal du président de la république
La notion de haute trahison (art. 93), “empruntée” à la Constitution française, a soulevé des difficultés d’interprétation. Les jurisconsultes se sont affrontés sur le sujet à coups d’arguments et de contre-arguments. En effet, cette formulation est vague et peut devenir un fourre-tout. Or, le statut pénal du chef de l’Etat doit être précisé avec des contours bien déterminés.
En France, on s’est aperçu avec le temps, de cette ambiguïté et des conséquences qu’elle pourrait engendrer. C’est pourquoi le législateur français, dans une loi constitutionnelle (23 février 2007) a clarifié le statut pénal du président de la République. Le crime de haute trahison a été supprimé et remplacé par une procédure de destitution (art. 68) en cas de “manquement aux devoirs du chef de l’Etat manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat”.
“Parmi les circonstances susceptibles de déclencher la mise en œuvre de cette procédure, on trouve:
* Le meurtre ou autre crime grave;
* Les comportements contraires à la dignité de la fonction;
* L’utilisation manifestement abusive des pouvoirs présidentiels aboutissant au blocage des institutions…”
En France, la procédure de destitution peut être déclenchée par l’Assemblée nationale ou le sénat.
“C’est le parlement réuni au complet en Haute Cour qui peut prononcer la destitution du président par un vote à la majorité des deux tiers. Cette Haute Cour est présidée par le président de l’Assemblée nationale. Elle statue à bulletins secrets. La Haute Cour ne statue pas sur la culpabilité pénale du président mais sur sa légitimité politique à poursuivre ses fonctions. La décision de destituer le président est d’effet immédiat.”
Pour sortir de cette ambiguïté de l’article 93, on pourra s’inspirer du cas français cité plus haut.
Vaincre le statu quo
Les tenants du statu quo pourront soutenir qu’avec un tel système, on pourra craindre un blocage des institutions dans un pays où la démocratie n’est pas encore bien ancrée. Pourtant, pour peu qu’on regarde dans le rétroviseur, on s’apercevra que la Mauritanie s’est adaptée au système du parti unique malgré un nationalisme diffus sur fond de diversité et de tensions tribales, régionales et ethniques.
Par la suite, la constitution de 1991 a ouvert la voie à une multitude de partis politiques, souvent sans aucune assise populaire. Là aussi, les mauritaniens se sont adaptés à cette nouvelle expérience politique.
La démocratie est un long apprentissage. Au début, les balbutiements et les écueils sont inévitables. Le plus important est de tracer un cap et de se maintenir dans la durée. Un peu comme une graine qu’on sème qui devient une pousse puis un arbre chargé de fruits.
Pas de méprise. On ne pourra pas à force de réformes cosmétiques et autres mesures éculées, changer le destin du pays.. Albert Einstein disait: “On ne vient pas à bout des problèmes avec les moyens qui les ont causés”. Pour peu qu’on se libère des pesanteurs du passé, on peut dire que le terreau politique est plutôt propice à cette nouvelle et salutaire expérience démocratique. En Mauritanie, les mentalités ont beaucoup évolué et les contraintes de la vie quotidienne ont obligé les gens à prendre conscience que leur avenir sur les plans politique, économique et social est lié à l’Etat. Le téléphone portable, les réseaux sociaux, les télévisions satellitaires présents dans la quasi-totalité des foyers, ont bouleversé les mœurs de naguère. D’autant que les mauritaniens sont, par nature, fortement politisés. C’est dire qu’on ne peut pas continuer à faire du sur-place avec des institutions surannées. Permettant ainsi à des générations d’oligarques civils et militaires, pour la plupart véreux, de confisquer, à leur profit, le pouvoir.
Le temps est venu pour une régénération de la vie politique nationale. Le terreau politique est à présent plutôt propice à cette nouvelle et salutaire expérience politique. Le couronnement de ce processus démocratique pourra être l’instauration de la bipolarisation de la vie politique. Ce qui, in fine, pourra permettre l’alternance au pouvoir.
Pour cela le nombre des partis politiques devra être ramené, constitutionnellement, à une dizaine sur la base de sensibilité commune et de projet de société. Le regroupement des partis politiques en fonction des affinités, en deux ou trois blocs, pourra donner naissance à des coalitions aussi bien au niveau du parlement qu’au niveau des régions autonomes.
Ce chamboulement des institutions nationales pourrait, à première vue, paraître compliqué à mettre en place. Mais si l’intérêt national le commande, on n’a plus le choix. Sénèque disait: “Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles”.
Avant de terminer, une remarque: Les développements qui précèdent ne sont pas une panacée. Le but recherché est d’ouvrir le débat sur l’avenir politique et institutionnel du pays. On pourra apporter à ce travail des modifications, des ajustements ou des réajustements.
Enfin, un constat: Avec l’avènement de la 3e république, deux présidents pourront, à jamais, passer à la postérité: L’un pour avoir obtenu, dans un contexte et des circonstances particulièrement difficiles l’indépendance du pays, l’autre pour y avoir instauré une démocratie véritable.
* Lauréat du Prix Chinguitt
le calame