Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Ambassade de France en Mauritanie        Nouakchott, le 22 Août 1962N° 111 – SECRET

Ambassade de France en Mauritanie        Nouakchott, le 22 Août 1962N° 111 – SECRETLe chargé d’affaires de France a.i. à Monsieur le Ministre des Affaires Etrangèresa/s : Révision de la Constitution Mauritanienne  J’ai l’honneur de faire tenir sous ce pli au Département, à titre documentaire, un projet de révision de la Constitution Mauritanienne présenté sous la forme fédérative par un groupe de Noirs influents et qui délimite pour la première fois sur la carte, d’un manière précise, les zônes d’influence des deux ethnies, Maure et Noire. Ce projet, déjà ancien (sa rédaction remonte à la deuxième semaine de Juin), a été adressé au Secrétaire Général du Parti du Peuple, Maître Moktar Ould Daddah. Bien entendu, à la suite de la réunion du Bureau Politique National du PPM toute idée de fédération semble avoir été écartée. Cependant il n’est pas exclu que la commission chargée par le Bureau National d’étudier la révision de la Constitution ne s’inspire de ce texte, notamment en ce qui concerne l’institution d’une charge de Vice-Président de la République. Gaston BOYER (liassé avec la précédente note, deux pages sans autre identification que : cl. Nouvelle Constitution, synthèse du 22 Sept.) Une autre question, plus grave, aurait été posée, pense-t-on, par la minorité des ministres noirs ; ces derniers auraient demandé expressément la désignation de la commission chargée d’examiner le projet d’une nouvelle constitution. On se souvient que le Bureau Politique National du Parti du Peuple avait réclamé cette désignation en juillet dernier. Il apparaît que si le Président semble maintenant acquis au principe de la nomination d’un vice-président d’une autre ethnie, il serait hésitant sur les attributions de ce dernier. La question est déjà posée : ce personnage aura-t-il un rôle uniquement représentatif ou, au contraire, selon le vœu des noirs, aura-t-il le droit de veto dans les décisions gouvernementales ? On prête au Chef de l’Etat l’intention de faire rédiger un projet de révision de la constitution qui, tout en tenant compte des revendications de l’ethnie noire, ferait en sorte de préserver l’unité de la Mauritanie et éviterait d’employer les mots de « Province du Nord » et de « Province du Sud » auxquels les leaders du fleuve tiennent beaucoup. Mais nous assistons également, à cette occasion, à l’entrée sur la scène politique de députés qui voient dans un tel débat le moyen de se mettre en vedette et de jouer les médiateurs. Un troisième projet serait élaboré par ces « coming men » et verrait le jour très prochainement, sous la forme d’une synthèse des positions des deux parties qui, pensent ces promoteurs, permettrait de sauvergarder l’unité du pays. Ces parlementaires en profiteraient pour apporter au régime présidentiel quelques amendements : droit, par exemple, pour le Président de l’Assemblée Nationale de convoquer l’Assemblée ou de soulever devant la Cour Suprême l’illégalité sur le plan juridique d’un décret pris par le Gouvernement. Le Président Hamoud Ould Ahmedou, qui veut bien jouer le rôle d’arbitre dans le conflit qui oppose les deux ethnies, ne serait pas fâché de voir la constitution évoluer dans ce sens. Quant à M. Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf, ex-ministre de la Justice, animé par la sourde rancœur qu’il nourrit contre le Président de la République, il se penche avec ardeur lui aussi sur un projet de constitution de sa façon dont on ignore encore le contenu. PROPOSITION  DE  PROJET DE  REVISIONDE  LA  CONSTITUTION SECRET- PREAMBULE – Confiant dans toute la patience de Dieu, le peuple mauritanien réparti entre deux provinces habitées par des ethnies maures et noires tous musulmans, proclame sa volonté de s’unir pour sauvegarder l’intégrité de son territoire et de faire respecter les garanties intangibles : – des libertés politiques ;- des libertés syndicales ;- des droits et libertés de la personne humaine, de la famille et des collectivités locales ;- des libertés philosophiques et religieuses ;- du droit de propriété individuelle et collective ;- des droits économiques et sociaux ;- des droits des provinces fédérées. Le peuple mauritanien proclame solennellement son Indépendance et son attachement aux droits fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la déclaration des droits de l’homme et de citoyen de 1789 et dans la déclaration Universelle du 10 décembre 1848 (sic : il faut lire 1948) NOUVEAUX ARTICLES TITRE PREMIER ARTICLE 1er – La République Islamique de Mauritanie est un Etat fédéral, républicain, démocratique et social, composé de deux Provinces définies par leurs structures ethniques et géographiques :- La Province du Sud comprenant :La subdivision de ROSSO, la subdivision de BOGHE, le cercle du GORGOL, la subdivision de M’BOUT, la subdivision de KANKOSSA et le cercle du GUIDIMAKA.- la province du Nord comprenant : Les cercles de la Baie du LEVRIER, de l’ADRAR, du TIRIS-ZEMMOUR, de l’INCHIRI, les subdivisions de NOUAKCHOTT BOUTILIMIT, MEDERDRA, ALEG, le cercle du TAGANT, la subdivision de KIFFA et les cercles des HODH Occidental et Oriental. ARTICLE 2 : Ces deux Provinces, dans une coexistence librement consentie, mettent en commun leurs ressources et leurs efforts pour former l’Etat fédéral de la République Islamique de Mauritanie. ARTICLE 3 : La religion du peuple mauritanien est la religion musulmane.La République garantit à chacun la liberté de conscience et le droit de pratiquer sa religion, sous les réserves imposées par la moralité et l’ordre public. ARTICLE 4 : Les langues nationales sont les dialectes locaux Hassaniya, Poular, Soninke, Oualoff, et Bambara, la langue officielle est le Français. ARTICLE 5 :   L’emblème national est un drapeau portant un croissant et une étoile d’or sur fond vert, assorti d’un rectangle blanc frappé de deux petites étoiles rouges, placé à l’angle supérieur droit.Le sceau et l’Hymne national sont fixés par la loi. ARTICLE 6 : La devise de la République est : Union Fraternité Justice. ARTICLE 7 : La souveraineté nationale appartient au peuple de l’Etat et au peuple des Provinces qui l’exercent par leurs représentants. Les peuples des Provinces peuvent en outre l’exercer par la voie du référendum.Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté – – – – TITRE  2  – DE  LA  COMPETENCE  DE  L’ETAT ARTICLE – Le domaine de la compétence de l’Etat comprend : – la politique étrangère et les relations extérieures,– la défense et la sécurité extérieure,– la monnaie,– la politique sociale, économique et financière commune,– la politique générale du crédit,– les matières premières stratégiques et le régime des substances minérales,– la justice civile, pénale, administrative et le contrôle de la justice coutumière– l’enseignement supérieur et la recherche scientifique,– l’information et la documentation de l’Etat,– les transports extérieurs et d’intérêt étatique,– les postes et télécommunications,– le droit civil à l’exclusion du droit coutumier et musulman,– le droit commercial,– le régime commercial entre les provinces,– le commerce extérieur,– le droit pénal sous réserve du pouvoir reconnu aux Provinces d’assortir leur législation et règlementation des peines correctionnelles et de simples polices conformément à l’échelle des peines établies par la loi d’Etat,– le régime des libertés publiques et les dispositions assurant le respect des droits et des libertés ainsi que des droits civiques,– le droit social,– le droit du travail,– le droit de la Fonction publique– la comptabilité publique,– la fixation de l’assiette des impôts proportionnels sur le revenu, ainsi que la fixation de l’assiette et des taux des droits de douane et des droits fiscaux à l’importation et des taxes indirectes. Exceptionnellement, des lois organiques de l’Etat déterminent les conditions et les limites dans lesquelles certaines des compétences énumérées ci-dessus pourront être exercées pour un temps déterminé par les Provinces pour le compte de l’Etat. ARTICLE – Les Provinces ont compétence en toutes matières non réservées à l’Etat par l’article précédent. ARTICLE – Tout transfert de compétences des Provinces à l’Etat fédéral est décidé par un vote conforme des assemblées provinciales et de l’Assemblée Nationale.Sur décision conforme de l’Etat et des Provinces, certains services relevant de la compétence des provinces dont le fonctionnement à l’échelle de l’Etat serait plus conforme à l’intérêt général, pourront être créés et organisés ou coordonnés par les autorités de l’Etat. ARTICLE – Les institutions de l’Etat Fédéral sont : – le Président de la République,– le Vice-Président de la République,– l’Assemblée Nationale,– l’autorité judiciaire. – – – – TITRE  3  – DU  PRESIDENT  ET  DU  VICE-PRESIDENT  DE  LA REPUBLIQUE  ARTICLE – Les fonctions de Président et de Vice-Président de la République doivent être exercéees par des citoyens mauritaniens âgés d’au moins 35 ans et appartenant à cdes ethnies différentes.Ils sont élus pour cinq ans. ARTICLE – Le Vice-Président est investi par un Congrès de la Province dont il est originaire. Ce congrès est composé des membres de l’Assemblée Provinciale et des membres des Conseils municipaux de cette province. ARTICLE – L’investiture du Vice-Président de la République sera entérinée par une élection au suffrage universel direct à l’échelon de la Nation. ARTICLE – L’investiture et l’élection du Vice-Président de la République auront lieu au plus tard 30 jours après la validation des élections du Président de la République. ARTICLE – Le Vice-Président de la République au même titre que le Président de la République est gardien de la constitution, garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité territoriale. ARTICLE – La charge de Vice-Président de la République est incompatible avec l’exercice de toute fonction publique (ou) privée. ARTICLE – Le Vice-Président est rééligible. ARTICLE – Avant son entrée en fonctions, le Vice-Président de la République prête devant l’Assemblée Nationale le serment suivant :« Je jure devant Dieu l’Unique, de servir loyalement la République Islamique de Mauritanie, les intérêts du peuple mauritanien, de respecter la Constitution, de sauvegarder l’intégrité du territoire ». ARTICLE – Le Vice-Président de la République assiste le Président de la République dans le choix des Ministres et participe à la répartitition des portefeuilles ministériels. ARTICLE – Le Vice-Président de la République assiste de droit aux Conseils des Ministres et contresigne tous les actes du Président de la République, engageant la politique intérieure et extérieure de l’Etat. ARTICLE – En cas d’empêchement ou d’absence du Président de la République, le Vice-Président de la République remplace celui-ci de droit. ARTICLE – Le Vice-Président exerce un droit de veto sur tous actes pouvant compromettre l’orientation politique, économique, sociale et culturelle des Provinces. ARTICLE – L’Assemblée Nationale et l’Assemblée de la Province (incriminée) connaissent en dernier ressort les litiges ayant fait l’objet du veto. – – -À Monsieur le Secrétaire Général                                                                           du Parti du Peuple àNOUAKCHOTT Monsieur le Secrétaire Général, Cher Camarade, Au cours du congrès consstitutif du Parti du Peuple, les originaires de la vallée du fleuve à l’unanimité de leurs participants s’étaient émus de la façon dont se sont déroulés les évènements et de la prise de position de certains délégués bidanes à l’égard des problèmes primordiaux de la nation. Ce comportement que nous ne pensons point utile de retracer dans cette lettre, nous avait déterminés à demandfer de prévoir dans nos institutions des clauses de sauvegarde pour une minorité qui pourrait par le jeu de la démocratie être entraînée dans une voie périlleuse. Vous-même au cours d’une audience que vous avez bien voulu nous accorder, avez reconnu le bien-fondé de nos préoccupations. Nous savons que la question est à l’étude par la commission du bureau politique. C’est pourquoi nous croyons utile de vous transmettre par écrit nos suggestions que nous vous faisons parvenir par ce pli. Signé :Pour les membres participantsLa Commission chargée de rédaction MOKHTAR  TOURE                           YOUSSOUF  TANDIASY OUMAR HAMADY                        GANDEGA  GAYEB  MAHMOUD  **      * Rappels sur le congrès de l’Unité Extrait du compte-rendu hebdomadaire n° 117 (semaine du 24 au 31 Décembre 1961) établi par l’ambassade de France – SECRET n° 264 – voir Le Calame du 30 Avril 2013 Le débat sur le rapport de la Commission culturelle devait cristalliser les oppositions. En effet, les Maures, traditionnalistes et modernistes, ayant demandé que la langue arabe soit reconnue comme langue officielle, les Noirs du Fleuve ont commencé par protester, puis par recommander par réaction la monogamie et la suppression effective du servage. Enfin, le ton ayant monté, ils ont décidé de saboter systématiquement le Congrès et demandé à former un état distinct au sein d’une République Mauritanienne devenue fédérale. Aucun accord n’étant intervenu, ils ont d’ailleurs fini par quitter la séance et une délégation d’une vingtaine de députés du Fleuve, conduite par les Ministres des Finances et de l’Economie Rurale, s’est rendue chez le Président pour solliciter son arbitrage. Le Congrès de l’Unité qui ne devait durer que quelques jours continue donc de siéger et, si les débats ont pris un tour assez particuler, il serait cependant prématuré de conclure déjà à un échec. En effet, il convient de tenir compte du caractère mauritanien dont les outrances verbales ne sont jamais définitives et aussi de l’habileté politique du Président MOKTAR qui a su jusqu’à présent concilier toutes les tendances de l’opinion. Adressant à Paris le texte des motions adoptées par le Congrès de l’Unité : dépêche n° 008 du 17 Janvier 1962 – confidentiel – l’Ambassade indique que la motion de la Commission des Affaires Sociales et Culturelles, qui avait soulevé de vives politiques, n’a pas été publiée.  **      * Le président Moktar Ould Daddah écrit dans ses mémoires La Mauritanie contre vents et marées (Karthala. Octobre 2003. Disponible en arabe et en français 669 pages) Le Congrès se déroula dans une atmosphère tendue, surtout à cause du problème de l’officialisation de la langue arabe. En effet, d’un côté, les arabisants, maures dans leur écrasante majorité, voulaient l’officialisation immédiate et l’application, aussitôt, de cette mesure. Quant aux francisants, noirs surtout, ils ne voulaient pas même l’entendre évoquer. C’est ainsi qu’on commença de parler communément de « problème culturel ». Dans la Mauritanie indépendante, “problème culturel” est synonyme de généralisation de l’enseignement de la langue arabe dans les établissements publics.  (p. 294) . . . l’hostilité des cadres francisants du sud à l’enseignement de l’arabe n’est absolument pas partagée par l’écrasante majorité de la population restée entièrement attachée à l’arabe, langue du Coran. C’est la raison pour laquelle je suis convaincu que si une consultation populaire était organisée sur cette question dans la Vallée, l’écrasante majorité se prononcerait en faveur de cet enseignement.De mon point de vue, l’hostilité en question a deux raisons principales – L’une qui est avouée : elle est d’ordre culturel. En effet, ces compatriotes du sud, francisants, affirmaient ne pas vouloir être arabisés, assimilés culturellement par leurs compatriotes hassanophones. Cette raison, la seule qui fût constamment avancée, n’était pas la plus importante pour ceux qui l’avançaient.L’autre raison, la principale à mes yeux, était d’ordre économique et social, bien qu’elle ne fût pas présentée comme telle par les intéressés. En effet, du fait du retard de la scolarisation – en français – en Mauritanie hassanophone par rapport à la Vallée durant la période coloniale, l’administration française était obligée de recruter le plus grand nombre de ses fonctionnaires et agents locaux dans le Sud Mauritanien lequel, du reste, ne lui fournissait pas tous ceux dont elle avait besoin, raison pour laquelle elle complétait ses recrutements au Sénégal, au Soudan, au Dahomey, etc. Résultat : au moment de l’accession à l’indépendance, la majorité des agents mauritaniens de l’administration étaient originaires du sud du pays alors que les hassanophones, entre temps scolarisés en nombre de plus en plus grand, arrivaient sur le principal marché du travail du pays : l’administration, et donc, par la force des choses, y concurrençait leurs compatriotes du sud. D’où les craintes compréhensibles, de ces derniers, de perdre à terme, leur gagne pain, à savoir les emplois de la Fonction Publique. Lesquels, en plus de leurs apports financiers, conféraient – et  confèrent toujours – des positions sociales enviables en elles-mêmes tout en étant souvent un tremplin pour l’action politique. Ces craintes allaient se révèler d’autant plus compréhensibles, du moins en partie, que la Mauritanie indépendante devait nécessairement se repersonnaliser culturellement, c’est-à-dire ressusciter son héritage culturel islamo-arabe considérablement étouffé par la colonisation, tout comme, du reste, son héritage culturel spécifiquement africain qui devait, lui aussi, être ressuscité. Et, comme l’héritage culturel islamo-arabe a pour véhicule la langue arabe dont la puissance coloniale avait progressivement négligé l’enseignement dans les médersah, après y avoir été obligatoire au même titre que le français, où il n’était plus que facultatif au moment de la Loi-Cadre, il fallait, pour les premières autorités nationales le reprendre, le développer et le généraliser l’enseignement de la langue arabe. Ce qui nécessitait le recrutement, le plus souvent par concours, de nombreux enseignants d’arabe. Or, les arabisants étaient plus nombreux dans la partie hassanophone du pays. De ce fait, la plus grande partie des emplois nouveaux était enlevée par les Maures. La même situation se retrouvait dans le secteur de la Justice, mais pour un nombre infiniment plus réduit de postes.D’où la hantise des cadres francophones du sud d’être submergés sur leur propre terrain, par les Maures francisants ayant les mêmes qualifications techniques qu’eux et qui les concurrençaient de plus en plus sérieusement. (pp. 296-297)                La préparation du 1er Congrès ordinaire du P.P.M fut des plus difficiles. En effet, malgré les efforts considérables des membres de la Commission qu’il désigna “ pour étudier les questions laissées en suspens par le Congrès de l’unité ”, le B.P.N. ne put, durant l’année 1962, dégager une solution à soumettre au Congrès. La pierre d’achoppement  des discussions fut le problème de l’officialisation de la langue arabe car les compatriotes du Sud soulevèrent à nouveau la question des garanties et notamment l’institution d’une vice-présidence de la République qui avait été soulevée puis abandonnée l’année précédente. Ils tenaient à la lier à l’officialisation de la langue arabe.          Le B.P.N. consacrera donc plusieurs réunions à ces questions. La plus longue, qui dura toute une semaine, fut celle du 27 Juillet au 2 Août 1962. Au cours de cette dernière, il discuta de toutes les solutions possibles et imaginables. Finalement, ne pouvant se mettre d’accord il décida “l’institution d’une commission pour l’étude et la mise en forme des garanties accordées à chaque ethnie contre une quelconque assimilation, à savoir :- officialisation de la langue arabe et son introduction dans la pratique quotidienne et culturelle des citoyens qui le souhaitent ;- défense de l’intégrité territoriale par référendum à majorité qualifiée des 5/6èmes ;- institution d’une vice-présidence de la République dont le titulaire n’appartient pas à la même ethnie que le Chef de l’Etat mais est élu dans les mêmes conditions que lui ;- critères légaux pour l’équité de recrutement aux fonctions publiques ;- organisme paritaire veillant au respect des garanties. ”            A propos de l’unité nationale, je déclarai, le 28 Novembre 1962, dans mon Rapport sur l’état de la Nation, à l’occasion du 2ème anniversaire de l’indépendance : “… Il n’est pas question pour nous de nier les problèmes. Nous entendons, au contraire, les affronter avec la volonté de leur trouver une solution conforme à l’intérêt national… Notre pays dont l’unité s’est forgée dans l’épreuve entend sauvegarder cette unité comme son patrimoine le plus précieux… La diversité est une source d’enrichissement. Elle ne doit jamais devenir un facteur de division. Unité dans la diversité sans doute. Unité dans une stricte égalité, dans le respect des droits de chacun, sans discrimination d’aucune sorte. C’est ce que nous commandent une vision lucide de la réalité, une analyse sans complaisance des faits, qui rejette toute considération passionnelle. Nous progressons avec méthode, sans oublier que, bien souvent, la vertu d’un texte dépend moins de sa lettre que de l’esprit qui préside à son application …  A tous nos compatriotes, je veux redire qu’un pays n’est pas seulement une série d’institutions et de structures ; c’est, avant tout, un ensemble d’hommes et de femmes unis pour le meilleur et pour le pire, conscients d’appartenir à une même communauté spirituelle et assumant un même destin et un même avenir …”. La commission «  d’études et de mise en forme » fut désignée par le B.P.N. lors de sa réunion des 13 et 14 Décembre 1962. Ses membres étaient : Youssouf Koïta, Mohamed Ould Cheikh, Touré Racine, Ahmed Baba Ould Ahmed Miské – qui composaient déjà la précédente Commission – Dah Ould sidi Haïba, Kane Tidjane, Kane Elimane professeur francisant, et Mohamdel Mamoune Ould Cheikh Sâad Bouh enseignant arabisant. La même réunion du B.P.N. décida de reporter une nouvelle fois, la date du Congrès, du 25 Décembre 1962 au 25 Mars 1963.Le 17 Janvier 1963, la commission ainsi composée créa une sous-Commission de techniciens de l’enseignement, chargée de lui proposer des solutions “étant donné le contexte politique des deux ethnies qui ne veulent pas être assimilées l’une par rapport à l’autre ; étant donné aussi le bilinguisme de fait en Mauritanie…”.      Du 22 au 25 Janvier, cette sous-commission mit au point des propositions pour l’enseignement primaire :   « – rejet de l’unilinguisme arabe peu viable par manque de cadres … surtout dans le domaine scientifique où l’arabe est encore une langue insuffisamment technique ;     – rejet de l’unilinguisme français, vu les difficultés sociales et politiques et la mutilation culturelle qu’il entraînerait ;  – formation des maîtres bilingues ;  – envisager la perpective d’une réforme de l’enseignement secondaire… »           Dans sa longue réunion du 15 au 19 Mars 1963, le B.P.N., qui adopta les règles de fonctionnement du Congrès, décida par la même occasion, de soumettre à ce Congrès ces propositions. (pp. 307à 309)

« Trahir la Constitution, c’est renoncer à l’immunité présidentielle »

Le Point Afrique – TRIBUNE. Qu’il s’agisse de la Mauritanie ou d’un autre pays africain, aucune excuse ne doit empêcher que la corruption des anciens chefs d’État ne soit sanctionnée.

Mon respect est immense pour l’œuvre de Tierno Monénembo. Mais son récent « plaidoyer pour Mohamed Ould Abdel Aziz » me semble contestable. Il est certain que les périodes autocratiques sont destructrices et difficiles à réparer. Il est vrai aussi que l’alternance pacifique en Afrique doit être à chaque fois saluée parce qu’elle sauve notre continent de dérives qu’il n’a que trop connues.

Mais il est plus vrai encore que la corruption et les détournements de biens publics ont condamné nos pays à la pauvreté et la dépendance extérieure, qu’ils ont interdit tout sursaut, qu’ils ont spolié nos populations et qu’ils ont souvent bradé nos richesses.

La corruption une vraie menace

Contrairement à Tierno Monénembo, je pense que l’essentiel est là. Pour avoir servi l’État à ma modeste échelle, je sais ce que coûtent l’appât du gain, les conflits d’intérêts et les petites corruptions qui se cachent derrière les grandes.

La démocratie ne peut être mature tant que l’économie n’est pas un tant soit peu purifiée, tant que l’État de droit n’est pas respecté, tant que les activités prévaricatrices ne seront pas punies.

Le risque est grand de tendre vers des régimes antidémocratiques La Mauritanie a indirectement hérité d’une Constitution inspirée de celle de la France, pays qui a fait le choix d’un présidentialisme fort, imprégnée d’un esprit de monarchique.

De fait, chez nous, le risque est grand pour nos dirigeants de tendre vers un régime antidémocratique. « Il est nécessaire de préciser qu’il est actuellement en détention, non pas pour les faits qui lui sont reprochés, mais pour avoir refusé de respecter les conditions du contrôle judiciaire que la justice lui a imposé. »

Une précision est nécessaire concernant l’ex-président Aziz

Il ne s’agit pas ici de condamner l’ancien président Aziz ou de l’absoudre. Ce sera le travail des juges. Seulement, il est nécessaire de préciser qu’il est actuellement en détention, non pas pour les faits qui lui sont reprochés, mais pour avoir refusé de respecter les conditions du contrôle judiciaire que la justice lui a imposées.

Pour l’écrivain Mbarek Ould Beyrouk, l’ex-président Mohamed Ould Abdelaziz “est actuellement en détention, non pas pour les faits qui lui sont reprochés, mais pour avoir refusé de respecter les conditions du contrôle judiciaire que la justice lui a imposées”.

L’ancien président, inculpé suite aux accusations d’une commission parlementaire, se défend des faits qui lui sont reprochés. Il s’est d’ailleurs largement exprimé dans les médias nationaux et internationaux. Demain, il devrait bénéficier d’un procès équitable.

La loi doit s’appliquer à tous et la justice équitablement rendue

Quel que soit son verdict, il est donc essentiel que ce procès se tienne, car le peuple mauritanien mérite que la loi s’applique à tous et que justice soit équitablement rendue. La velléité avec laquelle les avocats d’Aziz invoquent la prétendue immunité absolue de leur client montre le chemin difficile qu’il reste à parcourir pour que l’égalité devant la justice s’inscrive comme une évidence dans les mentalités.

En effet, Aziz considère que le procès est nul et non avenu, car l’article 93 de la Constitution garantirait à l’ex-président l’immunité dans l’exercice de ses fonctions. Se faisant, ils admettent indirectement que les faits de corruption dont il est accusé font partie de la « norme » dans le service des plus hautes fonctions de l’État.

Donc, finalement…

Ainsi, je voudrais dire à ce grand écrivain qu’est Tierno Monénembo qu’il n’est pas normal que la corruption soit un phénomène normal ; les intellectuels africains ne devraient pas l’accepter. Non, l’essentiel n’est pas dans les kermesses politiques, même pas dans les douces passations de pouvoir, mais bien dans la volonté d’apporter une éducation de qualité, un système de santé acceptable et un niveau de vie décent. Pour ce faire, on ne peut pas accepter que les fonds destinés à ces grands objectifs soient détournés par les rapaces.

Par Mbarek Ould Beyrouk*
 

mauriweb

Mauritanie: une conférence de presse conjointe de plusieurs partis d’opposition

 Certains partis politiques d’opposition en Mauritanie ont décidé d’annoncer une position commune sur la situation politique actuelle. Ils appellent la presse nationale et internationale à assister à une conférence de presse lundi 16 Août.

Les partis politiques se préparent à d’éventuelles consultations par le président Ghazouani et le prochain mécanisme de dialogue en Mauritanie.

Voici le communiqué

Les partis et coalitions de l’opposition démocratique, signataires de la présente annonce, invitent la presse nationale et internationale accréditée à Nouakchott à une conférence de presse qu’ils organisent le lundi 16 août 2021 à partir de 11 heures au siège de la CVE sis à La Case (Salle Polyvalente).

Les signataires :

Al Moustaqbel

APP

CVE

CVE/VR

Parti Mauritanien pour la Défense de l’Environnement

RAG

RNRD – Tawassoul

senalioune

Le Maroc et Israël vont ouvrir réciproquement des ambassades

L’Express – Israël et Maroc ont convenu d’ouvrir réciproquement des ambassades dans “quelques mois”, a annoncé jeudi le chef de la diplomatie israélienne au terme de sa première visite dans le royaume depuis la normalisation des relations entre les deux pays.

“Ce matin avec le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, nous avons décidé l’ouverture d’ambassades à Jérusalem et au Maroc dans quelques mois”, a déclaré Yaïr Lapid lors d’une conférence presse à Casablanca (centre-ouest).

Le Maroc a été le quatrième pays arabe — après les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan — à avoir normalisé ses relations avec Israël en 2020 sous l’impulsion des Etats-Unis, en contrepartie d’une reconnaissance américaine de sa “souveraineté” sur le territoire disputé du Sahara occidental.

M. Lapid a salué, à nouveau, les accords de normalisation avec des pays arabes, en indiquant que d’autres pays suivraient cette voie, sans les citer, et a annoncé l’ouverture prochaine d’une ambassade d’Israël au Bahreïn.

Sur la question israélo-palestinienne, il a réaffirmé être favorable à la création de deux Etats pour résoudre le conflit, mais “ne voit pas actuellement de possibilité d’avancer sur cette voie avec les actuels dirigeants palestiniens et la structure de l’exécutif d’Israël”.

M. Bourita a, lui, indiqué avoir évoqué mercredi le conflit israélo-palestinien avec son homologue israélien, soulignant la nécessité de “reprendre les négociations” pour “parvenir à une solution sur la base de deux Etats”.

D’autre part, Yaïr Lapid a confié avoir abordé avec son homologue marocain leurs “inquiétudes au sujet du rôle joué par l’Algérie dans la région, son rapprochement avec l’Iran et la campagne qu’elle a menée contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’Union africaine”.

Plus tôt dans la journée, le ministre israélien a inauguré un bureau de liaison à Rabat avant de prendre la route vers Casablanca où il a visité une des plus emblématiques synagogues de la ville Beth-El.

La communauté juive du Maroc est la plus importante d’Afrique du Nord (environ 3.000 personnes) et les quelque 700.000 Israéliens d’ascendance marocaine ont souvent gardé des liens forts avec leur pays d’origine.

Durant cette visite, une lettre du président israélien, Isaac Herzog, invitant le roi du Maroc, Mohammed VI, à se rendre en Israël a été remise au chef de la diplomatie marocaine.

L’ancien Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait également invité le monarque fin 2020, une invitation restée sans réponse officielle.

Les Etats-Unis ont félicité le “Maroc et Israël pour la réouverture du bureau de liaison israélien à Rabat”, a écrit le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken.

Mercredi, première journée du voyage “historique” de M. Lapid, des accords portant sur la consultation politique, la culture et l’aviation ont été signés.

Les deux pays ont entretenu des relations officielles de 1993 à 2000, année du déclenchement de la seconde intifada dans les territoires palestiniens contre l’occupation israélienne.

Les Palestiniens avaient dénoncé les accords de normalisation entre Israël et des pays arabes, qualifiés de “trahison”.

AFP

Ils évaluent les deux premières années du quinquennat Ghazwani

Samba Thiam, président des FPC

« En termes de rupture avec le prédécesseur dans l’attitude : de la courtoisie, un faciès avenant qui suscite tout de suite un élan de sympathie, un sourire ravageur qui rassure les voisins, du tact et de la ruse pour dissimuler ses traces et tenir l’Opposition en laisse, voilà pour les atouts…S’y ajoutent hésitations et tergiversations, ce laisser-aller fou, partout installé, des yeux qui parlent et fuient, et cette tendance surprenante à vouloir plaire à tout le monde…

En termes de continuité avec le Général sortant : corruption et népotisme plus présents que jamais, même volonté de préservation du Système, consolidé, même négation de la diversité que nourrit une idéologie d’assimilation des cultures non-arabes et de race née pour gouverner seule…

En termes de réalisations proprement dites : quelques gestes de charité en direction des couches vulnérables, quelques sous pour amadouer les enseignants, des projets, des promesses, des intentions généreuses… mais rien que des intentions. En termes de feeling des populations de ces deux ans de gouvernance Ghazwani : une immense déception, so far… »

Mohamed Bouya Ould Cheikh Mohamed Fadel, député

« L’évaluation du système Ghazwani en deux ans se réfère à un adjectif bénin unique : la neutralisation de son prédécesseur de la sphère politique. C’était une menace pour le système démocratique mais cela renvoie également à plusieurs aspects négatifs combinés par le retour de la gabegie  horizontale dans toutes les articulations de l’État, auparavant liée verticalement à son prédécesseur et à son entourage. »

Khalilou ould Dedde, député UFP

« J’évalue son solde partant de son point de départ. Il a pris le pouvoir dans des conditions difficiles : bilan catastrophique de la décennie Aziz, coronavirus…À son actif : décrispation de la scène politique, CEP et quelques réformettes sociales. À son passif, maintien des pratiques du système qui l’a précédé et qui l’a produit, notamment le recyclage des agents de la mauvaise gouvernance, les discriminations et le clientélisme…Il reste cependant une source  d’espoir, surtout s’il réussit à organiser un dialogue inclusif et constructif. » 

Mneya Abdi, féderale UPR, Tagant

« Il serait très prétentieux d’établir en quelques lignes les acquis de Son excellence Monsieur le président de la République Mohamed Cheikh El Ghazwani depuis son investiture le 1er Août 2019. Je me contenterai de quelques chantiers seulement. Le premier, on ne le répétera jamais assez et toute la classe politique est unanime là-dessus, c’est l’apaisement de l’arène politique nationale.  L’opposition fut la première à le souligner. Ghazwani est un dirigeant qui rassure, aussi bien au plan national, sous-régional, continental et international. Et j’ose espérer que les concertations annoncées par le président de la République viendront conforter cette dynamique et le climat de confiance qui sévit chez nous depuis Août 2019.

Sur le plan de la gouvernance, on a noté une volonté politique claire de lutter contre la gabegie et d’améliorer les performances de notre administration au profit des citoyens. Aussi et pour la première fois en Mauritanie, notre Assemblée nationale a pleinement joué sa mission de contrôle de l’action gouvernementale : la fondation de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) en Février 2020 en est une parfaite illustration. Elle a mené un travail de titan en toute indépendance, le gouvernement s’est abstenu d’interférer durant tout le processus des enquêtes de la police et de la justice. C’est quelque chose de nouveau et de remarquable qu’il faut saluer dans notre pays.

Le deuxième point que je voudrais ensuite évoquer brièvement est l’aspect économique et social. Je tiens tout d’abord à rappeler  que le président de la République a pris ses fonctions dans un contexte particulièrement délicat. En effet, trois mois après son installation au Palais, la pandémie COVID s’est abattue sur le Monde entier, perturbant du coup tous plans et agendas des gouvernants. Mais, en dépit de nos maigres moyens, le gouvernement a su éviter l’effondrement de notre système de santé et de notre économie grâce des mesures audacieuses. Lors d’une récente émission sur la TVM, le ministre du Développement économique et des secteurs productifs, a affirmé, chiffres à l’appui, que notre économie a tenu bon. Un autre effort à saluer.

Malgré cette contrainte majeure, le gouvernement a donc mis en chantiers d’importants projets : l’assurance-maladie pour des milliers de familles démunies :l’accès à la santé est une des préoccupation majeures des populations ; le programme national pour la promotion de l’élevage, un secteur clef de notre économie; la réforme du secteur agricole, pour aller à l’autosuffisance alimentaire et tirer le maximum de profits de nos terres;  l’opportunité d’emploi pour des milliers de jeunes mauritaniens afin de résorber  le chômage ; la prise en charge des malades en dialyse ; le chantier de l’école républicaine, pour renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale…En somme, les président a tenu une grande partie de ses engagements Taahoudati, dans un contexte particulièrement difficile.

Mais pour être complète, je ne saurais oublier un aspect qui me semble important et nouveau. On ne peut parler du président de la République sans mentionner le rôle de la première dame, docteure Mariem Fadel Dah, à qui nous adressons toute la reconnaissance des Mauritaniens – surtout des Mauritaniennes – pour le travail qu’elle abat aux côtés du président de la République. Mint Fadel Dah est venue révolutionner le rôle des premières dames de chez nous. Elle s’est imposée grâce à son charisme, son esprit d’ouverture, sa discrétion et, surtout, son souci de contribuer à l’épanouissement des femmes, aider et soulager les malades qui souffrent de pathologies lourdes. On l’a vue monter au front pour superviser le lancement de chantiers à Kaédi et plusieurs fois à Nouakchott. Médecin de formation, elle ne pouvait rester insensible aux souffrances de ses compatriotes. Ce travail humanitaire l’a placée sous les projecteurs depuis son entrée au Palais. Son rôle est éminemment déterminant auprès de son époux de président. Je pense que si la Mauritanie a eu la chance d’avoir Mohamed Cheikh Ghazwani comme président de la République, celui-ci a eu aussi, comme les Mauritaniens, de la veine d’avoir derrière lui une grande dame. Au regard de tous les chantiers dont plusieurs sont déjà mis en œuvre, je pense que le bilan de ces deux années est suffisamment satisfaisant. Je reconnais qu’il reste beaucoup de choses à réaliser, les défis sont nombreux, mais le bilan peut bien nous inciter à l’optimisme. »

Mamoudou Mamadou Niang, député UPR de M’Bagne

Permettez-moi de profiter de cette occasion pour commencer par adresser mes vives félicitations au président de la République, Mohamed Cheikh Ghazwani et, à travers lui, au peuple mauritanien, en ce 1er Août, second anniversaire de son investiture. Nous avons vécu deux années difficiles mais également laborieuses, en termes d’avancées politiques et de réalisations. Ceci dit, laissez-moi vous dire que nous ne nous sommes pas trompés en votant pour le candidat Mohamed Cheikh Ghazwani, élu par la majorité des Mauritaniens, le 22 juin 2019.Dans son discours du 2 Février au Stade Cheikha Boïdiya, au cours duquel il officialisa sa candidature, le futur président avait vite rassuré les Mauritaniens, pouvoir et opposition. L’espoir renaissait. Et c’est ce climat qui a prévalu durant les deux années passées. Aussitôt installé au Palais, Mohamed Cheikh Ghazwani s’est empressé de décrisper la tension politique qui prévalait depuis des années entre la majorité et l’opposition. Rassurés, les acteurs politiques de celle-ci ont salué son esprit d’ouverture, ses capacités d’écoute, son tempérament pondéré. Ce fut un pas extrêmement important que tout le monde a apprécié. Le Président pouvait maintenant démarrer ses chantiers (TAAHOUDATI). En tant que député, laissez-moi vous dire que c’est la première fois que la majorité et le pouvoir parviennent toujours à un consensus et que le législatif peut faire son travail sans influence de l’Exécutif.  La CEP fut ainsi mise sur pieds et a travaillé en toute indépendance.

Au plan économique, notre pays a su juguler les aléas de la pandémie COVID (plans de riposte et de sortie de crise) qui n’a pas déstabilisé notre système de santé. Et malgré la rareté des ressources, le gouvernement a octroyé de substantielles aides pour soulager des milliers de familles impactées par les mesures de restrictions liées à la crise sanitaire. Je souligne enfin les nombreux chantiers structurants lancés par le gouvernement, tant dans les secteurs des mines, de l’agriculture et de l’élevage qui s’apprêtent à vivre une révolution, que de ceux de l’éducation qui verra sous peu l’établissement d’une école Républicaine et de la santé qui a beaucoup appris et acquis avec la pandémie. Équipé de nombreux et importants équipements, ce dernier secteur  peut désormais faire face à toutes sortes de pandémie.

Je ne saurais  terminer sans évoquer quatre autres faits cruciaux : notre pays est à l’abri des attaques djihadistes et donc de l’insécurité  qui y prévaut ; des milliers d’opportunités d’emplois sont offertes aux jeunes mauritaniens ; l’assurance-maladie protège des milliers de familles démunies ; et, surtout, la confiance et le soutien de nos partenaires au développement est de retour. Cerise sur le gâteau, je dois signaler le tout récent rapport de la Banque mondiale qui salue la résilience de notre économie. »

Samory Bèye, président d’El Hor et SG CLTM

« Nos espoirs étaient maigres mais nous avons cru que l’élection du président Ghazwani allait apporter des changements et améliorer la situation politique et, surtout, les conditions de vie des populations. Mais deux ans ont passé et nous déchantons. La décrispation politique dont on nous rabâche les oreilles n’aura été, pour nous et la majorité des Mauritaniens, qu’un leurre. La gouvernance de l’actuel Président n’est presque en rien différente de celle de son prédécesseur. Avec Ghazwani, nous avons vécu deux années de tergiversations, d’exclusions, de gestion unilatérale et de tâtonnements… Les conditions de vie des populations sont allées de mal en pis. On n’a jamais connu des hausses de prix des produits de première nécessité aussi vertigineuses que sous le régime actuel. Le chômage n’a pas reculé. Les milliards qu’on chante sur les media officiels ne sont que miroirs aux alouettes. Taazour ne profite pas aux populations-cibles mais à certaines catégories de gens, la gabegie a encore de beaux jours devant elle, le « dossier de la décennie » restera l’arbre qui cache la forêt…

Deux années de discrimination raciale à outrance – Ghazwani n’a pas fait mieux que son prédécesseur en ce domaine – d’expropriation de terres et domaines des Noirs et, enfin, de confiscation des libertés individuelles et collectives. En conclusion, je dirai que les deux premières années de Ghazwani augurent de cinq ans perdus. Les Mauritaniens en ont encore trois de souffrances, si les choses continuent à ce rythme. Les années qui restent du présent mandat présidentiel risquent fort d’être un véritable calvaire. »

Madame Kadiata Malick Diallo, députée UFP à l’Assemblée nationale

« Pour apprécier les deux premières années de pouvoir de Mohamed Cheikh El Ghazwani, il est important de partir d’abord de ce qu’on attendait de lui, à savoir les promesses électorales sur la base desquelles il s’est fait élire en 2019. Personnellement, je considère qu’il était le numéro deux du régime passé. Le pouvoir qu’il a hérité ne peut être que la continuation du même système. Dans le meilleur des cas, il peut changer de style, comme il l’a montré à l’entame de sa campagne électorale. Une bonne partie de l’opinion s’est alors nourrie d’illusions de changements, encouragée en cela par une certaine opposition, qui, bien qu’ayant rejeté les résultats de l’élection, a appelé au dialogue, avant de s’installer durablement dans une attitude attentiste qui frise la démission.

Au bout de ces deux ans de pouvoir, je crois que c’est la désillusion qui s’installe chez les citoyens, contrairement au discours vendu par les partisans du pouvoir, tous mobilisés, à travers les media publics particulièrement (ministres, conseillers, maires, chefs de parti, y compris certains qui s’étaient montrés fidèles à l’ex-Président au moment du débat sur la référence de l’UPR), pour présenter un bilan flatteur à l’action du président Ghazwani. Nous y sommes habitués depuis le temps du PRDS.

Mais on peut se demander : qu’est-ce qui a fondamentalement changé ? Peut-on nier la dégradation du pouvoir d’achat des citoyens avec la flambée des prix, la stagnation des salaires, la souffrance du secteur informel, aggravées – et non expliquées – par la pandémie COVID, face à laquelle les mesures prises n’ont d’ailleurs pas été à la hauteur des attentes, malgré les contributions volontaires, au niveau national et des aides financières internationales consistantes ? Avons-nous assisté à une nouvelle politique de l’emploi pour enrayer le chômage des jeunes ? A-t-on assisté au recul de la pauvreté ? Les services sociaux de base tels que l’enseignement ou la santé ont-ils connu des améliorations significatives ? Les hommes et leurs pratiques de gestion du pouvoir ont-ils changé ?

Le Premier ministre est le premier à déplorer les carences de l’administration. Peut-on nous justifier que le clientélisme politique n’est plus de rigueur ou que les hauts gradés de l’armée et autres chefs tribaux ne sont plus influents dans les prises de décisions ? La lutte contre la gabegie a-t-elle pris en compte l’ensemble des dossiers indiqués dans le rapport de la Commission d’enquête parlementaire et toutes les personnes impliquées ? Pourquoi s’est-on abstenu de rendre public le rapport de la Cour des comptes pour l’année 2019 ?

A-t-on fait le constat et admis que des politiques destructrices de l’unité nationale ont été suivies toutes les décennies passées ? Quelles mesures ont été prises pour mettre fin aux discriminations qui affectent certaines couches ou communautés, et rétablir la confiance entre les composantes nationales ? Au niveau de la démocratie et des libertés, pourquoi le ministère de l’Intérieur refuse-t-il de statuer sur les demandes de reconnaissance de partis politiques ? Pourquoi le décret d’application de la loi sur les organisations ainsi que les arrêtés ministériels nécessaires pour sa mise en œuvre n’ont pas été pris ? La répression des manifestations pacifiques et des journalistes a-t-elle été abandonnée ? La tentative récente du pouvoir de faire adopter par l’Assemblée nationale une loi sur la protection des symboles ne montre-t-elle pas plutôt qu’on cherche à rétrécir davantage les libertés fondamentales garanties par la Constitution ?

À la main tendue de l’opposition pour un dialogue sincère, le pouvoir a invariablement répondu qu’il n’y a pas de crise et donc pas besoin de dialogue. L’ouverture dont on parle n’a pas dépassé les audiences accordées à des leaders politiques et qui n’ont servi qu’à anesthésier l’opposition. Je m’étonne d’ailleurs qu’autrefois très exigeants sur les préalables au dialogue avec le pouvoir, certains se croient obligés de renoncer jusqu’au concept même de dialogue et acceptent de lui substituer celui de la concertation. À moins d’être dupe ou de chercher à tromper l’opinion, l’opposition peut-elle s’attendre à des concessions substantielles de la part d’un pouvoir sur lequel elle est incapable d’exercer la moindre pression ? Elle gagnerait plutôt à se ressaisir en jouant le rôle qui est le sien : soit contraindre le pouvoir à négocier avec elle, avec des chances d’arracher des compromis ; soit se positionner en alternative à celui-ci et gagner ainsi en crédibilité.

Propos recueillis par Dalay Lam

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