Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Un civil à Inal ? Par Mahamadou SY

Un civil à Inal ? Par Mahamadou SYJ’ai suivi sur le net le témoignage émouvant de Monsieur Abderrahmane Ould Ahmed, hartani, civil qui aurait vécu le même calvaire que moi à Inal. J’ai eu l’impression de relire “L’enfer d’Inal”, mais d’un autre auteur. Je devrais être heureux de voir un mauritanien issu d’une autre communauté confirmer mes dires avec en sus des détails. Mais ma conscience me dicte une autre attitude.

Loin de moi l’idée de m’accaparer « Inal » qui, symboliquement parlant, appartient plus à ceux qui y sont couchés qu’à n’importe qui, pas plus que je ne cherche à en faire une victimisation exclusivement communautaire. Juste les faits. Sans plus. Je ne suis pas le seul rescapé du camp d’Inal, nous en étions 96 en effet. Et près de la moitié est encore au pays. Mais pas un seul d’entre eux ne pourra confirmer la présence d’un hartani civil parmi nous. Nous nous connaissions tous pratiquement.

Si le 18 mars il totalisait 5 mois de détention, cela signifie qu’il aurait été arrêté en mi octobre, on n’oublie jamais la date de son arrestation. Comment expliquer alors que personne ne l’ai remarqué à Inal, à la base Wajaha de Noudhibou, à Jreïda et à N’ Beyka où le gros du groupe fut libéré le 18 mars 1991 ?

Première incohérence : Partout dans le monde, même en Mauritanie (je devrais plutôt dire surtout en Mauritanie), la police a toujours évité de se mêler de ce qui se passe dans la grande muette. Il n’est peut être pas nécessaire de rappeler que ce qui se passait à Inal n’était géré que par l’armée.

Deuxième incohérence : Dans la région de Nouadhibou des policiers, des gardes, des douaniers, des gendarmes ont été arrêté torturés et enfermés, tous à Nouadhibou. Pas un seul d’entre eux n’a mis les pieds à Inal. Alors qu’on m’explique pourquoi un civil arrêté par la police à Nouadhibou serait envoyé à 255 km de la zone de compétence de cette dernière ?

Troisième incohérence : Nous savons tous que seule la communauté négro-mauritanienne était visée. Pour preuves un groupe de 25 soldats des premières victimes arrêté à Boghe et Alèg ont été envoyés à Inal, de ce groupe, seuls deux personnes ont survécu (Ahmed Salem et Youba DIA ). On a découvert à Inal qu’ils étaient tous deux des métisses hartani et peul. Le fait de n’être pas des négro-mauritaniens à 100/100 leur a sauvé la vie, tant mieux pour eux.

Par contre, ils sont allés grossir le rang des tortionnaires. Pourquoi alors un civil, hartani de surcroît ferait une exception ? Quatrième incohérence : Pourquoi un homme qui dit ne craindre personne et être prêt à mourir pour défendre ses idées aurait-il attendu 25 ans pour sortir de l’ombre. Deux pèlerinages à Inal ont été effectués en 2011 et 2012, où était notre vaillant guerrier ?

Une précision, aucun prisonnier n’a été enterré dans la base, tous l’ont été autour du terrain de sport ou le long de la ligne de crête qui protège la base des vues à partir de la voie ferrée. Je comprends qu’une âme sensible puisse être choquée par le vécu des rescapés au point de se reconnaitre dans leur douleur face à une telle barbarie, mais de là à tenir des conférences de presse en se faisant passer pour un rescapé …

Les faits sans plus disais-je plus haut, laisser passer un pareil mensonge serait rompre l’engagement que j’ai pris ce 24 novembre 1990 au matin à Inal quand j’ai croisé pour la dernière fois le regard du Lieutenant SALL Abdoulaye et que j’ai compris que c’était fini. Ce jour-là je me suis promis de faire savoir tout ce qui s’était passé à Inal, si je m’en sortais. Donc me taire serait participer à une falsification de l’histoire.

Je suis encore plus choqué par la légèreté avec laquelle certains se sont jetés sur cette histoire pensant tenir le bon bout parce que cette fois c’est quelqu’un d’autre qui la leur contait. Aucun civil maure, hartani ou pas n’a été torturé à Inal en 1990. Pas un seul.

© ODH-Mauritanie ODH-Mauritanie Vendredi 14 août 2015 00h15

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Hommage à un autre Baobab, fils de Dounguel ( Aéré Mbar ), du combat pour l’égalité de tous les citoyens mauritaniens.

Hommage à un autre Baobab, fils de Dounguel ( Aéré Mbar ), du combat pour l'égalité de tous les citoyens mauritaniens.       Arc-En-Ciel – Dejà, en février 1966, comme un prophète, Amadou Malick Gaye, prédisait au président de la république, Moctar Ould Daddah, dans une lettre prémonitrice, ce qui arriverait à notre chère Mauritanie, si d’urgence on ne revoyait pas l’inégalité, le racisme et le tribalisme qui s’installent en Mauritanie et par voie de conséquence, feront planer sur notre beau pays, le plus grand danger, sur son Unité.

Moctar Ould Daddah et le système politique naissant n’en ont eu cure et ce sont dit: laissez-les aboyer, la caravane passera. Amadou Malick Gaye, comme Tenguela Amadou Diadié Bâ, et bien d’autres que Arc-en-ciel, Le PMC, installera bientôt, à notre panthéon, seront toujours cités en modèle, en exemple, pour galvaniser notre jeunesse, encline, pour la plupart à la soumission, au fatalisme, à l’abdication, ou plus grave à la dérobade.

A ce 26 eme anniversaire, Arc-en-ciel, Le PMC, dit à Amadou Malick Gueye, tu es la sève qui nous nourrit et nous galvanise, nous ne t’oublierons Jamais. À l’ensemble des membres de vos familles et de vos amis, qu’ils trouvent ici, notre reconnaissance éternelle.

Président
Alassane Hamady Soma Bâ
Dit
Balas.

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Souvenir et témoignage sur les évènements de 1989 (cas du Tagant )

TEMOIGNAGE SUR LES DEPORTATIONS  EN MAURITANIE 1989   CAS DU TAGANTLa déportation est l’action d’obliger quelqu’un, le plus souvent un groupe de personnes, de quitter son habitat, son territoire ou son pays.

Dans le droit français, la déportation occupe la troisième place après la peine de mort et les travaux forcés à perpétuité pour sanctionner ceux qui ont commis des crimes contre la sûreté de l’état ; dans certains cas, la déportation a pour objectif la destruction physique notamment dans le génocide des Arméniens, des Juifs et des Tsiganes.

C’est cette destruction physique que visaient les déportations en Mauritanie dont les victimes ne sont coupables d’aucun crimes ; sinon d’être nés noirs et de vouloir le rester.

Le prétexte que prirent les autorités mauritaniennes fut un banal incident entre éleveurs mauritaniens et paysans sénégalais qui malheureusement dégénéra occasionnant des conséquences incalculables, dont les journées macabres à Dakar puis à Nouakchott qui resteront à jamais inoubliables : Des massacres et pillages de biens eurent lieu des deux côtés. Les sénégalais en Mauritanie furent l’objet de rapatriement chez eux.

La communauté internationale découvrit avec surprise et stupeur que la Mauritanie, lors du rapatriement des rescapés sénégalais déportait en même temps plusieurs dizaines de milliers de ses citoyens noirs au Sénégal et au Mali (Peuls, Wolofs, Bamanan et Soninko)

Les différents recensements du HCR à leur sujet avancent des chiffres oscillant entre 65 000 et 70 000 au Sénégal, et 10 000 et 15 000 au Mali.

Dans des villes comme Nouakchott, Nouadhibou, des fonctionnaires, des ouvriers furent arrêtés dans leur lieu de travail, certains furent détenus arbitrairement avant d’être déportés, d’autres le furent directement, laissant derrière eux leurs familles entières (conjoints(es), enfants, pères, mères, etc.)

A l’intérieur du pays, un autre mode opératoire minutieusement planifié fut exécuté par des gouverneurs qui rivalisèrent de zèle,de brutalité et de haine contre de paisibles citoyens.

Des militaires, des gendarmes et autres milices armées encerclent les villages. Les hommes sont triés et conduits très loin hors du village,où ils seront torturés et humiliés avant d’être conduits au fleuve (la frontière) pour se retrouver au Sénégal. Les femmes et les enfants séquestrés un ou deux jours durant,à la merci de leurs bourreaux, subissent viols et violence avant de connaître le même sort que les hommes.

Dans un article écrit par feu Sennen ANDRIAMIRADO paru dans Jeune Afrique n° 1487, juillet 1989 on peut lire : « un vieillard montrer sa carte d’identité nationale mauritanienne et raconte. Des soldats haratines commandés par des Beydanes sont venus nous réveiller à 2 heures du matin. Ils ont rassemblé tous les habitants à la maison communautaire. Les bijoux des femmes et des jeunes filles ont été arrachés ; on nous a demandé nos papiers pour vérification d’identité, puis ils les ont déchirés. Tous les hommes ont été déshabillés complètement. A 4heures du matin on nous a embarqués dans des camions jusqu’à environ 70 km de notre village. Là on nous a fait monter dans des pirogues pour nous faire traverser le fleuve, à un endroit où il n’y avait pas, de l’autre côté des villages sénégalais.Les jeunes ont voulu résister, ils ont été tabassés».

Il écrit plus loin, « tous les soirs des centaines de nouveaux arrivants , cette fois exclusivement des Négro-mauritaniens « déportés » débarquent dans les villages sénégalais des départements de Dagana, Podor, Matam et Bakel ;certains ont franchi le fleuve en pirogues, d’autres à gué ou à la nage. ». Dans la région de Tagant, le gouverneur a procédé autrement, ce que nous expliquerons à travers notre témoignage qui est aussi celui de nos compagnons d’infortune.

Tous les fonctionnaires noirs qui servaient au Tagant en 1989 furent déportés au Sénégal. Après l’expulsion des sénégalais, nous, noirs non haratines fûmes convoqués et parqués deux jours durant à l’escadron de la garde nationale à Tidjikja pour vérifier notre nationalité par une commission composée :

 du gouverneur de la région

 du directeur de sûreté régionale

 du commandant de la région militaire

 du chef de brigade de la gendarmerie

 du chef de brigade de la garde régionale.

Devant cette commission, il fallait présenter tous nos papiers d’état civil :

 Acte de naissance

 Carte d’identité nationale

 Certificat de nationalité

 Diplômes

Ensuite répondre à une série de questions dont :

-Quelle est votre position par rapport au conflit qui oppose la Mauritanie au Sénégal ?

-Est-ce que vous avez de la famille au Sénégal ?

-Est-ce que dans le passé vous avez eu à faire des séjours au Sénégal ?

-Qu’est ce que vous connaissez des FLAM?

-Connaissez-vous les officiers putschistes de 1987 ?

Nous fûmes tous libérés mais nos papiers confisqués. Notre répit fut de très courte durée.

Le directeur régional de la sureté et son adjoint tous noirs (peuls) furent arrêtés et envoyés à Nouakchott. Alors, les arrestations et détentions de tous les fonctionnaires noirs reprirent. A la date du 25 mai 1989, tous les négro mauritaniens étaient détenus et ramenés à Tidjikjat au commissariat de police et en prison où nous sommes restés pendant 4 jours avant le grand rassemblement des familles qui annonçait la déportation.

Dans la nuit du 28 mai 1989, des camions bennes furent envoyés à nos domiciles pour embarquer nos familles, ne leur laissant rien prendre (comme les hommes), sauf les vêtements qu’elles portaient. Au petit matin, lorsqu’on nous sortit de nos cellules c’est pour les rejoindre pour une destination inconnue.

Au sortir de Tidjikjat, notre convoi fit une halte dans une cuvette où nous attendaient toutes les autorités de la région, le gouverneur à leur tête. Avec une brutalité bestiale, les gardes nous firent descendre pour une fouille systématique et humiliante ; ils nous reprirent tout, jusqu’à nos bagues. Lorsque notre convoi reprit la route, les militaires, gendarmes et gardes lourdement armés pour nous escorter étaient plus nombreux que nous.

Entassés comme du bétail, nous endurâmes les difficultés du voyage (on était des cibles des villages que nous traversions ; insultes, jets de pierres) jusqu’au lendemain à midi, pour arriver à Boghé où nous fûmes accueillis par des gardes et des policiers, plus hargneux, plus zélés.

Furieux et déçus de n’avoir rien trouvé sur nous à reprendre après une dernière fouille, ils obligèrent certains à échanger leurs habits encore en bon état contre des haillons repris de ceux qui nous ont précédés… Des armes braquées sur nous, sans chaussures alors que la température dépassait les 50 degrés à l’ombre, nous fûmes conduits comme du bétail au fleuve. De la rive sénégalaise, des piroguiers nous voyant arriver, nous apportèrent des pirogues pour nous faire traverser le fleuve.

Les habitants du village sénégalais de Démeth nous accueillirent spontanément et chaleureusement, nous faisant oublier le calvaire que nous venions de vivre. C’était le 30 mai 1989 à 13heures. Ce sera pour certains d’entre nous un aller sans retour. Ils seront nombreux à succomber aux maladies, à la misère, au chagrin de cet exil forcé, emportant dans leur tombe l’espoir d’un retour dans leur patrie parce que c’était à l’espoir que caressaient tous les déportés.

Au vu de ce qui s’est passé, nous exigeons aux autorités mauritaniennes que ceux qui sont rentrés au pays soient indemnisés à la hauteur du préjudice subi (moral et matériel) et qu’ils retrouvent leur travail en tenant compte des réalités en place. Ce n’est point 2 millions d’ouguiyas qui effaceront la souffrance subie.

Nous voudrions terminer en vous invitant ici, maintenant et pour toujours, d’avoir pour eux une pensée pieuse, une prière pour que reposent en paix leurs âmes en terres étrangères..

Témoignage de :

Dia Ibrahima Aly dit Yaaya Maabel et Niang Amadou Boubou enseignants déportés de Tidjikjat le 30 mai 1989 vers le Sénégal

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L’ex officier Dia Ousmane samba nous a quittés : Cinq ans déjà !

L'ex officier Dia Ousmane samba nous a quittés : Cinq ans déjà !OCVIDH – C’était le 20 Mars 2010, à 08h10, la nouvelle nous venait douloureusement, impuissamment de l’hôpital de Ris Orangis dans l’Essonne en France, il s’agissait du décès d’un fils valeureux de la Mauritanie, l’ex officier Dia Ousmane Samba, connu dans son engagement pour la promotion des droits de l’Homme en Mauritanie mais surtout sur ces nombreuses qualités humaines, de tolérance, de respect, d’altruisme, d’amour pour les autres et de son éternel dévouement et alignement à la parole d’Allah, qui forcent l’admiration et le respect de tous les camarades d’où le surnom de la force tranquille.

L’organisation contre les violations des Droits de l’Homme (OCVIDH) à l’occasion du cinquième anniversaire de sa disparition lui rend un hommage appuyé et prie le tout puissant de lui accorder son pardon et sa clémence. Que l’ensemble de ces œuvres de bienfaisance dans notre monde ci-bas lui servent de parapluie et de passeport dans le monde de la vérité et de l’éternité.

L’OCVIDH, témoigne, de la sincérité de ce grand baobab de la lutte contre les discriminations et du racisme d’état en Mauritanie, son nom ,restera inéluctablement parmi les illustres fils de ce pays, qui malgré les aléas de la nature, les tentations et les manœuvres de tout genre sont restés fidèles à leur conviction et moralité et pour l’intérêt suprême de notre pays, c’est à dire une Mauritanie, plurielle ,réconciliée avec l’ensemble de ces fils et filles .

Oui , Ousmane Samba Dia repose en paix l’OCVIDH se souviendra toujours de toi. Qu’Allah le tout puissant te compte parmi ces hotes privilégiés. Amen. Inna Li laahi wa inna ileyhi rajioune.

Pour le bureau exécutif de l’OCVIDH
Site :www.ocvidh.org
ocvidh001@wanadoo.fr

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Il s’appelait Tenguella Ba : le symbole du refus de l’injustice et de l’arbitraire, de la domination et de la compromission est parti dans la dignité (14 septembre 1940 – 26 février 2015)

Il s’appelait Tenguella Ba : le symbole du refus de l’injustice et de l’arbitraire, de la domination et de la compromission est parti dans la dignité (14 septembre 1940 – 26 février 2015)Sa dernière apparition publique en France remonte au 2 octobre 2011. Il sortait d’une longue hospitalisation en région parisienne, loin des siens. Il trouva tout de même, ce jour sans l’aval de ses médecins, les ressources pour se joindre à la grande manifestation pour exprimer son indignation contre l’assassinat du jeune Lamine Mangane à Maghama et sa colère contre l’opération d’enrôlement discriminatoire qui lui rappelle la déchéance de sa nationalité mauritanienne en 1969 déjà.

Dans l’élément vidéo mis en lien plus bas dans ce texte, il lance le message suivant aux manifestants de la place Trocadéro à Paris : http://www.dailymotion.com/video/xlgdjn_touche-pas-a-ma-nationalite-hommage-a-lamine-mangane-assassine-par-des-ss-de-mauritanie-2_news?start=2).

« Il faut vous regrouper et éviter que les gens vous divisent. Votre combat doit être un combat commun et vous ne pourrez le gagner que si vous restez unis ». Déjà en 1962, au sein de l’Union Générale des Originaires de la Mauritanie du Sud (UGOMS), tout jeune étudiant, il s’insurgeait contre ce qui, à ses yeux, prenait la forme d’une dérive : l’orientation de plus en plus arabe prise par la direction du pays.

Au bas de la page 3 de la longue liste des signataires du Mémorandum de ce mouvement naissant, figurait un certain Tenguella Ba, un des deux étudiants parmi la centaine de noms dont la plupart était instituteurs ou fonctionnaires, tous originaires de la Vallée. Il posait là un acte d’engagement fort contre une politique qu’il dénoncera tout au long de sa vie.

Les choses ne tarderont à se préciser avec la mesure rendant officielle la langue arabe et obligatoire son enseignement dans un pays dont les ressortissants ne sont pas tous Arabes.

Quand, en application de cette mesure d’arabisation du système éducatif, des manifestations éclatent, notamment la grève de janvier et février 1966, il n’hésita pas à apporter son soutien au mouvement des élèves noirs (il fait partie des 31 fonctionnaires noirs qui ont ouvertement approuvé et soutenu la publication du Manifeste des 19). La conséquence de ce soutien va être immédiate, radicale et déterminante pour la suite de la carrière et de la vie de l’homme.

Suspendu de ses fonctions (au Ministère de la Justice, en charge de la Législation), il se rendra au Sénégal où il retrouvera deux anciens dirigeants signataires du Manifeste des 19, exilés forcés dans ce pays, pour, selon ses propres mots « trouver un moyen de vivre » : son cousin et beau–frère Abdoul Aziz Ba (brillant magistrat, Président du Tribunal de Première Instance de Nouakchott jusqu’en févier 1966, qui deviendra Président du Conseil Constitutionnel du Sénégal, Président du Conseil d’Etat, Président de la Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion de ce même pays) et Abdoulaye Sow (ancien Trésorier général de Mauritanie qui se reconvertira avec succès comme patron de l’une des plus grandes boîtes d’assurances du Sénégal).

Mais l’homme décide dans un premier temps de revenir au bercail. Il fut réintégré, mais ne renonce pas pour autant à la lutte dont les justifications demeurent. Avec des amis, ils mettent en place une organisation clandestine pour porter une opposition à la politique conduite par Moktar Ould Daddah.

Une clandestinité qui les privera de toute possibilité de promotion : Moktar Ould Daddah ayant annoncé dans une déclaration qu’il faudrait désormais être affilié au Parti du Peuple Mauritanien (PPM) pour prétendre à une promotion sur le plan administratif, en termes de responsabilité. Avec ses amis, ils font le choix douloureux de se démarquer du parti-Etat en refusant les responsabilités miroitées par Moktar Ould Daddah.

En 1969, pour une déclaration tenue sur le caractère raciste de l’Etat et le danger que celui-ci faisait courir à la Nation par sa politique, il fut révoqué de ses fonctions, et par la même occasion, déchu de sa nationalité au motif fallacieux qu’il avait acquis une autre nationalité.

Mais c’était sans compter avec la ténacité de l’homme. Sa réplique fut immédiate. Fait inédit et unique dans les annales de l’histoire de notre pays : Tenguella intente une action en justice contre l’Etat devant la Cour suprême de Mauritanie. Ironie de l’histoire, le Juge, un Français, qui s’est saisi de l’affaire était son collègue au Ministère de la Justice.

Tenguella lui apporte un argumentaire simple mais irréfutable à l’appui de sa plainte : la loi 61-112 du 12 juin 1961 (modifiée en 2010 par une loi de circonstances). L’article 1 de cette loi 61 -112 stipule en effet que : « est Mauritanien, l’enfant né d’un père mauritanien ». En appui à cet article, il joint le certificat de nationalité de son père et son acte de naissance, enregistré en 1940 à Aleg où il est né le 14 septembre 1940 et où exerçait son père.

L’affaire fut jugée et moins de deux années après, la Cour suprême condamne la Mauritanie et reconnait à Tenguella aussi bien la nationalité mauritanienne que la nationalité sénégalaise. Nationalités qu’il conservera tout au long de sa vie.

La nationalité pour Tenguella, c’était déjà « touche pas ». C’est « un fait préexistant » que nul n’a le droit de contester à l’autre, se plait-il à préciser. Elle était si sacrée, y compris pour l’Etat mauritanien, que le citoyen ne pouvait y renoncer par lui même. Il fallait pour ce faire suivre une procédure, arbitrée par la Cour suprême, seule habilitée à reconnaitre ou à déchoir éventuellement le citoyen de sa nationalité.

La permanence de l’injustice qu’il dénonce, la répétition des exactions contre ceux qui osaient dénoncer cette injustice, la compromission d’une certaine classe finiront de convaincre Tenguella à quitter définitivement la Mauritanie et retourner au Sénégal qui l’accueille à bras ouverts.

Administrateur de son état, il finit sa carrière dans la Chambre de Commerce de ce pays en qualité de secrétaire général à Kaolack puis à Tambacounda, décoré et fait Chevalier de l’Ordre National du Lion. Il quitte la Mauritanie, mais ne coupe pas avec le pays. Il a vécu avec beaucoup de peine les différents évènements qui l’ont secoué.

En 1986, quand arrivent au Sénégal les étudiants ayant fui la répression du régime de Ould Taya, il fut une des personnes ressources leur ayant apporté aide et accompagnement pour retrouver leur marque. En 1987, lorsque son cousin, ingénieur du génie, le Lieutenant Abdoul Ghoudouss Ba, en stage en Algérie, fut extradé en Mauritanie à la suite de la tentative de coup d’Etat, il envisagea de porter plainte.

Mais l’absence d’éléments probants sur le statut de ce dernier au moment de son arrestation en terre étrangère (la demande d’une protection internationale et surtout l’accord d’un pays tiers) dissuadera le juriste chevronné. La mort d’Abdoul Ghoudouss Ba en prison le 13 septembre 1988 à Oualata et la déportation de dizaines de milliers de Mauritaniens noirs au Sénégal en 1989 vont définitivement ranger Tenguella du côté de la résistance.

Mais qu’est-ce qui pouvait pousser cet homme, né et grandi dans le premier cercle de l’Etat mauritanien à emprunter cette piste, sinon le refus de l’injustice, de l’arbitraire et de la domination. Il pouvait s’accommoder de la réforme d’arabisation de 1966 et voir s’ouvrir pour lui, sa progéniture et bien plus largement, les facilités de tous ordres. Mais cela ne ressemble pas à l’homme.

Il préfèrera l’intérêt du grand nombre, quitte à en payer le prix. Son père Amadou Diadié Samba Diom Ba que Moktar Ould Daddah appelait Mawdo (ainé en Poular) était un grand pionnier de la construction de la Mauritanie, premier Noir à détenir un portefeuille de Ministre de la toute naissante République Islamique de Mauritanie, celui des Travaux Publics, des Transports, des Postes et des Télécommunications dans le 1er Conseil de Gouvernement de la Mauritanie autonome de 1957 à 1960.

De 1958 à 1961, cumulativement avec ses fonctions gouvernementales, Amadou Diadié Samba Diom Ba fut Président du Conseil d’Administration de la Société de Construction Immobilière (SOCIM), chargée de la Construction de Nouakchott nouvelle capitale de la République Islamique de Mauritanie.

C’est en cette qualité qu’il procéda en 1958 à la pose de la première pierre de la ville de Nouakchott en compagnie du Général De Gaulle, Président de la République Française et Maitre Moktar Ould Daddah, Président de la Mauritanie autonome.

De son père, ancien Chef de canton de Littama avec résidence à Maghama de 1929 à 1932 ; Administrateur dans plusieurs localités du pays entre 1920 et 1951 (Mbout, Kiffa, Saint-Louis, Aleg, Medredra, Sélibaby) et Conseiller à l’Assemblée territoriale de Mauritanie puis au Grand Conseil de l’Afrique Occidentale Française (AOF) en 1952 aux côtés de Senghor, Houphouët Boigny et Sékou Touré, il apprit l’estime de soi, le sens de l’honneur, du bien commun et de l’intérêt général.

Tout comme il découvrit cette Mauritanie plurielle dont il s’évertue sa vie durant à cultiver et à préserver la diversité. Cette Mauritanie d’antan, métissée, apaisée et reconnaissante à l’image de l’ancien Président de la République, Sidi Ould Cheikh Abdallah, qui témoignait il y’a quelques années à Nouakchott sa gratitude aux parents de Tenguella à l’occasion des funérailles de sa mère, Kardiatou Birane Wane (affectueusement surnommée Khadijettou Mint Almami par les Maures), eux qui ont accompagné ses premiers pas d’écolier.

Fier de son héritage comme rarement on pouvait l’être, parfait locuteur du Hassaniya, détenteur de précieux documents d’archives qu’il tient de son père et mis régulièrement à notre disposition, Tenguella qui était convaincu que le pays pouvait être à l’image de sa vie familiale (une veuve de la tribu des Oulad Bousba) ne verra pas poindre l’aube d’une Mauritanie unie dans sa diversité et égalitaire entre ses composantes.

Notre génération, celle qui l’a précédée surement, celles qui l’ont suivie certainement, garderont en mémoire le souvenir d’un homme qui fut un témoin engagé et toujours disponible. En digne héritière, Khar Tenguella, sa fille, poursuit le combat. Salut le Juste qui s’est toujours fait un point d’honneur à recevoir et aider ses compatriotes en visite au Sénégal, le combattant de la liberté, de l’égalité et de la justice.

Que ton âme repose en paix en terre sénégalaise, terre d’accueil et d’intégration. Amine.

 

http://www.dailymotion.com/video/xlgdjn_touche-pas-a-ma-nationalite-hommage-a-lamine-mangane-assassine-par-des-ss-de-mauritanie-2_news?start=2).


 

Ciré Ba et Boubacar Diagana – Paris, 27 février 2015

http://www.dailymotion.com/video/xlgdjn_touche-pas-a-ma-nationalite-hommage-a-lamine-mangane-assassine-par-des-ss-de-mauritanie-2_news?start=2).
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