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L’impossible unité nationale (deuxième partie)/Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibacar
La recrudescence
Le 13 janvier 1966, le conseil des ministres adopte le décret 66.004 fixant les modalités d’application de la loi 65.026 du 30 janvier 1965 organisant l’enseignement secondaire qui stipule dans son article 1er : «En application de l’article 10 de la loi n° 65.026 du 30 janvier 1965, l’arabe est obligatoire à partir du 1er octobre 1966 pour tous les élèves qui entrent dans les écoles secondaires. Toutefois, les élèves mauritaniens venant des établissements secondaires étrangers ne sont pas visés par les dispositions de l’alinéa premier du présent article. »
Cependant, les dispositions de l’article 2 du même décret dispensent les élèves qui se trouvent déjà dans les établissements secondaires avant la parution de la loi n° 65 026 de cette obligation, jusqu’à la fin de leurs études secondaires, mesure qui vise à atténuer les conséquences de la loi de la discorde. Mais le mal était déjà fait, et la décision du même conseil des ministres de suspendre les 19 héros signataires du manifeste du même nom et de déclencher des poursuites judiciaires contre eux va aggraver la situation.
Le 19 janvier, les établissements du secondaire seront fermés jusqu’ au 4 février. Entre-temps, Mohamed Ould Cheikh, ministre de la Défense, fervent promoteur du dialogue intercommunautaire, préconise la création d’une commission mixte chargée d’étudier en profondeur les antagonismes existant entre les deux communautés. Cette mesure est adoptée et met ainsi fin à la grève des fonctionnaires noirs, toutefois Mohamed Ould Cheikh est accusé par l’aile dure des nationalistes arabes du PPM d’être en connivence avec les communautés noires.
Le 2 février, les maures partisans de l’arabisation à outrance contre-attaquent en lançant un tract anonyme intitulé « La voix des élèves mauritaniens ou du peuple » pour riposter contre le manifeste des 19. Ce tract dénonçait l’illégalité du décret 66004 portant application de la loi n° 65 026, condamnait « la politique qui consiste à forger de toutes pièces une ethnie noire pour noircir la Mauritanie » et considérait « la scission complète et définitive des deux ethnies comme seul remède pour assurer notre avenir ». On dirait des extra-terrestres !
La violence
Le vendredi 4 février la rentrée des classes du secondaire s’effectue dans le calme mais le mardi 8 février à 18h 30 mn, des bagarres éclatent au réfectoire du lycée de Nouakchott entre élèves maures et noirs. Occasionnant quelques blessés légers, ces bagarres font l’objet du rapport N 4 /DGN du 10 mars 1966, établi par l’adjudant-chef Mamoye DIARRA commandant le détachement de la Garde nationale à Nouakchott qui était intervenu à temps pour éviter le pire.
La gravité de la situation et son évolution probable vers des affrontements généralisés, plus violents et plus durables, pouvant conduire les agents de la force publique déboussolés, à prendre parti chacun au profit de sa communauté, avec des conséquences pouvant mettre en péril l’existence même du jeune Etat, avait amené le ministre de la Défense, en l’absence du chef de l’Etat, en visite officielle à Bamako, à approcher l’ambassadeur de France au sujet d’une éventuelle intervention des troupes françaises à partir du point d’appui de Dakar.
Ce dernier avait envoyé un télégramme à ce sujet à Paris, auquel le général de Gaulle avait répondu en rédigeant personnellement la note suivante : « Nous exécuterons notre accord de défense avec la Mauritanie, s’il y a lieu, c’est-à-dire dans les cas suivants : Subversion visant à porter atteinte à la personne du Chef de l’État ; Attaque de la Mauritanie par un autre État (notamment le Maroc). En dehors de ces obligations nous n’avons pas à prendre parti par les armes à l’intérieur de la Mauritanie. Signé : Charles de Gaulle. »
Le mercredi 9 février à 8 h 45mn, toujours selon le rapport de l’adjudant-chef Mamoye Diarra, une bagarre éclate entre les maures et les noirs dans les rues de Nouakchott, à hauteur du camp de la fanfare. Un peloton de la Garde, relevé sur l’effectif déployé au lycée, commandé par lui-même, intervient pour prêter main forte à une compagnie de police débordée, par l’ampleur des évènements.
Une foule monstre, très agressive, complètement excitée, n’avait pu être contenue par les forces de l’ordre. Le peloton de la Garde ainsi que la compagnie de police, n’ayant pas l’autorisation de faire usage des armes, s’étaient contentés de limiter les dégâts au lieu de s’interposer entre les deux groupes.
C’est en fin de matinée à 11h 30 mn, à l’arrivée des renforts de l’Armée et de la Gendarmerie que la situation a été totalement maitrisée selon le rapport de l’adjudant-chef Mamoye Diarra. Mais le bilan de cette première journée était très lourd. Le père de la Nation cite dans ses mémoires le nombre de 6 morts et 70 blessés, démentant formellement les chiffres, qu’il qualifie de fantaisistes, cités dans les mémoires de Jean-François DENIAU, ambassadeur de France au moment des évènements et qui parlent de 60 morts.
À ce sujet, Jean-François Deniau indique dans ses mémoires que l’adjoint de son homologue espagnol, le colonel Troncoso (ancien d’Ecouvillon) lui avait fait part d’informations inquiétantes selon lesquelles des Maures auraient organisé la venue par camion depuis l’Adrar de nombreux Haratines, afin de « donner une leçon aux Noirs » et de montrer que les activistes négro-mauritaniens ne peuvent compter sur une solidarité de cause avec ces derniers.
Deniau décrit une situation catastrophique à Nouakchott : « des groupes de 20 à 30 Haratines attaquent à coups de bâton, dans le quartier de la Medina, les Négro-Mauritaniens isolés. » L’ambassadeur soupçonne les autorités de tolérer et de soutenir les émeutiers, et accuse des éléments du corps des gardes-cercles de participer publiquement au massacre des noirs: « Au Ksar [quartier de Nouakchott] la garde nomade (tous bidanes) s’emploie à maintenir les Noirs pendant que d’autres noirs les assomment et les égorgent ».
Le retour au calme
Ce mercredi noir, 9 février à 12h 30, l’avion du père de la Nation atterrit à l’aéroport de Nouakchott en provenance de Bamako. A l’issue du cérémonial d’usage, le Président est pris en aparté par l’ambassadeur de France qui lui fit l’entretien suivant, cité dans ses mémoires : « Jean François Deniau me dit que son gouvernement était prêt à nous envoyer, à partir de la base de Dakar, des éléments de troupes pour nous aider à rétablir l’ordre, dès que j’en formulais la demande. Je le remerciai et lui dis qu’en cas de nécessité, je lui ferais signe. En attendant il ne devait pas bouger. »
Le père fondateur, avait ainsi décliné poliment mais fermement la proposition française car pour lui, « une intervention des troupes françaises serait en quelque sorte un désaveu trop spectaculaire de la politique d’indépendance au regard de l’ancienne métropole qu’il a souvent tenu à affirmer personnellement».
Le lendemain, jeudi 10 février, un décret présidentiel nomme le capitaine Moustapha Ould Mohamed Saleck, assurant l’intérim du chef d’état-major national, le titulaire, le capitaine Mbarek Ould Bouna Moktar étant en stage, comme responsable du maintien de l’ordre et de la sécurité de Nouakchott, secondé par les lieutenants Thiam El Hadj et Soueidatt Ould Weddad et, et met toutes les forces de l’ordre à sa disposition pour l’accomplissement de sa mission.
Un couvre-feu est instauré, de 18h30 à 7h du matin à Nouakchott, les établissements secondaires de Nouakchott sont fermés jusqu’au lundi 4 avril, et des missions d’information et d’explication mixtes composées, chacune, d’un haut responsable maure et d’un haut responsable noir sont envoyées dans les principales localités du pays.
Le vendredi 11 février, arrestation d’une quarantaine de personnes, appartenant aux deux ethnies, accusées d’incitation aux désordres parmi lesquelles les 19 héros du manifeste. Le dimanche 13 février, l’union des travailleurs de Mauritanie publie le communiqué suivant : « elle affirme son soutien indéfectible au président Moktar Ould Daddah, symbole de l’unité, et l’assure, ainsi que le gouvernement, de son appui sans réserve pour trouver, dans le cadre national, une solution qui sauvegarde la coexistence harmonieuse entre les deux ethnies ». Le même jour des heurts sans gravité sont signalés à Mbout et à Maghama.
La situation sécuritaire consécutive à ces événements scolaires avait été bien maitrisée. Le capitaine et ses compagnons avaient fait preuve, selon le président de la République, « d’une loyauté inébranlable, d’une grande fermeté et d’une grande discipline ». Ils avaient réussi incontestablement à rétablir l’ordre, dans les meilleurs délais, sur toute l’étendue du territoire national, en envoyant des renforts conséquents et au bon moment, par avion, pour dissuader les populations d’Aioun El Atrouss et de Kaédi, alertées pour la circonstance.
Le 23 mai, un décret pris en conseil des ministres, nomme les membres de la cour de sûreté de l’Etat, juridiction d’exception préconisée le 19 février par une commission ad hoc, désignée par le gouvernement au sujet des événements des 9 et 10 février, pour juger exclusivement les 19 héros du manifeste. Cette cour n’eut jamais à siéger.
Les 19 héros, même si on peut les accuser d’incitation au désordre, ne peuvent être considérés, dans le pire des cas, que comme complices. Les véritables émeutiers responsables de la mort de 6 personnes ou plus, et des blessures de 70 autres, dont certains ont été formellement identifiés par les forces de l’ordre, ne semblent pas avoir été inquiétés. Le père de la Nation, premier responsable de cette situation, ne parle pas d’éventuelles poursuites judiciaires contre ces criminels, ni d’éventuelles réparations au profit des victimes, ce qui est vraiment déplorable.
Cette impunité est inadmissible, surtout dans une République islamique naissante. L’adjudant-chef Mamoye Diarra écrivait dans son rapport cité plus haut : « N’ayant pas reçu l’ordre d’arrêter les meneurs, les manifestants se sont sentis libres de leurs mouvements et notre intervention consistait seulement à calmer ou à limiter les dégâts… » C’est ce laxisme, qui accrédite la thèse de la complicité des autorités nationales, défendue par Mohamed Ould cheikh, « le ministre des noirs » alias Hamid Almouritani, l’un des acteurs principaux de ces événements, dans un livre paru en 1974, et par l’ambassadeur de France dans ses mémoires.
Ces six martyrs, ou plus, tous noirs, doivent être nécessairement identifiés et promus comme martyrs de la République, les martyrs du problème linguistique qui s’éternise, catalyseur de ces événements, déstabilisant notre équilibre intercommunautaire indispensable à notre survie en tant que nation. L’Etat doit payer à leurs ayants droit une Diya conséquente et leur présenter ses excuses solennellement. Mieux vaut tard que jamais.
Leurs noms doivent être inscrits en lettres d’or sur une stèle à l’endroit même où ils ont été massacrés, par leurs frères, pour nous rappeler notre bêtise, pour que cela ne se recommence jamais. Leurs meurtriers, qui ont ainsi échappé à la justice des hommes, manipulés ou pas, n’échapperont pas à la justice divine ainsi que leurs éventuels commanditaires.
Au cours des missions d’information et d’explication, un vieux sage négro-mauritanien du Gorgol, avait tenu les propos suivants devant la délégation du parti du peuple : « … Toutes ces affaires sont des histoires de jeunes intellectuels ; nous n’y comprenons rien, nous autres anciens. Nous, paysans de la vallée, avons toujours cohabité avec les maures, avec lesquels il nous arrive de nous disputer à cause des destructions provoquées dans nos champs par leurs troupeaux, ou à propos de la priorité d’utilisation d’un point d’eau. Dans ce cas, nous arrivons toujours à régler à l’amiable nos différends. Mais le plus souvent, nous vivons en bon voisinage, en échangeant nos produits et en nous rendant mutuellement service. Et puis nous sommes frères en Islam ». En effet, comme l’a si bien dit ce vieux sage, toutes ces affaires sont des histoires de jeunes intellectuels. Ce sont les jeunes intellectuels arabophones qui avaient commencé, en improvisant l’injuste arabisation à outrance pour trouver de la place, la riposte a été immédiate de la part des jeunes intellectuels noirs à travers le manifeste des 19 en dénonçant l’imposture, pour garder leur place.
En mars 1978, les jeune intellectuels maures noirs dénoncent à leur tour l’injustice faite à leur communauté et revendiquent leur place. En avril 1986, les jeunes intellectuels noirs récidivaient à travers le manifeste du négro-mauritanien opprimé, pour dénoncer l’injustice faite aux noirs, pour qu’ils retrouvent leur place dans la République, spoliée par les arabophones. Depuis deux ou trois ans, les jeunes intellectuels bijoutiers manifestent de temps à autre devant la présidence, pour réclamer leur place.
Les jeunes intellectuels musiciens, ainsi que les jeunes intellectuels métis européens, nos frères nasrani, préparent sans doute, leurs manifestes pour exiger, eux aussi, leurs places dans la République. Les causes profondes de ce malaise, ayant conduit à cette ruée de tous ces intellectuels à la recherche de leurs parts, sont liées à la mauvaise répartition des places, et des ressources, entre maures et noirs, entre maures et maures, entre noirs et noirs, pour l’accès au pouvoir économique, social et politique national, accaparé injustement par le pouvoir dictatorial et féodal des tribus depuis l’indépendance.
(A suivre)
LE CALAME
L’impossible unité nationale /Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibacar
Les jalons
La proclamation de la République, à Aleg le 28 novembre 1958, fut le résultat d’un engagement consensuel, solennel et sincère entre toutes les communautés, après des débats houleux mais francs et fraternels dans une ambiance bon enfant, dominée par l’émergence du problème identitaire. Les noirs, minoritaires, voulaient lui donner le nom de la République africaine de Mauritanie pour marquer leur différence, les maures, majoritaires, celui de la République arabe de Mauritanie pour imposer leur hégémonie. C’est le président de cette assemblée constituante, le métis Sidel Moktar Ould Yahya Ndiaye, qui, grâce à son sens élevé du devoir national et surtout à son souci de préserver coûte que coûte l’unité nationale, pilier principal de cette nouvelle République, qui avait proposé de la nommer République Islamique de Mauritanie, l’islam étant le ciment de notre unité. Sa proposition avait été votée à l’unanimité par tous les députés dans un contexte pluraliste.
La déclaration de notre indépendance le 28 novembre 1960 à Nouakchott avait entériné la naissance d’un État bi-ethnique où cohabitent une communauté arabo-berbère et une communauté négro-africaine unies par l’histoire, par la géographie, et surtout par une même religion, pour un même destin.
Mais l’adoption par l’assemblée nationale, en mai 1961 de l’amendement constitutionnel, transformant le régime parlementaire plus compatible pour consolider la cohabitation, en régime présidentiel source d’autoritarisme, va remettre en cause ce contrat social, ce pacte solennel, cette solidarité entre musulmans d’origines différentes, qui est le fondement de notre unité nationale et conduira notre pays vers la dictature de la majorité.
Cette déloyauté, pour ne pas dire cette trahison de la part de ses compagnons arabo-berbères, va provoquer la démission de Sidel Moktar Ndiaye président de cette assemblée nationale, dénonçant ainsi le monolithisme de la nouvelle République contraire aux objectifs fondamentaux fixés par le congrès d’Aleg, indispensables aux nécessaires équilibres intercommunautaires. Il sera remplacé à la tête de cette institution par Hamoud ould Ahmedou.
La concentration des pouvoirs et la politisation de la religion.
La réforme constitutionnelle de janvier 1965 faisant du Parti du Peuple Mauritanien (PPM) le seul parti légal et lui consacrant le monopole des candidatures sera fatale pour la cohabitation, puisque la minorité négro-mauritanienne n’aura plus le droit à l’expression politique d’envergure, pour manifester sa différence et exiger des réformes consensuelles comme au moment de l’indépendance. Cette concentration des pouvoirs exécutif, parlementaire et politique propre au système majoritaire, est injuste et confortera le totalitarisme du pouvoir aux mains de la majorité maure où les minorités n’auront plus aucun droit de jouer un rôle positif dans la construction nationale et doivent se contenter des miettes.
Auparavant, le premier congrès des juristes musulmans mauritaniens, composé essentiellement de ressortissants des tribus maraboutiques majoritairement d’origine Sanhadja, organisé du 20 au 27 novembre 1961, six mois après la réforme constitutionnelle, et à la veille du premier anniversaire de notre indépendance, par le ministre de la justice et de la législation, avait annoncé certaines recommandations à la fin de ses travaux , dont la plus importante était l’officialisation de la langue Arabe, exploitant ainsi le caractère islamique de la République pour servir des desseins inavoués. C’est le début de la politisation de notre religion et de l’ingérence des marabouts dans les orientations de l’Etat.
En effet, ces marabouts, que la force de leur foi avait amenés à renoncer librement à leur langue maternelle, avaient adopté la langue du coran et de l’islam dont ils sont devenus les fervents défenseurs, et l’avaient répandue par la force des armes dans tout le Maghreb, et même jusqu’à la péninsule ibérique. Après leur décadence puis leur défaite, ils poursuivirent leur œuvre par des moyens pacifiques. Grâce à leur maitrise de la langue arabe et de la force de leur foi, ils sont devenus les détenteurs du pouvoir spirituel et les nobles protecteurs de notre sainte religion dont ils assurent aujourd’hui encore le rayonnement.
Ces tribus maraboutiques avaient opposé une véritable résistance culturelle efficace et intelligente à vocation islamique et universelle, qui s’était manifestée pacifiquement, depuis la pénétration française jusqu’à l’indépendance, et même au-delà, face a la colonisation française, en refusant sa culture et en sauvegardant la culture islamique par la multiplication des mahadras et des bibliothèques.
Face à l’attitude quelque peu réfractaire à l’enseignement colonial de la majorité des arabo-berbères, les français avaient axé leurs efforts sur la composante noire de la Mauritanie plus motivée, qui, au bout du compte, avait été presque la seule bénéficiaire de cet enseignement français, au point que beaucoup d’intellectuels arabophones considèrent, jusqu’a ce jour, le français comme la langue des négro-mauritaniens.
L’orgueil et surtout l’ignorance des arabo-berbères, les avaient même poussés à refuser d’envoyer leurs enfants à l’école des agriculteurs, créée en 1931 dans le Karakoro pour répondre aux besoins du pays, considérant cette fonction comme métier servile normalement dévolu aux basses classes, ratant ainsi l’occasion de former leurs enfants dans ce noble métier très utile pour notre pays. C’est pourquoi cette école avait formé plusieurs promotions composées exclusivement des candidats négro-mauritaniens.
Les maures jaloux
Cette orientation coloniale qui profitait donc plus aux noirs avait abouti au début des années de l’indépendance à la formation de quelques centaines de fonctionnaires francisants, comprenant des enseignants, des infirmiers, des vétérinaires, des agriculteurs, des commis dans l’administration, des auxiliaires de la justice, des agents des PTT, entre autres, majoritairement négro-mauritaniens, donnant ainsi plus de 75% des fonctionnaires civils et plus de 80% dans les forces armées et de sécurité, dans un contexte où la fonction publique est l’unique débouché garantissant un avenir meilleur.
Cette supériorité des cadres négro-mauritaniens et l’engouement que cette communauté avait pour l’enseignement français, avait suscité la jalousie des jeunes arabo-berbères arabophones issus des tribus maraboutiques, qui se sont sentis sans avenir, empêchés de participer à la construction de leur pays, malgré leur nombre important, uniquement à cause de leur ignorance de la langue française, langue des mécréants, alors qu’ils ont tous les niveaux requis dans la langue arabe, qui est aussi la langue de l’Islam et normalement celle de tous les mauritaniens.
C’est ainsi que pour compenser ce retard, certains maures d’obédience nassériste, parmi les compagnons du père de la nation, dont l’un des leaders avait été célébré les semaines dernières pour son œuvre exaltante d’arabisation, prétendant lutter contre l’influence grandissante du français qui perpétue, à leurs yeux, la colonisation, ont suscité quelques mesures discriminatoires et arbitraires au niveau de la fonction publique et de l’enseignement, qui sont à l’origine des frustrations des négro-mauritaniens et qui n’ont pas du tout amélioré le système éducatif national.
Parmi ces mesures figure la réduction pour ne pas dire l’exclusion des cadres négro-mauritaniens des postes à pourvoir dans l’administration, dans les forces armées et de sécurité, dans le parti unique et dans l’assemblée nationale, remplacés par des arabo-berbères moins compétents. Même les noirs arabisants n’étaient pas traités dans les mêmes conditions que leurs frères maures arabisants, ils étaient recrutés à 10% parmi les enseignants et à 5% parmi les candidats de l’institut des études islamiques de Boutilimit.
Au niveau des forces armées et de sécurité où la proportion des noirs dépassait les 80% le 28 novembre 1960, des décisions discriminatoires et arbitraires de révocation abusives et de mise à la retraite par anticipation sans droit à pension, avaient ramené progressivement ces effectifs à 25%, pour faire profiter arbitrairement les tribus guerrières majoritairement d’origine arabe, à plus de 90% illettrés, transformées par la nouvelle République en véritables tigres en papier, juste bons pour les corvées.
De la place pour les marabouts
Mais c’est surtout dans l’enseignement secondaire où l’on veut faire de la place pour les tribus maures maraboutiques que l’imposture a été la plus flagrante. C’est ainsi que l’article 10 de la loi 65 026 du 30 janvier 1965 qui handicape sérieusement les négro-mauritaniens et compromet leur avenir, va constituer la goutte qui fera déborder le vase. Cet article, qui prend effet à partir du 1er octobre 1965 stipule : « Dans les établissements d’enseignement secondaire, il est donné un enseignement en langue française et un enseignement en langue arabe. Ces deux enseignements sont obligatoires pour tous les élèves inscrits. Des dispositions spéciales peuvent être prises en ce qui concerne les élèves venant de l’étranger. ».
Tous les postes à pourvoir dans le cadre de cette arabisation profiteront aux tribus maraboutiques qui sont à plus de 90 % des lettrés en langue arabe. Cette loi inopportune et injuste, fera de l’année 1966 une année d’agitation, l’élément précurseur est signalé par le père de la Nation dans ses mémoires :« Nous savions que certains cadres francisants noirs- enseignants surtout- avaient profité des grandes vacances pour sensibiliser les élèves de leur ethnie contre l’enseignement de l’arabe et les préparer à faire la grève et à organiser des manifestations dès la rentrée. ».
Ce sont surtout les vacances de Noël qui seront mises à profit par les agitateurs pour déclencher les grèves. C’est ainsi que dès la rentrée des classes, le mardi 4 janvier au lycée de Nouakchott, à l’école normale et au lycée de Rosso, le mercredi 6 janvier au collège de Kaedi et le lundi 10 janvier au collège d’Aioun El Atrouss, la totalité des élèves noirs se mirent en grève contre la loi de la discorde, pour dénoncer l’arabisation à outrance.
Le 6 janvier, un tract intitulé le manifeste des 19 signé par 19 hauts fonctionnaires, magistrats, ingénieurs, ou instituteurs négro-mauritaniens qui soutient les grévistes est largement diffusé. Ce texte déclarait : « Appuyer les grèves des élèves noirs pour barrer la route à l’arabisation à outrance et exiger l’abrogation des lois promulguées le 30 janvier 1965. Le bilinguisme n’est qu’une supercherie permettant d’écarter les citoyens noirs de toutes les affaires de l’Etat.» Le père de la Nation accusait dans ses mémoires, des mains étrangères françaises et sénégalaises d’avoir téléguidé ses manifestations.
Le 10 janvier, le chef de l’Etat adressait un message à la nation critiquant avec virulence le manifeste des 19 et annonçant leur suspension de la fonction publique à compter du début de la grève le 4 janvier et précisant que des poursuites judiciaires seront engagées contre eux. Dans la soirée, le président de l’assemblée et tous les membres du gouvernement originaires de la vallée dans un geste patriotique et courageux, avaient présenté leur démission au père de la nation qui la refusa.
Les mesures annoncées solennellement contre les 19 héros entraîneront l’extension de la grève, dès le 11 janvier, à l’ensemble de la fonction publique noire, ainsi que beaucoup d’agitation dans le milieu ouvrier et chez les étudiants noirs à l’étranger.
A propos de cette loi de la discorde, le père de la Nation disait dans une interview à Afrique Magazine en janvier 1999 : « … Les mauritaniens arabophones s’estimaient lésés pendant la colonisation, parce que l’enseignement de leur langue avait été abandonné au profit du français. Nous avions voulu mettre de l’ordre dans tout cela. Et comme toujours, il y a des facteurs de désordre qui interviennent quand on veut mettre de l’ordre… Encore une fois, il n’était pas question de délaisser le français et encore moins les francophones, mais simplement de faire de la place aux autres. ».
(A suivre)
le calame
CLIN D’ŒIL : LES PEULS SONT ILS UNE SOCIÉTÉ ESCLAVAGISTE?
Il me semble judicieux voir important que certains arrêtent de tourner au tour du pot concernant le caractère qu’ils supposent esclavagiste de la société peule dans l’état actuel des choses. un procès en sorcellerie que certains veulent transformer en tribune enfin d’arriver à leurs fins politiques.la société peule est faite de castes oui mais y ‘a t il un lien actif de subordination et d’exploitation entre castes? eh bien dans ce cas qu’on le montre au grand jour. s’époumoner à tout à tout va pour brosser un tableau complétement décalé des réalités est pour le moins perfide et ne trompe personne.
ceux qui pensent qu’en faisant ainsi ils peuvent diviser les peuls en tant qu’ensemble socio ethniques peuvent toujours courir.
ce qu’on appelle les nobles aujourd’hui les torobés et autres sont les plus pauvres car ils doivent ce qu’ils possèdent à tous. ils sont même en train de devenir le bas de l’échelle sociale à force d’être désargentés. et je rend hommage à ceux qui ont combattu l’esclavage bien avant notre naissance.
quand à la féodalité dont on parle le mot est volontairement utilisé pour illustrer une situation de rapports riches/ pauvres. dans toutes les sociétés du monde il existe ce rapport vertical il prend des noms bien définis suivant le pays ou la société. une pyramide qui n’est pas prêt de finir tant l’humanité est bâtie ainsi.
il suffit a un soit disant casté d’avoir de l’argent pour épouser une fille noble à Nouakchott et ailleurs c’est légion.
les castes reposes sur le métier et non sur la subordination ou l’exploitation active. je serai curieux qu’on me dise un cas d’esclavage avéré chez les peuls.
Dia.Abdoul
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Maurexit : La Mauritanie doit-elle quitter l’Afrique ? Par le Pr ELY Mustapha
Voilà un pays dont le général-dirigeant ne fait que des allers-retours entre les pays asiatiques, l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe. Un pays qui ne reconnait pas tous ses enfants négro-africains et qui pourchasse les immigrants africains dans ses rues.
Un pays qui ignore les regroupements économiques africains et rejette leurs affinités. Un pays qui se refuse à être africain, ne doit-il pas quitter l’Afrique ? Ne faut-il donc pas organiser un référendum en Mauritanie pour que ce pays puisse quitter l’Afrique ? Un « Maurexit », à la manière du Brexit.
Si le Royaume-Unipropose à ses citoyens de quitter ou de rester en Europe, pourquoi la Mauritanie n’en ferait-elle pas de même pour l’Afrique ? Mais rassurons-nous comme au Royaume–Uni, les citoyens mauritaniens sont conscients (toutes proportions gardées) de l’enjeu. Aussi, il y a les « pour » et les « contre » et, bien entendu, les sceptiques…
Les partisans du « oui » au Maurexit
Les partisans du « oui » au Maurexit diront que l’Afrique n’apporte rien à la Mauritanie, sinon le désert et l’omnipotence de ses dirigeants, dont le sien y est en bonne place. Que même l’Union Africaine ne lui sert à rien, puisque cette Organisation ne sait que se servir elle-même.
Que ses africains sont pauvres comme Job et qu’ils lui apportent plus de problèmes frontaliers et de moustiques que de projets et d’investissements. Quant aux ressources naturelles de la Mauritanie, elles sont en voie d’épuisement sous l’effet du pillage national et international. Les compagnies minières qui les gèrent sont soit en banqueroute ou en déroute (SNIM, Kinross etc.).
Le poisson, se raréfiant est bouffé à vil prix par les européens sur la base d’un accord de misère et sans prix par les chinois.
Et donc qu’il vaut mieux que la Mauritanie quitte l’Afrique. Aller en Asie, voilà une solution pour les partisans du Maurexit. Il faut que la Mauritanie soit capable de suivre son dirigeant quand il aura quitté le pouvoir…pour aller du côté de l’Arabie Saoudite (puisque le Qatar héberge déjà son prédécesseur).
Les partisans du « Non » au Maurexit
Les partisans du « Non» au Maurexit n’ont (hélas!) pas d’arguments. Ou plutôt si. Un seul : en restant en Afrique, la Mauritanie continuera à bénéficier de la mendicité internationale (aide internationale, dons financiers et en nature et prêts concessionnels) car la Mauritanie est la fille ainée du PAM (Programme alimentaire mondial). Si elle quitte l’Afrique elle ne pourra plus tendre la main et ce sera la fin des haricots.
Car le blé du PAM et de l’aide américaine que reçoit la Mauritanie, c’est l’agriculteur Texan, le mécréant qui dans son ranch là-bas le produit. Et nos oulémas savent que le Mauritanien se nourrit à la sueur du front des nassaras. Quitter l’Afrique serait désastreux aux yeux des opposants au Maurexit. D’autre-part, qui va remplir les poches de ses dirigeants véreux si la Mauritanie ne bénéficie plus de l’aide aux pauvres qui est détournée. Donc, il faut voter « non » au Maurexit.
Les sceptiques du Maurexit
Il reste ceux qui sont sceptiques et qui hésitent entre le « oui » et le « non », mais pour lesquels le Maurexit pose un autre problème plus existentiel : même si par référendum la Mauritanie décide de quitter l’Afrique, comment va-t-elle procéder ?
Certains de nos intellectuels dans le giron du général, réfléchissant proportionnellement à leur mérite au poste, ont proposé qu’on pourrait ramasser à la cuillère, au fur-à-mesure, le désert mauritanien pour le déverser patiemment dans le « Roub’e el khali » (le quart vide du territoire saoudien). Les saoudiens nous le doivent bien puisque nous leur avons bradé les terres fertiles du sud Mauritanien.
D’autres pensent que la solution la plus adaptée, c’est d’attendre qu’avec le réchauffement climatique et la montée des eaux qui va noyer Nouakchott, de déplacer la capitale quelque part hors d’Afrique. Les virées incessantes du général dans la péninsule arabique, seraient liées à cette solution.
De toute façon, le peuple mauritanien conditionné au 99,99% votera massivement « oui » pour le Maurexit. Il ne faut pas lui en vouloir, car depuis qu’il existe, il ne sait même pas dans quel continent il est. Il n’a pu se constituer en nation et son identité il ne la connait pas puisque soumis à des tiraillements identitaires.
Ses arabes lui promettent l’Arabie, ses négro-africains, l’Africanie, ses oulémas, le paradis…et son dirigeant, la zizanie. Il est donc urgent d’organiser un référendum, avant que le général ne prenne le chemin de l’Est, laissant un pays exsangue…en Afrique. Un de plus dans la misère indescriptible du continent.
Pr ELY Mustapha
cridem
FLAMNET-AGORA: Où allons-nous ? Par Samba THIAM président des FPC
Quand des tentatives de parjure se profilent à l’horizon et que les Ulémas observent sans rien dire,
Quand un Chief –justice encourage de vive voix la violation de la loi fondamentale dont il est censé être le garant,
Quand la sacralisation de « l’avoir »l’emporte sur tout, alliée à la fourberie, à l’hypocrisie, au mensonge,
Quand l’honnêteté cesse d’être une valeur cardinale, que la société se délite pour hisser au pinacle ceux qui pillent l’Etat,
Quand nos bouches convoquent sans arrêt l’Islam pendant que ses principes essentiels ( honnêteté, probité , hygiène , amour du prochain) sont à tous les instants foulés au pied,
Quand l’Unité nationale est scandée en toute occasion , à chaque ‘’ Ifthar ’’ comme une cantique, sans en crever l’abcès , et que persiste cyniquement ‘’l’unité du cavalier et de sa monture’’,
Quand la mère de famille chérit plus le fils qui rapporte de l’argent aux sources douteuses que le fils diplômé, mais hélas au chômage,
Quand le traditionnel respect dû aux personnes âgées, aux parents, aux aînés lentement s’évanouit,
Quand de pauvres patients des hopitaux nationaux se voient cyniquement réorientés vers des cliniques privées de ceux-là mêmes qui les traitent , pourtant fonctionnaires de l’Etat -,
Quand une ‘’épaulette’’ intimide le citoyen lambda, et même porte la main sur un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, dans l’impunité totale,
Quand la jeunesse, se détourne des idéaux d’antan et se laisse porter par la frénésie de l’enrichissement à tout prix, tout de suite, le souci de nomination du compte en banque, de la villa, de la voiture,
Quand des plaintes ici ou là sont mises sous le coude parcequ’un puissant serait passé par là,
Quand l’élite arabo-berbère continue de garder le silence devant la voie dangereuse et sans issue, jusqu’ici empruntée, et que l’autre élite – la plus concernée – choisit de se coucher,
Quand la loi est considérée comme une contrainte inutile à contourner, sans valeur aucune, juste bonne pour les autres,
Quand cette loi et le Prince ne font qu’un, la loi c’est le Prince, le Prince la loi,
Quand l’Etat reste perçu comme une fiction , au mieux comme une vache à lait au service du clan, de la tribu,
Quand, en toute impunité, chaque portion de l’espace public est squattée, transformée en boutique, en mosquée pour piéger ou capturer, en prédateurs, la manne du Golfe,
Quand des cours de l’Ecole publique sont bâclés, voire séchés au profit d’une course à toute vitesse vers les Ecoles privées, ou que des infirmiers refusent des gardes nocturnes au détriment des malades pour ces mêmes cliniques,
Quand la détention préventive devient parfois plus longue que celle des condamnés eux- mêmes,
Quand l’Administration tombe en déliquescence, que chacun porte sous le bras son dossier d’une administration à l’autre , ou le gage aux démarcheurs,
Quand pour le moindre droit auprès de cette Administration le bakchich semble devenu de règle,
Quand on crache sur les murs de l’hôpital et que l’on s’étale sur le perron devant la salle de consultation sans remontrances aucune,
Quand des ordures partout jonchent les rues , les coins des maisons, que des fosses septiques à ciel ouvert empestent l’air,
Quand des détenus de droit commun encombrent les prisons alors que les villes ploient sous les déchets,
Quand la circulation routière, des plus anarchiques, en rajoute par des infractions à deux vitesses de caractère sexiste,
Quand les mendiants envahissent les rues et se plantent au beau milieu de la chaussée en toute liberté,
Quand des malades mentaux, armés de gourdin, se dressent menaçants sur la chaussée, comme pour forcer l’ aumône des conducteurs,
Quand, sans scrupules, on brûle le feu rouge, ou passe un taxi au coffre ouvert chargé de passagers sous l’oeil indifférent de jeunes agents qui dévisent à l’ombre des arbres,
Quand Nouakchott envahie par des hordes de chiens errant, d’ânes, de chèvres et de vaches devient la norme,
Quand partout, enfin, règne la chienlit, le désordre total qui ne semble plus géner personne,
Quand personne ne se sent ni indisposé ni concerné , personne ne se sent fautif, que seul l’Etat –providence-est tenu pour responsable,
Quand………
Où donc allons-nous pardi ?
Il ne sera manifestement pas aisé de redresser cette Mauritanie profondément en crise qui a perdu ses repères, à moins que Dieu nous dote d’un homme d’Etat, un vrai; des « épaulettes » ? surtout pas !
La lutte continue !
Samba Thiam
Nouakchott 18 –Juin- 2016.
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