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FLAMNET- AGORA: POURQUOI LES FPC PARTICIPENT AU DIALOGUE NATIONAL?
Nous avons décidé, en tant que parti(FPC), et en toute indépendance, de répondre à l´invitation au dialogue national. Nous avons accepté de participer au dialogue suivant nos conditions et nos principes. Nous avons décidé d’y aller tout en étant conscients des insuffisances de l’organisation des assises et des doutes sur la bonne foi du pouvoir, initiateur intéressé, de ce dialogue. Nous sommes surtout conscients de l’envergure des différences qui nous distinguent de l’écrasante majorité des participants, essentiellement partisans du maintien en l’état du système discriminatoire que nous combattons.
Notre vision et notre voix ont donc peu de chance de prévaloir face à l’immense adversité plutôt mue par un agenda officieux. Malgré la légitime suspicion et les minces espoirs, faut-il pour autant renoncer à l’effort? Pour qui connait notre parcours sait que nous ne sommes pas de ceux que les défis effraient. Depuis le début, en décidant de nous attaquer au système, seuls et avec le peu de moyens qui étaient les nôtres, nous sommes appropriés cet adage comme immuable ligne de conduite qui veut que ” l’on n’a pas besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer”. Une chose est sûre, ce que le Système n´est pas arrivé à faire de nous par la répression et des tentatives de corruption pendant plus de 30 ans, ce n´est pas par la “table ronde” ou la “confrontation des projets de société” qu´il arrivera à nous dompter. C´est faire insulte à notre parcours militant, à nos années de sacrifice et de privations, à nos martyrs, à nos longues années de prison et d´exil, en pensant que ce Système que nous avons combattu durement au moment où certains de nos petits procureurs d´aujourd´hui, les opposants de la 25ème heure rasaient les murs ou applaudissaient le petit colonel ould Taya, peut nous divertir sur l´essentiel.
Nous allons au dialogue en tant que parti d´opposition au Système avec nos propositions de sortie de crise. Nous allons au dialogue pour exposer notre vision de la Mauritanie. Nous allons au dialogue pour dire notre part de vérité en hommes libres et justes. Mandela a montré la voie, nous ne pouvons que nous en inspirer sans perdre notre âme, nos principes et notre dignité. Discuter ne veut pas dire se renier, ni encore être tenté par quelque avantage que ce soit. . Dialogue et entrisme sont deux notions différentes assimilées par certains pour les seuls besoins d´une politique stérile. Alors, que l´on ne fasse pas de nous des adeptes de l´entrisme quand nous parlons de la nécessité de dialoguer pour sortir notre pays de l´impasse. N´ayant jamais flirté avec aucun des pouvoirs politiques civils ou militaire(contrairement à certains opposants), n´ayant jamais appartenu à une quelconque majorité présidentielle, nous nous sommes toujours situés en dehors du Système et tout ce qui l´incarne donc personne ne peut honnêtement se douter de notre bonne foi et de notre patriotisme. .
Discuter, débattre, dialoguer avec l´autre est une question de principe chez nous. Comme le rappelle bien ce passage de notre déclaration et orientation de politique générale d´août 1989: “…Les Flam sont une organisation multinationale luttant pour l´avènement d´une société non raciale , égalitaire et démocratique.
Elles sont une organisation politique pacifique, largement ouverte, qui privilégie le dialogue et la concertation mais se réservent le droit de recourir à tous les moyens si elles y sont contraintes; la violence physique n´est ni le but, ni le crédo de l´organisation”.
L´essentiel pour nous c´est de débattre sur la question nationale et sociale car nous croyons aux vertus du dialogue comme nous l´appelions dans notre “Manifeste du négro-mauritanien opprimé” de 1986:
“Les problèmes mauritaniens doivent être posés par des Mauritaniens, discutés entre Mauritaniens et solutionnés par les Mauritaniens eux-mêmes. Notre amour pour ce pays nous commande à inviter toutes nos nationalités à un dialogue des races et des cultures, dans lequel nous nous dirons la Vérité pour guérir nos maux.
Il faut que nous traduisions dans la réalité nos appels au Salut National et au Redressement de notre pays, au lieu de dépenser toutes nos ressources et toutes nos potentialités humaines dans des querelles raciales et culturelles dont les principaux bénéficiaires ne seraient certainement pas les Mauritaniens.”
A l´époque, cependant, il ne s´était pas trouvé suffisamment de bonnes volontés dans les mouvements politiques concurrents pour formuler avec autant d´exigence que nous, la revendication d´une réelle égalité entre tous les citoyens mauritaniens.
Que les évènements, plus douloureux les uns que les autres, qui se sont succédé notre pays depuis septembre 1986, aient cruellement confirmé nos analyses, ne saurait être pour nous l´occasion d´une quelconque délectation. L´important est ailleurs: il est dans la reconnaissance par tous de la nature raciste de la politique conduite par l´Etat mauritanien.
Le débat national doit fixer les conditions d´une cohabitation harmonieuse dans les différentes communautés nationales et s’atteler à la mise en place d´institutions démocratiques garantissant le respect des libertés individuelles et collectives.
Toutes les revendications peuvent trouver une solution si l´on veut se donner la peine. Il ne s´agit pas de récuser toute synthèse, mais une synthèse ne s´obtient pas en soldant ses revendications surtout essentielles.
La lutte continue!
Kaaw Touré- des FPC
LA DÉCLARATION HISTORIQUE DU MND DE 1987 ET LE FAMEUX “COMPROMIS HISTORIQUE ET PROCESSUEL DE L´UFP” AVEC OULD TAYA, PARLONS EN!
J´ai interpellé tout récemment l´éminence grise des ex-cocos du MND, leur timonier Moustapha Ould Bedredine secrétaire général de l´UFP suite à sa malencontreuse et malveillante sortie dans le Calame contre les participants au dialogue national : « ce qui se passe au palais des congrès ne peut pas s’agir d’un dialogue, c’est juste une rencontre romantique entre Aziz et un groupe de ses amis qui ont le même agenda et qui n’ont aucune divergence sur les points de vue. ces amis vont se rencontrer pour faire des échanges amusants et boire quelques rafraîchissements » et il poursuit sa verve: « Nous, en tant que politiques, nous ne sommes concernés ni de prés ni de loin par rien de cela. Cette rencontre romantique entre Aziz et ses amis n’exprime ni le point de vue du peuple mauritanien ni celui de son opposition”..
Depuis quand sommes-nous devenus des “amis” du Général-putschiste de Nouakchott ? Voilà la sentence est tombée, l´ancien copain de Taya et théoricien du fameux dialogue en solo ou du “compromis historique processuel” avec le despote le plus sanguinaire de l´histoire politique de la Mauritanie qui s´attaque sans fioritures des partis indépendants qui ont décidé de discuter librement avec d´autres mauritaniens sur l´avenir de notre pays.
Qui a mandaté l´ex-coco Ould Bedredine pour dire qui représente dignement le peuple ou l´opposition mauritanienne? C´est quoi être opposant selon notre ex-coco du MND? Est-ce que quelqu´un qui a eu le courage de serrer les mains du colonel Ould Taya entachées du sang du peuple mauritanien ose nous parler de moralité en politique? Ces messieurs ressortent leur archaisme habituel pour critiquer tout ce qui refuse de raisonner en terme de “nègres de service” ou de suivre leur aventure politicienne. Nous pouvons leur concéder qu´ils ont raison de “s´opposer” mais c´est peut-être un peu trop tôt; en effet, la seule opposition qui leur sied étant celle d´alliés naturels et de toujours du Système. On ne le dira jamais assez l´erreur dans l´analyse est l´une des qualités premières des “marxistes” mauritaniens.
Quant à l´opposition ou à la résistance du peuple mauritanien face à l´état raciste, elle concerne tout le peuple mauritanien dans son ensemble sans distinction de race ou de classe sociale. C´est le paradigme que nous avons rappelé et voulu concrétiser en Mauritanie qui nous a valu la dénonciation(MND EN 1987), la répression, l´exil, jusqu´à l élimination physique de ceux que nous comptions de plus chers dans notre mouvement.
Sur l´histoire du MND, le département de la presse et de l´information des FLAM avait produit un document en décembre 1997 intitulé “Le MND DE LA LUTTE DES CLASSES À LA LUTTE DES PLACES” signé à Dakar. Un document que feu Habib Ould Mahfoudh avait voulu diffuser et qui lui avait valu la censure des alliés conjoncturels du MND en 1998. Dans ce document historique nous revenions sur la responsabilité du MND dans l´assassinat de nos camarades dans leur fameuse déclaration de 1987.Je vais essayer de vous rafraichir la mémoire sur ce qu´on écrivait, en réponse au document ” Ensemble surmontons crises, différends et conflits pour le Salut de la Mauritanie” Document signé par Boubacar Moussa et Mohamed Ould Maouloud.
Qui ne se souvient du tract publié par ce groupe en novembre 1987, suite à la tentative du “putsch” des jeunes officiers Négro-africains( à l état de projet) qui invitait ouvertement le pouvoir à châtier? et Taya châtia sévèrement: les jeunes lieutenants Ba Seydi, Sy Saidou et Sarr Amadou exécutés froidement un matin du 6 décembre 1987 à Djreïda.
Une déclaration qu´ils regrettent certainement aujourd´hui mais qui restera jamais dans les années de l´histoire.
Jamais dans l´histoire de notre pays, une formation politique ne s´est jamais abaissée à un tel comportement à l´ égard de ses adversaires. En effet, après avoir écrit que les: “putschistes avaient-ils la conscience de conduire leur pays vers un drame à la libanaise? Et plus loin il poursuit,” la guerre raciale, qu´est-ce donc sinon le suicide pour la Mauritanie… qu´ils (les nationalistes négro-africains) incitent à la violence raciale et tentent même, par l´action terroriste et putschiste de mettre le feu à la maison commune est inadmissible: c´est un crime contre notre peuple multinational”(SPN). Voilà ce qu´écrivait entre autres le MND dans sa déclaration du 8 novembre 1987. Peut-on trouver meilleure facon d´inciter, encourager le pouvoir à frapper fort? De tels propos, quoiqu érronés, formulés par un mouvement politique, même moribond comme l´était le MND dans le contexte de l´époque où les arrestations s´opéraient, où le pouvoir cherchait encore quel dénouement donner à cette crise sans précédent, de tels propos donc constituèrent, sans nul doute un appui politique immense pour le pouvoir; une invite, un encouragement sans équivoque à châtier durement les “putschistes”. Voilà pourquoi la responsabilité du MND dans le verdict rendu à Jreïda le 3 décembre 1987 est lourde. Les auteurs de la déclaration du 8 novembre 1987 (MND) porte sur leur conscience l´exécution des jeunes militants: Sarr Amadou, Ba Seydi et Sy Saidou Daouda: que la terre leur soit légère. Amine!
Le jour viendra où ils devront répondre de cette responsabilité devant l´histoire.
Comme ils doivent aussi répondre sur leur silence assourdissant après l´arrestation des auteurs du manifeste du négro-mauritanien opprimé en septembre 1986 et leur silence pendant la déportation et l´assassinat des prisonniers politiques Négro-mauritaniens à Oualata en 1988. Qu´est-ce qui expliquait leur silence? La peur ou la complicité avec le pouvoir du colonel Ould Taya?
L´honorable ex députée du MND-UFP Kadiata Malick Diallo nous explique leur réaction par leur opposition à tout putsch mais notre question est de savoir s´il leur une fois, une seule fois, arrivé de prendre position ou de sortir une déclaration lors des nombreuses et inombrables tentatives des officiers “arabo-berbères”( Et Dieu sait qu´íl y en a eu), J´aurai aimé que notre honorable députée nous explique comment se faisait-il que la seule fois où des Noirs ont tenté un coup, on en racourci trois et fait croupir les autres en prison ou en résidence surveillée!!!
N´est-ce pas dans la même déclaration que le MND écrivait: ” Le 22 octobre dernier, un putsch pas comme les autres a été déjoué de justesse ; un groupe de jeunes militaires Haal-Pulaar avait envisagé de renverser, par les armes, l’équilibre politique existant depuis 1960, entre les nationalités composant notre peuple. Imaginer pouvoir remettre en cause cet équilibre par la conspiration et la violence, à partir d’une position sectaire hostile à la majorité arabe et ne tenant aucun compte de l’avis et des intérêts réels des minorités négro-africaines, frise la démence.” et le document de poursuivre : “De quels droits jouissent les minorités au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Zaïre, etc… Et dont sont privées celles de Mauritanie ?”
Magistrale négation de l´exclusion et de la marginalisation des Noirs, magistrale négation de l ´hégémonie politique, économique, culturelle arabo-berbère en Mauritanie! Plus grave, le MND trouve la situation des Noirs acceptable et normale en tant que “minorité”!
Ils acceptent que “l équilibre politique”, entre les composantes nationales tel qu´il se manifeste(Noirs dominés, Beydanes dominants) est juste et ne doit-être remise en cause, sous aucun prétexte. Voilà encore pourquoi le MND fut toujours incapable de prévoir l´évolution tragique inéluctable de la crise. Aussi fut-il surpris par les évènements et pris dans la tourmente de ces dernières années. Et quand ces évènements se produisirent, il ne sut pas encore une fois apprécier à leur juste valeur la cause de ses positions obsolètes et figées. Et quand par ses silences complices, il n´adoptait pas un profil bas (les événements de 1989), il exhortait le pouvoir raciste à châtier sévèrement les nationalistes noirs en 1987. Le MND , dans l´acte d´évacuation de la question nationale de son champ théorique est resté aveugle aux évènements de 1989 du fait de sa cécité politique et sécheresse conceptuelle. C´est cette bévue mortelle qui lui vaut de mourir en MND pour se réincarner en FRUIDEM pendant les années de braise.
En politique comme ailleurs , les attitudes figées caractérisées par la transposition mécanique des théories d´ailleurs au détriment d´une prise en charge concrète des réalités empiriques de l´ici et du maintenant sont toujours sanctionnées par une grande impopularité dans les masses fondamentales.
Les “nationalistes étroits” en palpant du doigt les véritables plaies de la Mauritanie(sans opportunisme conjoncturel) , ont payé une très lourde facture par leur propre sang pour la réalisation des conditions d´une indispensable mutation de la société mauritanienne pour la démocratisation et l émergence des libertés individuelles et collectives pour tous les enfants du pays Négro-africains et Arabo-berbères.
LLC!
Kaaw Toure
FPC : 3 ans déjà ! Par Yaya Cherif Kane
Les Forces mauritaniennes pour le changement (FPC) viennent de souffler leurs trois bougies cette semaine à Nouakchott. Un anniversaire sur fond d’espoir pour la réconciliation nationale et qui marque leur retour au bercail après 27 années d’exil forcé.Trois ans déjà ! C’est un indice révélateur que la mutation des FLAM en FPC est acceptée par la majorité des mauritaniens à Nouakchott et à l’intérieur du pays.Le président Samba Thiam peut être fier de la longue marche de libération dont le point facal est la publication du manifeste du Négro-mauritanien.Des progrés sont réalisés dans la dédiabolisation du nouveau parti malgré sa non reconnaissance par les autorités de Nouakchott.Le travail de formation des adhérents et l’implantation du parti dans le pays commencent à porter leurs fruits.
Qu’on le veuille ou non Samba Thiam est entré dans l’histoire en Mauritanie. Ancien prisonnier du régime de Ould Taya dans les années 86 et après avoir vécu 27 ans d’exil forcé aux Etats-Unis, le président des Forces mauritaniennes pour le changement (FPC) apparaît aujourdhui comme un habile tacticien politique qui a permis une mutation réussie des FLAM en FPC en 2013 après le redéploiement à Nouakchott . De la même manière il a su bien géré cette scission d’un des plus vieux mouvements de libération en Mauritanie après le fameux congrés de la clarification en 2013.Une date historique qui marque la volonté du chef historique de réconcilier les mauritaniens avec eux-mêmes.Trois ans déjà ! C’est un indice révélateur que Samba Thiam a su convaincre ses compatriotes pour la construction d’une autre Mauritanie multiculturelle.Le président des FPC s’est attelé d’abord à rendre visible l’appareil du parti ancré d’abord dans un quartier populaire de la Sebkha et ouverte sur le district de Nouakchott.Ensuite le travail de dédiabolisation des FPC a porté ses fruits grâce à un travail de communication bien relayé par Kaaw sur les réseaux sociaux, la presse nationale et internationale. Et les rencontres périodiques avec la classe politique mauritanienne toute tendance confondue, les hommes d’affaires, les diplomates étrangers à Nouakchott, les syndicats et les mouvements citoyens et personnalités de la société civile ont le mérite d’avoir réussi à rassembler autour de sa personne la confiance de tous.Les FLAM peuvent lui reprocher tout mais pas la trahison des fondamentaux du mouvement.En réalité l’ancien prisonnier de Oualata a su tirer les leçons du passé et se tourne résolument vers l’avenir.En soufflant les 3 bougies le 24 septembre dernier, les FPC entendent porter tous les espoirs pour la réconciliation nationale et l’unité nationale. Samba est conscient que la réalité du régime de Ould Aziz très autoritaire est un handicap pour la reconnaissance de son parti.Mais la longue marche de libération est une œuvre de longue haleine.
Par Yaya Cherif Kane , journaliste
L’impossible unité nationale (Quatrième partie)/Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibacar
réforme du CMSN
En juin 1979, l’aile pro-algérienne prend le pouvoir à son tour et décrète dès 1980, une reforme qui divise les deux communautés, l’apartheid éducatif, par l’institution de deux enseignements parallèles, l’un uniquement en arabe au profit des maures et l’autre dit bilingue essentiellement en français au profit des négro-mauritaniens avec une promesse, qui ne sera jamais tenue, pour ces derniers, de généraliser l’enseignement de leurs langues et d’assurer leur utilisation dans la vie publique.
Le toucouleur, le soninké et le wolof sont déclarés langues officielles d’enseignement et de travail au même titre que l’arabe pour amuser la galerie. Les négro-mauritaniens seront obligés de prendre l’arabe comme 2ème langue, considérée comme langue unitaire pour tous les mauritaniens, les maures peuvent choisir l’une des trois langues négro-mauritaniennes comme 2ème langue. Le français est déclaré langue étrangère privilégiée.
Un institut de langues nationales avait été crée, il a pour mission « d’organiser, de coordonner et de promouvoir l’ensemble des recherches appliquées dans le domaine de toutes les langues nationales. Dans ce cadre, il est chargé, dans une première phase, de préparer l’introduction dans l’enseignement des langues PULAAR, SONINKÉ et WOLOF, d’assurer la formation du personnel et l’élaboration du matériel pédagogique, d’étudier les incidences pratiques et financières de cette introduction et les problèmes posés par l’utilisation de ces langues dans les différentes fonctions linguistiques (langues de l’enseignement, langues de l’information et des moyens de communication, langues de l’économie et du travail, etc.) ».
Cet institut, dirigé par des cadres motivés et compétents, avait entamé son travail en mars 1980, en créant des terminologies pédagogiques et en formant quelques dizaines de maîtres pour les classes expérimentales. Une mission d’experts de l’Unesco, qui avait visité ces classes pendant l’année scolaire 1983-1984, avait jugé leur expérience originale et encourageante. Cependant, le changement du 12-12-1984, va tout mettre en veilleuse et reconduire la réforme de 1973, avant de fermer provisoirement l’Institut.
En 1999, la cinquième réforme met en place une filière unique avec l’arabe et le français devenu «langue d’ouverture» pour l’enseignement des disciplines scientifiques, renforce les langues étrangères avec l’anglais dès la première année du cycle secondaire. Elle crée aussi un département pour la promotion des langues nationales poular, soninké et wolof, à l’université de Nouakchott. Le français devient «langue d’enseignement», toutes les matières scientifiques seront enseignées en français au secondaire.
Cette réforme, plus réaliste, sera vite contestée aussi bien par les partisans de l’arabisation à outrance qui y voient un retour en force de la francisation du système éducatif national, que par l’élite négro-mauritanienne qui considère cette réforme comme la consolidation de l’oppression culturelle. L’Institut des langues nationales sera remplacé par un département chargé des langues nationales et de la linguistique directement rattaché à la faculté des Sciences humaines. Les langues nationales furent reléguées au statut de «langues de laboratoire».
Avec cette réforme, toujours en vigueur aujourd’hui, les maures sont rentrés dans leur propre piège qu’ils avaient tendu à leurs frères négro-mauritaniens, il y a 50 ans. Aujourd’hui les diplômés maures arabophones pour ne pas dire hassanophones à cause de leurs niveaux qui laissent à désirer, sont très nombreux mais ils ne peuvent accéder à la fonction publique sans un niveau minimum en français, ni réussir les diplômes nationaux sans obtenir la moyenne dans des épreuves en français, une langue qui ne leur avait jamais été enseignée. Ceci confirme l’adage arabe qui dit : « Celui qui tend un piège à son frère tombera dedans ».
Il apparaît clairement que ceux qui avaient préconisé au père de la Nation, l’arabisation à outrance, source de tous ces maux, n’avaient pas agi par nationalisme mais plutôt par égoïsme voire par racisme. C’est ainsi que notre système éducatif a été improvisé et conçu au rythme des pouvoirs militaires – un pas en avant, deux pas en arrière- au profit d’une communauté et au détriment d’une autre, sans tenir compte de notre différence, au lieu d’être le fruit d’un consensus national puisqu’il est le fondement principal de notre unité nationale.
Au bout du compte les hassanophones victimes des réformes improvisées de notre enseignement, ont envahi la fonction publique, et plus particulièrement les deux piliers fondamentaux de l’Etat que sont l’administration territoriale et la justice qui sont malades de leur incompétence, au détriment des autres. Ils constituent aussi la maladie qui gangrène nos systèmes éducatifs, sociaux, économiques et de santé publique.
Toutes ces reformes improvisées et bâclées de notre enseignement ont montré leurs limites, et le résultat du baccalauréat de cette année scolaire 2015-2016 dont la précédente avait été déclarée pourtant par le gouvernement comme année de l’enseignement, pour se moquer du peuple, démontre à lui seul l’échec de toutes ces réformes élaborées depuis un demi-siècle. .
Cette année au baccalauréat il y a eu 88% d’échecs et seulement 12% de réussite dont 9% parmi les candidats issus des écoles privées et seulement 3% parmi ceux issus des écoles publiques. Soient 9% des enfants des riches et 3% des enfants des pauvres. Bravo pour le général de bataillon président des pauvres. Président de la pauvreté, de l’ignorance et de l’injustice.
Une langue unitaire
L’année passée, j’avais rencontré un ami d’enfance originaire de Chinguitty, au cours d’une conversation, il m’avait dit que sa fille, jeune collégienne était devenue l’intime amie d’une adorable petite négro-mauritanienne de la vallée qui faisait la même classe qu’elle, et qu’elles étaient devenues inséparables. Je lui avais demandé aussitôt : « Elles communiquent dans quelle langue ? » Il m’avait répondu : « Elles communiquent en turc ». – Comment en turc ? Il m’avait répondu : « Elles sont au collège turc de Nouakchott, où la langue turque est obligatoire, ma fille est arabophone, sa copine est francophone, elles partagent le turc ».
J’ai eu honte pour mon pays, j’ai eu honte pour son élite, j’ai eu honte pour mon peuple, et pour tous ses gouvernements, j’ai eu honte, j’ai eu honte. Depuis plusieurs siècles, nos communautés cohabitent pacifiquement sur le même territoire, unies par l’histoire, par la géographie et surtout par la même religion. Depuis plus d’un demi-siècle, nous avions décidé de bâtir ensemble une République Islamique, et depuis lors on se regarde en chiens de faïence.
Il m’arrive souvent, en réunion avec des amis officiers ou cadres civils devant la télévision, pendant les très rares fois qu’on voit un journal télévisé en langues nationales négro-mauritaniennes, de leur demander dans quelle langue parle le journaliste. Leur réponse presque unanime est toujours : « On ne sait pas faire la différence entre ces langues».
Les maures, responsables dans l’administration et dans les forces armées, qui parlent ces langues cultivent des complexes incompréhensibles et évitent toujours de les parler publiquement devant leur communauté. L’exemple du général de bataillon et de son cousin président du CMJD est assez éloquent. Ces deux ambitieux officiers qui parlent couramment la langue wolof, mieux que le Hassania, puisqu’ils ont grandi au Sénégal, n’ont jamais fait entendre publiquement, en Mauritanie, un petit nangadef ou un petit diaradieuf.
Pourtant s’ils avaient prononcé leur discours en wolof pendant leurs visites officielles à Rosso, fief de cette composante où tous les habitants comprennent cette langue, cela aurait fait un très grand plaisir aux rossossois et à tous les mauritaniens, et aurait incontestablement suscité un élan de promotion de cette langue et rehaussé leur côte. Car une langue nationale de plus constitue une très grande richesse.
Après quelques réflexions, je me suis demandé pourquoi ne pas adopter la langue turque. Dans la mesure où les turcs sont des musulmans comme nous, ils sont les derniers empereurs du dernier empire musulman, l’empire ottoman qui a duré de 1299 à 1923, le dernier Etat islamique qui avait sous sa souveraineté tous les Etats musulmans de l’Asie mineure, des Balkans, du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord.
Le grand peuple turc avait joué un très grand rôle dans l’émancipation de l’Islam, et vient de donner il y a quelques semaines une très grande leçon de démocratie aux peuples du tiers monde, en refusant le retour du pouvoir usurpateur et destructeur des militaires et en débarrassant la grande armée turque de ce fléau qui ternissait son image de marque et anesthésiait son peuple.
Aussi la langue turque est-elle inoffensive pour nos communautés, elle ne porte pas en elle des appréhensions négatives. Les uns ne peuvent pas la considérer comme une langue des colons mécréants, qui veulent nous dominer culturellement. Les autres ne peuvent pas non plus la refuser puisqu’elle ne constitue pas la langue des racistes et esclavagistes qui veulent au nom de la religion l’utiliser pour les opprimer culturellement.
Si cette langue turque peut nous permettre de construire des amitiés comme ces deux collégiennes qui sont devenues inséparables, si elle va nous permettre de nous parler, de nous faire confiance, de nous respecter mutuellement, de nous aimer et de pouvoir reconstruire ensemble une patrie fondée sur les valeurs que nous partageons ; une vraie patrie qui respecte notre différence qui est notre richesse, une vraie patrie qui respecte l’égalité citoyenne et la justice ; pourquoi alors ne l’adoptions-nous pas comme langue unitaire ?
Les Beidanes et les Bambaras
Nous les maures ou beïdanes nous ne sommes pas des arabes. Nous sommes un mélange migratoire constitué de 10 à 15% de tribus Béni Hassan d’origine arabe, de 40 à 45% de tribus Sanhadja d’origine berbère et de 40 à 45% de négro-africains majoritairement d’origine Bambara. L’arabe n’est pas notre langue maternelle, notre langue maternelle est le hassanya qui ne figure pas dans la constitution, et qui n’est enseignée nulle part, elle est donc condamnée à disparaitre, ce qui est fort regrettable.
La langue arabe est une langue universelle que nous apprenons à l’école avec nos frères négro-africains et parfois, ils l’assument mieux que nous. C’est l’Islam qui nous l’avait imposée puisqu’elle est la langue du coran. Une langue fondamentale pour comprendre et mieux s’acquitter de notre devoir religieux. Pour les mêmes raisons, tous les musulmans du monde entier, turcs, perses, chinois, africains, asiatiques, européens ou américains etc. sont obligés, chacun en ce qui le concerne, d’apprendre l’arabe pour des besoins strictement religieux, tout en conservant sa propre identité.
Malheureusement les nationalistes arabo-berbères mauritaniens, porteurs de deux idées contraires à l’Islam, que sont la laïcité et le racisme ont voulu, à travers les régimes militaires usurpateurs, s’approprier la langue arabe par égoïsme, en l’utilisant- au nom de l’Islam- pour écarter et opprimer culturellement la communauté négro-mauritanienne. Leur comportement avait conduit malheureusement, un ou deux cadres parmi les extrémistes négro-mauritaniens à renoncer à la religion musulmane qu’on leur oppose toujours pour justifier l’arabisation à outrance.
Au début des années 80, un mouvement d’émancipation de la communauté berbère avait été signalé dans la région du Trarza, avec en filigrane la reconnaissance de la langue berbère comme langue nationale, avant d’être étouffé dans l’œuf. Certains cadres fondateurs du mouvement Elhor, avaient préconisé en mars 1978, de revendiquer la langue bambara comme langue de la communauté harratine, pour s’éloigner un peu plus de leurs encombrants anciens maîtres. Il n’est pas exclu que les défenseurs de cette thèse soient derrière l’idée de l’érection d’une quatrième communauté nationale négro-mauritanienne, la communauté bambara.
Cette idée, dont mon grand frère, Traoré Ladji pour lequel j’ai beaucoup de respect, semble être l’un des plus grands défenseurs. J’ai visité personnellement tous les départements de la Mauritanie à l’exception de Bir Oumgrein et de Chami, et je n’ai jamais entendu parler de communauté bambara. Dans toute ma scolarité et toute ma carrière je n’ai rencontré que trois personnes qui revendiquent ouvertement leur « bambarité », Keita Boubacar mon professeur d’anglais au collège de Kiffa, le capitaine Mamoye Diarra et Traoré Ladji.
Certes, il existe beaucoup de bambaras complètement intégrés particulièrement dans la communauté soninké du Guidimagha et du Gorgol et des villages frontaliers des régions de l’Assaba et des deux Hodhs. On les retrouve aussi dans les quartiers d’anciens esclaves comme Banbarandougou à Sélibaby, les quartiers liberté de Kiffa, d’Aleg, de Mbout, de Boghé etc.
Cependant on ne peut pas parler de véritable communauté à part entière comme les maures, les peuhls, les soninkés ou les wolofs. Si les bambaras pouvaient constituer une communauté en Mauritanie, les colons français – partisans du concept diviser pour régner- ne les auraient pas oubliés. Le fait d’en revendiquer l’existence aujourd’hui ne fait que compliquer davantage le problème intercommunautaire dans notre pays.
Les FLAM utilisaient la terminologie du pouvoir « Beidane » qui veut dire le pouvoir des maures, au début de leur combat, avant d’adopter plus tard la terminologie du « pouvoir arabo-berbère » jugé tribaliste, raciste et esclavagiste, pour spécifier la responsabilité des maures blancs et exclure volontairement les maures noirs, considérés par certains parmi eux comme des négro-mauritaniens à part entière. Les velléités séparatistes que l’on veut inculquer aux maures noirs pour diviser la communauté beïdane sont contre-productives.
Nous les beïdanes, nous sommes une communauté arabo-afro-berbère indivisible et nous en sommes fiers, nous sommes avec nos compatriotes négro-mauritaniens des frères siamois, unis par le sang pour le meilleur et pour le pire. Nous formons la Mauritanie qui, comme l’a si bien dit mon frère Ba Oumar Moussa, « est un don de l’Islam ». Nous traversons une zone de turbulences depuis l’indépendance, marquée par le racisme, l’esclavage, le servage, l’inégalité et l’arbitraire, notre salut se trouve dans notre réconciliation avec l’Islam.
(A suivre)
le calame
Problématique du Système Educatif National: contribution de SAMB THIAM ( 2eme partie).
Notre système éducatif est donc à genoux. Des générations d’écoliers issus des milieux défavorisés ont été sacrifiées sous l’autel du slogan de la “repersonnalisation” factice et démagogique.
Pour changer les choses il nous faut, si nous sommes sincères, procéder à une véritable réforme structurelle qui conduise à une Ecole moderne, efficiente, avec comme préalable le renoncement à toute idée, à tout projet assimilationniste et hégémonique, sous-jacent.
*Il nous faudra , après cela, articuler certains facteurs :
-Adaptation de l’output aux besoins nationaux et du marché en général ( adéquation formation /emploi )
-Association des communautés villageoises à la prise en charge partagée de l’Ecole,
-Instauration d’une continuité entre formation initiale et formation continue, en paliers
-Adoption de certaines mesures d’accompagnement : (régulation du mouvement des Enseignants du public vers le privé à réorganiser et responsabiliser ; lutte ferme contre le désordre général qui prévaut – à supposer qu’on puisse le faire dans une Administration générale où le désordre et l’absence quasi systématique de suivi sont érigés en norme – , respect de la hiérarchie, de l’ancienneté, restauration de la promotion et du contrôle rigoureux des Enseignants, régulation des détachements abusifs et anarchiques, sanction sévère des absences fantaisistes, rationalisation des moyens etc ).
-Vigilance sur le corps de contrôle ( contrôle, fiche de suivi , formation du personnel , identification des Enseignants fictifs … )
-Mais surtout, procéder au rétablissement des bases de justice à l’école en supprimant l’iniquité actuellement en cours entre enfants dans l’acquisition du Savoir ; les Psycho-pédagogues s’accordent unanimement pour dire qu’un enfant qui commence par une langue étrangère accuse six (6) années de retard de scolarité. Les Ecoliers négro-africains faisant face à deux langues étrangères, au sens pédagogique terme, subissent donc un double handicap qui équivaut, logiquement, à 12 années de retard.
Il faut corriger ça !
*-Il nous faut, par ailleurs, clarifier le statut et le rôle attendu de chaque langue dans notre Ecole, à court, moyen et long terme. Pour ma part, je suis pour une Ecole qui parle plusieurs langues, comme la nation mauritanienne – pour un Etat multi-nations fédérateur des langues et cultures- . Les langues maternelles, toutes les langues maternelles, comme facteur d’apaisement des frustrations et tensions, et aussi comme facteur de développement ; le Français ou/et l’Anglais – comme porteur de pensée scientifique –( à un certain niveau), le chinois… Mohamed ould Abdalhaye disait que “la langue maternelle constitue pour tout un chacun l’outil irremplaçable de toute production scientifique effective et le socle de tout esprit créatif”.
-Je suis de ceux qui proposent que chaque enfant commence sa scolarité dans sa langue maternelle, pour aborder dans un 2eme temps une langue nationale seconde, qui serait enseignée comme langue de communication tout court ; L’arabe pour les Ecoliers Negro-africains, le wolof ou le pulaar, ou le soninke, le bambara pour l’arabo- berbère. Cette seconde langue serait affectée d’un coefficient faible de manière à ne pas gêner ou compromettre la progression de l’enfant.
L’instruction civique, morale ou religieuse, l’histoire, seraient enseignées en langues nationales. La philosophie, apte à former la pensée critique, serait enseignée en Français ; Il ne serait pas sain, ni judicieux au regard de l’évolution actuelle des choses, de faire porter l’enseignement de cette discipline par la langue Arabe –tant que celle -ci “n’est pas réformée”, et parce qu’elle est en ce moment “récupérée par le courant dogmatique et conservateur en Islam qui rejette la pensée critique et privilégie la répétition à l’identique”, selon le linguiste Algérien A Dourari. En effet, ce qui se passe autour de nous et dans le monde actuellement, n’est pas pour rassurer et n’incline pas à la pensée libre, telle que nous la connaissons chez Al Kindi, Averroes, Mohamed Abdou, Mohamed Iqbal…
Il y aurait lieu de procéder également à des réaménagements pratiques, en supprimant certaines anomalies aberrantes qui ne répondent à aucune logique objective : qu’est-ce que, par exemple, l’instruction civique, morale et religieuse en arabe (coeff 4 ) vient chercher, objectivement, en classe terminale série D ou C, si ce n’est pour pénaliser les uns et constituer un bonus pour les autres ?
Si la baisse de niveau est un phénomène général, elle est davantage plus accusée chez nous, à cause de nos pesanteurs propres ; ce phénomène est davantage accentué, ces dernières années, à cause en particulier, de la dernière réforme porteuse de tous les maux et de toutes les anomalies, sur laquelle il nous faut revenir …
Sous le couvert d’uniformisation de l’Ecole mauritanienne “qui divise” disait-on ( système à filière -Arabe/bilingue -) , cette réforme fut conçue et mise en œuvre en 2000. Son objectif déclaré était “d’unir” les Ecoliers en leur faisant suivre une seule et même filière ; plus de filière arabe où se retrouvaient quasiment tous les écoliers arabo- berbères, plus de filière bilingue, fréquentée exclusivement par les enfants négro-africains …
Autre attente exprimée à travers cette réforme, la nouvelle Ecole favoriserait la rencontre d’enfants issus de milieu social ou ethnique différent, qui déboucherait sur l’esprit de solidarité, de camaraderie retrouvée, de gestation de la citoyenneté ou du sentiment d’appartenance commune à un même pays, comme par le passé …
Derrière ces ambitions nobles, mais combien trompeuses, se cachaient, en réalité, des considérations et préoccupations bassement partisanes et claniques. Le souci n’était pas de s’attaquer aux dysfonctionnements du Système en général, mais essentiellement, de trouver une solution, à l’impasse de la filière arabe : Il fallait sauver les Ecoliers, naufragés, de la filière arabe, sans issue ! Filière qui consacrait un échec massif des enfants, sans réels débouchés ni perspectives de réinsertion dans le tissu économique.
En effet, chez nous la langue française – à la vie dure- était loin d’être morte et ailleurs l’anglais et le Français étaient de rigueur. Pour un étudiant formé donc uniquement en arabe, l’horizon interne et externe était assez rétréci, le champ des possibilités fortement restreint…
Cet échec de la filière arabe – le seul à l’origine de la réforme scolaire actuelle-, s’est illustré, on s’en souvient, par le renvoi dans les années 2000 d’un bon nombre de Professeurs de Sciences et de Mathématique, arabophones, reversés dans la diplomatie, ou affectés à d’autres tâches et fonctions administratives. Soit donc le corps arabophone, soit le médium était mis en cause dans l’enseignement des sciences, soit dit en passant …
La solution choisie fut donc de revenir à l’enseignement de certaines matières de base en Français (sciences et Mathématique ), qui était, jusque- là, réservé à la filière bilingue où se retrouvaient les écoliers négro- africains. D’un coté on levait un écueil – retour du français -, de l’autre on en créait, délibérément, par l’imposition de la langue arabe aux écoliers non arabes, avec de surcroît une langue éclatée en matières multiples affectées de coefficients accrus, accentuant ainsi leur handicap et leur échec massif, à travers une série littéraire totalement arabisée ! L’histoire, la géographie, la philosophie, la langue, l’instruction civique, l’instruction morale religieuse sont dispensées en arabe ! Appliquée brutalement, cette réforme allait pousser des milliers d’enfants négro-africains, pris de court et désorientés, à abandonner massivement l’Ecole.
On a donc réformé, mais en veillant à préserver soigneusement la nature discriminatoire du système qui opérait comme un filtre…Faisant déjà face à deux langues étrangères, -double handicap à surmonter- voilà qu’on multipliait de nouveau les obstacles sur leur chemin, ce qui, nécessairement, affecte négativement, fortement et durablement leur réussite scolaire. Voilà pourquoi , à titre d’exemple, au baccalauréat 2016, niveau national, série C, sur 100 admis on compte deux (2) Négro –africains ! A Kaédi sur 1061 candidats au bac toutes séries confondues il y a 37 admis négro -africains …Djeol compte zéro admis ! Voilà pourquoi dans les examens et concours d’accès à l’emploi les enfants et jeunes négro-africains sont recalés. De 2000 à 2016 les résultats sont tous les ans plus catastrophiques que jamais. L’Equité a déserté notre Ecole dès notre accession à l’indépendance …
Enseigner nos langues négro- africaines -gage de l’équité et de l’égalité des chances à l’Ecole et en société – n’a jamais, réellement, effleuré l’esprit des réformateurs. Ce fut –et ça le demeure – le cadet des soucis de nos gouvernants ; Il ne le fallait surtout pas, car ce serait “ouvrir la boite de Pandore, affaiblir la suprématie consacrée de la langue arabe, remettre en cause l’arabité de la Mauritanie”, compromettre le “rééquilibrage” du rapport de force, en voie de parachèvement …
Tel est l’esprit qui nous gouverne toujours !
Cette actuelle réforme, sabordant au passage l’Institut –performant – des langues nationales, n’a pas moins divisé et l’Ecole et la société mauritanienne. Par ses conséquences directes, des Profs de fac francophones, négro- africains, sont entrain d’être poussés vers la sortie, en voie de chômage technique…Les Profs de Droit, et d’histoire sont actuellement touchés, demain ce sera au tour des Profs de lettres. On devine la suite logique du processus sur l’Université… (et lorsque je parle de l’autre Elite- qui a choisi , pour l’essentiel, de se coucher, je note des grincements de dents !!!
En conclusion, l’uniformisation du Système scolaire actuel, à travers cette réforme dernière, s’est faite au détriment des enfants négro africains, au détriment de l’Unité nationale. En lieu et place de la réconciliation, elle a reconduit et accentué la fracture entre Ecoliers et entre communautés, par ses inégalités. Peut –il, du reste, y avoir réconciliation, restauration de l’esprit de camaraderie sur le socle de l’injustice ?
La baisse de niveau est, il est vrai, à l’échelle régionale, africaine et mondiale, mais elle est particulièrement aiguë chez nous à cause de la série de réformes à caractère idéologique et partisan…
“Notre pays dont l’unité s’est forgée dans l’épreuve entend sauvegarder cette unité comme son patrimoine le plus précieux. La diversité est une source d’enrichissement, elle ne doit jamais devenir une source de division. Unité dans la diversité, sans doute, unité dans une stricte égalité, des droits de chacun, sans discrimination d’aucune sorte. C’est ce que nous commande une vision de la réalité, une analyse sans complaisance des faits”.
Ce sont là des propos que tenait M. ould Daddah, mais quel usage en fit-il ? Nous pouvons réussir si nous abordons notre problématique dans un esprit exempt de tout calcul, de tout esprit partisan ou hégémoniste. Nous réussirons à condition d’être mus par le seul désir de construire, une fois pour toute, un système éducatif performant, fonctionnel, efficient , qui servirait l’égalité des chances , offrirait les mêmes opportunités et assurerait au peuple , dans toute sa diversité, développement, bien-être, et harmonie.
Samba Thiam
Inspecteur de L’Enseignement Fondamental
4 Septembre 2016