Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Samba Thiam répond à Boydiel : Débat avant l’heure …

Samba Thiam répond à Boydiel : Débat avant l’heure …J’ai lu ces jours, non sans sourire , dans le Calame, l’interview de mon compatriote Boydjel ould Houmeid que je respecte . Pour son courage , pour sa constance, pour une simplicité que je lui découvre et que j’apprécie…

Je me suis intéressé à son propos sur le volet des langues . Il ’ s’exprime, à demi, avant l’heure, sur la question de l’officialisation des langues nationales (Pulaar , Soninke , Wolof)  .

Plaidant implicitement pour la transcription de ces langues en caractères arabes , Ould Houmeid soutend et soutient son raisonnement par le rappel du procédé pédagogique mnémotechnique, usité naguère par nos marabouts Peulhs et Wolofs, pour l’acquisition des lettres arabes .Une réserve tout de même à cette approche pour dire attention à l’amalgame, à la confusion, à éviter, entre deux problématiques distinctes qui relèvent l’une de technique de mémorisation, l’autre de choix idéologique …

Derrière le propos et le choix implicite de Ould Houmeid, Je crois avoir décelé , un souci -patriotique- me semble t-il , celui de construction d’un nation mauritanienne plus soudée, au travers de caractères de transcription …Chose louable, mais sans rapport ,dans le fond , avec notre situation interne, et qui serait totalement injuste si elle venait à s’appliquer, à bien des égards …

D’abord parce que ce serait remettre en cause le débat des années 70 , déjà tranché et complètement dépassé. Ce serait également, à mon sens , questionner la volonté des peuples qui ont librement exprimé leur choix souverain … Les Communautés Soninke , Pulaar , Wolof ont parlé …

Il ne faut, surtout pas , voir dans notre volonté de garder les caractères latins une hostilité à l’endroit de la langue arabe…Loin s’en faut ! Seuls les esprits chagrins et soupçonneux tirent ce type de conclusion hâtive et tendancieuse. Pour preuve, lorsqu’en 1955 El hadj Mahmoud Ba de Djeol (Gorgol) œuvrait , inlassablement, au rayonnement de la langue arabe par l’implantation d’Ecoles à Kankossa, dans les Agueylats , au Fuuta , au Mali , au Niger , au Nigeria , ‘’IBN Amar ’’-1er institut mauritanien – n’était pas encore né ; Qui ne verra le jour que dans les années 70! Tout pro-arabe qu’il fut il resta partisan des caractères latins ; rappelons, par fidélité à l’histoire, que n’eût été l’opinion , déterminante, de cette grande figure le choix actuel des caractères latins n’aurait pas prévalu…

Non, les Négro-africains n’étaient pas et n’ont jamais été opposés à la langue arabe ; y compris nos marabouts et ce depuis l’islamisation du Sahel  ; en revanche Ils ont été et demeurent contre l’instrumentalisation de cette langue à des fins de domination qui, aujourd’hui, fait d’eux des laissés pour compte, effacés chaque, jour un peu plus, de la sphère publique…Effacés de l’ Ecole , de l’Administration , de l’Armée , de la Justice, de l’Economie, gommés de la direction de toutes structures officielles , jusqu’au site de la plage des pêcheurs … Au vu de tout celà on cherche, malgré tout, à forcer ‘’l’adhésion’’ aux caractères arabes !!! Discrimination de toutes sortes à tous les niveaux que ces mêmes acteurs politiques observaient tous les jours sans rien dire, mais dès que ‘’ l’officialisation des langues’’ est évoquée il y a levée de boucliers ! On crie à l’ethnicisme, on alerte sur des menaces imminentes à l’unité !   Cette discrimination ouverte, persistante , sert-elle à convaincre les principaux concernés à changer d’option dans le choix des caractères ?   Question ouverte à Ould Houmeid et consort  … Non, Mohamed ould Abdel Aziz était tout sauf le Président de tous les mauritaniens !

Rappelons, par ailleurs, encore une fois, que si L’Unité nationale –souci apparent de Mr Boydjel pensons-nous- devait se construire ou se consolider, cela ne saurait se faire que dans le respect réciproque, dans l’acceptation des différences de nos composantes nationales .

Dernière raison, de principe enfin : s’il est communément constaté et admis que les Arabes mauritaniens , voire ceux du continent , se sentent plus proches, ou plus attachés à leurs frères de race du Proche Orient , au nom de quelle logique refuserait-on aux communautés Peulh , Wolof et Soninké et bambara de Mauritanie la même aspiration  à garder un lien ( linguistique) avec leurs frères du Mali , de Côte d’Ivoire ,du Burkina et d’ailleurs ? A moins d’une raison obscure , à moins d’une intention sordide, un principe reste et demeure un principe , applicable partout et pour tous…

Récemment nous nous posions la question : ‘’ pourquoi donc nos frères – leaders haratines – restaient-ils silencieux devant notre revendication légitime pour l’officialisation de nos langues nationales ?’’

Ould Houmeid vient apparemment pour sa part d’y répondre , à sa façon … laissant présager une position du futur , plus ou moins déclarée ici . Décodons proprement et prenons bonne note…

Attendons sur la question ould Bulkheir , Mohamed Vall, Biram , Boubacar , ould Beye, ould Werzeg, Borboss , ould Ciré et autres …

Samba Thiam

Avril 01 Mai-2017

 

Le calame

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Réponse à Mohamed Saleck Ould Beheite /Par Mohamed Yehdih Ould Breideleil

altCher frère,

J’ai pris connaissance avec un certain retard de la lettre par laquelle vous m’interpelez, dans les colonnes du journal le Calame. Je comprends qu’il a été laborieux pour vous de mettre la main sur ma boite postale et que vous soyez obligé de donner la primeur d’une lettre qui m’est adressée aux lecteurs du Calame. Je n’en suis pas offusqué et j’apprécie d’ailleurs le professionnalisme de ce journal, bien que je ne le lise qu’avec une régularité douteuse.

Ce n’est tout de même pas le Calame qui fixe l’Ordre du Jour. En revanche, j’écoute avec assiduité Radio-Mauritanie. Je présume d’ailleurs que si vous aviez eu la prévenance de mettre cette lettre entre les mains de mon ami Abdallahi o. Hormetalla, j’en aurais eu la primeur et elle serait parvenue avec moins de paresse.

Mais peu importe, l’expéditeur est tout de même maître du mode d’acheminement de son courrier, ça ne minore en rien la valeur des idées exposées et la ferveur et la sincérité des sentiments exprimés. Je me rappelle que j’ai dû moi-même, il y a 33 ans, alors que j’étais en séjour à Tichitt, confier une lettre à la caravane de sel (l’amersal) reliant Aïoun à la cité historique ensevelie, au pied du Dhar, dans les sables de la Tamokrarett, pour donner mes nouvelles à des compagnons qui séjournaient, eux, dans la capitale du Hodh El Gharbi.

La lettre est parvenue à ses destinataires qui purgeaient une peine de travaux forcés de 12 ans, pour appartenance à un ‘’mouvement idéologique’’. J’ai même reçu la réponse, par le même canal. La lettre a eu la vie longue, parce que les gens d’Aïoun se sont arrangés, je ne sais au prix de quelles acrobaties, pour la réexpédier vers leurs camarades de Boumdeid et Kaédi. Seuls y ont échappé ceux qui étaient à Aoujeft et Ouadane.

J’avais joint à ma lettre un cadeau constitué de dattes de Tichitt et de viande sèche qui apparaît maintenant insignifiant mais qui était alors aussi précieux que l’or. C’était la période, précisément, où le scorbut sévissait, abattait les plus fragiles et menaçait, avant tout, tous les prisonniers en Mauritanie. Je fus secouru en même temps que la population de la cité historique pour laquelle j’ai lutté, en Octobre 1978, lors de l’Assemblée Générale de l’UNESCO, pour qu’elle soit inscrite au patrimoine mondial de l’humanité. Ce qui fut alors fait au cours de cette Assemblée, en même temps que les autres villes de même classe. Mon ordinaire, lui, fut amélioré. Non, non– n’en pensez rien– je n’ai pas commencé à nager dans l’abondance. Il y a eu une farine dans des petits sachets pour faire des potages et quelques biscuits vitaminés, le tout don du Croissant rouge.

Le fixe quotidien, le casuel, qui est imparti à ma catégorie, les grands criminels,  était de 40 ouguiyas– les prisonniers politiques avaient, paraît-il, deux cents ouguiyas. Ceux qui m’hébergeaient arrivaient tout de même à me fournir deux repas par jour : un à midi : du riz aux haricots et un le soir : du couscous de blé américain assaisonné uniquement – mais copieusement – de sel. Voilà pour la qualité. Qui se plaindrait pour la quantité ? Un jour, le cuisinier, profitant de l’absence momentanée des gardes, est venu me dire, sous le sceau de la confidence, qu’il connaît des gens qui vont égorger un coq et que, si j’ai de l’argent, il peut s’arranger pour m’en obtenir un quart ou même une moitié. J’ai naturellement sauté sur l’occasion, bien que j’apprécie modérément le poulet. A l’époque, je n’étais plus étonné que la pauvreté conduise à partager un coq en quatre, depuis que j’ai rencontré en 1979 Adnan Abou Aouda, ministre de l’intérieur de Jordanie, qui m’a raconté qu’à la fin des années 1950, alors qu’il était enseignant dans un village du golfe –avant que le pétrole ne le submerge– il ne pouvait trouver à acheter comme viande qu’un quart de poulet et encore, me dit-il, c’était la croix et la bannière.

Dans le contexte où je me trouvais, terrorisé par le scorbut et tenaillé par la faim, les quelques produits alimentaires dérisoires dont je me suis privé et que j’ai expédiés à mes amis me donnaient le sentiment d’avoir accompli un acte d’abnégation proche de la générosité de Katow, le révolutionnaire qu’évoque le grand écrivain français, André Malraux qui fut ministre des Affaires culturelles du général de Gaulle pendant dix ans.

Dans sa jeunesse, Malraux était révolutionnaire et débarquait partout où les peuples combattent l’ordre injuste. Avant de combattre le fascisme de Franco au cours de la Guerre civile d’Espagne, il a d’abord été en Indochine et en Chine, du côté de la Révolution. C’est ainsi qu’il rapporte que lorsque l’insurrection de Shanghaï de 1927 a été vaincue par Tchang Kai Chek, appuyé par les Occidentaux, les révolutionnaires capturés étaient trop nombreux pour être tous fusillés. On résolut de les brûler dans les chaudières des trains. Le révolutionnaire Katow attendant, avec des dizaines d’autres, son tour avait pour voisins des jeunes qui étaient épouvantés par la perspective d’être brûlés vifs. Vieux révolutionnaire aguerri, il avait sur lui une capsule de cyanure pour se suicider, en cas de nécessité. Bouleversé par l’état d’esprit de ses codétenus, il décida de partager le cyanure entre eux et d’affronter lui-même le feu… C’est le sommet de la générosité et de l’abnégation.

Cher frère,

Je sais que ce que je dis n’est pas ce que vous attendez et n’est peut-être pas ce que vous voulez. Mais il y a mieux que ceci et cela et comme beaucoup d’entre nous vous ne savez pas l’exprimer. Je vais vous le rappeler: C’est ce qu’il y a dans votre conscience d’homme libre, cette lumière ensevelie sous les gravats du quotidien et du contingent, du futile et de l’inutile. C’est cela qu’il faut tenter de déterrer et qui vaille la peine. Cette lumière abhorre le mal et le faux, et adore le bien et le vrai.

Je vous vois comme un lanceur d’alertes dont la sensibilité humaine ne s’est pas éteinte. En cette qualité, je perçois pour vous un filon – non lucratif – à exploiter. Cherchez vos semblables, faites une initiative–une Moubadara, pour mieux dire –demandez à tous, puissants au non, de ne pas blesser moralement, 40 ans après, ou 50 ans, je ne sais, les malheureux dont nous parlions tantôt et leurs semblables. Obtenez pour eux une trêve sur leur passé, en attendant d’y voir clair. Ce qu’il a d’honorable et de généreux doit être tu en compensation de ce qu’il a d’insupportable. Appliquez pour eux l’omerta. Que leur “péché” personnel d’antan se transforme en trésor de tous, en attendant que les historiens se penchent sérieusement sur ces pages d’histoire.

Certains acteurs de cette histoire ont quitté ce monde et je pense que c’était sans regret. Ce monde leur paraissait cruel, inhumain et sans signification. Mais nous devons faire un acte moral pour leur mémoire et pour apaiser l’amertume de leurs enfants. L’organisateur et le meneur de la grève des travailleurs de la Miferma qui a paralysé l’entreprise coloniale, en 1971, pendant deux mois m’a téléphoné il y a 4 ou 5 jours. Consultez Jeune Afrique d’Octobre ou Novembre 1971. Il disait que c’était la plus longue grève dans les anciennes colonies françaises, au sud du Sahara, depuis les Indépendances. Pensez-vous qu’il puisse être injurié dans ce passé? Pour ma part, je le vois nimbé  d’une auréole de gloire. Il n’y a pas de gloire sans souffrance préalable. Je me rappelle, comme si c’était hier, du jour où il a été chargé d’aller à Zouérate reprendre le flambeau tombé en mai 1968, des mains des grévistes fauchés par les mitraillettes pour l’intérêt et les beaux yeux des actionnaires de Miferma et de leur financier, le baron Guy de Rotschild. Vous ignorez peut-être que le baron  Guy de Rotschild a été décoré dans ces années-là de l’ordre du Mérite National Mauritanien. Votre Moubadara n’aura rien de plus urgent, je pense, que de récupérer cette distinction et de la remettre au citoyen mauritanien qui était venu de Zouérate menotté, en même temps que 220 ouvriers licenciés et étiquetés baathistes. Vous voulez savoir le nom de ce gréviste ? Je crains de lui rendre un mauvais service. Je doute qu’il veuille encore se faire remarquer, tant que sa médaille est encore dans les effets de Monsieur de Rotschild. C’est le même torturé de Zouérate qui m’a informé, la semaine passée, que le vieux Mohamed El Hacen o. Loud, la figure emblématique de la grève des Travailleurs de SOMIMA (des intérêts Sud-Africains blancs), de 1971 aussi, s’est éteint, à Nouakchott, après avoir été évacué d’Akjoujt. Mohamed El Hacen avait été, lui aussi, licencié sans droit en 1971, en même temps que deux dizaines de baathistes. La misère les a broyés pendant des années, en même temps que les 220 de Zouérate. Les autorités veillaient à ce qu’ils ne trouvent jamais d’employeurs. C’est seulement après 1978 qu’ils ont pu espérer une réinsertion.

Mohamed El Hacen, qui vient de nous quitter pour l’éternité, était sur le plan moral et politique un cas rare. C’était la rigueur morale et l’honnêteté intellectuelle personnifiées. Il avait mis fin à toute activité politique depuis l’instauration de la démocratie en 1991. Il considérait que la Mauritanie devant la démocratie ressemblait à une poule qui avait trouvé un couteau. Il n’estimait pas pouvoir militer dans un parti qui n’avait pas d’idéologie, ni de se mêler à des organisations dont les principes étaient fumeux. Jamais, il n’a mis les pieds dans un meeting ou une quelconque réunion depuis 25 ans, depuis que l’organisation du Baath local s’est dissoute. Tout sauf la compromission. On ne se voyait plus que très épisodiquement. L’idéologie s’est transfigurée, il ne restait plus que des reflexes, des souvenirs communs de moment d’anxiété, de peurs et d’espoir, de la solidarité indéfectible bâtie autour d’une cause commune qui ne concernait aucun en particulier, mais tous les misérables et les victimes de l’injustice.

 Il y a des milliers de gens comme le regretté Mohamed El Hacen dont la mémoire, ou les sentiments ou les enfants doivent être respectés. C’est le cas de Matalla et Belkheir, de vieux dockers, qui nous ont quittés eux aussi. Leurs fils sont devenus dockers. Ces vieux dockers se sont engagés dans le mouvement où je militais au début des années 1970. Ils étaient déjà à un âge sûr et ce genre de gens ne s’engage pas facilement, mais pour la première fois de leur vie ils ont rencontré des jeunes–”instruits”, disent-ils –qui partageaient leurs préoccupations intérieures et leurs sentiments enfouis. Plus, ils leur révélaient un monde d’espoir, un monde insoupçonné et merveilleux: les promesses de la Révolution, toute révolution qui vise à rendre la dignité aux opprimés. La sincérité éclatante de ces jeunes avait gagné les cœurs de ces hommes mûrs, courbés et ridés par le travail manuel pénible, la misère continuelle et l’injustice de l’Etat, à telle enseigne que tout ce qui sortait des bouches des uns allait droit dans les cœurs des autres. L’idéologie et les slogans du mouvement ont commencé à être petit à petit leur langage quotidien et, finalement, ils se sont identifiés à ce mouvement. Désormais, c’était leur tribu, une tribu qu’on cache mais pour laquelle on est prêt à mourir.

Lorsqu’intervint la rafle mémorable des baathistes de mars 1982 –400 personnes environ –un groupe d’une douzaine de ces dockers en faisait partie. Comme tout le monde, ils étaient au 100 m2 du Génie militaire. Le jour ils sont enfermés dans des cellules et l’alimentation est distillée au compte-goutte, y compris l’eau. On buvait une fois par 24h et les repas sont plus espacés. Le soir, on torturait ces hommes pour connaitre les membres de leur cellule et le responsable de celle-ci. En vérité, on n’attendait rien d’essentiel de ces interrogatoires de vieux Haratine–nous, on disait, à l’époque, les Arabes foncés–illettrés ou en cours d’alphabétisation clandestine. Ce que voulait la police c’était de les démoraliser ou, mieux, de les amener à se renier. Après quelques semaines, ils furent libérés à l’exception de deux ou trois. Aucun des objectifs visés n’a été atteint.

C’est sous l’actuelle République que j’ai revu pour la dernière fois les deux monstres historiques évoqués plus haut.

L’un ne marchait plus qu’appuyé sur une canne, l’autre a perdu la vue et ne sort plus que tenant la main de son plus jeune fils. Dans cette situation et à cet âge, ils me sont apparus comme les “Dormants de la Caverne”. Moi-même j’ai complètement changé, sans m’en rendre compte, mais eux avaient encore à la bouche les slogans de l’extrémisme de gauche du 6ème congrès inter- arabe du parti Baath, tenu á Damas, en 1963, et dont la vedette a été Ali Saleh Saadi, le secrétaire général du commandement régional irakien, le prédécesseur d’Ahmed Hassan Al Bakr.

Ces slogans, espèces de psalmodies sacrées, avaient pour eux une fonction talismanique ou rédemptrice qui apportait une sensation intérieure bienfaisante pour l’esprit et le cœur, sinon pour le corps, á en juger par l’étincelle qui s’allumait et éclairait ces visages éteints.

Ils se sont rappelés le soir où par une nuit noire et froide ils ont été jetés, les yeux bandés –pour ajouter á leur épouvante– dans des cellules au sol nu et glacé. Je me suis rappelé, moi aussi, l’arrivée de ces nouveaux détenus qui ne savaient pas répondre par l’alphabet morse des prisons. Les éléments, qui avaient un certain rang dans la hiérarchie de l’organisation, communiquaient entre eux en frappant sur la paroi de la cellule contiguë avec un objet dur, et l’occupant de celle-ci transmettait au suivant.

Quelle réaction peut-on avoir face à ces hommes, dans cet état, 30 ans après ?

Je vais vous révéler en tout cas la mienne, puisque vous persistez, depuis un certain temps déjà, à renvoyer vers moi le trop-plein de votre cœur. J’ai simplement senti deux gouttes chaudes couler sur mes joues et lorsque j’ai voulu souhaiter la bienvenue à ces visiteurs, j’avais dans la gorge une arête.

    Cher frère,

Je dois ajouter que toute évocation, même sommaire, de cette période ancienne qui ne rappellerait pas le rôle et les sacrifices de toutes sortes des gens du MND est une falsification. Ces gens ont tout sacrifié –il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec eux pour le dire –en faveur des opprimés, des démunis, des travailleurs, des esclaves. Que cette vérité soit aujourd’hui oubliée, qu’il soit de mauvais ton de la rappeler, n’enlève rien au fait qu’elle est inscrite dans l’histoire de manière plus durable encore que ce qui est gravé dans le marbre et la pierre.

Venons-en maintenant aux sacrifices de ces “mouvements idéologiques” pour le pays.

Je me demande si vous vous êtes posé une fois la question: quelle est le plus grand danger auquel un pays peut faire face ? Je vous le rappelle: c’est la guerre. Quelle est la plus grave épreuve à laquelle la Mauritanie ait fait face depuis 1960 ? Il faut la rappeler encore: C’est la guerre du Sahara.

Bien que cette guerre signifiait la fin de la Mauritanie, très peu de gens se sont opposés à son déclenchement. L’aura du régime d’alors, la force de la mobilisation, l’encadrement de la population par le parti unique et sa milice étaient tels qu’il n’était pas facile de se désigner á la vindicte populaire et au courroux d’une autorité sans partage. L’hystérie généralisée qui a salué la guerre a découragé toute velléité d’opposition.

C’est pourtant dans ces conditions que les Baathiste et le MND – qui allaient s’allier pour six ans – ont dit non à la fin certaine de la Mauritanie. Je me rappelle des termes précis que nous avions dits aux responsables de l’époque: “une alliance avec le Maroc signifie que nous avons mis un nœud coulant autour du cou de la Mauritanie et donné l’autre bout à celui qui court deux fois plus vite que nous”. Immédiatement quelques Baathistes ont perdu leur gagne-pain. Je crois que les gens du MND n’avaient rien à perdre.

Un an après, ce qui était inévitable est arrivé. Il s’est avéré indispensable que les troupes marocaines débarquent à Bir Mogrein, à Zouérate, à Atar, à Akjoujt, à Nouadhibou. Dès les derniers mois de l’année 1977, les troupes marocaines en Mauritanie étaient estimées à 12000 hommes, avec un armement bien différent du nôtre. L’économie, elle, était par terre. Le fondateur et le Directeur Général de la SNIM, Ismaël o. Amar, criait dans le désert : “arrêtez les dégâts”. L’hystérie du départ a fait place au désarroi. On ne savait plus à quel saint se vouer.

C’est à la même époque, à la fin de l’année 1977, que le président Senghor, dans une interview à “Jeune Afrique”, levait le voile sur les tractations en cours à propos d’un éventuel partage de la Mauritanie. Entre qui ? C’est ce qui n’est pas mystérieux….

C’est à partir de ce moment que les Baathistes ont pris conscience de la fragilité de la Mauritanie et c’est ce qui expliquera, plus tard –il n’est pas encore temps de revenir sur ces péripéties –leur refus entêté de toute aventure, bien que les occasions tentantes ne leur ont pas marqué.

Ils se sont braqués sur cette faiblesse qu’ils ont découverte, cette “fragilité de la Mauritanie”, devenue un leitmotiv, au point d’en être obnubilés. C’est ce qui expliquera, toujours, leur difficulté à décrocher avec tout régime en place, fut-il néfaste pour eux-mêmes. Même en 1981-82, ils ont tergiversé avant d’engager la bagarre avec Haïdalla, de crainte qu’une mauvaise situation ne se transforme en catastrophe pour le pays. Memed (Ould Ahmed, un des leaders du parti Baath mauritanien, NDLR) continuait, pratiquement au moment où la police allait s’emparer de son poignet, à prêcher la bonne parole, à dire ‘’assurez-vous que vous ne commettez pas un péché à l’égard de cette créature de Dieu, assurez-vous au moins qu’il ne sera pas remplacé par pire que lui’’. Les autres lui répondaient : ‘’il n’y a pas pire que lui’’. Si Haïdalla avait fait les concessions nécessaires pour sauver sa peau et celle de son régime, les choses se seraient, sans doute, passées autrement. Lorsque le vote est intervenu, à notre niveau, j’étais le seul à voter avec Memed. Les jeux étaient faits.

Leur ligne de conduite, toujours, est d’éviter –ce qui n’est pas facile en Mauritanie, vous le savez –l’exaltation, l’emballement, d’éviter qu’un incident ne gouverne la politique et, au contraire, cherchent que la politique gouverne les événements. Ils supporteront un partenaire qui leur donne quotidiennement de la corne dans le ventre, mais pas un ami avenant dont les méthodes et la politique dissoudront la Mauritanie.

Ces ‘’mouvements idéologiques’’ qui ont défrayé la chronique dans le passé n’ont pratiquement plus rien de leur idéologie d’origine. Les ombres du MND dans leur aggiornamento, leur adaptation  au temps, ont tout réduit à la défense de l’unité nationale, selon leur compréhension.

 Les résidus Baathistes tiennent beaucoup – cela va sans dire – à la place de la langue arabe, mais on ne sait par quel miracle de la transfiguration, ils en sont venus, pour définir une position juste, que le curseur indique :’’préservation de l’entité mauritanienne’’.

Il est vrai que depuis quelques temps, certaines analyses tendent à dépasser ce blocage. D’aucuns les considèrent comme extravagantes, d’autres y voient, au contraire, la rigueur objective d’une vision pointue de la réalité, sans concession aucune à la subjectivité. Cette nouvelle approche rappelle que l’Etat est un moyen et la société une fin et qu’on devrait éviter, pour toute vision juste de long terme, l’amalgame entre la fin et le moyen et a fortiori la substitution de celui-ci à celle-là. Cette analyse ajoute – ce qui reste à vérifier objectivement sans affirmation gratuite – que depuis que l’Etat existe, c’est-à-dire depuis près de 60 ans, son hypertrophie s’est accompagnée de l’hypotrophie de la Société ou, plus grave, s’est opérée au détriment de celle-ci. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions que les contre-pouvoirs soient inexistants et qu’il soit si simple de prendre une décision – comme s’il s’agit d’une affaire familiale – d’entrer en guerre.

Les contre-pouvoirs institutionnels, dans les pays sous-développés, ne sont rien, seuls les contre-pouvoirs naturels, secrétés par la société constituent une réalité.

   A la vérité, tout ce qui fait la fierté des générations passées et présentes, dans le Grand Sahara de l’ouest, ne comporte pas d’Etat. La Société n’a pas souvenir de l’Etat Sanhaja avec Tiloutan, Tarjutt, TalakaKine, etc., vers les 7e-9eSiècles.

C’est vrai, nos grands hommes appelaient l’Etat de leurs vœux et son absence les déprimait. L’un des rares hommes dont on peut dire, sans hésiter, c’est un savant, Cheikh Sidiya, parure de son temps, en pleurait pratiquement. J’en serais malheureux, si vous pensiez que Cheikh Sidiya est un simple maître de Mahadra, ou un simple chef de confrérie soufie. Cheikh Sidiya, par son savoir et sa conscience politique et historique était de la trempe des fondateurs d’empires, mais il était tombé au milieu d’une société déjà désorientée et son âge – il avait terminé ses études seulement à l’âge de 58 ans – sa fierté et sa sainteté l’empêchaient d’insister.

Si on avait enseigné la vie de Cheikh Sidiya aux écoliers, le spectre de la délinquance se serait infiniment éloigné.

Cheikh Sidiya était, de surcroit, le père et le précurseur de notre Résistance. Ce n’est pas le lieu de dire comment. Apprenons notre Histoire.

Cher frère,

Venons-en à d’autres aspects de votre lettre.

Vous semblez tenir pour des informations des rumeurs colportées par l’Internet, c’est-à-dire par la Rue. Je vous rassure, vous êtes comme tous les Mauritaniens, et il semble qu’il ne faut excepter personne. On s’emporte, on s’invective, on s’empoigne sur la base d’une information non confirmée.

Les précautions n’ont jamais semblé aussi indispensables pour s’informer que depuis que les lecteurs se sont transformés en journalistes anonymes. L’information à travers l’Internet n’est pas fiable. C’est comme si vous voulez prendre connaissance de la pensée de Karl Marx au cours d’un concert géant de Reggae.

Le journalisme était une profession régie par une déontologie rigoureuse, aussi impérative dans l’esprit des professionnels qu’une loi pénale. La loi elle-même achevait par un cordon sanitaire, un arsenal juridique, de protéger les individus, les sociétés et les Etats contre ses dérives, dont la moindre ne serait pas le risque de guerre civile ou de guerre entre Etats. Il a suffi d’une simple déformation d’une information pour qu’éclate une guerre entre l’Allemagne et la France (Dépêche d’Ems).

Il n’est pas dans mes habitudes de rectifier ou de démentir des informations erronées ou fausses colportées par l’Internet ou qui que ce soit d’autre, mais, pour une fois, je voudrais déroger à la règle. A titre d’exemple, vous me dites :’’ votre’’ compte Facebook. Mais je n’ai pas de compte Facebook. C’est un faux. Je m’empresse d’ajouter que ce n’est pas un drame. Quand on a été habitué au fouet et à la cravache, on ne se plaint pas d’une indélicatesse.

L’idée d’avoir une page de cette espèce ne m’a jamais effleuré l’esprit. A mon sens, pour ouvrir une telle fenêtre dans le plafond de sa chambre à coucher, il faut ou être quelqu’un qui estime nécessaire de s’adresser au public quotidiennement et qui craint que ses idées ne viennent trop tard sur la place publique ou alors être un jeune pressé qui se cherche encore et qui joue des coudes pour faire irruption sur la scène de la célébrité et, dare-dare, rejoindre le bal masqué de la confusion.

Vous voyez, cher frère, je cherche dans tous les azimuts où se situe le point nodal de vos préoccupations, pour éviter une réponse exhaustive fastidieuse qui ne s’occuperait que du fond. Ibn Arabi, le grand philosophe du 13e siècle, dont le surnom de Cheikh Al Akbar n’est pas usurpé, disait que celui qui contemple les choses à la fois dans leur principe et dans leur forme obtiendra la connaissance complète.

Cher frère,

Votre haut-le corps devant la situation actuelle, je le comprends, mais vous vous trompez si vous pensez que je suis serein, dans le sens d’indifférent ou inconscient. Chacun à sa façon qui tient à l’éducation, à l’habitude, à l’âge – l’âge n’est pas une collection d’années mais une accumulation de problèmes et de difficultés traversés.

Dans ma jeunesse, l’un de ceux qui m’ont élevé, chaque fois qu’il me voyait en proie à l’emportement et à la colère m’adressait sur le ton de l’indifférence froide cette apostrophe : ’’il faut verser le sable dans son pantalon’’. Avec le temps, je n’ai plus su réagir avec promptitude. 

Comme vous êtes un chef, je ne vous adresserais pas le conseil obscur précédent, mais un autre. Vous êtes, en effet, un chef. Un vrai chef, c’est celui qui, sans que personne ne l’en charge, prend sur lui les problèmes des autres, c’est-à-dire de la Société. Les chefs ad hoc, provisoires, pour une mission déterminée sont des ‘’responsables’’. C’est autre chose.

  En tant que chef, dis-je, investi par sa propre conscience, je vous rappellerais plutôt deux choses. D’abord la consigne Ashanti, l’ancien Royaume de l’actuel Ghana, destinée aux princes: ‘’ Doucement ! Doucement ! Un chef doit marcher doucement !’’ La seconde est un dicton Chinois :’’un faux pas se paie de regrets éternels’’, et le proverbe arabe ajoute : ‘’l’erreur est la provision de celui qui se hâte’’ !

Votre exigence rigoureuse – si je comprends bien – s’accommode mal de l’incohérence et des solutions de pis-aller. Mais n’oubliez pas que vous êtes dans une société de fourmis. Et je ne me réfère pas ici à notre récit mythique, aux temps premiers, lorsque tout se mettait en place. La fourmi, selon ce récit génésiaque avait volé la nourriture des orphelins. Le bon Dieu, pour la punir, a serré son ventre, de telle sorte que son corps se réduise à une tête et un arrière-train.

Maudite, elle a été condamnée à errer, perpétuellement, à la recherche de nourriture, à l’emmagasiner, et, dit-on, à ne jamais pouvoir en user, faute de ventre.

Ce qui est à propos, c’est ce que nous disent depuis peu les spécialistes des sciences naturelles. Nous croyions jusqu’ici que la société des fourmis était industrieuse et disciplinée. Or, non. Les entomologistes ont découvert qu’un tiers seulement de la fourmilière travaille. Un tiers ne fait rien – vous nous retrouvez – et un autre tiers, vous nous reconnaitrez davantage, sabote ce que le premier tiers réalise.

Dans une société pareille, vous devez garder vos nerfs.

Pour ne rien arranger, Cheikh Sidiya rapporte quelque part un dit du Prophète qui énonce qu’ ‘’il viendra un temps où les plus heureux des hommes seront des coquins fils de coquins’’.

Je vous laisse juge de la distance qui nous sépare de ce temps….

Le moment est venu, je crois, de terminer cet accusé de réception, je suis conscient d’abuser de votre patience. Je vous écrirais plus tard, peut-être, si vous n’êtes pas apaisé entre temps.

Je n’ai pas de remède à ce qui vous préoccupe et agite votre esprit, c’est-à-dire, probablement, tout ce qui porte le caractère de l’inconséquence.

L’essentiel, en toute circonstance, pour l’individu, c’est de ne pas se perdre sous le rapport du devoir. Pour le pays, la chose est plus simple, – ce qui ne veut pas dire plus facile –  depuis que nous savons que la sagesse consiste à donner à chaque chose la place qui lui revient.

Fraternellement vôtre.

Mohamed yehdih o. Breideleil

le calame

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FLAMNET AGORA: Lettre à Mohamed Yehdhih Ould Breideleil

altTrès cher Maître Mohamed Yehdhih, je vous salue.

Il y a quelques années, un célèbre homme politique mauritanien me parlait de vous en aparté et avec autant d’estime, pour vos capacités intellectuelles, que de certitudes que les appels à la désobéissance, qu’il vous arrive de lancer  à travers la presse, sont osés, opportuns et toujours salutaires.

Quand Ould Breideleil écrit dans les médias, ne cessait-il de me répéter sur un ton de confidence, comme pour donner une charge émotionnelle à ses révélations, il faut s’attendre à deux choses : un plan d’urgence et un coup d’Etat.

En lisant un posting sur votre compte facebook, où le caractère d’un chameau sert de support à un message implicite de mise en garde adressé au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, je me suis rappelé les propos de cet homme, même si le chameau en question n’aborde qu’un aspect de la problématique évoquée et reste, par conséquent, peu illustratif de votre goût prononcé pour la symbolique et pour les échanges privilégiant l‘intelligence et la finesse de style.

Par ailleurs, j’avoue n’avoir pas pris très au sérieux cet homme, même si je sais que les voies du seigneur sont impénétrables, en même temps qu’il est de notoriété publique que vous avez des ramifications au sein de l’armée, mais de là à vous imaginer fomenter des complots ourdis devant un parterre d’officiers, avec  pour seule finalité d’en amener un au pouvoir et d’en évincer un autre, il y a un pas que je me refusais de franchir avec l’allégresse qui semble animer votre admirateur. 

Des rectifications qui se succèdent

Le respect que j’ai pour votre droiture, la considération que j’ai pour votre clairvoyance et la confiance que j’ai en votre aptitude d’observer et de comprendre la vie nationale, m’interdisent de vous situer sur l’échelle de cet esprit de conspiration qui caractérise nos élites et préside au changements des régimes politiques, depuis plus de trente ans.

Ceci étant et, en prenant, bien entendu, soin d’y mettre les formes, je fis savoir à l’homme politique, qui me toisait du regard fier de celui qui persuade, que je ne partageais pas sa compréhension des choses.

Je fis toutefois appel à toutes mes ressources de savoir faire afin de réfuter son avis, sans pour autant le froisser dans les analyses politiques, qu’il estime être son domaine de prédilection et la spécialité acquise de sa longue carrière administrative.

J’étais, cependant, loin d’imaginer la riposte dont il était capable et surtout les arguments, dont il sait user avec forte illustrations, ne laissant à son interlocuteur d’autres choix que d’en admettre la pertinence ou de se couvrir de ridicule, en essayant d’esquiver des faisceaux de vérité, qui semblent découler de la dialectique de la raison, telle que comprise dans le concept d’Aufklärung.

J’étais, en effet, désemparé quand il m’évoqua vos articles « Où allons-nous » et le plan d’urgence qui s’en est suivi et qui avaient mis en branle le compte à rebours des jours du régime Taya. J’étais également surpris par la cohérence et l’agencement des événements, quand il plaça dans la même logique, vos articles « Evitons l’Infamie » et le fameux PSI, qui déclenchèrent le début de la fin de  celle, plus complexe de SIDIOCA, en raison de la légitimité dont il se prévalait.

Selon cet observateur averti, vos articles, que certains ont tendance à classer dans le compartiment des digressions, souvent creuses, auxquelles nous ont habitués nos grands intellectuels, édictaient, en direction de forces mystérieuses,  que le régime dont ils passent au vitriol les griefs, doit tout simplement et sans autres formes de procès, être renversé.

En d’autres termes, il vous prête la possibilité de décider et de commander, de façon péremptoire, la mise à mort des régimes et la mobilisation de la rue en faveur de leurs tombeurs, le temps de faire avaler à l’opinion publique et aux partenaires étrangers, les couleuvres des rectifications qui se succèdent et se ressemblent, dans la médiocrité depuis 1978.

Ses arguments étaient certes convaincants et l’approche dont ils procèdent, raisonnable, même si l’on s’étonne qu’elle obéit au principe de la lutte de classe, que les Baathistes semblent avoir emprunté aux communistes et adapté à l’armée, en abordant cette dernière, par la base de la pyramide hiérarchique. Un emprunt fait sûrement à leurs corps défendant, mais largement justifié pour les besoins d’une cause et surtout pour ceux d’un projet, qu’ils n’ont jamais pu réaliser que dans ses phases préliminaires.

On peut donc déduire des interventions qu’on vous prête à tort ou à raison et sans la moindre considération de préjugés de ma part, que les putschs que vous concoctez à l‘effet d’arriver au pouvoir ou d’en tirer les ficelles en arrière-plan, finissent toujours par vous échapper dans leur phase d’aboutissement.

Conseiller occulte

Les officiers sur lesquels vous jetez votre dévolu, arrivent chaque fois à vous écarter au dernier moment et à désactiver votre capacité de ‘’nuisance’’ en vous confinant dans un rôle de conseiller officieux, voire occulte, qui tranche certes avec  votre envergure et votre dimension d’homme d’Etat, mais qui s’adapte parfaitement bien à la discrétion et  la clandestinité qui occupent une place de choix dans vos méthodes de lutte. Il semblerait d’ailleurs que vous vous en accommodez toujours et mettez à profit l’accalmie qui s’en suit pour réorganiser vos réseaux et vos troupes afin d’envisager, en toute quiétude, le putsch suivant. 

Il semblerait aussi que votre rôle de conseiller a été redynamisé lors du dernier voyage du président Aziz au Tiris Zemour, quoique les points de vue divergent sur les raisons qui ont conduit le pouvoir à y recourir au lieu de se référer au savoir-faire de Moudir Ould Bouna et d’Abdallahi Ould Hormtalla.

Si pour certains, ce recours à vos talents, élargi à certains barons du système Taya, a été fait dans la perspective de faire passer la révision constitutionnelle et d’étouffer la tendance aux défections initiée par les sénateurs, pour d’autres, il s’agit de conjurer les effets dévastateurs de vos articles et des plans d’urgence qui leur succèdent et dont le pouvoir sait que les ingrédients sont désormais réunis, au plan politique…alimentaire et nutritionnel.

Si d’autre part, beaucoup d’observateurs pensent que la dernière sortie médiatique du président Aziz, porte la griffe de ses conseillers dans le domaine, car elle cadre à merveille avec l’image que ces derniers nous renvoient et dénote de l’étroitesse de l’angle sous lequel la communication officielle est perçue, d‘autres pensent qu’elle porte plutôt l’empreinte de votre rhétorique en matière de communication, inspirée au président Aziz lors du solstice du Tiris Zemmour.

En effet, le courage physique ostensoir, la dérision à l‘endroit de la presse, les critiques acerbes des occidentaux, le spectre de s’éterniser au pouvoir par marionnettes interposées, le recours à des voies contestées et contestables pour retailler la constitution à la mesure des intérêts du régime, entre autres erreurs de communication, sont autant d’éléments qui rappellent les méthodes qui ont fait des paisibles Tigre et Euphrate et des riantes vallées de la Mésopotamie éternelle, l’enfer qu’ils sont aujourd’hui sous la botte d’un Chiisme Iranien conspirateur et ennemi juré des arabes. On se rappelle tous feu Saddam Hussein, brandissant une capsule d’arme étrange et menaçant l’occident de désintégration en utilisant ‘’Al muzdawij’’. La suite, nous la connaissons tous.

‘’Le populisme, voilà l’ennemi ‘

C’est d’ailleurs en pensant à cette rhétorique, que j’ai trouvé une explication rationnelle aux appréhensions qui m’assaillent depuis la mémorable intervention médiatique du chef de l’Etat, à laquelle une stratégie adaptée et un encadrement technique font cruellement défaut, malgré la présence au palais ocre de quatre conseillers, qui se considèrent rien de moins que des lumières dans le domaine de la communication. Quatre conseillers qui émargent au budget de l’Etat pour faire rayonner la poésie, la littérature, la comédie du Mahssar et le marchandage du verbe. Autrement dit, tout sauf une communication apte à présenter le régime sous son meilleur jour malgré le bilan très défendable dont il peut se prévaloir et que toute critique doit commencer par reconnaitre, pour rester objective.

Si, comme il convient de le préciser, les questions des journalistes lors de cette rencontre étaient de niveau médiocre, pour être passé à côté des questions d’intérêt, dont le dîner de l’ambassadrice de Mauritanie à Paris avec le CRIF, les réponses du président de la République étaient, dans leur globalité, l’expression et la manifestation du populisme dont on l’accuse. Ce populisme que ses médias officiels ressassent à longueur de journée, dans ses formes primaire et anachronique, pour en accréditer l’idée et jeter le discrédit sur ce qui lui reste de bonne foi et de pouvoir de persuasion.

Ces réponses, parfois hésitantes et souvent évasives, me rappellent un article consacré à la question par Le Monde Diplomatique et intitulé : ‘’Le populisme, voilà l’ennemi ‘’.

Il y est dit que ‘’le populisme, c’est l’amalgame et que la fonction idéologique de l’amalgame, consiste à dissimuler les vrais rapports du pouvoir, en fabriquant une catégorie qui fait diversion, substituer l’étude d’analogie de style à l’analyse des clientèles sociales et des programmes. Ici, comme souvent, le consensus se nourrit du relâchement intellectuel et de l’inculture historique. C’est ainsi que, tel un virus, l’adjectif ‘’populiste’’ contamine le journalisme et l‘analyse sociale’’

Ma réaction à l‘intervention du chef de l’Etat, fut une réaction contenue et introvertie, car je savais, par ailleurs que Mary Ellen Lease disait que : ‘’le populisme se nourrit du mythe de l’exclusion’’.  Et pour la parapher dans sa célèbre sortie intempestive contre Wall Street, j’ai dit en mon fort intérieur : ‘’Les nouveaux commerçants possèdent le pays. Nous n’avons plus un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple mais, de fait, un gouvernement de commerçants, par les commerçants et pour les commerçants. Notre gouvernance est le produit d’un système qui pare les fripons d’honorabilité et qui habille l’honnêteté de guenilles. Le peuple est aux abois : que les limiers de l’argent public, qui nous harcèlent, prennent garde’’.

Si cet homme politique, qui semble vous attribuer la paternité des putschs depuis 1978, a raison, vos articles et le plan d’urgence qui leur emboîte le pas, ne sauront donc tarder, à moins que, pour cette fois-ci et pour des raisons objectives qui se justifient à l’aune de la géopolitique, vous préférez vous en remettre aux effets de l’érosion monétaire et économique.

Indicateurs au rouge

Je sais que ma curiosité à ce sujet ne serait malheureusement pas satisfaite, mais cela importe peu car, hélas, le processus de la détérioration du niveau de vie des populations, se passe désormais de toute intervention pour justifier à sa lumière, le mécontentement latent et la perspective de le réveiller ou d’en booster les effets exponentiels. Le mécontentement commence à se manifester et risque, si l‘on n’y prend garde, d’être total, irréversible et sans appel.

Très cher Maître Mohamed Yehdhih.

Il y’a quelques mois de cela, j’ai publié dans les colonnes de Le Calame, des lettres adressées au président de la République. C’était dans l’espoir de lui faire prendre conscience du désastre multiforme et pluridimensionnel dans lequel son gouvernement et certains de ses hommes de confiance, dans les secteurs clés de l’économie maritime, des mines et des finances, ont conduit le pays, mais en vain.

Je lui y ai dit que sa déclaration, relative à l‘abandon du pouvoir en 2019, allait fissurer son système et qu’il devait anticiper et choisir de s’allier le peuple en se démarquant de ceux avec qui celui-ci a des comptes à régler. J’avais prêché dans le désert, l’homme est très sûr de lui. Il pense le plus sérieusement du monde, être fait pour gagner. Il lui manque de savoir gagner dans l’humilité et de savoir perdre dans la résignation et les frontières des imites humaines.

Je lui y ai dit que s’il ne change pas et donne des signes forts en s’éloignant de certaines personnes de son système, les mois à venir seront marqués par des défections au sein même de ce qu’il considère comme les fondements de son régime. Contre toute attente, les Sénateurs m’ont donné raison et je m’attends à ce que d’autres en fassent autant dans les prochaines semaines, si l’on juge par les échos qui nous parviennent du Hodh Echarghi, ‘’fief’’ de ses deux premiers ministres.

Je lui ai suggéré de se démarquer de certains pontes de sa nomenklatura et de refuser d’assumer de graves griefs retenus contre eux par l’opinion publique et qui peuvent lui être imputés en vertu de la responsabilité politique.

Il n’a, semble-t-il, pas la même opinion que moi sur tous ces sujets car il vient de réunir en conclave les personnes les plus décriées de son système, avant de leur demander d’aller convaincre les mauritaniens de voter massivement le ‘’Oui’’ référendaire. Très sincèrement, je vois mal les deux premiers ministres convaincre les populations du Hodh Charghi ou tout mauritanien, ayant un peu de jugeote, de les suivre sur une voie quelconque, fut-elle celle de l’intérêt national, mise en avant pour justifier le référendum.

Les éléments d’appréciation me manquent pour savoir à quel point j’ai raison, mais compte tenu de la couleur rouge de presque tous les indicateurs vitaux, je pense que les raisons qui vous astreignent au silence finiront par devenir vos éléments d’incitation à la parole.

A ce moment là et à ce stade du déroulement de notre destin national, je pense, cher Mohamed Yehdhih, que vous serez contraint de briser votre silence assourdissant si vous voulez que l’homme politique, qui m’a dit tant de bien de vous, continue à croire aux vertus libératrices de votre plume.

Cordialement votre.

M.S.Beheite

Le calme

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Interpellation des leaders haratines : par SAMBA THIAM

altDepuis quelques temps une question me taraude l’esprit : pourquoi n’entend-on pas les leaders haratines sur la question de l’enseignement et de l’officialisation  de toutes nos langues nationales ?

Sur cette problématique qui sous-tend une revendication très légitime, pour relever d’une question de justice et d’équité, nous constatons depuis toujours un silence assourdissant de nos frères haratines …

Récemment, comme pour accentuer encore plus ce silence, nous avons noté leur absence pendant la célébration de la journée des langues maternelles organisée par les associations culturelles Pulaar , Soninke , Wolof  le 22 février à la maison des jeunes . Bien que la plupart aient été invités …

Cette attitude, ambiguë , me semble tout à fait  à l’opposé de ce que fut et demeure  celle des forces progressistes négro-africaines qui,  sans relâche  depuis 1983 , portent à bout de bras  la question de l’esclavage – question haratine –  …Et ce , avec d’autant plus de force et de cœur à l’ouvrage  que certains parmi ceux-là semblent s’y oublier , reléguant au second plan leur propre calvaire ….

Pourquoi donc n’entend-on pas ces leaders haratines sur la question des langues nationales ? Ce silence traduit-il une indifférence de leur part,  une esquive, ou plutôt,  renvoie-t-il  à une position secrète, dissimulée  d’hostilité ou  de rejet de cette  juste revendication ?

La question est posée à chacun des leaders, à chacune des figures de proue du mouvement haratine.

 Une clarification est attendue …  

 

Samba Thiam, président des FPC

Le 29 Mars 2017

 

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Message aux parlementaires européens…(2eme partie)

altLa montée de l’Islamisme radical, autre défi …

Depuis l’avènement du régime actuel on observe dans les médias des discours à tonalité religieuse de caractère violent , intolérant ; dans les mosquées qui poussent tous les cent (100) mètres  on entend des prêches faisant le lit  du salafisme . Des associations  ‘’d’amis du Prophète’’ surgissent , des marches appelant à l’exécution de ould  Mkheitir- le bloggueur- se multiplient , des menaces  ouvertes  de l’assassiner  sont proférées , proférées également à l’endroit de  son avocat  … Le port du niqab se répand  à toute  vitesse dans un territoire devenu  un refuge pour les éléments du Mujao , Ansardine et consort . Une sorte de terrorisme intellectuel de ces islamistes  s’installe, les penseurs libres sont harcelés , pris de peur . En exemple,  mint el Moctar  et  plus récemment  l’activiste mint Brahim sont  attaquées  ouvertement , tout cela au su et au vu des pouvoirs publics qui laissent faire …Tout comme ces intellectuels qui observent sans rien dire et qui finiront  sûrement par s’y brûler pourtant !

En fait la lutte contre le terrorisme est plus proche du faire-semblant que de la réalité . Si en surface ce régime déclare lutter contre le terrorisme , dans les faits  il semble  plutôt flirter  avec ceux qui  le nourrissent ….

Le 3e mandat    autre point explosif

Le Président Abdel Aziz malgré ses déclarations publiques ne donne pas l’impression d’avoir totalement renoncé à briguer le 3e mandat . Il avait procédé par ballons d’essai , puis tenté d’y pousser à travers le dialogue national de septembre 2017 dont les résolutions essentielles ont été dévoyées , entre autres  l’officialisation des langues nationales – point de consensus avéré -. Il chercherait actuellement à négocier ce 3e mandat par l’achat de consciences de certains élus et de quelques leaders de partis politiques  .  Or le 3e mandat constitue pour l’opposition arabo-berbère une ligne rouge à ne pas franchir. Ce serait donc, après la question négro–africaine, le point de rupture dominant, la source potentielle de turbulences  et d’instabilité certaine …

Diplomatie ambigüe, tâtonnante

Une diplomatie ambivalente, suffisante  et pleine de maladresses , qui se veut  participative aux missions de maintien de la paix ( Centrafique , Côte d’Ivoire ) mais entretient un climat de  suspicion et de  tension avec ses voisins immédiats . Avec le Mali il y a un déficit de confiance –à juste raison ;  déficit  de  confiance  également  avec le  Maroc , tension larvée permanente avec le Sénégal, sciemment entretenue, problème de leadership avec l’Algérie que traduit  une relation du ‘’ je t’aime moi non plus’’ …

Obstacles à l’érection d’un Etat  de  droit

Ce régime ne respecte pas les libertés fondamentales. Le Président Ould Abdel Aziz n’arrive pas à se départir des réflexes du général qui éprouve un mépris souverain pour le Droit  et la loi qu’il tourne en dérision. Avec une posture du genre  ‘’la loi c’est moi et seulement moi’’ ,  il ne peut émerger un Etat de droit’’!Les généraux et les libertés font rarement bon ménage, c’est connu . Chaque jour  nous assistons  à  une restriction croissante des libertés. Les libertés d’association , de manifestation  et même de réunion dans des hôtels et domiciles  privés sont empêchées ; une des premières victimes a été  le parti  FPC . Les récentes lois sur la cyber-criminalité s’inscrivent dans ce sillage .  Des associations monoethniques de tir à la cible – milices déguisées- prolifèrent sous la bénédiction du pouvoir …Des opposants sont embastillés sans raison objective, comme les  militants de l’IRA, dernièrement . Pour jouir de  ces droits – pourtant garantis par la constitution- il faut faire allégeance  au  régime, tout  comme pour être reconnu officiellement en tant que parti politique.

Mon parti politique- les Fpc – paie pour son indépendance. Après 23 ans d’exil , nous avons décidé de renoncer  à la lutte illégale  pour  inscrire notre action dans la légalité, et dans le jeu démocratique ; voilà qu’on nous empêche de nous exprimer… Nous avons rempli toutes les conditions légales pour obtenir un récépissé  de reconnaissance légale, voilà qu’on nous le refuse . Des pressions sont exercées sur des Associations reconnues et  des médias privés  pour  nous empêcher de nous exprimer sur leurs plateaux.   

Perspectives anticipees (rencontres de groupes / commissions /ateliers /séminaires /colloques)

Dans les rencontres où vous serez invités, à titre d’hôtes, vous entendrez de la bouche de vos interlocuteurs que tout va bien dans notre pays. Que l’enrôlement des populations se déroule sans accroc, que la diversité culturelle est reconnue , respectée  et observable… tant qu’on voit  Négro-africains et haratines danser et chanter …comme des troubadours pendant  nos  festivals et cérémonials .

On vous dira que la torture est bannie, que la corruption est combattue avec force tout comme l’esclavage  à travers  structures et tribunaux, nouvellement créés…Qu’il y a  des marches, des carnavals organisés en guise de célébration de la  lutte contre la corruption. Ne vous y fiez pas ! Tout cela n’est  qu’un écran de fumée, destiné à abuser les visiteurs et partenaires  mauritaniens . Rien de sérieux, on fait semblant, comme  toujours… La réalité est que la corruption gangrène l’administration, la Justice, l’ état civil , les contrôles aux frontières ou se produit un véritable racquet ; bref elle infeste tous les secteurs publics…On ne prend aucune  mesure élémentaire adéquate sérieuse pour lutter contre le fléau, telle la déclaration de revenu pour les hauts responsables, telle la liberté et l’indépendance réelle  de l’Inspection Générale d’Etat ( IGE), la mise en place  de commissions secrètes chargées du contrôle et du suivi. Dans les opérations de contrôle menées jusqu’ici, les amis du Président sont épargnés , les opposants au régime ciblés et épinglés. On emprisonne ceux-ci , mais on libère ceux-là  pourtant  coupables avérés . Les mauritaniens et surtout  nos gouvernants  excellent dans l’art du faire- semblant et de  la mystification de  l’opinion extérieure .

Enfin , vous verrez , à travers groupes d’individus , ateliers , séminaires, colloques , invariablement , la même ’image, celle d’une Mauritanie ‘’blanche’’ qu’on veut faire naître au forceps; comme si les autres composantes nationales – perçues comme des appendices –  n’avaient pas été  à l’école… Vous verrez  aussi  une ombre entrer vous servir le the, puis sortir comme elle était venue , toujours la même… ou l’autre facette  cachée et atténuée  de la réalité de l’esclavage .

Dernier défi, peut- être pas tant explosif que ça, mais non moins  destructeur : le désordre général – ce désordre fou, partout présent .- dans lequel  ne peut se construire ni progrès ni développement . Sans l’Ordre il n’y a pas d’Etat tout court …

Tel est le visage de notre ‘’ bonne Gouvernance’’ et de notre république…

JOYEUX SEJOUR CHEZ NOUS .

                                                       Nouakchott 20-02-2017

Samba Thiam ( President des FPC)

 

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