Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Flamnet-rétro: Invité du site: Boye Alassane Harouna, témoin et victime des horreurs de Oualata, auteur du livre “J’étais à Oualata”

alt Ils sont arrêtés,jugés, condamnés à de lourdes peines. Les uns et les autres sont régroupés et transférés à Walata. Là, ils sont emprisonnés dans des conditions si dures, si inhumaines, que quatre parmi eux y trouvent la mort. C’est leur engagement sous des formes différentes, contre le racisme d’Etat, qui a conduit à leur détention. Leur jugement, les conditions de leur détention portent l’empreinte du racisme d’Etat. Walata a révélé un aspect encore méconnu du racisme d’Etat: son visage carcéral hideux, abject. Ici on n’a pas affaire à un détenu tout court, mais à un détenu négro-africain. Celui-ci, libre, est un citoyen de seconde zone. Prisonnier, il est humilié, chosifié, avili. Le livre c’est la relation de tout cela. Et Walata fut en quelque sorte l’illustration de tout cela.


FLAMNET : Camarade pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et surfeurs?

BOYE : Deux renvois pour fait de grève,l’un provisoire ,l’autre définitif, mirent fin à mes études secondaires à Nouakchott pendant la scolarité 1972/1973. Je m’engage dans l’armée de terre en 1976 comme élève officier et suis une formation à l’école militaire interearmes d’Atar (E.M.I.A) qui venait d’être créée.Je suis sous-lieutenant de réserve en 1977. En 1978/79, j’effectue un deuxième stage (sous-lieutenant d’active) à L’E.M.I.A.

En octobre 1981, je suis nommé lieutenant et exerce dans differentes régions militaires, plusieurs fonctions de commandant d’unité, adjoint commandant de sous-groupement et commandant de sous-groupement. Impliqué dans le putsch des négro-africains d’octobre 1987, je suis arrêté à F’Derick où je commandais le sous-groupement 21.

FLAMNET : Quand vous est venue l’idée d’écrire un livre sur la prison mouroir de Walata?

BOYE :  L’idée d’écrire un livre sur nos arrestations, nos conditions de détention, a commencé à germer en moi après le verdict du 3 décembre 1987; au moment précis où mes camarades et moi avions constaté que nos trois camarades (Sarr Amadou, Bâ Seydi et Sy Saidou) condamnés à la peine capitale n’étaient plus dans leur cellule individuelle; au moment òu nous réalisions que l’hypothèse de leur exécution, même si nous ne voulions y croire, n’était plus à écarter. C’était le 6 décembre 1987. Nous ignorions encore que nos trois camarades avaient été éxécutés à l’aube de ce jour.

Dès cet instant, la décision d’écrire ce livre était prise. J’ignorais encore que nous serions transférés à Walata en même temps que nos camarades civils des FLAM. Walata m’a rendu plus résolu à écrire ce livre. C’est pourquoi j’avais tenu un journal de prison. J’y mentionnais chaque jour,autant que cela était possible, les faits saillants de notre vie carcérale.

Malgré les fouilles qu’effectuaient régulièrement nos géoliers, ce journal a survécu. Il m’a été fort utile dans la rédaction du livre.

FLAMNET : Pourquoi avez-vous choisi ce titre provocateur” J’étais à Oualata- le racisme d’Etat en Mauritanie” et pourquoi Mr Samba Thiam le président des FLAM pour la préface de votre livre?

BOYE :  Le titre initial c’était :”J’étais à Oualata. L’autre visage du racisme d’Etat en Mauritanie”. Mon éditeur a proposé qu’il soit raccourci tout en lui conservant son caractère expressif. Cela a donné le titre sous lequel il a été publié ..Titre provocateur? Peut-être. En tout cas, il me semble être en adéquation avec son objetif.

En 1986, des intellectuels noirs dénoncent dans un document “Le manifeste du négro-mauritanien opprimé”, le système politique raciste en Mauritanie. Ils sont arrêtés et emprisonnés. En 1987, des militaires noirs sont quasiment sur le point de déclencher un putsch pour mettre fin à l’injustice raciale, à la situation d’exclusion des négro-africains et rétablir l’équilibre communautaire dans le pays. Ils sont arrêtés,jugés, condamnés à de lourdes peines. Les uns et les autres sont régroupés et transférés à Walata. Là, ils sont emprisonnés dans des conditions si dures, si inhumaines, que quatre parmi eux y trouvent la mort.

C’est leur engagement sous des formes différentes, contre le racisme d’Etat, qui a conduit à leur détention. Leur jugement, les conditions de leur détention portent l’empreinte du racisme d’Etat. Walata a révélé un aspect encore méconnu du racisme d’Etat:son visage carcéral hideux, abject. Ici on n’a pas affaire à un détenu tout court, mais à un détenu négro-africain. Celui-ci, libre, est un citoyen de seconde zone. Prisonnier, il est humilié, chosifié, avili. Le livre c’est la relation de tout cela. Et Walata fut en quelque sorte l’illustration de tout cela. Voila pourquoi le choix de ce titre. J’ajoute -comme je l’ai mentionné dans le livre- que “j’étais à Oualata” tout court allait être le titre du livre que Tonton Tene Youssoyf Guèye se proposait d’écrire sur notre détention à Walata. Sa mort, intervenue en prison, l’en a empêché. J’ai voulu lui rendre hommage en reprenant cette partie du livre qui est de lui.

S’agissant du second volet de votre question, j’estime que le livre aurait pu se passer d’une préface. Mais parce que j’ai voulu un symbole très fort, j’ai souhaité qu’il fût préfacé par l’un des responsables historiques et membres fondateurs des FLAM.

Qui, depuis l’indépendance et après la déclaration historique des “19” a symbolisé avec constance et esprit de suite la lutte contre le racisme,la lutte pour une Mauritanie égalitaire? Ce sont les FLAM.

Que Samba Thiam président des FLAM préface un livre qui dénonce l’expression du racisme d’Etat en Mauritanie dans des conditions carcérales, c’est plus que naturel, c’est tout un symbole. A ces considérations, vous pouvez ajouter mes rapports faits d’estimes réciproque, avec le président Samba Thiam . Rapports scellés dans la prison de Walata, consolidés par une identité de vues sur plusieurs questions majeures qui nous interpellent en tant que mauritaniens, en tant que nationalistes négro-africains.

FLAMNET : En lisant votre livre on sent une certaine complicité ou une forte amitié entre vous et feu Sarr Amadou mais aussi une relation privilégiée avec feu Tene Youssouf Guèye que vous appelez affectueusement “tonton”, pouvez-vous nous parler de ces deux grands hommes?

BOYE : J’ai longuement parlé de tonton Youssouf Guèye dans le livre sans avoir, bien sûr, cerné toutes les dimensions de l’homme. Je l’ai connu dans la prison de Walata. Bien sûr tonton Youssouf Guèye n’était pas un citoyen anonyme. Il était diplomate, écrivain. J’avais entendu ses chroniques en pulaar à radio Mauritanie. J’avais lu son roman “Rella Gallo thiongane ou les voies de l’honneur”. Je l’ai approché en 1974 (je crois) lors du festival national de la jeunesse à Nouakchott. C’était à la maison des jeunes. Il y supervisait, la mise en scène de sa pièce de théâtre: “Les éxilés de Goumel”. Je ne l’ai donc côtoyé de près que dans la prison de Walata. Quand il sut que son fils Daouda était mon ami d’enfance, il m’ouvrit ses bras et parfois son coeur. Quand on discute avec tonton Youssouf Guèye,on est d’emblée frappé par l’immensité de sa culture. Il avait beaucoup voyagé.Il appréciait l’historien francais Alain Decaux dont il admirait le talent de conteur. Il avait beaucoup d’estime pour le professeur Cheikh Anta Diop. Il était sans nul doute un homme de culture d’une très grande valeur.

Sous d’autres cieux , les qualités des hommes comme lui sont mises à profit. En Mauritanie,le pouvoir de Taya laisse des hommes comme lui “…mourir comme un chien” dans une prison. L’expression, prononcée peu de temps avant sa mort, est de lui.

Quant à mon ami Sarr Amadou,nos chemins se sont croisés en 1979 au Maroc, précisement à Meknes òu il suivait, en même temps que son ami et promotionnaire Diacko Abdoul Karim, une formation d’officier à l’académie royale militaire de Méknes. J’étais à Méknes dans le cadre d’un voyage d’études effectué au Maroc par la première promotion d’officires de l’E.M.I.A à laquelle j’appartenais.

Sarr Amadou était un homme de convictions. Son engagement pour une Mauritanie égalitaire était total. Au service de cet engagement trois qualités: générosité,intelligence et courage. Ces qualités,notamment le courage,le courage à l’état pur,on les retrouvait aussi chez ses trois autres compagnons: Bâ seydi, Sy Saidou et Bâ Abdoul Khoudouss. Sarr Amadou était le principal concepteur, l’inlassable coordinateur, et l’organisateur imaginatif du putsch des militaires négro-africains déjoué le 22-10-1987. En somme, il en était le pivot.

FLAMNET : Revenons à la cause de votre détention c’est à dire le putsch manqué de 1987, certains mauritaniens proches du pouvoir et leurs acolytes du MND n’avaient pas hésité à qualifier votre “révolte” de “mouvement particulariste ,voire de dérive ethnique et même raciste”, “un putsch pas comme les autres” écrivaient-ils . Que répondez-vous à toutes ces accusations?

BOYE : “Un putsch pas comme les autres”. En effet, c’est par ces mots que commence la déclaration du MND du 8-11-87 qui condamne le putsch des militaires négro-africains. Je pense aussi, mais pour des raisons très différentes de celles exposées par le MND,que le putsch n’est “pas comme les autres”. Parce que pour la ´première fois, dans l’histoire de notre pays, des militaires négro-africains décident, par un putsch, de mettre fin au monopole du pouvoir par les arabo-berbères, d’éradiquer le racisme d’Etat, de rétablir l’égalité entre arabo-berbères et négro-africains. Dès lors,le putsch apparait comme un reflexe de conservation, un acte de légitime défense; il est une réaction à une situation d’injustice et d’oppression raciale. Les “particularistes “et les “racistes” ce ne sont pas les auteurs du putsch, mais bien ceux qui ont crée les conditions racistes qui ont donné naissance au putsch. Les auteurs du putsch n’avaient pas pour ambition d’inverser les rôles:monopoliser le pouvoir au profit des négro-africains. Car ils avaient conscience qu’on ne combat pas une injustice pour la remplacer par une autre. Que le pouvoir, ses thuriféraires, ses courtisans et autres griots politiques qualifient le putsch de “raciste”, “ethnique” et “particulariste”, il y a bien là de quoi faire penser au voleur pris la main dans le sac et qui crie “au voleur ! au voleur!” En quoi est-il “particulariste, ethnique…” ? Parce que, comme l’affirmaient Mohamed ould Mawloud et Bâ Bocar Moussa dans “ensemble surmontons crises, differents et conflits…” , “Pour la première fois depuis le 10 juillet 1978, un groupe d’officires uniquement négro-africains tentait de s’assurer le contrôle du pouvoir politique en excluant les Arabes de leur projet.”. Bien! Je réponds que depuis toujours, depuis surtout l’arrivée des militaires au pouvoir, à aucun moment les officiers négro-africains n’ont contrôlé la réalité du pouvoir, jamais ils n’ont assumé la plus haute charge de l’Etat. Et que, hormis le coup du 12-12-84, s ´ils ont été associé à la prise du pouvoir, ce n’est que comme exécutants, comme des faire-valoir. Enfin, j’ajoute que la situation politique à l’origine du putsch du 22-10-87 et le contexte de suspicion et de délation qui prévalait dans l’armée, excluait de fait toute idée d’associer les arabo-berbères au putsch. Agir autrement eût été un hara-kiri. Ce qui ne veut pas dire qu’une fois le pouvoir conquis, les arabo-berbères allaient en être écartés. D’ailleurs des officiers arabo-berbères supposés prédisposés à militer pour la construction d’une Mauritanie égalitaire à l’abri de tout racisme,étaient préssentis pour assumer des responsabilités importantes. Pour finir, permettez-moi deux observations sur le MND:

  1. La position du MND par rapport à la cohabitation entre arabo-berbère et négro-africains est ainsi exposée dans leur déclaration du 8-11-87: “Les contradictions entre nationalités sont des contradictions entre membres d’une même famille, à résoudre pacifiquement et équitablement. Elles sont secondaires par rapport à la contradiction entre le peuple mauritanien dans son ensemble et ses oppresseurs:l’impérialisme, la grande bourgeoisie et le féodalisme.” Le caractère conflictuel de plus en plus lancinant de la cohabitation, induit par la radicalisation du système politique raciste est ici, percu et réduit à des contradictions secondaires…” Cette demarche s’inspire de la positrion classique du marxisme leninisme . Elle résulte de l’emploi de la grille de lecture qui décompose la société en classes d’opprimés et d’oppresseurs… Cette approche de la cohabitation, ou de la question nationale qui s’inspire de l’analyse marxiste leniniste, ainsi transposée mécaniquement dans le contexte mauritanien,ne tient pas. Parce qu’elle n’intégre pas cette donnée fondamentale qu’est le racisme d’Etat et ses effets pervers. Du fait du racisme d’Etat, aujourd’hui,dans notre pays,le sentiment d’appartenance à une classe donnée, s’évanouit au profit du sentiment d’appartenance à une communauté, à une tribu,à un clan etc. Pour cette même raison, la solidarité de classe, les alliances entre classes cèdent la place aux solidarités traditionnelles à caractère communautaire, ethnique,tribal. Cela s’est vérifié à travers les crises que le pays a connues ces dernières années. Pendant les évenements de 89, l’ouvrier arabo-berbère de la SNIM s’est-il montré solidaire en tant qu’ouvrier, de l’ouvrier négro-africain déporté? l’homme d’affaire négro-africain dont l’entreprise périclite du fait des blocages financiers et administratifs à caractère raciste, peut-il se sentir solidaire de l’homme d’affaire arabo-berbère soutenu, protégé par le système raciste? On peut multiplier les exemples. Dans ce contexte la solidarité nationale est un bluff , elle est fictive. Dans ce contexte où l’arabité constitue un determinant de la citoyenneté, où le négro-africain est un citoyen de seconde zone, réduire les rapports conflictuels entre négro-africains et arabo-berbères au rang de “contradictions secondaires” c’est faire preuve de cécité ou de mauvaise foi. Et les crises communautaires induites par le racisme d’Etat ,parce qu’elles mettent en danger l’existence du pays ,ne peuvent pas, ne doivent pas attendre, pour être résolues, que soit résolue, je ne sais quelle “contradiction entre le peuple mauritanien… et ses oppresseurs: l’impérialisme, la grande bourgeoisie et le féodalisme”.
  2. Le document du MND du 8-11-87 relatif au putsch du 22-11-87 intervient 15 jours après les arrestations des putschistes et 22 jours avant le verdict de la cour spéciale de justice dont l’iniquité et la sévérité égalaient la violence haineuse de la déclaration- requisitoire du MND. Cette déclaration ,rappelons le, est faite dans un climat fort agité. Le putsch venait d’être déjoué,les arrestations se poursuivaient dans tout le pays,le pouvoir et certains milieux répandaient des rumeurs suivant lesquelles les putschistes voulaient “massacrer la population blanche et dévaster leurs biens”, les enquêtes étaient en cours et le pouvoir s’apprêtait à faire juger les putschistes…

C’est dans un tel climat de doute, d’incertitude et peut-être d’indécision de la part du pouvoir que le MND fait sa déclaration-réquisitoire contre les putschistes. On y lit des “révélations” hallucinantes du genre: “renverser par les armes l’équilibre politique existant depuis 1960 entre les nationalités composant notre peuple”, “mettre le feu à la maison commune…est inadmissible”. Une déclaration d’une telle teneur,faite dans conditions explosives que je viens d’exposer, constituaient une caution explicite à la repression des putschistes.

Cette déclaration voulait simplement dire à Taya: “condamnez-les avec une sévérité extrême.” C’est pourquoi je pense que le MND a une très lourde responsabilité par rapport au lourd verdict rendu le 6-12-87 à Jreida, par rapport également à l’éxécution de nos camarades Sarr Amadou ,Sy Saidou et Bâ Seydi.

Et c’est peut être à partir de là qu’il faut situer le point de départ des accointances du MND avec le pouvoir de Taya.

FLAMNET : Certains compatriotes Arabes proches de Moktar ould Daddah s’inscrivent en faux contre votre introduction et la préface de votre livre sous le prétexte que ” le racisme officiel sous Taya n’est pas l’ontologie de l’Etat mauritanien, ni dans les textes ni dans les faits antérieurs alors que vous affirmez le contraire. Pouvez-vous vous justifier davantage pour nos lecteurs?

BOYE :  J’ai envie de leur demander :” le racisme officieux est-il l’ontologie de l’Etat mauritanien?” Plus sérieusement, je pense que si le racisme officiel n’est pas l’essence, le fondement de l’Etat mauritanien, le racisme officieux ,le racisme tout court a été et demeure consubstantiel à son existence et à son affirmation tant au plan national qu’international. A mon sens,ce qui importe le plus ici,c’est de savoir si le racisme, independamment du fait qu’il soit officiel ou officieux, est une caractéristique fondamentale de l’Etat mauritanien. Je pense que oui. Cela étant dit,il reste clair qu’en Mauritanie, le racisme en tant que système politique n’est pas officiellement proclamé. Il n’est légalisé par aucun texte, ni par aucune loi. Contrairement à ce qui s’est produit en afrique du sud où, une fois au pouvoir, le National Party a mis en place une législation pour faire des noirs sud-africains des citoyens de seconde zone. En Mauritanie, il n’ y pas de ghetto,de township. Il n’y a pas d’établissements publics (écoles, magasins, etc…) réservés aux arabo-berbères . Mais en est-on vraiment loin? Ce racisme d’Etat officieux, qui ne dit pas son nom est encore plus dangereux, parce plus difficile à déceler, donc plus difficile à combattre. Ce que j’ai essayé de mettre en relief dans l’introduction du livre, c’est ce racisme d’Etat maquillé en politique d’arabisation de l’enseignement d’abord, de tout le pays ensuite, a été introduit par le président Daddah. Et que depuis, il n’a cessé de s’exprimer dans tous les secteurs d’activités du pays, pour connaître son apogée sous Taya avec les massacres et déportations de 1989-90.

Aucun des régimes qui se sont succedé à la tête du pays n’a manifesté la volonté de mettre fin au système politique raciste.De ce point de vue tous y ont leur part de résponsabilité. Responsabilité qu’il faut nuancer d’un régime à l’autre. Car tous,n’ayant pas eu à affronter les mêmes situations, l’impact de leur politique dans le pays n’est pas le même. Sur le plan exctérieur, la cassure de tous les ponts qui relient le pays à l’Afrique noire,au profit de son ancrage dans le monde arabe constitue l’expression la plus significative,sur le plan diplomatique,du racisme d’Etat.

Le retrait tout récent de la Mauritanie de la CEDEAO en est une illustration. A ce niveau aussi, il faut faire la part des choses. Je pense que sous Daddah,la Mauritanie s’est tenue à égale distance entre l’Afrique noire et le monde arabe. Mais était-il possible qu’il en fût autrement compte tenu du contexte de l’époque:d’une part la Mauritanie qui cherchait à s’affirmer dans le monde arabe,était contestée en tant qu’Etat par le Maroc jusqu’en 69,d’autre part, Daddah entretenait des rapports privilégiés avec plusieurs chefs d’Etats africains et était très impliqué dans les questions africaines dans le cadre de l’OUA qu’il a présidée. Dans ce contexte ,dis-je,le jeu d’équilibre entre le monde arabe et l’Afrique noire,résultait-il d’une volonté politique réelle conforme à la double identité arabe et africaine de la Mauritanie , ou obéissait-il à des considérations tactiques conjoncturelles? la question se pose.

FLAMNET : Depuis l’avenement des militaires au pouvoir nous avons constaté un engagement actif des officiers beydanes dans la politique certains comme vous le disiez pour “le contrôler et d’autres pour se l’approprier”.Quant aux officiers négro-africains, ils se contentaient d’être des instuments au service de différents lobbies panarabistes et cela depuis toujours jusqu’à l’avènement du “mouvement des jeunes officiers noirs”de 87.Qu’est ce qui expliquait selon vous le désintéressement de vos aînés ou des militaires négro-mauritaniens d’une manière générale à la “chose” politique?

BOYE :  Cette question me semble très importante.Je pense qu’elle fait partie des questions auxquelles un bilan critique global du nationalisme négro-africain doit apporter des réponses exhaustives. Je n’ai donc pas l’outrecuidance d’y répondre de manière tranchée,mais de contribuer à dégager des pistes de reflexion.

Je note d’abord que le désintéressement, ou plus exactement l’absence d’ambition politique en terme de direction de l’Etat,chez nos aînés officiers,n’est pas un phénomène propre aux militaires. C’est un constat valable pour toute la communauté négro-africaine.Il y a, à cet égard,une espece de complexe d’infériorité,de résignation,d’acceptation de l’idée que la Mauritanie ne peut,ne doit être dirigée que par des Arabo-berbères. Au niveau national on se contentait des seconds rôles. Au niveau individuel,le carriérisme prédominait.

Pour revenir à nos aînés militaires, je pense qu’ils étaient plus légalistes,plus frileux,plus disciplinés,pour ne pas dire plus soumis.Tout ceci rendait plus difficile le franchissement du pas qui mène au politique,à la conquête du pouvoir.Il me semble aussi qu’ils étaient plus casaniers,repliés sur eux-mêmes,d’où absence d’échanges,de débat politique. La situation est toute différente au niveau des officiers arabo-berbères. Le panarabisme très bruyant dans le monde arabe,avait trouvé en Mauritanie des structures-relais dès le début des années 70:les baathistes et les nassériens s’étaient organisés et s’activaient. leur influence ne cessera de s’étendre jusque dans les sphères du pouvoir. L’Irak ouvrait ses portes. Plusieurs élèves officiers arabo-berbères y effectuèrent leur formation dès le milieu des années 70. C’est le lieu de rappeler à quel point les baathistes chérissent le coup d’Etat comme moyen privilégié d’acceder au pouvoir.

Toutes ces considérations rendaient les officiers arabo-berbères plus prédisposés à un engagement politique que les officiers négro-africains.

FLAMNET : A la place de l’auteur de “J’étais à Oualata” que vous êtes, nous vous retournons cette question: “L’Etat unitaire en Mauritanie constitue-t-il, selon vous, aujourd’hui un cadre viable de coexistence entre les communautés arabo-berbère et négro-africaine” après tout ce qui s’est passé?

BOYE : Non.L’Etat unitaire tel qu’il se présente aujourd’hui consacre de fait le monopole du pouvoir politique par les arabo-berbères et l’exclusion des négro-africains.Le fossé qui sépare les arabo-berbères des négro-africains, quelque soit la catégorie sociale visée,quelque soit le secteur d’activité ciblé, est immense.Ce fossé est entretenu et sans cesse agrandi par l’Etat unitaire raciste. Après 40 d’existence,la faillite de cet Etat par rapport à la gestion de la cohabitation est totale.Cependant l’Etat unitaire profondément remanié sur la base du principe du partage équitable du pouvoir entre arabo-berères et négro-africains peut être maintenu.

Il faudra alors une nouvelle constitution qui determinera toutes les dimensions de ce partage du pouvoir à travers les institutions nouvelles qui seront mises en place. Que le regime soit présidentiel ou parlementaire, chacune des deux communautés,par le biais de ses représentants au niveau des institutions de l’Etat, doit pouvoir exercer un droit de veto face à toute décision qui mettrait en cause l’équilibre communautaire.

En somme, il s’agira d’une cohabitation non seulement en amont mais aussi et surtout en aval. Le principe de gestion de l’Etat devra être consensuel. L’Etat unitaire,percu sous cet angle peut être un cadre viable de coexistence entre les communautés arabo-berbères et négro-africaines. Deux autres options sont aussi jouables:

  • L’Etat fédéral. Chacune des deux communautés,jouissant de son autonomie dans le cadre d’une structure fédérale se prendra elle-même en charge,assurera la gestion de ses affaires.
  • La deuxième option c’est la secession des négro-africains. Je le dis au risque de susciter la haine de certains, la colère d’autres. Je dis aussi que je ne souhaite pas qu’on arrive à cette solution extrême. A priori, je ne privilégie pas cette option. Mais je pense que politiquement, intellectuellement, il est dangereux et absurde,sous prétexte de se voir “diaboliser”, de taire, d’occulter la sécession en tant que direction d’évolution possible de la crise intercommunautaire en Mauritanie. Il faut oser se regarder et regarder la réalité en face. Si nous ne parvenons pas,du fait du système politique raciste qui est par essence inégalitaire, à vivre sous le même toit dans la complémentarité,dans le respect de nos identités respectives,avec les mêmes droits et les mèmes devoirs, alors il faut accepter la sécession. Envisager une telle éventualité, ce n’est pas jeter de l’huile sur le feu,c’est permettre de mieux nous armer pour trouver,sur des bases égalitaires, un cadre de coexistence adapté et accepté par tous.

FLAMNET : Votre dernier mot à nos lecteurs?

BOYE :      Le livre “J’étais à Oualata. Le racisme d’Etat en Mauritanie”, c’est aussi un message d’espoir qui se résume en ces mots: “Plus jamais ca ni en Mauritanie, ni ailleurs”. Cet espoir, je suis convaincu qu’il est aussi celui de vos lecteurs qu’ils soient mauritaniens ou étrangers, attachés à la paix, à l’égalité, à la justice.

Puissent-ils, chacun à son niveau, à sa manière, contribuer à la concrétisation de cet espoir. Je souhaite longue vie à votre site.

Propos recueillis par Kaaw Touré.

FLAMNET-ARCHIVES: 2000

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Flamnet-rétro : Mahamadou Sy survivant de l´enfer d´INAL invité de Flamnet

altCette date est entrée dans l’histoire de la Mauritanie qu’on le veuille ou non et elle sera toujours associée à cette sinistre nuit où 28 prisonniers furent pendus pour commémorer le 30ième anniversaire du pays. La veille 28 personnes furent sélectionnées et numérotées de 1 à 28. L’exécution eut lieu dans cet ordre à partir de minuit. Je ne crois pas que les témoins de cette macabre scène, les familles des victimes et tout mauritanien qui condamnant cette barbarie puissent avoir, pour ce jour, la même considération que les commanditaires de cette immolation et leurs sympathisants. Cet anniversaire ne symbolisera désormais plus que les massacres d’Inal. On ne pourra rien y changer. Pour moi c’est tout le mois de novembre qui est douleur; chaque jour me rappelle un tortionnaire, un bourreau, un ami disparu ou un moment de souffrance.


FLAMNET : Merci d´avoir accordé cette interview à FLAMNET. Tout d’abord, voulez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Mahamadou SY :  Je suis né à Bélinabé à quelques kilomètres de Kaëdi, dans le sud de la Mauritanie. J’ai quitté très tôt le cocon familial pour les études coraniques. J’avais cinq ans quand mes parents m’envoyèrent à Médina Gounass, loin de mon environnement familial. Je n’ai été à l’école qu’à l’âge de dix ans. L’établissement, composé uniquement de deux classes, portait le nom de “l’école Battoir” et se situait à l’îlot G, pas loin de l’abattoir- d’où d’ailleurs a été tiré son nom. C’est dans ces deux classes que j’ai eu à être témoin du premier choc communautaire en 1966. Mon adolescence s’est passée dans les quartiers de Nouakchott. En 1978, j’ai décidé d’aller à l’armée, à l’EMIA d’Atar. Après une formation d’officier, j’ai occupé des postes d’instructeur et de commandement jusqu’à mon arrestation.

FLAMNET : Pourquoi avez-vous décidé d´écrire ce livre-témoignage et pourquoi ce titre “L’ENFER D´INAL”?

Mahamadou SY :  Je commencerai par la fin de la question, à savoir le titre. Je l’ai choisi parce que j’y étais et que l’enfer tel qu’on le décrit y ressemble beaucoup. La couverture aussi je l’ai voulue ainsi, une Mauritanie qui brûle avec les visages aux regards interrogateurs de quelques de victimes au milieu, justement de cet enfer. La décision d’écrire L’ENFER D´INAL a été prise alors même que j’étais encore prisonnier à Inal. Ceux parmi mes compagnons qui ont survécu à la tourmente se souviendront sûrement que je m’étais proposé alors de lui donner comme titre “J’étais officier”. A ce moment, aucun d’entre nous ne savait s’il allait en sortir vivant. Je crois que ce n’était qu’une envie de raconter l’horreur vécue. Mais beaucoup plus que cela aujourd’hui, il s’agit, pour moi :

·         D’exorciser un passé que le pouvoir mauritanien croit avoir réussi à enfouir à jamais.

·         De mettre à nu ce système qui nous a conduits dans cette impasse.

·         De rendre un hommage mérité à ces morts.

·         De séparer le bon grain de l’ivraie, les Maures ne sont tous coupables même si le silence de la large majorité était complice. Il y’a eu ces Maures qui arrivaient le coffre de la voiture rempli de denrées alimentaires destinées aux Négro-Mauritaniens que le pouvoir s’apprêtait à déporter. De cela aussi j’ai été témoin.

Ce livre est aussi une contribution à une quête de justice et d’égalité. Je souhaiterais que chacun, juriste, politique ou tout simplement lecteur averti puisse y trouver les armes nécessaires pour une Mauritanie réconciliée et débarrassée de ses démons.

FLAMNET : Que s’est-il passé exactement à Inal pendant ces purges ou “dénégrification” qui ne dit pas son nom ?

Mahamadou SY :  Ce qui s’est passé à Inal en 90 est tout simplement innommable. Des hommes ont été arrêtés de façon la plus lâche. Ils ont été regroupés à Inal dans le seul but d’une extermination. Il s’agissait, d’abord, de les soumettre à la torture la plus barbare possible, ensuite seulement, leur faire dire n’importe quoi. Le capitaine Sidina n’a-t-il pas un jour tenu ces propos à ses sbires : “ne tuez pas ceux-là, j’en ai encore besoin, ils n’ont rien dit pour le moment”. Il parlait de prisonniers fraîchement débarqués. Cela résume à lui seul la haine aveugle et le sombre dessein qui nous attendaient tous. C’était effectivement une purge ethnique. Les tortionnaires et bourreaux étaient tous des Maures ou Haratin et les victimes, des Négro-Mauritaniens. Il n’y avait pas l’ombre d’un motif autre que leur appartenance ethnique.

FLAMNET : Les arrestations de 90-91 vous ont-elles surpris ?

Mahamadou SY : A ma connaissance, rien ne justifiait mon arrestation. Il y avait, certes, une rumeur qui faisait état de l’arrestation de deux officiers dont un ami d’enfance. Aussi, étais-je loin, lorsque j’ai été arrêté, d’imaginer les véritables intentions des commanditaires.

FLAMNET : D´aucuns estiment que les militaires négro-africains arrêtés en 90-91 ont été victimes de leur naïveté, ils n’auraient tiré aucune leçon des évènements de 87, que leur répondez-vous ?

Mahamadou SY :  Il faut, à mon avis, essayer de se situer dans le contexte de ces années et vivre la situation de l’intérieur de l’armée pour pouvoir se faire une idée objective. L’affaire de 87 et celle de 90 ne sont pas comparables. Dans la première, il y’avait un motif d’arrestation, une tentative de renversement du régime en place. Ce qui ne justifie pas les sentences rendues par la cour spéciale de justice qui a jugé l’affaire. Pour ce qui est de 90, il n’y avait absolument rien à la base de ces arrestations-là. D’autre part, aujourd’hui l’histoire nous montre que les peuples sont les plus aptes à conduire aux véritables changements. Penser que les militaires pouvaient changer quoi que ce soit relève d’une autre naïveté. Ils étaient complètement déresponsabilisés. Les rares postes qu’ils occupaient étaient tout simplement symboliques. Tout était fait de sorte qu’ils ne puissent prendre aucune décision sans avis supérieur. La plupart du temps, ils n’avaient qu’un véhicule de commandement et un camion de ravitaillement, dans le meilleur des cas. Mais comme je l’ai dit plus haut, c’est toute la Mauritanie, la communauté négro-mauritanienne y comprise, qui est responsable par sa passivité. Trois officiers ont été tués arbitrairement sans que cela ne soulève aucune réaction de la communauté et encre moins du reste de la Mauritanie. Ils étaient certes des militaires, mais avant tout des Négro-Mauritaniens. Il faut qu’on arrête de penser que seuls les militaires sont en mesure d’apporter de véritables changements à nos problèmes.

FLAMNET : Pouvez vous revenir pour nos lecteurs sur cette horrible nuit de 28 novembre 90 à Inal, en tant que rescapé et témoin de cette haine bestiale et qu´entendez-vous de cette affirmation, quand vous dites dans votre livre”plus jamais cette date n´aura la même signification pour les mauritaniens”?

Mahamadou SY :  Cette date est entrée dans l’histoire de la Mauritanie qu’on le veuille ou non et elle sera toujours associée à cette sinistre nuit où 28 prisonniers furent pendus pour commémorer le 30ième anniversaire du pays. La veille 28 personnes furent sélectionnées et numérotées de 1 à 28. L’exécution eut lieu dans cet ordre à partir de minuit. Je ne crois pas que les témoins de cette macabre scène, les familles des victimes et tout mauritanien qui condamnant cette barbarie puissent avoir, pour ce jour, la même considération que les commanditaires de cette immolation et leurs sympathisants. Cet anniversaire ne symbolisera désormais plus que les massacres d’Inal. On ne pourra rien y changer. Pour moi c’est tout le mois de novembre qui est douleur; chaque jour me rappelle un tortionnaire, un bourreau, un ami disparu ou un moment de souffrance. Aujourd’hui, 23 novembre 2000, me ramène à mon camion en compagnie de Kane Mohamed Mansour, feu le lieutenant Sall Abdoulaye Moussa et feu le lieutenant Anne Dahirou. A cette heure précise de l’année 90 nous étions chacun derrière une voiture ; ce jour fut également pour moi un autre anniversaire car je suis né un 22 novembre.

FLAMNET : Vous écrivez aussi dans votre livre “la réaction de Taya ne surprend que ceux qui ne connaissent pas son passé, en effet, certains se souviennent encore du cas de Sakho dans les années 60,Ould Taya n´était qu´un sous-lieutenant à l´époque, il n´a sûrement pas oublié, lui”. Pouvez vous nous rafraîchir la mémoire sur cette affaire ?

Mahamadou SY :  Cela remonte en décembre 60 ou début 61. Monsieur Sakho Mamadou Lamine était alors administrateur à Néma. Un commando s’en est pris à Sakho et un français. Tous deux furent tués. Les membres de ce commando appartenant à l’escadron commandé par Ould Taya, seront jugés et passés par les armes. Pour le Sanctionner, sans doute, Taya aurait été désigné pour commander lui-même le peloton d’exécution. Qui était derrière ces hommes ? Une chose est certaine, Taya n’était pas loin. Petit bourreau a tout simplement grandi.

FLAMNET : Le pouvoir a longtemps essayé de présenter la tragédie que vous avez vécue comme étant l´œuvre de seconds couteaux, quelques petites bavures, “personne n’a été tué de sang froid” dixit Taya dans le Monde, pensez-vous, vous qui connaissez l´armée de l´intérieur que les évènements d´une telle ampleur et d´une gravité aient pu avoir lieu sans le feu vert du colonel-président?

Mahamadou SY :  Taya peut dire ce que bon lui semble mais nous ne le laisserons pas pervertir la réalité. Il a d’abord nié puis prétendu qu’il n’était pas au courant ce qui pour moi relève d’une incompétence sans comparaison et une inaptitude à occuper les fonctions qui étaient les siennes : ministre de la défense, Président du CMSN et chef d’état. Comment expliquer la promotion fulgurante des plus zélés des tortionnaires ? Le chef d’état major n’a-t-il pas nommé ministre de la défense juste après cela ? Sidi ould Néma, le bourreau de Sorimalé, n’a-t-il pas été décoré par Taya lui-même ? Pourquoi Ould Boïlil a -t-il été envoyé pour faire l’école d’état major juste après Inal ? Pourquoi a-t-il fait des mains et des pieds pour voler au secours d’Ely ould Dah, un autre tortionnaire et bourreau de Jreïda et d’Azlatt ? Il n’a pas hésité à rompre la coopération militaire avec la France dans cette dernière affaire, allant même jusqu’à chercher d’autres alliés qui seraient éventuellement moins regardant dans ses dossiers sensibles. Cette opération de nettoyage ethnique n’a pas pu se faire sans sa bénédiction. Il en est le premier responsable.

FLAMNET : Le pouvoir s’evertue à faire en sorte que les évènements de 89-91 soient oubliés, que faites-vous en tant que victimes afin qu´ils demeurent à jamais gravés dans la memoire de notre peuple? êtes-vous favorable comme certains l´ont suggeré à la construction d´un memorial du souvenir pour nos martyrs?

Mahamadou SY :  Le travail de mémoire n’a pas commencé avec “l’enfer d’Inal”. Il y’a eu avant cela “J’étais à Oualata” de Boye Alassane en 1999 et beaucoup plus loin “Notre part de vérité” Que nous, 17 officiers rescapés survivants des massacres de 1990, avons rédigé au moment de notre radiation de l’armée en 1991. Dans ce document, nous relations le calvaire vécu et exigions une commission indépendante d’enquête, une sanction des responsables des massacres, une réparation du préjudice subi par les victimes et une indemnisation des veuves et orphelins. Ce document a été remis à toutes les ambassades et ONG présentes à Nouakchott et à tous les dirigeants politiques de l’époque. Ils ne peuvent pas dire qu’ils n’ont pas été informés. Je salue au passage le travail fait par le CSDM à travers leur document de 1993. Il y’a eu aussi un article paru dans le Journal “l’Unité” dans lequel je racontais l’enfer d’Inal en plus condensé. Le combat contre l’oubli a toujours été pour moi, comme pour tous les rescapés, une préoccupation majeure. Pour ce qui est de construire un mémorial pour nos martyrs, je trouve que c’est une excellente idée. J’avais même lu, avec beaucoup de plaisir, sur le net une proposition qui visait à donner leurs noms à des rues et des établissements scolaires. Ce serait le meilleur moyen de réhabiliter leurs mémoires. Et puis, on leur doit bien cela. Ces balbutiements de démocratie c’est à eux que nous les devons.

FLAMNET : Que pensez-vous de ceux qui disent que les activistes négro-mauritaniens tendent à légitimer la propagande de “victimisation”, une sorte de “judaisation” du problème noir, de sorte à étouffer d´autres questions sociales aussi urgentes qui touchent toutes les composantes nationales du pays?

Mahamadou SY :  De toute façon, suis-je tenté de leur répondre, ce qui s’est passé en Mauritanie n’est comparable dans son fond et dans sa forme qu’à l’holocauste. Notre cas ne peut être assimilé ni au Rwanda, ni au Libéria, ni à l’Afrique du Sud où l’ANC était structurée et disposait d’une aile militaire, pas même à la Palestine, dont je compatis à la douleur, qui en plus de son armée, a ses poseurs de bombes et ses lanceurs de pierres. En Mauritanie, qui peut dire qu’il a reçu un jet de pierres de la part d’une seule de ces personnes qui ont été massacrées à Inal et ailleurs dans le pays? Comme pour les juifs auxquels le pouvoir a pris beaucoup de plaisir à assimiler tout Négro-Mauritanien, il s’agissait d’arrêter des hommes sans armes sur leur lieu de travail ou à leur domicile dans le seul et unique but de les liquider. Mais il me semble aujourd’hui que le mot juif a perdu un peu de son sens péjoratif dans les sphères de la direction nationale.

FLAMNET : Vous avez été arrêté en 90 et accusé injustement d´être un agent des liaisons des Flam au sein de l´armée sans connaître auparavant ce mouvement, consideriez-vous comme certains que les Flam étaient les “principaux responsables de vos malheurs” ou pensez-vous que cette accusation était seulement une manoeuvre dilatoire pour justifier l´epuration ?

Mahamadou SY :  J’ai effectivement été accusé d’appartenir à une cellule militaire des FLAM. Ce qui était complètement faux, il n’y avait pas d’aile militaire des Flam. La première fois que j’ai rencontré un membre de ce mouvement c’est en 1993, en France. Je n’ai pas été le seul à faire l’objet de cette accusation. Dans ces moments de souffrance, on en veut toujours à “celui qui vous a dénoncé” ou “celui pour qui vous êtes torturé” surtout si vous ne savez rien de ce dernier ni pourquoi vous êtes là. Il était de bon ton, à l’époque, de cataloguer les personnes dont on voulait se débarrasser. Taya a cherché un dérivatif pour asseoir son pouvoir. Le phénomène “FLAM” a été intentionnellement amplifié pour les besoins de la répression. Pour le militaire moyen qu’est le colonel, il faut en permanence se trouver un ennemi pour exister.

FLAMNET : Que pensez-vous justement des Flam, de leur combat et de leur parcours,reconnaissez-vous vous en tant que négro-mauritanien dans leur lutte contre le racisme et la dictature en Mauritanie?

Mahamadou SY :  Je retrouve la quasi-totalité de mes revendications dans les ambitions des Flam. Il est des points sur lesquels nos vues divergent, par exemple, le fédéralisme ou la séparation. Je rêve d’une Mauritanie unie, une fois pour toute. C’est d’ailleurs ce que j’ai voulu ressortir dans la quatrième de couverture de mon livre, par l’illustration de ma photo face à ce pays. Cette unité n’a, en vérité jamais existée vraiment. La méfiance a toujours été présente. Mais la cohabitation, je crois que c’est le terme juste, n’a jamais été aussi malmenée qu’avec Ould Taya. Quant au parcours des Flam, je le respecte. Elles jouent le rôle qui est le sien, j’apprécie beaucoup son ouverture.

FLAMNET : Taya vous arrête injustement, vous torture, vous massacre, déporte et ensuite vous accorde sa “grâce” à l’ occasion de la fin du mois de Ramadan, comme si cela ne suffisait pas il vote une autre loi d´auto-amnistie ou amnistie pour ses bras armés! que vous inspire cet acte et cette “mansuétude” du colonel-président?

Mahamadou SY :   Je n’ai jamais compris cette expression “…le président vous a pardonné”. On sait aujourd’hui que Taya ne pardonne jamais, il recule devant l’inévitable. Il y avait eu d’énormes pressions exercées sur lui au moment où son ami et frère Moussa Balla Traoré était balayé par un souffle nouveau. Ayant compris qu’il fallait au moins faire semblant de suivre cette vague de démocratie qui déferlait sur le continent ; il ne pouvait faire autrement que renoncer au projet qui consistait à justifier la mort des centaines de militaires dans les camps par l’exécution officielle d’autres qui devaient passer devant un tribunal. Il convient de souligner que jusqu’à la veille du jour retenu pour le jugement pas un seul prisonnier n’avait vu d’avocat. Donc je disais qu’il a eu d’énormes pressions. La France de Mitterrand a joué un rôle décisif dans ce “pardon” par le biais de Michel Vausel.

FLAMNET : Qu´est-ce qui doit être entrepris selon vous au plan politique,institutionnel et juridique pour que les evenements tels que ceux de 86-91 ne puissent plus jamais se répeter? Pensez-vous que le réglement du seul passif humanitaire comme l´appellent pudiquement certains peut suffir pour ramener la confiance et réconcilier les mauritaniens?

Mahamadou SY :  Je pense que politiquement l’équipe en place aujourd’hui n’est pas apte à négocier des solutions. Voilà 16 ans que cela dure, c’est à dire depuis l’arrivée de Taya à la tête de l’état. Les responsables de ces violations des droits humains sont encore là et exercent toujours avec plus de responsabilités. Ils ont toujours cette arme qui leur a permis d’accomplir leur sale besogne : le pouvoir. Et tant que cet outil est entre leurs mains on ne peut être sûr qu’ils ne recommenceront pas une fois que l’occasion leur sera propice. N’avions-nous pas failli replonger dans l’horreur en juin dernier ? Le pouvoir a tout fait pour déclencher un affrontement avec le Sénégal. De 19. 000 senégalais recensés, on passe en une semaine à plus de 300.000 (la différence des négro-mauritaniens à déporter ou à tuer). On n’ose pas imaginer quel en aurait été le chiffre au bout d’un mois. Fort heureusement le peuple ayant tiré la conclusion sur les événements de 1990 a refusé la confrontation. Je pense que le malaise social ne se limite pas seulement à une procédure électorale. Au-delà de Taya et sa horde, il y a tout un système qu’il faut combattre ; son départ à lui tout seul ne saurait régler la crise identitaire des populations D’autre part, il faudra abolir de façon effective cet esclavage et entreprendre une véritable politique d’insertion des haratin. C’est à mon avis cette pratique qui, en grande partie, a servi de catalyseur aux événements tragiques que nous avons connus.

FLAMNET : Dans une conribution sur Flamnet vous semblez être etonné de la ferveur combattante de certains mauritaniens quand il s´agit des problèmes des autres alors qu´ils sont passifs sur leur propre problème, pouvez-vous vous expliquer davantage?

Mahamadou SY :  Je trouve en effet regrettable de constater que pour nos politiciens, de façon générale, consacre plus d’énergie quand il s’agit de palestiniens ou de n’importe qui d’autre qu’aux véritables problèmes du pays. Cet état d’esprit est malheureusement largement partagé dans certains milieux. J’ai l’amère impression d’être tout juste toléré dans mon propre pays. Nous avons nos fosses communes, nos martyrs, nos déportés et nos esclaves. Pour moi, ce sont là des motifs suffisants pour renverser ce régime dictatorial. Les relations extérieures du pays passe après l’unité nationale. Jusque-là, je n’ai pas vu un seul dirigeant d’un parti descendre dans la rue pour demander le retour des déportés, l’abolition de l’esclavage, une indemnisation des veuves et orphelins et encore moins la traduction des bourreaux en justice.

FLAMNET : Votre dernier mot à nos lecteurs et aux mauritaniens?

Mahamadou SY : Je m’adresserai plutôt au Président de la république : “Mon colonel, vous avez fait beaucoup de tort à ce pays. Le peuple n’a connu sous votre règne que souffrance, déportations, tortures humiliations, massacres, marginalisation, perpétuation de l’esclavage et isolement politique. Qu’avez-vous fait de ma Mauritanie ? Un océan de ruines, une terre de désolations et un désert de larmes. Les hommes que vous avez tués ont laissé des veuves et des orphelins. Vous arrive-t-il de penser à ses derniers ? Ils aimaient eux aussi leurs pères comme Ahmed Ould Taya a aimé le sien. Mon colonel, partez, vous leur devez bien cela.”

Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdoulaye Thiongane.

Novembre 2000. 

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Invité de Flamnet: Abdoul Birane Wane Coordonnateur du mouvement “Touche pas à ma nationalité”.

altA quelques jours de la marche prévue le 10 septembre par le mouvement Touche pas à ma nationalité, Flamnet reçoit comme invité un des animateurs de ce mouvement de la jeunesse consciente négro-mauritanienne en l´occurence camarade Abdoul Birane Wane Coordonnateur du mouvement et par ailleurs vice-président de l´IMEJ. Il revient avec nous sur le bilan de leurs manifestations,  les objectifs de la marche  du 10 septembre et leurs relations avec les différents acteurs politiques et associatifs de l´intérieur et de l´extérieur. Entretien…

Camarade depuis le 30 juin dernier le Mouvement Touche pas à ma nationalité manifeste son mécontement contre l´enrôlement discriminatoire en Mauritanie pouvez- vous nous faire un petit bilan de parcours de cette révolte?

ABDOUL BIRANE WANE: Depuis le 30 juin Touche pas à ma nationalité organise des sit-in pour dénoncer les recensements racistes et discriminatoires. Cette forme de contestation a contribué à conscientiser le noir en Mauritanie même si dans un cadre général les autorités racistes persistent dans leur volonté d’exclure les noirs. Il faut souligner que sous la pression du mouvement, le chef du centre de Boghé a été relevé de ses fonctions ce qui a considérablement réduit le nombre de rejets dans cette localité; d’un autre côté nous remarquons la difficulté  des autorités à justifier  l’injustifiable, ce qui condamne d´avance ce projet cynique à un échec .

Le Général-président refuse pourtant toujours de reconnaitre la nature discriminatoire de son recensement que répondez-vous à ses allégations sur la TVM?

Je commencerai par rappeler au Général que l’erreur est humaine, mais persister dans l’erreur relève du démon. Nous avons vu le président tenter de justifier le bien fondé de ces recensements racistes, quand le Général veut faire croire que les noirs ont été plus recensés que les maures, il a donné des arguments très simplistes. Pour lui 4000 individus ont été recensés dans le Gorgol alors qu’à Néma seulement 2000 ont été enrôlés; je dirai d´abord que le Général a vraiment besoin de cours de géographie élémentaire, lui qui compare Gorgol, une région et l’une des plus peuplées du pays à Néma, une ville! il est tout à fait normal qu’il y’ait plus de recensés dans le Gorgol et qu’est-ce qui nous prouve d´ailleurs que ces 4000 recensés du Gorgol ne sont pas majoritairement maures? Il est logique de voir et comprendre cette  forte affluence des noirs dans les  centres de recensement car c’est la communauté négro-mauritanienne qui se sent visée  alors que pour le maure, se recenser est une simple  formalité. Nous condamnons par la même occasion les propos qu’il a tenus et que nous qualifions d’irresponsables, quant il taxe  les opposants de l’extérieur “d’étrangers” parce qu’ils sont noirs et je pense que l’accueil particulier que les Mauritaniens de France lui ont réservé va lui ouvrir grandement les yeux.

Le mouvement se prépare pour une marche le 10 septembre prochain voulez-vous revenir sur cet évènement et pourquoi une marche à la présidence et non devant les centres d´état civil comme avant, qu´est-ce qui explique ce choix ?le mouvement est-il aussi implanté à l´intérieur du pays en dehors de la ville de Nouakchott?

Après six sit-in, il fallait adopter une nouvelle stratégie de harcèlement devant l’entêtement  du régime, c’est pour quoi une marche aura lieu le 10 Septembre du centre de recensement de Tevragh-zeina à la présidence. Le choix de la présidence s’explique par deux simples raisons: faire comprendre que le président est à l’origine de ces recensements de honte qu’il cautionne et en même temps lui remettre une lettre dans laquelle nous lui signifierons le danger qu’il fait courir à la Mauritanie et il doit comprendre que ce qu’il fait n’honore pas le pays et le rend plus petit encore.

Par rapport à la seconde partie de votre question je confirme que le mouvement s’implante de plus en plus à l’intérieur du pays, nous avons vu que Boghé a rejoint le mouvement en organisant des sit-in dans la ville et le 5 Septembre dernier Sélibaby entrait dans la contestation et bientôt d’autres régions ou localités vont suivre, notre stratégie consiste à acculer le régime partout.

Le mouvement “Touche pas  à ma nationalité” dépasse largement maintenant les frontières nationales à travers les manifestations de la diaspora mauritanienne, quelles sont vos relations et contacts avec les collectifs de soutien  basés à l´extérieur?

Entre les forces de l’extérieur et celles de l’intérieur c’est une véritable synergie qui s’est instaurée, les deux forces se complètent.  Nous tenons vraiment  à saluer le grand rôle joué par la diaspora qui a contribué  véritablement à médiatiser le problème auprès de l´opinion internationale.

Quelles sont vos relations avec les autres mouvements comme l´IRA et le mouvement du 25 février qui luttent aussi apparemment pour les mêmes revendications que vous? participent-ils aussi à vos manifestations? A quand l´unité des opprimés de Mauritanie pour une Mauritanie non raciale et plus juste?

Nous avons bien remarqué la présence du M-25 lors de nos deux premiers sit-in mais depuis plus rien.  Quant à nos frères de l’IRA, nous regrettons leur absence depuis le début du mouvement,  même  si nous savons qu’ils luttent pour  la même cause que nous. L’unité des opprimés ne sera possible que si les  leaders dépassent  une certaine mentalité, le problème de leadership, ou la croyance de détenir la légitimité de la lutte.

Que pensez-vous des FLAM et de leur lutte ?

C‘est un mouvement qui lutte depuis près de trente ans et a permis de faire connaitre au monde entier le système d’apartheid que les noirs vivent en Mauritanie. Le movement FLAM a été pendant longtemps le cauchemar du Système beydane.

Votre dernier mot à nos compatriotes et militants?

Nous demandons aux négro-Mauritaniens de se mobiliser pour faire échouer ce projet cynique en soutenant Touche pas à ma nationalité qui se présente comme la voix des sans voix et s’engage à prendre en charge tous les problèmes des négro-Mauritaniens. Je rappelle aux jeunes que participer à la libération de son peuple est un honneur et en même temps une opportunité  qui n’est offerte qu’à la race des élus. Pour cela , vous jeunes venez prendre rendez-vous avec l’histoire en participant à la marche du 10 SEPTEMBRE 2011.     

 Flamnet: Merci camarade et la lute continue!

 Propos recueillis par Kaaw Touré

le 08 septembre 2011.

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INVITE DU SITE: Samba Thiam

Samba Thiam“Nous sommes pour beaucoup dans ce qui change positivement et dont certains s’adjugent la paternité. Nous ne disputerons les honneurs des victoires à personne, mais si les FLAM n’existaient on n’en serait pas là. Le plus important est de mettre en échec ce plan machiavélique de dénégrification de la Mauritanie, conçu par les nationalistes arabes racistes. Tout le reste devient secondaire face à cet objectif ! “

 

Le Président des FLAM met les pieds dans le plat. Et ça déménage. Des vérités qui crépitent, dru. Des vérités jusque-là tues. Dans le brouhaha généralisé, où laudateurs incorrigibles, agiles accommodateurs et opposants invétérés disaient tout et son contraire, Samba Thiam avait préféré laisser les crieurs s’essouffler. Maintenant, il dit tout sur tout. Le but, rétablir la vérité et rabaisser le caquet aux conjecteurs. Tant pis pour les convenances. Seuls comptent la Mauritanie et les principes.

Cette crise, paradoxalement, a ceci de positif en ce qu’elle a permis aux Mauritaniens de se découvrir. Les mythes, les préjugés et aussi les masques sont par terre. On sait désormais qui vaut quoi et qui est où. Les barrières traditionnelles ont bougé. Le grand mythe de la mouvance négro- africaine est fortement ebranlé. Mais le Président des FLAM ne perd pas espoir. Le destin de la cause appartient à la jeune relève lasse de patienter dans l’anti-chambre. Elle ne doit plus se dérober, au risque de laisser la vieille garde finir d’effilocher irrémédiablement l’héritage sacrificiel. Pour des considérations “crypto-personnelles”, regrette le Président. Qu’elle prenne donc ses responsabilités. Voilà un message on ne peut plus clair.

Le Président avec le sens de la formule dont il a le secret, campe les principaux acteurs du moment. Aziz, un putschiste récidiviste, certes, mais les urnes ont parlé. Apparemment. Il faut lui accorder la chance de la rédemption, et l´attendre au pied du mur. Saar, un intime adversaire; il n’a pas su apprécier à sa juste valeur le poids de ses responsabilités historiques dans la consolidation de la mouvance. Messaoud, la découverte. C’est son alter-ego, partageant le même tempérament, “chaud”, ( aime-t-il à confier ), la même intransigeance face aux principes et aussi le refus de la compromission. L’avenir dira si les effets de la découverte iront au-delà de la “sympathie”.  

 

Un entretien intense de franchise avec un homme qui se livre tel qu’il est, direct, spontané. D’analyses politiques pointues, en révélations francassantes, voilà l’avant-goût des “mémoires” d’un président des FLAM que la légende avait trop vite fait de figer dans la peau d’un résistant austère mais qui se révèle aussi être un intellectuel à l’immense culture générale..Bref, le président a la parole: Entretien….

 

FLAMNET: Maintenant que l’élection du Général Ould Abdoul Aziz parait définitivement acquise et acceptée presque unaniment, et que la crise politique nationale semble se résorber par ce fait, quelles analyses faites-vous de ce qui s’est passé?

 

PRESIDENT: Il n’est pas toujours aisé de cerner les contours d’une situation à laquelle vous n’avez pas été directement impliqué. Voilà pourquoi ma perception des choses, dans le cas qui nous occupe, restera nécessairement incompléte, voire imparfaite. Si je devais donc me hasarder à décrypter l’imbroglio de ces élections, je dirais en raccourci que la chose s’est jouée sur fond des rapports de force, qui ne furent pas à l’avantage de l’opposition, c’est certain. Le dénouement de la crise aboutit à la légitimation du pustch, au finish ! Si nous suivons la chronologie des événements, nous devons reconnaitre que le général a manoeuvré, habilement, tout le long de la crise .

 

D’abord en jouant sur la division de l’opposition, pour avoir maintenu Ould Daddah en laisse, sans jamais le laisser deviner ses intentions – secrètes – jusqu’aux Etats généraux; il a réussi à retarder, le plus longtemps possible l’unité d’action de cette opposition.

 

Et quand cette opposition se regroupera enfin, après moult hésitations et tergiversations de Ould Daddah, le général a déjà une longueur d’avance: il est en pleine campagne, mettant la pression à un dégré supérieur sur une opposition qui, craignant alors de tomber dans le piége du boycott de 1992, a été contrainte de revoir ses ambitions à la baisse ; Il ne s’agissait plus de rejeter le putsch mais de retarder l’échéance du 6 juin, afin de ne pas se faire marginaliser. Ce qui équivalait en fait déjà à une reconnaissance implicite de Aziz. Aller donc aux élections à tout prix, même de la manière la plus bâclée et la plus risquée! Les accords de Dakar, avec leurs pièges et leurs zones d’ombre, habilement manoeuvrés par le president Wade, qui n’a jamais caché son indulgence pour le putsch, dans la situation de lassitude intérieure et de l’impatience de la communauté internationale, ces accords donc apparaissaient comme un prétexte pour sauver l’honneur à une opposition à court d’initiatives. Au terme de ces accords le Général ne cedait sur rien d’essentiel; juste sur un point d’honneur, le retour symbolique de Sidi qui constituait, disait il, “une ligne rouge”. L’essentiel, c’est-à-dire le contrôle de l’Appareil administratif ,- du 1er Ministre au chef d’arrondissement en passant par gouverneurs et préfets -, le contrôle des médias publics, la date, si rapprochée, presque impossible à tenir, toutes choses que l’accord protegeait, tout jouait en défaveur de cette opposition.

 

De concession en concession « pour la paix civile » ce qui donc devait arriver arriva, c’est -à-dire la victoire du Général, avec des fraudes certainement importantes, mais si subtilement accomplies que les observateurs internationaux n’y virent que du feu .

 

Ma conviction est que si nous sommes arrivés à ce dénouement, c’est essentiellement parce que l’opposition n’était pas résolue à aller jusqu’au bout à l’action. Je veux dire à la confrontation directe, un face à face. Cette opposition a misé, pour l’essentiel, sur l’action extérieure, sur les sanctions qui ne viendront pas parce que ,là aussi, les alliés secrets du Général avaient su être efficaces. Or, l’on sait que partout où l’opposition a été prête à en découdre, le compromis a été plus ou moins acceptable. Là, elle s’était presque rendue, avec armes et bagages, ce que le groupe de contact avait du reste compris, intrônisant doucement un putschiste, agrippé de toutes ses forces au pouvoir parce que jouant, il est vrai, sa tête .

 

En résumé le Général est venu, s’est assis, nous soumettant par le fer, seule une confrontation directe et sans recul pouvait l’enlever de là, mais cette option là, nous le savons tous, ne fut jamais le penchant des tenants du « compromis- processuel ». Ce qui risquait d’être perdu ici, avec le Général, ce sont les acquis du « printemps de liberté » auquel nous avions pris goùt , qui nous permettait d’exprimer nos idées, ou même d’insulter, sans nous faire embastiller; les libertés et les Généraux font rarement bon ménage.

 

Le dénouement de notre crise appelle des questions qui interpellent sur le devenir même du continent; Aidait-on ainsi l’UA à se sortir du cycle infernal des coups d’Etat?; et L’UA elle-même aidait-elle le continent en épaulant le genre Al Bashir ? C’est toute la question !

 

FLAMNET: Pensez – vous que le Général Aziz puisse combattre le racisme d´Etat en Mauritanie ?

 

PRESIDENT: Vous avez mis le doigt sur la plaie, en évoquant ce problème .
Le problème fondamental de la Mauritanie demeure cette discrimination raciale que nous appelons aussi racisme d’Etat, pour menacer l’unité, voire l’existence même du pays !
Voilà pourquoi nous pensons que ce problème devrait figurer comme priorité absolue pour tout celui qui a en charge le destin de notre pays, y compris donc Aziz .

Oui, pour répondre enfin à votre question .

Oui, si Aziz le veut il le peut à condition bien sûr qu’il rejette toute alliance avec les nationalistes arabes chauvins et racistes, ceux-là mêmes ayant inspiré et nourri ces politiques nocives depuis 40 ans. Oui s’il n’ a pas, par derrière lui, tous ces pseudo progressistes. Pour l’instant, en tout cas, il bénéficierait d’un préjugé plutôt favorable; le parti Sawab- ce repaire du Baas – aurait migré vers Ould Daddah et les Nasseriens sont restés ailleurs.

S’il le veut il le peut, dis-je, pour disposer de deux ou trois atouts majeurs : l’Armée, aujourd’hui, derrière lui, un passé plus ou moins propre, dans les événements tragiques survenus entre 1986 à 1990, le tempérament et le cran qu’il faut pour cela. Si Aziz se décidait à aborder et à résoudre ce grave et douloureux problème, l’histoire, certainement, retiendrait son nom, pour l’éternité, pour avoir rendu le plus grand service à ce pays

Nonobstant toutes ces réserves, Aziz est là, bien en place. Si vous devez donc le toucher d’un mot quels Changements lui conseilleriez-vous?

 

PRESIDENT: Avant d’aller à un changement, il faudrait d’abord prendre lucidement conscience que la voie choisie jusque là est dangereuse et ne mène nulle part.
Une fois cela fait, je pense que le changement pour être réussi, devra reposer sur un certain nombre de lignes directrices ou principes, par une vision nouvelle de l’unité nationale, les idées -forces qui doivent la fonder, dans la redéfinition de l’Identité du pays, le respect des identités respectives, le profil des hommes à choisir, etc.

 

Ainsi donc, nous aurons besoin de recentrer nos rapports mutuels dans le sens du respect réciproque, les alignant sur le principe « qu’aucune minorité ne devra dépendre de la générosité de la majorité pour avoir ses droits ».
Notre vision de l’Unité nationale devra, également, radicalement se modifier. Jusqu’ici la notion que nous avons de cette Unité nationale a été réduite ou assimilée à l’unitarisme plutôt qu’à l’unité dans la diversité; on a cherché à unifier et non pas à unir.

 

Par cette volonté d’uniformisation, à tout prix, on a cherché, en fait, à détruire consciemment l’autre personnalité négro-africaine de la Mauritanie. Or, comme affirmait J H Griffin, chercheur en milieu Afro – américain du sud des Etats -Unis ,« personne, pas même un saint, ne peut vivre sans le sentiment de sa valeur individuelle. De tous les crimes , c’est le plus odieux, parcequ’il détruit ( jusqu’à ) l’esprit et le désir de vivre ». Pour tous les mêmes droits et les mêmes lois, sans exception aucune, voilà les conditions pour jeter les bases d’un changement réel du futur.

Sur la base de ces principes qui fondent l’Etat de droit respectueux des libertés fondamentales, nous amorcerons alors un nouveau départ, dans un vaste mouvement d’ensemble bien compris, dont le lit majeur serait la jeunesse, réservoir approprié, dans notre futur choix des hommes. Il nous faut des hommes neufs et jeunes, en rupture totale avec l’emprise de la vieille génération source du naufrage de nos rêves et de nos illusions passées d’une Mauritanie fraternelle et riche de sa diversité .

 

Des hommes pilotes, propres et jeunes, soucieux du devenir en commun, conscients des enjeux du changement indispensable, nourris d’un idéal élevé, peu portés vers l’accumulation de biens matériels, détachés du carcan tribal ou ethnique qui emprisonne . C’est pour dire, en conclusion, que nous ne pouvons avancer sans le rétablissement de la grande Justice. Cette Justice qui symbolise l’équité, l’égalité; cette égalité des chances et des droits qui devra imprégner tous les actes de gouvernement , dans tous ses démembrements.

 

FLAMNET: Comment concrétement souhaiteriez-vous voir materialisé ces principes généraux ?

 

PRESIDENT: Nous l’avions elaboré dans notre plate-forme , dont je résume les axes :

Redéfinir l’identité du pays, par l’affirmation du caractère bi-racial et multicuturel de la Mauritanie,(La Mauritanie arabe et négro-africaine, -et non pas « africaine, ce qui en fait ne veut rien dire, j’y reviendrai un jour- ),

 

La reconnaissance de l’égalité de toutes nos nationalités et l’affirmation de leur égalité devant l’emploi et la justice, avec son corollaire, c’est-à-dire, la reconnaissance de l’égalité de toutes nos langues et cultures nationales et leur égal droit à la promotion, l’abolition de l’esclavage. ( Je note au passage qu’en Afrique on a tendance à reconnaître les langues nationales , mais sans reconnaître les peuples qui les parlent comme Nationalités avec tous leurs droits) .

Ces principes à inscrire dans la Constitution devront être completés par des mesures de bon sens, telle que la nomination équilibrée dans les grands postes de la République, et l’élaboration de critéres légaux pour la promotion et l’équité dans le recrutement de la fonction publique .

Dans cette même plate forme nous recommandions aussi qu’après un débat de fond sur ces questions là, des états généraux, de l’Education, de l’Administration et de la justice, de l’Economie et de l’Armée, fussent organisés, afin que tout se redressât dans un même élan !

 

FLAMNET: On a remarqué que le candidat issu  de la communauté Négro-mauritanienne n’a pas fait un bon score. Faut-il en conclure qu’il est encore prématuré qu’un Négro-mauritanien soit président de la République  de la Mauritanie, après l’intermède de l’actuel président du Sénat ?

 

PRESIDENT: Je voudrais répondre à votre question en commençant par la fin, par le président intérimaire.
Je ne crois pas que ceux qui l’ont placé là pour les besoins de leur propre agenda l’aient jamais pris vraiment au sérieux. Il aurait dû mériter plus; mais il faut reconnaitre aussi qu’il n’aura rien tenté pour marquer son passage à la présidence. 

Concernant maintenant le score de celui que vous qualifiez de « candidat des négro- africains », je dois d’abord vous  rappeler  qu’il n’y en eut  pas un mais plusieurs, du moins au regard des proclamations et professions de foi  entendues ici ou là , en 2007 comme en 2009.

Maintenant si vous faites allusion à celui qui bénéficia du meilleur score parmi eux, en l’occurrence Ibrahima Moctar Sarr, je pense que son recul tient à plusieurs facteurs:

Le premièr renvoie,  à mon avis,  à l’attitude de la personnalité elle-même qui a crû pouvoir se passer de l’apport de ses alliés naturels et de ses sympathisants. Certains propos, mal placés, que lui prête la rumeur, tenus, semble-t-il, au cours  des meetings de campagne, ont dû  fortement le desservir. En laissant publiquement entendre qu’il n’avait  besoin de l’aide de personne, il s’aliénait un bon nombre de ces sympathisants. Grisé par les 8% de 2007, Ibrahima Sarr n’a pas su comprendre qu’ils avaient été le fruit  d’un travail collectif, souterrain, de groupes. Il se sera surestimé, oubliant que la meilleure arme d’un leader c’est d’abord l’humilité.                                                                                          

 

Le deuxième facteur de sa baisse de score tient au contexte particulier de ces élections.

Mr Sarr, en bon démocrate, s’est rangé, de facto, du côté des putschistes, alors que ses partenaires naturels ont choisi le camp anti- putsch. Ceux qui devaient tirer dans la même direction se retrouvèrent alors ramant en sens contraire.

Cet aspect des choses, ajouté à la position officiellle très controversée de AJD/MR face au putsch militaire au sein même de ses partisans, contribua, sùrement, à la  baisse drastique constatée.

 

Dernière raison enfin et non des moindres, l’éclatement du parti suite à l’échec de sa direction politique à trouver une solution consensuelle ou médiane face au putsch militaire .
Voilà ce qui  je crois, explique la baisse de performance de IMS, comme aiment à l’appeler ses fans !

 

Maintenant pour revenir  à  l’aspect essentiel de votre question qui était de savoir « s’il n’était pas encore prématuré qu’un Négro mauritanien soit président de la République de la Mauritanie », je réponds, sans hésitation, oui ! 

 

 Oui, cela me semble tout à fait prématuré, à cause de la nature du Système en cours en Mauritanie, qui verrouillait, pour l’instant , toute possibilité dans ce sens. Je m’explique :

Supposez  que vous et moi, appartenant au même foyer familial élargi, décidions de  compétir, pour le titre de ?’chef de famille”. Pour que nous ayons les mêmes chances, au départ, il faudrait que vous et moi nous nous reconnaissions, mutuellement, les mêmes droits dans cette concession n’est ce pas ? et qu’ensuite  ces mêmes droits puissent  nous être reconnus, vous et moi,  de manière impartiale, par les autres membres de la famille, ceux-là mêmes appelés à choisir n’est-ce pas ? Dès lors qu’il y a inégalité de départ à ce niveau, il est clair que  la compétition devient biaisée, forcement, pour avantager un des prétendants au titre !

Ce sont ces données égalitaires  essentielles, de base, qui n’existent pas dans cette grande maison qu’est la  Mauritanie, pour transposer mon exemple à ce pays. L’Etat,- cadre dans lequel devrait se situer notre compétition – n’est pas perçu comme s’il nous appartenait à tous, Noirs et Arabo-berberes, avec les mêmes droits. Une idéologie, plus ou moins dominante, plus ou moins acceptée, véhicule  l’idée que la Mauritanie est arabe. Exclusivement, et rien d’autre. Et s’il se trouve que les tenants d’une telle idéologie contrôlent l’appareil politique et administratif,  l’appareil militaro-sécuritaire, comment voudriez vous, dans de telles conditions, qu’un candidat Négro-mauritanien puisse passer le cap de la présidence ? Utopie pure et simple  d’une telle  éventualité  n’est-ce pas ?

Voilà pourquoi certains slogans de campagne, mal choisis à mon avis, me font à la fois rire et pleurer ! « Ina wona !» « c’est possible ! » entendez, moi Négro- africain je peux gagner la Présidentielle! « je vais battre Aziz !».

Ils font rire, pour donner l’impression que le candidat (négro-africain) les scande pour surmonter son angoisse, pour se donner du courage devant l’impossible épreuve …dont il est convaincu, en son âme et conscience, qu’il ne peut surmonter!  Il est vrai que le pré-conditionnement psychologique existe, et même marche quelque fois; on en voit parfois l’illustration concrète dans certaines competitions sportives ; mais  pas dans ce  cas ! .on n’est pas sur le terrain du sport, ici !

Ces slogans font aussi pleurer parcequ’ils  pourraient envoyer des messages brouillés sur notre réalité en donnant  l’illusion de succès à une bonne partie  de notre peuple, au point de se satisfaire du peu ( comme c’est le cas maintenant avec la glorification des 4e et 5e places, qui ne reflètent certainement pas ce que devrait être nos ambitions au sein de notre pays),  en même temps qu’ils désinforment sérieusement l’opinion internationale et  tous  ces braves observateurs étrangers, déjà complétement égarés  devant notre subtile et complexe réalité, en leur faisant  croire que notre Démocratie en est vraiment une, qu’elle  consacre à tous les mêmes chances et les mêmes droits, rigoureusement, alors qu’il n’en n’est rien !.

 

Là où il y a déni de citoyenneté pour les uns (Négro-africains),et déni d’humanité pour les autres(Haratine-Abeids-ou esclaves) l’on ne peut parler de Démocratie.

Je crois deviner la question qui doit vous brûler les lèvres: alors quoi ? Si cette  démocratie n’est pas celle qu’il faut, et la lutte armée pas envisageable, alors quoi ?

Je repondrais en disant qu’il faudra continuer, continuer la pression et encore continuer, nourri de l’optimisme de Sam Cooke. Il s’agit de cet African – américain qui, pour défier les lois de ségrégation raciale en vigueur aux Etats-Unis, pénétra dans un Motel reservé aux Blancs( whites only ); il fut arrêté et jeté en prison; libéré, il composa alors un chant dédié au « Changement » dont je vous livre le refrain; « it’s has been long, long time coming, but I know is gonna come.O, yes it will ! ».

Pour la  Mauritanie aussi je nourris cette même conviction; le Changement viendra. Ca sera long, long  à venir, mais il viendra !

 

FLAMNET: Revenons un peu en arrière, M. le président, si vous le voulez bien, sur les reproches faits à notre organisation. Certains se posent des questions, pourquoi les FLAM qui ont toujours refusé d’intégrer le processus démocratique s’engagent-elles subitement après le coup d’état du 6 août pour réclamer le retour du Président sidi Ould Abdallah? Quelles étaient les relations entre les FLAM et le Président déchu ?

 

PRESIDENT : Cette question a fait l’objet de polémique que je trouve absolument sans objet .

En effet, il n’y aucun lien entre notre position face au processus démocratique et le retour de Sidi ? Notre démarcation du processus devrait- elle nous lier les mains, nous empêcher même d’apprécier les situations internes ? Certainement pas ! Sidi a été amené par les électeurs internes, qui lui ont reconnu sa légitimité, y compris ceux qui, maintenant, le critiquent et qui se désavouent. Devrions nous, aux FLAM, nier la réalité de son élection, de sa légitimité en dépit de l’avis unanime de tous? Il ne faudrait pas quand même pas nous demander de vivre sur la lune !

Enfin Sidi, est venu et a agi, en posant des actes significatifs de haute portée, sur lesquels je n’ai pas besoin de m’appesantir, actes qui recoupaient, du reste, nos revendications; pourquoi ne devrions-nous pas alors réclamer le retour de quelqu’un qui servait nos intérêts politiques? Ceux qui s’opposaient à son retour, ne le faisaient-ils pas par intérêt ? N’est ce pas parce qu’ils pensaient qu’il « n’était pas bon » .pour leurs intérêts ? Cette manière de voir est tout à fait stupide!

 Enfin, ceux qui l’ont enlevé interrompaient brutalement et en toute illégalité un processus de normalisation de la vie politique nationale ( retour des déportés, avancée des libertés publiques…). En plus, ils étaient des inconnus pour nous ( du moins leur passé les situe dans le cercle de protection de Ould Taya pendant ses années de turpitude sanguinaire ), nous ne savions rien de leurs intentions ou de leurs objectifs pour le pays. Avec Sidi au moins nous savions où il allait ! C’est aussi simple que ça, seule cette loi de l’intérêt était en jeu ! Nos relations avec lui étaient des relations simples, basées sur la considération et le respect mutuels en tant qu’acteurs politiques également soucieux de l’unité nationale de notre pays, et sur rien d’autre .

 FLAMNET: Dans ce cas, pourquoi les FLAM ne se sont-elles pas engagées ouvertement et officiellement à la présidentielle du 18 juillet en soutenant un candidat, par exemple ?

 PRESIDENT: Notre ligne politique, à nos jours, est une ligne de résérve vis-a vis du processus démocratique, que nous estimons vicié à la base. Ce que j’ai déjà expliqué !

A partir du moment donc où nous nous défions de ce processus en général, nous ne saurions soutenir officiellement un candidat sans apparaître incohérents. Maintenant le jour que nous intégrerons ce processus, malgré les réserves, par notre redéploiement à l’intérieur, alors et alors seulement nous serons dans une situation de compétition plus active, jugeant de soutenir celui-là ou celui-ci!

 FLAMNET: Parlons-en justement de l’avenir des FLAM ! Comment le voyez-vous?

 PRESIDENT: Les FLAM dérangent beaucoup, visiblement. Elles font aussi encore peur, terriblement, même à l’extérieur. Elles dérangent je crois, parce que ceux que nous combattons à l’interieur ont compris que nous les avons compris !

 Quand au cours de cette campagne électorale , j´ai vu pousser, ça et là, comme des champignons, des comités de soutien à X ou Y , j’ai compris combien nous inspirions, encore, crainte et frayeur ! Ma conviction a été et demeure que l’Organisation ne se “massifiera” pas de sitôt, et qu’elle devra reposer sur un noyau, dur comme l’acier. La répression a laissé des sequelles et des traces profondes dans les esprits .Mais globalement elles se portent encore bien.

 FLAMNET: Venons-en maintenant aux relations entre les FLAM et l’AJD/MR, objet de toutes conjectures. Malgré tout ce que vous avez dit sur le processus, les gens se disent que les FLAM auraient dû quand même soutenir l’AJD/MR pendant ces élections.

 PRESIDENT: Oui, j’ai remarqué, que cette question était devenue récurrente, quelque fois formulée avec une pointe d’irritation ou de frustration .

 Il est vrai que les FLAM partagent avec l’AJD/MR rigoureusement les mêmes objectifs, un même discours, pensé, conçu, et théorisé, par les FLAM (rendons à César ce qui appartient à César. Ko jom boru loppata boru-mum !). Seulement la problématique, ici, ne se situait pas à ce niveau, le discours ou les objectifs n’étant pas en jeu. Ce qui était en jeu c’etait l’appréciation d’une situation, conjoncturelle, non sans conséquences.

Il s’agissait, en fait, plutôt d’un positionnement face à une question de principe : fallait- il, oui ou non, soutenir un putsch contre une démocratie balbutiante, même très imparfaite, mais prometteuse?

 C’était toute la question !

 Nous, les FLAM, nous choisîmes, nettement, le camp de la Démocratie, l’ AJD/MR adopta, quant à elle, une position de ni oui, ni non, basculant, de facto, dans le camp du Général. Cette réalité nous transforma donc en adversaires, conjoncturels il est vrai, mai en adversaires tout de même. Dans ces conditions, vous le comprenez, les FLAM ne pouvaient pas, sans risquer de paraître inconséquentes et incohérentes, accorder leur soutien à un parti qui, de facto, se situait du côté de l’adversaire. Ensuite, c’est certainement le plus important, personne ne s’est jamais peut-être demandé si l’AJD/MR et leur candidat avaient sollicité notre soutien ou même s’ils en avaient besoin. Malgré notre disponibilité pour la concertation entre nos organisations politiques, ils n’ont jamais exprimé le désir de se concerter avec nous. L’exemple le plus récent de ce manque d’intérêt est la dernière visite de Ibrahima Sarr aux USA où il savait pouvoir nous trouver pour débattre de ce qui nous liait et aussi de ce qui nous opposait, pourquoi pas. Nos efforts d’ouverture et de main tendue n’ont trouvé aucun échos en retour de leur part.

Il roulait pour le putschiste et le soutenir reviendrait donc à soutenir le putsch que nous combattions. Enfin, il est bon de préciser que, de manière officielle, nous n’avons soutenu personne , même si notre sympathie allait vers Messaoud. Mais pour résumer, disons que notre argument essentiel était que Ibrahima Sarr ne pouvait pas passer, car le Système s’y opposait.

 FLAMNET: Certains qui se réclament de la mouvance Négro -africaine déplorent le manque d’ unité entre AJD/MR et FLAM. Y a-t-il des contentieux entre les responsables de ces deux mouvements, ou autres relations conflictuelles depuis Walata?

 PRESIDENT: Je crois, à cause de l’intérêt grandissant de la question, qu’il ne serait pas mauvais de revenir, largement, en arrière, tant sur les relations de deux organisations, que sur les rapports personnels entre les dirigeants, que nous sommes.

Je parlerai ici sous le contrôle des témoins historiques .

 D’abord il me semble important de préciser, que les relations de coopération entre l’AJD-canal historique et les FLAM, ont toujours eté bonnes, même très bonnes, sans nuages aucun, pendant plusieurs années. Les choses vont commencer à se gâter, de manière subite, avec AJD/MR. Allez donc demander à leur leader actuel les raisons d’un tel changement, parce qu’à notre niveau, nous sommes tout aussi perplexes que le public?

Personnellement j´ai surtout connu et côtoyé Ibrahima Sarr en prison, partageant, à Walata, la même chaîne aux pieds.

 Nous nous sommes retrouvés au Sénégal que j’avais gagné, sans attendre pour honorer un engagement pris depuis la prison d’aller insuffler la lutte à partir de l’extérieur, dès notre sortie de prison, en decembre 1990. Quand il s’y rendit en 1991 pour voir, je suppose, sa maman à Bokki, je lui rendis visite, parcourant près de 20 km à pied, traversant deux cours d’eau, entre Aeré- law et Bokki. Nous discutâmes longuement dans la nuit , et j’eus même à lui proposer de céder volontairement, ma place, au sein de l’Organisation, pour emporter son adhésion à rejoindre la résistance.

 Le lendemain matin il me raccompagna jusqu’à la lisière du village où nous nous quittâmes. Lorsque Je parcourus à peu près une centaine de mètres, je ressentis comme un regard peser sur ma nuque; je me retournai alors et le vis au loin, debout immobile sur la place, qui me regardait fixement cheminer, comme pour graver ma silhouette dans sa mémoire. Puis je repris ma route sans plus me retourner.

Notre discussion n’ayant pas abouti, nous nous séparâmes donc en bons camarades, repartant chacun, vers d’autres horizons. Le climat entre lui et l’Organisation, et partant ses responsables, va se détériorer, quelques années plus tard, par ses prises de position négatives, très critiques à l’endroit des FLAM. Cela commença à travers des articles et des interviews, où il attaquait les FLAM dont il se démarquait, pour ne pas dire qu’il reniait; puis cela continua dans l’hostilité de ses rapports avec quelques camarades de l’intérieur, au sein de l’Alliance- (AMN), restés sympathisants, ce qui finira par la purge ultérieure de l’AC de tous ces élements qu’il indexa, les soupçonnant d’être proches des FLAM.

 Et comme l’histoire récéle de ces petites ironies, ce sont ces mêmes éléments qui le tirèrent de sa traversée du désert, pour en faire, aujourd’hui, un leader politique connu !

La même phobie de l’infiltration des FLAM devait refaire surface dans la première crise de l’AJD/MR .

 A la veille des élections présidentielles de 2007, nous tentâmes de le joindre, comme du reste nous le fîmes avec Ba Mamadou Alassane, pour concertation, à propos de l’attitude commune que nous pourrions adopter, face aux élections en perspective; il se déroba, à l’opposé de Mr Ba.

Quand il récolta ses 8%, j’eus toutes les peines du monde pour le joindre, parce qu’il s’y refusait. C’était pour le féliciter, mais surtout l’inviter à coordonner pour déterminer, ensemble, une stratégie commune, face à Daddah ou Sidioca qui pourraient, éventuellement, nous solliciter tous les deux, mais séparement. Je m’entendis répondre qu’il exigeait, au préalable, une délégation des FLAM, pour d’abord laver le linge sale de famille, avant d’envisager un quelconque échange. Me faisant violence, dans l’intérêt de la lutte, je me résolus alors à lui envoyer deux personnes de l´intérieur; Il leur contesta toute légitimité .

 Et ce n’est pas fini ! J’avais entendu dire qu’il serait remonté à cause d’un article écrit par notre camarade Bara Ba qui l’aurait écorché quelque peu. Mais Bara, ne l’avait-il pas aussi, me semble -t-il, dès le lendemain, inondé de fleurs pour avoir battu le MND à plate couture ? Alors ? Quelle est cette susceptibilité à fleur de peau venant d’un homme politique ?

 J’avais attendu et esperé l’occasion propice pour qu’on « lavât », enfin, ce linge sale, en famille. En tournée de campagne électorale, il vint aux Etats-Unis en mai 2009, mes militants et moi mêmes lui souhaitâmes la bienvenue. Il repartit sans même daigner nous retourner la politesse!

S’il y a problème entre l’AJD/MR et les FLAM il faut, je crois, à la lumière de ce que j’ai affirmé plus haut, en chercher les raisons du côté de l’AJD/MR. Comprenez bien que je sois navré de nous offrir en spectacle devant des adversaires qui en feront des gorges chaudes, mais les FLAM ont beaucoup encaissé , et le public méritait de savoir .

 Quelle fut son attitude dans les FLAM, en 83, en 86, après 86, quel rôle il joua dans la rédaction du Manifeste, quelle est la personnalité de ce compagnon de détention que j’ai observé attentivement, quels étaient ces hommes qui furent « l’ âme » même de cette Organisation, les réponses vous seront données dans nos mémoires, si Dieu le veut.

 Si à mon niveau je ne perds pas de vue la ligne d’horizon entre ces deux formations politiques que tout devrait unir, je ne vois la solution de l’avenir que dans la réleve. Les directions vieillissantes devront céder la place à des jeunes moins marqués, loin des complexes et des considérations crypto-personnelles. Pour ma part, je suis prêt, dans l’intérêt supérieur de la cause. L’unité se refera car il y a de part et d’autre tant de gens convaincus qui ont tant donné à cette lutte, qu’ils ne permettraient jamais le sabotage de l’oeuvre commune.

 FLAMNET: Vous pensez là certainement à nos ex-Camarades partis sous d’autres cieux ?

 PRESIDENT: Ils sont partis, mais leurs coeurs continuent de battre encore pour l’Organisation. J´ai comme l’impression , que ceux qui se sont intégrés dans d’autres structures, sont très mal dans leur peau; et tous les autres qui flottent sans pouvoir se choisir un point de chute, est révélateur que la flamme des FLAM, cette teneur du discours, sans concession et ni compromission, sans flip-floperie, ils ne le retrouvent nulle part! Ils ne sont en harmonie ou en phase qu’avec les positions et discours du mouvement, qui portent aussi leur empreinte indélébile .
Qu’ils reviennent donc, car l’Organisation a besoin de tous ses fils !

 FLAMNET: Despote vous, parait-il monsieur le Président, si on en croit certains ?

 PRESIDENT: Quand j’entends ce genre d’attaque, à mi-voix quelque fois même de l’intérieur des rangs, je souris . Je souris face aux réactions, parfois virulentes, d’anciens camarades, hors des rangs aujourd’hui. Et puis, quel homme politique n’a pas ses détracteurs, extérieurs ou même intérieurs ?

Je crois deviner ce qu’on me reproche, derrière ce jugement ; Je suis un homme rigoureux, exigeant vis-à-vis de moi-même ; exigeant vis-à-vis des cadres avancés de l’Organisation qui, à mon avis, doivent servir de modèle, être d’une certaine hauteur, et refuser de trainer certaines faiblesses dignes de simples militants de base; prendre conscience qu’ils doivent constituer le socle dur du mouvement, avec tout ce que cela implique comme conséquences.

Je suis peut être autoritaire, mais sûrement pas excessif; Je suis également, et surtout quelqu’un d’ allergique au désordre et à l’anarchie. A chacun ses devoirs, à chacun sa place et pas de confusion de rôles .

Enfin je hais ce « JE » , si inconvenant, comme dirait Yehdih.
En tout état de cause, c’est bientôt la relève, je souhaite à mon futur successeur plus de succès, qui sera peut -être beaucoup plus cool » dans cette entreprise, loin d’être facile, de gestion, à mains nues, d’hommes et de femmes, aux origines, caractères et tempérements si divers et complexes

 FLAMNET: Pensez -vous comme certains que la question identitaire n’a plus de pesant et n’est plus au centre des préocupations des Négro- mauritaniens?

 PRESIDENT: Ce n’est pas du tout mon avis. La question identitaire ne peut pas disparaître, comme ça, comme par magie, pour demeurer la question centrale en Mauritanie. Ceux qui tiennent ces propos sur la base unique de la baisse, il est vrai, drastique, du score de Ibrahima Sarr ou de celui, faible, de Kane Hamidou Baba se trompent complétement. Non la question identitaire demeure vivante à l’intérieur, de sa prise en compte ou non dépendra pour beaucoup l’avenir de notre pays.

 FLAMNET: Dans ce combat pour la reconnaissance de nos diversités, il y a quand même certains groupes qui brillent par leur discrétion. Notre ami Boubacar Diagana a osé recemment secoué le cocotier, comme on le dit ailleurs. Cela doit vous interpeller, non ? Votre Guidimakha natal, Mr le Président?

 PRESIDENT : Camarade Boubacar Diagana, nous a confié ses impressions, au cours du vote pendant ces élections, sans susciter, je crois, trop de susceptibilités sur la question. Si je devais quand même m’y risquer, je dirais que je partage tout à fait son dépit; depuis des années je ne cesse de dire que les Soninko sont absents de la lutte. Et les Wolofs, où sont ils ? Et lorsqu’il se produit des nominations en Conseil des Ministres, on entend ici et là des récriminations sur l’absence de tel ou tel groupe. Tristement comme pour demander « l’égalité dans l’oppression du Système » comme le soulignait Tocqueville. Mais l’histoire nous apprend qu’on ne respecte que ceux qui luttent, pas ceux qui gémissent !

 FLAMNET: On le sait, vous attendez beaucoup de vos cadres. De façon générale, que pensez-vous de nos Intellectuels? Jouent-ils leur rôle dans notre société en crise?

 PRESIDENT: Ma conception du rôle de l’intellectuel, je la tire un peu de Garaudy, de Bourdieu et de Troyat.J’adhère parfaitement au rôle selon eux, qui devrait être dévolu à l’intellectuel : un rôle de vigile et d’alerte au danger, à l’image des oies du Capitol ; un rôle d’objecteur de conscience, de « porteurs de flambeaux pour éclairer l’injustice dont souffre l’humanité ».

L’intellectuel doit sortir de sa réserve, analyser et critiquer la réalité sociale en vue de contribuer à sa transformation, nous dit P Bourdieu. Pour une fois au moins, sur ce point là, Ibrahima Sarr ravit mon adhésion; n’est pas toujours intellectuel « celui-là bardé de diplômes » , loin s’en faut ! J´ai le sentiment, pour ma part, au regard des considérations ci-dessus mentionnées, que les nôtres ont, pour la plupart , démissionné !

 Démissionné vis-à-vis de leur conscience pour nos compatriotes arabo-berbères, par leur silence, assourdissant face aux événements, par leur silence général tout court . Les Intellectuels Négro- africains en majorité ont, quant à eux, opté dans leur capitulation, pour la fuite, au sens large du terme, en cherchant à se sauver,- se sauver tout seul- , laissant l’immense majorité, seule, face à ses problèmes vitaux. Et les plus hardis parmi ceux-là se complaisant dans des rôles de chroniqueurs littéraires ou politiques, choisissant, comme dirait Bourdieu « de penser la politique sans penser politique » Faut il peut -être rappeler cette pensée de B. Plain : « chaque homme porte, outre sa propre charge, le poids de tous les autres hommes ».

FLAMNET: On tend à fonder notre unité sur un dénominateur commun. Alors, l’Islam et l’Arabe, n’est-ce pas tout trouvés? L’avenir donc aux tenants de l’islamisme modéré!

 PRESIDENT: Islamiste « modéré » c’est comme ca que ça commence, pour finir en GIA algérien, dont l’évocation me donne toujours la chair de poule. Franchement je me méfie un peu de cet Islamisme modéré, surtout à travers un homme, qui donne l’impression de dissimuler sa trace, cheminant, toujours tout seul, silencieux et nébuleux sur toutes les questions vitales. La Mauritanie a-t-elle besoin d’un parti islamiste ? Un parti islamiste dans une République islamique!!! J’avoue que souvent cette question me taraude l’esprit; peut -être parce que je me sens un musulman tiède ? ou peut-être une crainte plus profonde que ça, contenue dans ces mots de Kateb Yacine : « je ne suis ni arabe ni musulman , mais algérien », il criait sa révolte contre l’envahissement de cette culture arabo- islamique qui étouffait son identité kabyle.

Je me méfie aussi de cette confusion entre l’Islam et l’Arabe qui, quelque part, à contribué à nous perdre. L’Islam est un message accesssible à tous les peuples, l’arabe est une langue d’un peuple. « Dieu ne nous impose pas une langue, il nous impose une foi » disait un célébre auteur. Par ailleurs, L’unité nationale ne se fait pas forcément autour d’une langue. l’unité se fait quand on parle un même langage, plutôt qu’une même langue, pour empreinter cette métaphore à quelqu’un.

 FLAMNET: On vous compare souvent à Ibrahima Moctar Sarr, dans vos qualités de leader dirigeant, qu’elle est votre réaction ?

 PRESIDENT: Franchement, pour parler comme les ivoiriens, au moins sur un point, je crois qu’il n’y a pas match!  J´ai conduit ce mouvement pendant 16 ans, avec des hauts et des bas, bien entendu, mais dans la cohésion, sans fissure majeure. Et la scission intervenue en février 2006 ( 16ème année), fut le résultat d’une conjonction de deux facteurs; une intoxication, intensive venue de l’extérieur, croisant une subversion interne dont j’avais mal mesuré l’ampleur et la profondeur, qui aurait pu être jugulée.
Combien a-t-il fallu à mon vis-vis pour casser l’AJD/MR? moins de deux ans !

16 ans et deux ans, il n’y a pas match, avouez le !

 FLAMNET: Et cette gueguerre entre FLAMNET et AVOMM.COM?

 PRESIDENT: Je ne partage pas toujours ce qui se fait ici et là, mais enfin le PRÉSIDENT n’est pas toujours tout puissant, comme le lui prête la rumeur. Il me parait utile de rappeler que l’avomm n’est pas une organisation satellite des FLAM .

Il faut dire enfin qu’on ne peut vanter la liberté d’expression, et s’offusquer à chaque fois que nous sommes griffés, dès lors que cela se fait dans les régles; avec courtoisie , avec des idées , sans insultes inutiles.

Mais j’ajoute que si l’AVOMM souhaite toujours réussir sa mission de bons offices entre l’AJD et les FLAM, elle devra s’éloigner de la ligne partisane, sans se faire l’avocat ni de l’un ni de l’autre. Que l’AJD et les FLAM s’agripent, mais qu’ils le fassent dans leurs sites respectifs !

Maintenant que FLAMNET et l’Avomm.com ont fait la paix des braves, calmons-nous, et tentons de gérer l’avenir de manière plus coopérative et plus ouverte; consacrons nos énergies aux défis qui nous concernent tous et qui demandent notre solidarité. Je ne récuse pas le droit au débat, c’est nécessaire. Mais je rappelle avoir toujours demandé que les militants croisent le fer, se battent pied à pied, si nécessaire, mais par la force de l’argumentation, sans arguties.

Maintenant que de temps en temps on nous griffe un peu, Ibrahima avec ses grandes oreilles et moi avec mon grand nez, c’est normal, pour des hommes politiques; pourvu simplement que cela fut fait à la manière du Cafard libéré, avec civilité .

 FLAMNET: Quelles sont vos relations avec les autres partis d’opposition et acteurs politiques , Daddah , Messaoud entre autres ?

 PRESIDENT: Nous entretenons de bons rapports avec le PLEJ, DEKALEM, ADEMA du Dr Zein, de L´IMEJ, nous approchons l’APP, à travers son leader Messaoud Ould Boulkheir, avec lequel nous espérons construire des relations de confiance.

 FLAMNET: Que pensez vous du rapatriement des réfugiés en Mauritanie ?

 PRESIDENT : Quand j’entends certaines personnes dire, même dans nos rangs, que les réfugiés ne doivent pas rentrer, parcequ’il n’y a pas ceci, il n’y a pas cela, je suis attristé; parce qu’ils me donnent l’impression de n’avoir rien compris !
En effet, la question fondamentale n’est pas les petites miséres qu’ils vivent une fois revenus, bien qu’il faille ameliorer, mais le droit fondamental du retour !
Le plus important est de mettre en échec ce plan machiavélique de dénégrification de la Mauritanie, conçu par les nationalistes arabes racistes. Tout le reste devient secondaire face à cet objectif ! Il ne faudrait donc pas tirer sur la corde au point de perdre de vue cette finalité première!

Maintenant ces réfugiés doivent comprendre, qu’il ne suffit pas seulement de revenir, en demeurant des observateurs passifs, face à leurs droits fondamentaux, encore spoliés. Ils doivent continuer activement à se battre pour recouvrer leurs biens et leur dignité !

 FLAMNET: A quand le retour des FLAM en Mauritanie justement ? Beaucoup nous reprochent d’être loins du terrain, et pensent que nous sommes en déphasage avec les question de l’heure ?

 PRESIDENT: Je ne puis vous donner une date précise, mais une chose est sûre, elles s’y préparent, très sérieusement .

Maintenant ceux qui pensent que nous sommes en déphasage avec l’intérieur se trompent lourdement. Nous n’avons jamais été absents de nos réalités. L’important n’est pas d’être à Nouakchott ou à Tachott mais d’avoir de l’influence sur le cours des choses, d’être utile à ceux qui sont là bas. Nous sommes pour beaucoup dans ce qui change positivement et dont certains s’adjugent la paternité. Nous ne disputerons les honneurs des victoires à personne, mais si les FLAM n’existaient on n’en serait pas là. Si les FLAM n´existaient pas il y´a longtemps que la question négro-africaine aurait été mise en coupe réglée. Nous sommes à l’air de la Communication, il ne se passe pas un événement qui nous échappe de l’intérieur. Mieux, j´ai quelque fois l’impression d’être plus informé que certains de l’intérieur. Ces affirmations donc ne reposaient sur rien !

 FLAMNET: Et notre projet d’Autonomie, abandonné ?

 PRESIDENT: Pas du tout . Je vous renvoie au Mémorandum qui en définissait les grands contours. Seulement il demeure un point de vue sectoriel de parti,- notre mouvement-, or les lignes générales définies plus haut, sorte de questions principielles, transcendent les projets de partis politiques. Ce sont des lignes que doit intégrer chaque programme de formation politique, pour que la Mauritanie soit viable.

 FLAMNET: Dernier mot aux militants et à nos compatriotes.

 PRESIDENT: Juste leur rappeler que la voie choisie, n’est pas simple. Qu’elle exige sacrifices et abnégation. Voilà pourquoi ils doivent s’armer de courage, et tenir quoi qu’il arrive, il n’y a pas d’autre option. Ils se doivent enfin d’être confiants; confiants en eux-mêmes, confiants en leur direction, confiants en l’avenir car notre victoire est certaine .

Aux compatriotes je dirais qu’il est possible de faire de ce pays un havre de paix et de prosperité, où il fait bon vivre, il suffit de le vouloir, avec un bon commandant en chef, ferme et déterminé, doté de vision, entouré de jeunes, tels que décrits plus haut, et dans un vaste mouvement d’ensemble c’est parti. C’est ma conviction «quand les hommes changent les nations changent » dit-on.

 FLAMNET: Merci monsieur le Président et la lutte continue!

 Propos recueillis par Kaaw Touré, Ibra Mifo Sow, Abdoulaye Thiongane et Moustapha Barry(Walfadjri).

Le 02 août 2009

 

 

 

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INVITE DU SITE: Sow Ibrahima Mifo Sow des FLAM

IBRAHIMA MIFO SOW“Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie ”


Sow Ibrahima Mifo, Secretaire National a l’Oganisation et a l’Orientation politique des FLAM

Á COEUR OUVERT

Flamnet reçoit comme invité, un haut responsable des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), l´actuel numéro 2 du mouvement et responsable des structures de base et de l´orientation politique des FLAM, le camarade Sow Ibrahima, Ibra Mifo pour les intimes.

Membre-fondateur du Mouvement des Élèves et Étudiants Noirs (MEEN), des FLAM et de l´UNESM, militant très actif de l´organisation, arrêté et condamné en 1986 après la publication du Manifeste du Négro-mauritanien Opprimé, banni et radié de la fonction publique pour “activités subversives”, après sa liberation de prison, il est forcé à l´exil. Il atterit d’abord au pays du vieux Houphouet Boigny où il crée et anime, avec des camarades miraculés du bagne de Walata, une Section des FLAM. Puis, juste avant le déclenchement de la guerre civile en Côte d’Ivoire, il s’envole pour les USA où il poursuit son long exil au service de son Organisation.

Ancien président de l´Association Culturelle et Sportive de la jeunesse de Djeol, ancien responsable du mouvement Jaalo-waali, une fédération d’une dizaine d´associations culturelles des riverains de la vallée du fleuve, ancien Secrétaire à l´organisation de la section des FLAM- Amérique du Nord, l’ex professeur de français au lycée de Sélibaby, de Kaëdi et de Dimbokro (Côte d´ivoire) revient, pour nous, de long en large sur l´actualité politique mauritanienne, sur l´état de son organisation, les FLAM, sur le retour des Déportés, sur les problèmes de la cohabitatione et du passif humanitaire, et aussi sur la création de l´AJD/MR.

Entretien à coeur ouvert avec l´enfant de Bilbassi.

Bonne lecture, la lutte continue!

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FLAMNET: En tant que premier responsable des structures de base des FLAM, peut-on vous demander le bilan de santé de notre organisation, sa vie actuelle? Comment se portent les FLAM ?

IBRA MIFO SOW : Les Flam portent gaillardement leur quart de siècle de lutte , de résistance et de fidélité à un idéal de vie en commun normalisé. Eu égards à toutes les épreuves – et quelles épreuves!- qui ont jalonné ses 25 années de constance, le fait que notre Organisation ait pu relever le simple défi de la présence représente en soi une prouesse politique inédite sur le plan national. Et c’est peu dire que d’affirmer que les FLAM continuent de susciter aujourd’hui encore autant, voire davantage, de passions qu’au lendemain de la publication du “Manifeste”.

Notre Mouvement vit et fonctionne en mettant en oeuvre son programme politique et ses activités militantes qui concourent à la réalisation de ses trois missions principales, qui sont: construire une organisation politique solide, mobiliser l’opinion publique autour des grands problèmes nationaux, et contribuer à l’édification d’un véritable Etat de droit dans notre pays. Un rapport exhaustif sur l’état de notre Organisation a été récemment dressé par notre Bureau Exécutif National à l’intention de toutes nos structures. Il est inutile et inapproprié de revenir ici sur les détails de ce document. Ce qu’il importe de retenir c’est que la consolidation organisationnelle demeure un défi permanent, surtout dans notre cas, quand on sait qu’on doit faire fonctionner des structures aussi dispersées que nous le sommes sur 3 continents. En dépit de l’usure du temps, des affres de l’exil et des contraintes de la distance, l’ardeur militante des flamistes est restée aussi vivante que leur foi commune dans la justesse de notre combat.

A l’heure actuelle, nos militants, tout comme nos responsables nationaux, sont occupés à finaliser les réformes structurelles ainsi que les réorientations politiques qui maintiennent actuels et adaptés notre dynamisme et nos stratégies par rapport aux donnes nationales et internationales.

Quant au chantier de la sensibilisation et de l’information, il est sans nul doute celui qui nous a valu d’être aujourd’hui l’organisation politique la plus connue de la Mauritanie. Un important travail continue de se faire en faveur de la prise de conscience de l’acui té des principaux contentieux nationaux. Sans verser dans une auto-célébration insouciante, nous pouvons à juste titre réclamer notre part de mérite dans l’évolution politique et sociale frémissante dans notre pays. Il reste encore du chemin à faire pour arriver à l’essentiel, c’est-à-dire, la traduction dans les faits des intentions de consolidation de l’unité nationale qui, en aucune façon, ne pourra se réaliser sur le lit des discriminations raciales et sociales dont fait l’objet l’immense majorité de nos populations. C’est pourquoi, les FLAM se posent-elles désormais comme un mouvement porteur de projet de société fédérateur qui place la justice sociale, l’égalité entre nos races et nos communautés et le développement économique et social harmonieux de notre pays au centre de leur action politique.


Flamnet : Depuis le discours du président de la république sur les Déportés, on assiste en Mauritanie à une campagne violente et haineuse contre les FLAM dans une certaine presse et auprès de certains cercles politiques. Comment expliquez-vous cet acharnement contre les FLAM?

IBRA MIFO SOW :  Les FLAM n’agitent que ceux dont la normalisation de la vie politique et sociale de notre pays déjoue les sombres desseins exclusivistes, eux et leurs bras séculiers, une horde de génocidaires en cabale, mais aussi ceux à qui la diabolisation de notre Mouvement assurait un plan de carrière prospérant sur une lâcheté tranquillement assumée. On se serait amusé de cette fébrilité si on n’était pas suffisamment édifié sur leurs capacités de nuisance, si on ignorait tout le mal qu’ils ont causé à l’unité nationale.

Le discours du Président de la République et la confirmation qui en a été faite par le Premier Ministre dans sa Déclaration de Politique Générale font justice à la Plate-forme dite de “Discussion pour une Mauritanie reconciliée” que nous avions soumise au candidat Sidi et plus tard au Chef de l’Etat qu’il est devenu. On ne peut que se féliciter du fait que le schéma de sortie de crise que nous avions dessiné soit suivi par les plus hautes autorités de l’Etat. Globalement on réclamait que le Président de la République reconnaisse et assume, au nom de l’Etat, les graves violations des droits humains commises à l’encontre d’une partie de nos populations, que les Déportés soient ramenés dans la dignité et rétablis dans tous leurs droits, que des mesures courageuses de réhabilitation des anciens esclaves soient prises, et en fin que le problème du passif humanitaire reçoive un traitement juste et équitable. On reste tout à fait évidemment serein sur les difficultés à vaincre avant de parvenir à la mise en oeuvre de ces bonnes intentions, et en particulier celles sur le dossier du passif humanitaire. Nous ne partageons pas les propositions qui voudraient solder ces crimes à bon compte par le biais de quelques compensations pécuniaires de condescendance distribuées aux ayants-droit. C’est à la fois simpliste et dangereux en ce qu’il constituerait un précédent préjudiciable à l’instauration d’un Etat de droit que nous appelons de tous nos voeux. Pour nous, il faut concilier le refus de l’impunité, les exigences de la vérité, le droit à la réparation avec la nécessité du pardon.

Pour important qu’il soi, le réglement de ces dossiers humanitaires, qui sont, on ne le répétera jamais assez, les conséquences logiques d’une politique aveuglément particulariste, ne constitue qu’un préalable apaisant à l’ouverture d’un débat de fond sur la cohabitation, contradiction principale qu’on n’arrive pas à dépasser faute d’avoir eu jusqu’à présent le courage d’y faire face avec lucidité. C’est ce à quoi appelait le Manifeste de 1986 qui invitait ” toutes nos nationalités à un dialogue de races et de cultures dans lequel nous nous dirons la vérité pour guérir nos maux”. C’est ce même souci de rencontre et de reconnaissance mutuelle de nos diversités entre elles qui continue de motiver l’engagement et la détermination des FLAM. Aussi longtemps qu’elle continuera à rassembler sur le même territoire les communautés qui la composent actuellement, la Mauritanie sera condamnée à assumer son destin biracial et sa diversité culturelle. Et nous pensons que la meilleure façon de péréniser cette coexistence, c’est de fixer les régles de son fonctionnement par des lois constitutionnelles qui reconnaissent et sécurisent chacune de nos identités.


Flamnet: Certaines mauvaises langues pensent qu´après le retour des Déportés et le réglement du passif humanitaire, qu´ils considérent comme votre “fond de commerce”, les FLAM n´auront plus leur raison d´être, que répondriez-vous à ces allégations?

IBRA MIFO SOW :  Les FLAM n’ont pas le destin lié avec les douloureux dossiers humanitaires de notre pays. Nous avons estimé que c’étaient des causes justes qui méritaient l’engagement et la mobilisation de tous ceux que la justice et la paix préoccupaient dans notre pays. Peut-être avons-nous été les plus déterminés, les plus actifs sur le terrain, mais nous n’étions certainement pas les seuls à nous en soucier. En tout cas, je l’espère, pour la Mauritanie. C’est pourquoi, nous, au niveau des FLAM, nous ne sommes même pas surpris par l’engouement actuel, presque général, autour de ces problèmes. On est même satisfait de la profusion d’organisations qui se sont subitement créées et qui sont dédiées à la bonne cause, devenue miraculeusement priorité nationale. Et toutes ces propositions généreuses et inspirées, tous ces grands discours patriotiques, tous ces appels pathétiques, toute cette mauvaise conscience qui s’en veut, tous ces nouveaux ralliés rivalisant d’ardeur et de zèle, tous ces enquêteurs-compulateurs, experts avisés de la gestion des préjudices, toutes ces bousculades audacieuses, je veux dire, tout ce don de soi bruyant ne peut tout de même pas être que factice. Nous, nous voulons croire qu’il y avait bien une prédisposition qui n’attendait qu’un prétexte, par exemple la volonté du prince, pour s’exprimer au grand jour. Si, aujourd’hui, tout le monde est unanime à reconnaître qu’un grand mal a été fait et qu’il mérite d’être réparé, on ne peut donc pas reprocher aux FLAM de s’en être occupées.

Sur le cas particulier de ces dossiers conflictuels et sur celui plus général de la cohabitation, notre seul tort est d’avoir eu raison avant tout le monde. C’est parce que nous sommes conscients des menaces sérieuses que constituaient à terme ces problèmes contre la paix et la stabilité aussi bien de notre pays que de la sous-région, que nous nous sommes opposés à leur occultation.

Pour les Déportés, nous avons refusé la solution de l’incognito que les racoleurs du régime défunt voulaient imposer dans les camps en les vidant rien que pour sauvegarder l’image de marque de O/ Taya dont ils étaient devenus des alliés objectifs contre les FLAM et la justice. Tout comme nous nous opposons à l’absolution pure et simple des bourreaux que le système a utilisés pour la basse besogne de la purification éthnique. Cette attitude d’intransigeance n’est dictée que par notre amour pour notre pays. Malheureusement, on ne peut pas en dire de même de nos autorités nationales et de la classe politique traditionnelle bien accommodante qui s’étaient toujours illlustrées dans une indifférence suicidaire face aux barricades et aux tranchées qui assiègaient la République.

Nous n’avons rien à nous reprocher, rien, ni d’avoir porté à nu les plans de dénégrification ourdis par le système, ni d’avoir résisté activement sur le champs de bataille pour notre survie, ni encore moins d’avoir refusé notre soutien inconditionnel à une transition qui a excellé dans l’exercice du dilatoire face aux problèmes essentiels de notre unité nationale.

Ceux qui prédisent ou souhaitent la disparition des FLAM méconnaissent la portée de notre combat, l’impact incommensurable de notre influence morale, politique et philosophique sur l’immense partie de nos populations.Tous ceux qui luttent pour la sauvegarde de nos identités, pour le respect des droits nationaux et qui refusent le régne de l’arbitraire et de l’exclusion sont des flamistes qui s’ignorent. Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie. Notre lutte continuera donc en se raffermissant, en mobilisant davantage et surtout en s’inscrivant plus résolument dans la dynamique de la proposition et de la rencontre. Rien ne nous divertira de cet engagement. Nous laissons par conséquent le terrain de l’anathème et de l’invective à ceux auxquels il ne reste plus que la gestion de la vacuité et du spécieux.


Flamnet: Envisagez-vous un retour ou un redeploiement de votre organisation à l’interieur compte-tenu de l’évolution de la situation? Que diriez-vous à ceux qui se demandent si l’exil a encore un sens ou pourquoi les FLAM sont toujours en exil?

IBRA MIFO SOW :  Il y a eu à un moment donné dans l’histoire politique de notre pays des conditions objectives qui ont contraint notre Organisation à l’exil. Ce n’était ni une solution de facilité, ni une option irréversible. Il n’a jamais été dit, nulle part dans nos textes, que les FLAM doivent demeurer indéfiniment en exil. On peut même dire que cela a été un accident de parcours. Mais nous avons pu positiver cet accident, en nous saisissant de cette opportunité ni voulue, ni même prévue, il faut le reconnaître, pour en faire un outil redoutable au service de notre résistance et de la lutte contre les injustices auxquelles peu de gens osaient s’opposer de l’intérieur. Ce combat-là n’a pas été vain.

Si les conditions qui nous ont poussés, puis maintenus pendant si longtemps hors de chez nous disparaissent, il n’y aura aucune raison pour que nous ne rentrions pas. J’espère même que cela se fera le plus tôt possible. Mais, c’est nous qui devons évaluer la réalité de l’évolution de ces conditions et en particulier de celles liées à la sécurité. Car, il ne faut pas oublier que ce sont nos militants et nos sympathisants qui ont été les principales victimes de la terreur qui prévalait dans notre pays. Nous avons subi la fureur du système dans nos libertés, dans notre chair, dans nos vies de famille, nous et tous ceux qui sont susceptibles de sympathie pour notre combat afin que soit étouffée à jamais toute velléité de remise en cause du cours hégémonique de la beydanisation de la vie politique et socio-économique de la Mauritanie.

Il y a, actuellement, au sein de toutes nos structures, un débat ouvert sur l’appréciation de la nouvelle donne nationale et sur l’impulsion à donner à notre lutte. Il permettra à nos militants de faire des propositions motivées sur les objectifs et les stratégies à assigner à notre Mouvement. A l’issue de leurs réflexions, nous convoquerons l’une de nos instances de délibération, le congrès ou le conseil national, pour statuer. Il n’ y aura donc ni précipitation, ni improvisation. Une chose est cependant sure, comme ne cesse de le rappeler notre Président, les FLAM ne se déroberont pas devant leur devoir. Le terrain national, nous le connaissons bien et nous avons des atouts solides à y faire prévaloir.


Flamnet: Que pensez-vous de la naissance de l’AJD/MR? Les FLAM ont-elles été consultées pour la création de ce rassemblement ? Quelles seront les relations entre les FLAM et ce parti dans la perspective d’un redeploiement?

IBRA MIFO SOW :  Je voudrais d’abord rendre hommage à la constance de l’AJD qui a ainsi aujourd’hui pu servir de socle à un plus grand rassemblement, et puis, saluer l’humilité et la générosité de ses dirigeants. Nous connaissons la valeur de ces hommes et de ces femmes qui ont été, pour la plupart, des camarades de combat et avec lesquels les ponts n’ont jamais été coupés. Les FLAM et l’AJD ont su maintenir entre elles des rapports utiles et respectueux de la souveraineté de chacune de nos Organisations. Nous ne doutons pas non plus des qualités du Président Sarr. Je crois qu’il n’a jamais perdu de vue le caractère prioritaire de la résolution de la question nationale. Nous nous félicitons de l’unanimité qui l’a porté à la tête de son nouveau parti. De façon générale, nous considérons que cette organisation a en son sein beaucoup d’hommes et de femmes de convictions qui prennent parfaitement au sérieux la mission qu’ils se sont assignée.

Est-ce que les FLAM ont été contactées? Je réponds que non. Du moins, pas dans les régles de l’art. Il est vrai, il y a eu, in extremis, quelques initiatives individuelles, relevant plutôt de l’ordre de la confidence, comme par acquis de conscience. Or, il en faut beaucoup plus pour engager les FLAM. A notre connaissance, il y avait bien une commission de contacts qui a eu, sans doute, des alliances plus stratégiques à négocier. Nous ne reprochons rien à personne. Chacun a ses priorités. L’essentiel actuellement sera de garder solides les passerelles qui existent et qui nous permettront à un moment donné d’envisager l’avenir ensemble. A condition évidemment que l’excès de “réalisme” ne prenne pas en ôtage la substance de la cause que nous avons en partage. Dans tous les cas, les défis à relever sont si immenses que nous ne serons jamais de trop à plusieurs pour y faire face.


Flamnet : Votre dernier mot à nos militants et aux mauritaniens d´une manière générale …

IBRA MIFO SOW :  Nos militants sont actuellement entrain de finir la réflexion sur des sujets d’importance capitale pour notre combat pour la Mauritanie. Il s’agit entre autres d’une proposition de Projet de Société et d’une Charte sur la Cohabitation pour que la Mauritanie régle ses contentieux nationaux et se prépare à un développement harmonieux. C’est un nouveau cap pour notre Organisation et je sais que nos militants sont prêts et parés à l’aborder avec disponibilité et discipline. C’est parce qu’ils sont restés mobilisés et déterminés que des pans entiers d’injustices commencent à tomber.

Les FLAM n’ont aucun autre dessein que celui de contribuer, ensemble avec toutes les forces progressistes de notre pays, à l’édification d’un véritable Etat de droit. Notre combat acharné contre les injustices et en faveur de l’égalité de nos races et de nos cultures le prouve éloquemment. La normalisation de la cohabitation entre nos communautés est possible. C’est ensemble qu’on le fera en nous enrichissant de nos différences et en assumant le droit de chacune de nos identités à la reconnaissance pleine et entière.

Je remercie Flamnet et ses animateurs pour le travail de promotion de la liberté et de la justice qu’ils font en faveur de la Mauritanie. Je vous encourage à continuer le travail d’informations et d’explications que vous menez pour mieux faire comprendre le sens de notre combat. Nos concitoyens ont besoin de mieux nous connaître, eux qui sont restés si longemps abusés par une presse aux ordres d’une dictature qui a bati sa longévité sur le mensonge et la falsification. La Lutte continue.

FLAMNET : Merci camarade et nous disons encore avec vous : La lutte continue de plus belle!


Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdoulaye Thiongane

le 14 septembre 2007

 

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