Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Détournements de deniers publics : L’impunité encore et toujours !

Le directeur de l’Inspection Générale de l’État (IGE), monsieur Hassan Zeïn, a organisé, il y a quelques jours, un point de presse sur ses activités lors des derniers six mois. On célébrait le troisième anniversaire du président Ghazwani à la tête du pays et une vaste de campagne sur ses réalisations était engagée par l’ensemble « gouvernement, parti INSAV et media publics ». Mais, au lieu de rassurer sur le processus engagé contre la gabegie, cette sortie de l’IGE n’a fait que confirmer ce que tout le monde savait : les détournements de derniers publics sont devenus le sport favori des responsables mauritaniens. À tous les niveaux.

Livrant le bilan du dernier semestre, l’inspecteur nous apprend ainsi que son service a pu mobiliser dix-neuf missions de contrôle en cent soixante-dix-huit regroupements urbains et cent quatre-vingt installations. Ces expéditions ont visé près de soixante milliards MRO entachées de dysfonctionnements. Sur ce total, environ 14 milliards n’ont pas été dépensés conformément aux normes. 2,7 milliards ont fait objet de demandes d’acquittement dont 1,3 milliard a été déjà remboursé, en plus d’autres détournements où les auteurs ont été condamnés.

Tout cela sonne comme un cinglant aveu d’échec, après le fameux rapport de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) mais également ceux de la Cour des Comptes. Elle rassure d’autant moins que certaines personnes suspectées de tels vols restent libres de se pavaner dans nos rues et de squatter les bureaux de l’Administration ; certains sont même tout simplement réhabilités. Nombre de responsables mauritaniens se sont ainsi révélés très grands voleurs de biens publics. Puiser dans les caisses de l’État ne leur paraît pas illicite et, à entendre les propos du vérificateur général, on est en droit de s’en inquiéter. Le combat engagé depuis trois ans par Ould Ghazwani et les instruments mis en place n’ont pas dissuadé de subtiliser les biens publics ceux qui les gèrent. Une sorte de système de pillage organisé et très bien ancré. Sinon, pourquoi les autorités peinent-elles tant à concrétiser les engagements du président de la République dans la lutte contre ces pratiques ?

La réponse est très simple et coule comme les eaux de ruissellement qui déferlent et détruisent les habitations, les infrastructures et les cultures un peu partout dans le pays : les responsables volent parce que protection leur est assurée. Et donc leur impunité. Rien d’autre. Arrêtés ou tout simplement épinglés, ils sont couverts par la mobilisation de la tribu, des généraux et, qui sait, du sommet même de l’État. La multiplication des projets, programmes et commissions a favorisé la corruption. Le laxisme ou la complaisance dans le contrôle itou. Prenez la réhabilitation du tronçon de cent kilomètres entre Boutilimit et Aleg qui traîne depuis trois ans sans que la moindre tête ne tombe ni l’entreprise ayant hérité le marché ne soit dessaisie, voire sanctionnée. Idem pour les échangeurs de la Capitale. 

En Mauritanie, voler n’est pas une honte, au contraire : c’est une fierté même pour le voleur et ses proches. On célèbre même la sortie de prison des personnes accusées ou reconnues de vol, un geste abominable si fermement condamné par notre sainte religion ; on immole même des chameaux et des bœufs. Difficile voire impossible d’arrêter cette saignée. La loi contre la gabegie n’y fait rien. Notre pays est pointé du doigt pour son opacité dans le climat des affaires et occupe la 152èmeplace sur les 190 que compte le classement Doing Business. Une honte !

On les reconnaît entre mille

En Mauritanie, on les reconnaît facilement, ces filous : ils changent à tout bout de champ de train de vie, de maison, de voiture, de quartier, de boubou, de parfum et autres lieux de vacances. Comment un simple chef de service peut-il s’acheter un terrain à Tevragh Zeïna, y bâtir une maison haut standing, disposer d’un bolide dernier cri, troupeau de chameaux, vaches et/ou caprins, ranch sur la route de Rosso, Boutilimit, Akjoujt et/ou Nouadhibou, envoyer son épouse et ses enfants en vacances au Maroc ou à Las Palmas ?  Pour échapper à leur sort – la prison – les voleurs de deniers publics « arrosent » leurs proches et leurs supérieurs. La machine est très bien huilée, presque personne n’y échappe. Un véritable cancer qui a fini d’envahir tout le grand corps mauritanien.  Quand un cadre est promu à un haut poste, toute sa tribu vient le féliciter et lui souhaiter bon vent… sans oublier, raconte-t-on, de lui dire : « pense d’abord à toi et aux tiens ». Une incitation au népotisme et au vol qui commence, comme tout le monde le sait, dès l’école où la triche est particulièrement ancrée.

La volonté du président de la République à lutter contre la gabegie connut son premier coup de griffe quand un contrôle à la BCM révéla la disparition, dans une caisse annexe de devises, de 938.000 euros et près de 600.000 dollars, ainsi que la découverte de faux billets de banque équivalents à 116.000 dollars et 127.000 euros. On peut ajouter l’affaire des Domaines et de leurs courtiers, celle du port de la Baie du repos qui a emporté son directeur, la disparition de documents au ministère des Finances, le dossier de l’hôpital Mère et Enfant, celui des trafics d’or à la frontière Mauritanie-Mali et enfin le vol de munitions à Aleg… La plupart de ses affaires ne sont pas élucidées, cela décrédibilise les engagements des pouvoirs publics à éradiquer la gabegie et la corruption. Au final, l’opposition et la société civile jappent, l’impunité se poursuit.

Dalay Lam

le calame

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