Général Mohamed Ould Meguett: Le dernier des Mohicans ?
A chaque 8 juin ses héros. Après celui des cavaliers du changement de 2003, voici venu le 8 juin 2020 des ORSA (officiers de réserve en situation d’activation) dont il ne reste sur les rangs que trois officiers généraux. En effet, la surprise et l’acuité de la guerre de décembre 1975 à juillet1978 a obligé les pouvoirs publics à accélérer la formation des officiers en une période de 9 mois seulement (avant d’entamer une activation de 9 autres) et ce pour les besoins pressants de l’Armée. Cette “chair à canon” que fut surtout la 1ère promotion de l’EMIA, dont est issu le général Mohamed Ould Meguett, a beaucoup donné de son sang et de sa sueur sur le terrain face à l’ennemi. Si l’Académie Royale de Meknès a donné 3 présidents à la Mauritanie (feu Ely, Aziz et Ghazwani), l’EMIA, après le Cemga Félix Negri, voici venu le tour du dernier des Mohicans ou si vous voulez des Oulad MBarek de chez nous. La référence est la même, les Mohicans étant une tribu amérindienne du Canada connue pour son sens de la bravoure, de la loyauté et surtout de la parole donnée: comme les Oulad Mbarek. La tribu amérindienne est en voie de disparition, comme les Oulad MBarek, mais également les Orsa. Je suis persuadé que c’est à la base de considérations constructive d’abord et honorifique ensuite que le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani, chef suprême des Forces Armées et de Sécurité a administré un coup de pied dans la fourmilière, stigmatisant la lourdeur administrative, l’immobilisme qui ont caractérisé notre Armée depuis quelque temps, pour nommer aussitôt le général de division Mohamed Ould Meguett comme chef d’Etat-Major National (CEMGA) et le général de brigade Mokhtar Ould Bollé, chef d’Etat-Major Adjoint (CEMGAA).
Erreur de casting
Mais auparavant je me suis toujours demandé pourquoi l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz avait choisi les généraux Bourour et Isselkou pour diriger l’Etat-Major, à un moment crucial de notre Histoire, à savoir le changement de pouvoir. Non pas que ces deux officiers soient en deçà de la capacité à remplir leur mission, mais pour moi, c’est tout d’abord une erreur de casting, avant d’être une faute stratégique dont le mobile nous échappe encore. On ne badine pas avec l’Armée pour assouvir un instinct égoïste, soit-il de survie. Car l’Armée est là pour tous, elle constitue le dernier rempart à la billevesée de tout fauteur en eau trouble, ou aventurier en mal d’équilibre. Pour dire vrai, le général Isselkou est un génie dans son domaine qu’est la marine, mais pas pour construire et diligenter les opérations militaires terrestres. Bourour? Plus malin que lui tu meurs; d’ailleurs pour les habitants des forêts équatoriale et tropicale, les hommes de petite taille sont craints, alors soupçonnés de détenir des pouvoirs supraterrestres. Va-t-il les utiliser à la Garde Nationale au moment où un général des Kounta, réputés dompter les esprits maléfiques lui servira d’adjoint? Wait and see.
En choisissant le général de division Mohamed Ould Meguett et son adjoint le général de brigade Mokhtar Ould Bollé Ould Cha’abane, le président Ghazwani, en fin connaisseur de son Armée, a sans doute misé sur l’expérience et le professionnalisme, émanant d’une “denrée rare’’ qui a apporté beaucoup à notre Armée, surtout durant la guerre du Sahara et qui, malheureusement est en voie d’extinction. Combien y a-t-il encore d’ORSA dans l’Armée mauritanienne pour corroborer ou infirmer les paroles de l’ancien chef d’Etat-Major National, le colonel Arbi Ould Jedeïne qui a dit un jour: «je préfère le dernier des Orsa au meilleur des EOA (élève officier d’active).» Actuellement dans notre Armée, il ne reste plus que trois officiers Orsa à savoir le Cemga Ould Meguett, le Cemgaa Ould Bollé et le général Hamadi Ould Ely Maouloud, récemment muté comme chef du 2ème Bureau. En tout cas, le chef et son adjoint sont mis en ordre de bataille pour “sauver’’ l’Armée de l’immobilisme dont elle souffre depuis un certain moment. Mais pour l’instant, épluchons nos pommes sans discorde.
A/ Le général Mohamed Ould Meguett, Chef d’Etat-Major de l’Armée (CEMGA)
Sa nomination me rappelle celle de feu le colonel Ahmedou Ould Abdallah comme commandant de la 2ème Région Militaire de Fdérick, «ses ailes de géant l’empêchent de marcher», au moment où les régions militaires n’étaient commandées que par des capitaines et des commandants tout au plus. Rien que la présence de cet officier de valeur donnait le courage et l’embonpoint à tous ses subordonnés. Le général de division Mohamed Ould Meguett, qui est actuellement l’officier le plus ancien au grade le plus élevé, ne peut faire exception à cette règle symbolique. Issu de la 1ère promotion de l’EMIA d’Atar, Meguett a gravi tous les échelons, bravé toutes les tempêtes pour en arriver là. Sa pudeur n’a d’égale que la sagesse hindouiste du légendaire Brahmane “se détachant des réalités terrestres pour accéder au nirvana”. Honnête, sincère, généreux même avec la “populace”, et le parterre mauritaniens, avec lui aucun militaire ne restera sur le carreau. Connaissant l’homme, la déontologie professionnelle sera de mise et le corps des officiers appréciera sans doute le souffle du changement. En somme Meguett est comme une tourelle, il a pour mission, de par son expérience et le poids symbolique de ses épaulettes, de hisser l’Armée vers le haut. Pour cela, il lui faudrait alors un adjoint rompu aux contrats d’objectifs. C’est ainsi que le chef des Armées et de sécurité a choisi le général Mokhtar Ould Bollé, un militaire de carrière dont le triptyque rigoriste se limite à : caserne, boulot, dodo.
B/Le général de brigade Mokhtar Ould Bollé (CEMGAA)
Les observateurs avertis; qui ont un œil constant rivé sur l’Armée comme moi, peuvent déchiffrer le message du président Ghazwani, en choisissant le général Mokhtar Ould Bollé comme subordonné direct de Meguett. Certes le mobile de l’ancienneté n’est pas à écarter. Mais également l’expérience nantie de sélectivité du cemga, couplée à une compétence dans le domaine militaire de son cemgaa, peuvent sans doute venir à bout de cette léthargie qui rongeait les rouages de l’Armée. Le général Ould Bollé est issu de la 4ème promotion de l’EMIA d’Atar (1979-1980) et de 1982-1983 (Orsa), il est passé par tous les échelons de commandement de l’Armée, instructeur, commandant d’unités, commandant de régions, commandant du GSSR. Cet officier n’a bénéficié d’aucun acte népotique, car en self made man, il a tout obtenu de par sa propre valeur intrinsèque. Brillant, organisé, juste et surtout pas du tout porté sur l’argent, comme d’ailleurs son chef Meguett, Mokhtar va, j’en suis sûr, changer le quotidien des militaires au plan opérationnel et moral. Officier de conception, militaire dans l’âme, fuyant les mondanités, les opportunistes civils, surtout les politiciens du microcosme nouakchottois, cet officier casanier, calculateur est un homme de terrain. Si le CEMGA Mohamed Ould Meguett doit s’exiger une verticalité, la posture par contre du CEMGAA se veut horizontale car en contact direct avec tous les grands subordonnés, à savoir le CEMAT (Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre), les chefs de Bureaux, les commandants de Régions militaires, les unités autonomes etc…Tout un chantier pour cet officier qui se contraint à dormir tous les soirs à 22 heures afin de se réveiller tôt le matin pour être en pleine forme. Cette hygiène de vie sera-t-elle compatible avec sa nouvelle fonction de Cemgaa? Ne vendons pas encore la peau de l’ours. Et n’ayons surtout pas crainte car le général Mokhtar est un caméléon qui peut s’adapter à toutes les situations, aussi difficiles qu’elles soient.
C/Des mutations bien accueillies dans l’ensemble
Les officiers concepteurs, capables d’élaborer des thèmes doctrinaires, ou d’animer des débats géostratégiques, ou géopolitiques sont connus. Ils font tous partie du mouvement récent des officiers à l’exception du général Brahim Vall Ould Cheibany du collège de Défense, du colonel Mohamed Lemine Ould Zamel de l’Ecole Navale, ou du colonel Saidou Samba Galo actuellement à New York. Je ne transgresse pas la compétence de ceux que je ne cite pas.
Les généraux Ould Minih et Ould Agheb respectivement CEMAT(chef d’Etat-Major Armée de terre) et Directeur de l’Emia d’Atar; Hamada ould Boidé qui coiffe désormais les Forces Spéciales est par exemple un officier dont il faut retenir le nom, Aba Ould Babty qui remplace Hamady à la 2ème Région Militaire de F’Dérick, le général Ben Aouf muté au 3ème Bureau, le colonel Ely Zaïd qui va à la 1ère Région de Noaudhibou, le général Abdelwedoud muté à l’Inspection Générale des Forces Armées qu’on appelait jadis «cimetière des marins» car c’était un endroit jusque-là où il ne se passait rien. Ensuite il y a le général Habiboullah qui va au GSSR. Cet officier, comme son nom l’indique est vraiment aimé d’Allah, car venant de loin pour avoir demandé de quitter l’Armée au milieu des années 80. Commandant d’une unité au Gaban(unité blindée à F’derick), l’homme avait pour chef le fameux Abderrahim Ould Sidi Ali, actuellement colonel à la retraite, et qui lui avait fait voir de toutes les couleurs, au point que Habiboullah a rendu sa démission. Il paraît que c’est feu Ahmed Ould Minih, alors chef d’Etat-Major, qui a bloqué la demande et dissuadé Habiboullah de quitter l’Armée. Ironie du sort, Abderrahim est actuellement un colonel à la retraite, et Habiboullah est un général épanoui commandant une grande entité de sécurité publique.
Enfin pour la police c’est le général Mesgharou Ould Sidi qui a été désigné comme Directeur de la sûreté nationale.
C/ Le général Mesgharou Ould Sidi, DGSN
Je me suis toujours posé la question comment cet officier natif d’Aioun El Atrouss, où il y a ni bibliothèque municipale, encore moins de librairie, pour enrichir son goût, son sens critique ou de critique a pu se prévaloir d’une culture aussi dense? Au-delà du rire et de la simplicité, des marques déposées chez cet officier, l’on constate en même temps une rigueur morale et un professionnalisme serein. Parfait bilingue, cet officier qui a choisi la Garde Nationale, a fait de son corps une institution remarquable et surtout respectable. Va-t-il changer la police, la remettre sur les rails du rigorisme sans provoquer d’entorse ni soulever de bruit comme il en a l’habitude? Possible car à chaque fois qu’un officier n’est pas porté que sur l’argent, il peut faire pour son pays des réalisations pérennes qui seront appréciées des générations futures.
Enfin nous osons espérer que les mutations du 8 juin 2020, et tout ce qui s’en est suivi, soient le prélude à une nouvelle ère où l’on commencera à tenir compte de la vraie mission de l’Armée étoffée d’un savoir-faire et surtout d’un savoir-être sans faille. Il y a des colonels compétents qui ont plus de 10 ans de grade, mis à la touche, qui croupissent dans nos représentations diplomatiques. Nous connaissons également de jeunes colonels soninké tels le coriace Djégui Bathily, le colonel Samanthi Gandéga, les Sidibé (Génie, et Marine), des Peuls comme Saidou Samba Galo, Ousmane Ben etc. qui peuvent être d’excellents généraux, ou tout au moins diriger des régions, ou animer des états-majors. Avec les généraux Meguett et Mokhtar, on doit sentir le retour de l’égalité des chances, mais également la sanction et la récompense, afin de distinguer la bonne graine de l’ivraie. /.
Ely Ould Krombelé, france
le calame
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