Mauritanie : la Coronacensure, souche mutante du Covid-19
Mise au point
Oumar Ould Yali, ancien ministre, Président du parti Radical pour une action globale (Rag)
Biram Dah Abeid, parlementaire et leader de l’association non-autorisée Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M) a été choisi, par la chaîne de télévision privée Alwataniya, pour animer le 2 avril 2020 à 22h30 mn, l’émission de débat, Tada’iyate. Auparavant, bien au fait des manipulations d’usage dans le milieu, l’invité réitéra, à mainte reprise, ses conditions ; à cet égard, il reçut, en réponse, quelques assurances, des plus explicites.  Or, 3 heures avant le début de la diffusion, prévue en direct grâce à la messagerie Skype, le journaliste se démenait à la convocation de mille prétextes ; il s’échinait, alors, à justifier l’annulation du rendez-vous. Devant l’évidence de la dérobade de dernière minute, Biram Dah Abeid suggérait, à Alwataniya, de produire un message d’explication à l’endroit de son public. Là aussi, l’engagement fut pris, sans suite, comme de bien entendu.
Il s’agit d’une entorse supplémentaire au pluralisme, laquelle vient confirmer nos multiples alarmes sur la concentration ethnique des pouvoirs. Il en résulte la partialité intrinsèque de l’audiovisuel de Mauritanie, d’ailleurs produit des ententes exclusives que confère la consanguinité. A l’image de tous les leviers d’influence, y compris l’Etat, l’ensemble des radio et télévisions privées appartient à la communauté des Bidhanes, soudée par la défense d’une hégémonie de quelques siècles. In fine, dans un tel univers, priver, de parole, le détracteur du système, s’avère aussi aisé que prévisible. Ainsi, l’objet de la présente communication tient-il moins de l’étonnement que de l’indignation.
Biram Dah Abeid, député et candidat au scrutin présidentiel de juin 2019, représente, par le nombre des suffrages issu des chiffres du tripatouillage, l’unique alternative à la médiocratie des tribus. Il fallait donc le faire taire, encore et toujours, sans donner l’impression de lui appliquer le musellement frontal.
Il convient de le souligner, ici, Biram Dah Abeid, en visite à Bruxelles où il suivait des soins, y a été surpris par la pandémie du Cocid-19, sujet de l’entretien avec Alwataniya. Retenu donc malgré lui hors du pays, il acceptait, néanmoins, de se prononcer sur le degré d’efficience de la riposte du gouvernement, ses dysfonctionnements éventuels et la pertinence de la mieux adapter aux enjeux multidimensionnels de la crise. Le propos attendu de Biram Dah Abeid s’inscrit en droite ligne des deux notes d’alertes de l’Ira-M, dont les liens s’affichent dessous. Chacune, au moment où les autorités cédaient à l’improvisation, portait des propositions, pressentait les failles et avertissait contre le laxisme ambiant. Peu de jours après, le gouvernement démontrait l’ampleur de son incompétence, ponctuée de fraude et de désinformation. Si l’on devait se souvenir des précédents toujours impunis, les mesures d’exception humanitaire en faveur des pauvres, risquent de se dissoudre entre détournement, surfacturation et revente parallèle. Depuis des décennies, l’histoire de la corruption en Mauritanie renseigne, assez, quant au désastre d’une gouvernance de la prédation.
L’occasion nous commande d’inviter le gouvernement mauritanien à protéger la liberté d’expression et la diversité des opinions ; l’exhortation s’adresse, d’abord à la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (Hapa), que nous saisissons, ici, d’une requête, pour obtenir, de Alwataniya, la reprise du programme différé. D’autres média violent, allègrement, la déontologie et l’éthique, souvent aux motifs inavoués de racisme.
Enfin, l’Ira-M réitère son appel à raffermir le front intérieur, la solidarité et la concorde des mauritaniens, face à une vague de mort sans thérapie probante, qui défie le privilège de naissance, la préséance linguistique, la nationalité, les frontières et la religiosité.
Nouakchott, le 04 avril 2020
18 mars : http://biramdahabeid.org/archives/6532