Que veut la diaspora mauritanienne: mais, ou, et, donc, or, ni, car? / Pr ELY Mustapha
Pr ELY MustaphaÂÂ – A la question « que veut la Diaspora mauritanienne ? », la réponse est : « un Etat ».
La diaspora n’a bénéficié, depuis des dizaines d’années, que de discours sans lendemain de gouvernements successifs. Et voici (Ô félicité), que l’on adjoint à la dénomination d’un ministère celle de « ET des mauritaniens à l’Etranger ». Notons bien ce « et », conjonction de coordination, par excellence …ministérielle.
Que signifie ce « et » dans l’esprit de nos gouvernants ?
Exprime-t-il une relation comme dans « Ghazouani et Aziz sont des copains », une simultanéité comme dans « Aziz pilla et s’en alla », une caractéristique comme dans « l’Etat est démocratique et corrompu » ou une simple induction « le peuple l’élit et en pleura » …ou mieux encore un grand « mais », comme dans « le peuple a faim et ne meurt pas ».
Que signifie ce « ET » dans « Ministère des affaires étrangères, de la coopération ET des mauritaniens à l’étranger » ?
En fait il signifie tout cela. La simple relation éphémère, la simultanéité des gouvernements qui passent sans rien apporter à la diaspora, une manipulation caractéristique à des fins politiciennes, une induction des promesses non tenues et un grand « mais » qui exprime une conséquence de la nonchalance des gouvernements. En somme une concaténation de l’espoir.
Depuis des dizaines d’années, que l’Etat mauritanien ignore la diaspora mauritanienne et voilà qu’on l’adjoint…aux affaires étrangères.
Mais que veut-on de la Diaspora ?ÂÂ
Le discours hésitant et erratique du ministre des affaires étrangères, de la coopération « et » des mauritaniens à l’étranger », n’a fait que renforcer l’idée qu’il n’a ni plan, ni stratégie, ni même un « think tank » aussi réduit soit-il pour y réfléchir en y associant la diaspora. Sinon une promesse d’un congrès un certain été… 2020 !ÂÂ
Une infantilisation de la diaspora mauritanienne pour laquelle on décide. On décide pour elle en désignant quelle administration s’en chargera, quel député la représentera, quel interlocuteur officiel elle aura et dans quelles échéances on la recevra !
Qu’on se le dise : La diaspora en a ras-le-bol de ces manipulations politique qui fonctionnent en conjonctions de coordination et en phraséologie erratique.
Ce dont a besoin la diaspora, ici et maintenant, le voici :
– Que l’Etat mauritanien se déplace vers la diaspora, à travers ses structures consulaires et diplomatiques à l’étranger ou par missions dédiées. Je dis bien se « déplace » car ces missions diplomatiques et consulaires de Mauritanie à l’étranger ne sont pas …à l’étranger. Elles sont en villégiature, et dans les duty-free et ne servent qu’à accueillir les responsables et autres délégations officielles mauritaniennes de passage. La diaspora ne les connait pas et si elle devait les rencontrer, c’est uniquement à travers les « fins de non-recevoir », les sittings et les meetings pour réclamer les bourses des étudiants ou encore des revendication d’une diaspora sans papiers, exclue et avilie à l’étranger par son propre pays.
– Que l’Etat cesse, à travers ses représentants, le débit de ce galimatias de ministres à propos de la diaspora qui ne lui permet que de gagner du temps et d’utiliser la bonne foi des pauvres gens, stationnés dans des pays étrangers-souvent exclus – pour asseoir une politique dont on sait par expérience, depuis une trentaine d’années, qu’elle est stérile.
– Que l’Etat ne renvoie pas aux calendes grecques les rendez-vous avec la diaspora, mais qu’il propose, ici et maintenant, un plan stratégique doublé d’un plan d’action fonctionnel pour la diaspora en lui affectant les ressources humaines, les moyens financiers et matériels adéquats. Sans cela, tout discours est sans objet.
Mais l’Etat sait-il vraiment ce que veut la Diaspora ?
Certainement pas, au sens où la diaspora l’entend. Car ceux qui vivent assis sur leurs maroquins, ne peuvent comprendre ceux qui vivent, sur le terrain, l’amère quotidien d’une diaspora.
Ce que veut la diaspora, ce n’est pas qu’on la nourrisse ou qu’on la blanchisse. Une frange importante de la diaspora occupe des fonctions et des emplois hautement placés dans les institutions internationales, ou publiques et privées de pays étrangers.
Il faut qu’on se le dise, la Diaspora ne vient pas demander un quelconque privilège, ni attendre que des conseils ministériels gèrent au compte-goutte son destin dans son propre pays, mais elle exige que l’Etat prenne ses responsabilités à son égard et cesse les manœuvres politico-dilatoires qui dominent la décision politique depuis des années.
Ce que veut la diaspora tient en quelques lignes :
– Que les mauritaniens à l’étranger bénéficient de l’appui de l’Etat pour responsabiliser ses postes diplomatiques et consulaires à l’égard de la diaspora mauritanienne pour que celle-ci puisse obtenir les services qu’elle demande en lieu et temps ; services que ces administrations délayent, sinon refusent par abus de pouvoir.ÂÂ
– Que les services consulaires puissent se déplacer vers les lieux de la diaspora de façon périodique de façon à lui apporter leurs services comme le font les services consulaires qui se respectent. Cette « tournée consulaire », tradition dans les pays démocratiques est ignorée et beaucoup de mauritaniens à l’étranger souffrent de l’éloignement et de l’isolement administratif et consulaire, avec tous les tracas que peuvent leur causer les autorités locales et face auxquels ils ne reçoivent aucun appui de leur Etat.
– Que l’on revoit, depuis l’établissement de cette machine du recensement des populations en Mauritanie, la situation des mauritaniens à l’étranger exclus de leur nationalité et de tout document administratif, les jetant dans le dénuement et la clandestinité.
– Que l’Etat mauritanien soit à travers ses postes diplomatiques et consulaires l’étranger, un véritable interlocuteur du pays hôte en défendant les droits de ces ressortissants sur son sol.
En effet, ces postes diplomatiques et consulaires considèrent cette activité de défense de nos concitoyens comme une corvée et interviennent difficilement, sinon jamais. Combien de nationaux mauritaniens croupissent en prison ou font l’objet de maltraitance ou de confiscation de leurs droits au su et au vu de nos missions diplomatiques qui se retiennent d’intervenir. Les exemples sont nombreux et confirment encore une fois que la diaspora n’a pas besoin de diplomates ou de consuls en villégiature.
– Que l’ont créé dans ces ambassades de véritables structures d’accueil de la diaspora, proposant sur la base d’une stratégie élaborée, les voies et les moyens de mise à contribution de la diaspora au développement du pays (plan bancaire/plan d’investissement/plan logement/plan scolarisation/plan création entreprises/accompagnement au pays/rencontres officiels et évènementiels /propositions d’expertise et d’assistance/informations à la carte etc.)
Que l’on cesse donc de discourir sur la Diaspora. Il faut aller à sa rencontre. Résoudre ses difficultés sur le terrain étranger est un préalable pour l’attirer sur le terrain national, condition à l’établissement de la confiance.
La « Direction des Mauritaniens de l’étranger et des affaires consulaires » au sein du Ministère des affaires étrangères, de la coopération et des mauritaniens à l’étranger, s’est vu attribuer toute une mission (de protection, d’assistance des mauritaniens, de suivi des compétences, etc.), mais la solution du problème de la diaspora ne réside pas dans la multiplication des structures administratives et de leur compétence, mais elle réside dans la réponse au constat suivant :
La Diaspora ne sera au rendez-vous de l’Etat, que si l’Etat va, d’abord, au rendez-vous de la Diaspora.ÂÂ
Ce rendez-vous qu’elle lui a fixé depuis des dizaines d’années sur le terrain de ses droits bafoués à l’étranger et de la négligence des régimes successifs à son égard.
Rendez-vous que l’Etat a toujours manqué. ET ce n’est pas par discursivités conjonctives successives à partir de Nouakchott, que l’on intéressera la Diaspora du bout du monde.
Mais si l’espoir n’est qu’un, il reste encore bien des conjonctions de coordination à l’usage d’un Régime nait, hélas, de conjonctions… de subordination Mais, ou, et, donc, or, ni, car ?
Pr ELY Mustapha