Alternance : l’opposition n’est pas prête
Elhourriya – Si vis pacem, para bellum (« Si tu veux la paix, prépare la guerre ») L’alternance. Un mot qui est dans toutes les bouches par les temps qui courent. Beaucoup le voient – entrevoient – comme un aboutissement, non un commencement.
Alors que 2019 approche à grands pas, tout le monde se pose cette question : qui succèdera à Aziz ? Mais jamais – ou rarement – celle-ci : quelles sont les chances de l’opposition ? Objectivement, je vous réponds : aucune !
Parce que l’opposition n’existe pas. Oui, oui, vous avez bien entendu ! Il y a des partis dont la présence sur la scène politique nationale est aussi vieille que celle de la démocratie, la nôtre, mais ils n’ont jamais réussi à constituer une force d’opposition, un contrepoids au pouvoir.
Ils ne s’entendent que sur le « minimum vital » : s’opposer à Aziz et essayer, en toutes circonstances, d’exploiter les situations de malaise, qu’elles découlent de la gestion interne ou d’une conjoncture internationale, instable par essence.
Dans les circonstances actuelles, le rapport de forces entre le pouvoir et l’opposition est largement favorable au premier. Alors que le président Aziz, maîtrisant parfaitement les pièces qu’il fait mouvoir sur l’échiquier politique, ne laisse rien au hasard, dans la perspective de la présidentielle de 2019, l’opposition donne l’impression d’être encore groggy, n’arrivant pas à se remettre de la débâcle des élections municipales, législatives et régionales.
La moindre des choses, pour elle, était de rassurer ses troupes, en allant dans le sens d’une sainte alliance et, pourquoi pas, d’une coalition plus forte et mieux structurée que celle, « artisanale » qu’on a vue lors des dernières élections. Paradoxalement, c’est le camp du pouvoir, savourant sa victoire, qui cherche à consolider ses acquis, à manœuvrer pour rester après 2019.
L’Union pour la République (UPR), qu’on l’aime ou pas, a gagné en maturité. Elle cherche à rassembler, à se renforcer, en accueillant des partis de la majorité qui acceptent, volontairement, de se saborder. En son sein, la discipline est spartiate.
Le Parti est en train de devenir une redoutable « machine » à gagner mais aussi à penser. Ses stratèges, Aziz à leur tête, ne laissent rien au hasard, exploitant manifestement les carences d’une opposition statique, sans âme et, pire, sans « général » capable de lui faire comprendre que, « celui qui désire la paix devrait préparer la guerre. Celui qui désire la victoire devrait entraîner soigneusement ses soldats.
Celui qui désire des résultats favorables devrait combattre en se fiant à ses habiletés et non à la chance», comme le dit si bien Végèce, aux temps des Romains, dans son livre de stratégie militaire, de Rei Militaris (Traité de la chose militaire).
On comprend donc qu’en l’état des choses, la majorité actuelle maîtrise la situation. Certes, on ne peut pas dire que « tout est bien dans le meilleur des mondes possibles », mais à choisir entre une « crise » (essentiellement d’ordre économique) et un saut vers l’inconnu, le choix est vite fait.
La sécurité est, assurément, l’un des meilleurs atouts du pouvoir. La mise à niveau des forces armées et de sécurité, entamée en 2009, commence à apporter d’importants dividendes à la Mauritanie, avec le succès du sommet de Nouakchott qui a permis au G5 Sahel d’engranger, dans un futur proche, quelque 2 milliards d’euros, si les promesses sont tenues. On ne peut empêcher les crimes et délits, mais on se félicite de la célérité et de l’efficacité de la police nationale à appréhender les coupables.
Qu’adviendrait-il alors de ces succès connus – et reconnus – si l’opposition reprend la main, en 2019, et que la première chose qui lui vient à l’esprit, est de tout chambarder, parce que les hommes à l’origine de ces réformes sécuritaires sont, pour elle, de « l’autre camp » ?
L’autre grand risque, et non des moindres, est de voir une opposition éclatée incapable de s’entendre sur un programme commun. Les idées islamistes de Tawassoul, à côté de celles « gauchistes » de l’UFP, ou carrément « particularistes » de la composante IRA de Sawab nous prédisent un patchwork politique dont la durabilité n’est pas garantie. Certes, c’est un scénario hautement improbable, mais il est à prendre en compte quand on se meuve en avenir incertain.
En décidant de ne pas briguer un troisième mandat, le président Aziz, crée les conditions de l’alternance, mais il est certain que, vu le travail abattu par la majorité actuelle pour consolider son action, et l’état végétatif de notre opposition, le changement sera celui d’un homme au sein d’un système politico-économique laborieusement mis en place, parce qu’en face, on n’aura rien fait pour être au rendez-vous.
SNEIBA Mohamed
Elhourriya