Communiqué des veuves et orphelins à l’occasion de la commémoration des massacres d’Inal
Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, l’Etat mauritanien a pendu à Inal 28 militaires négro-mauritaniens pour célébrer le trentième anniversaire de l’accession de notre pays à l’indépendance.
Depuis cette date, le 28 novembre a perdu de son lustre pour devenir un jour de deuil pour la communauté noire touchée dans sa chair et dans son existence. Cette nuit d’horreur marque le point d’orgue d’un génocide savamment orchestré par l’Etat mauritanien contre la communauté noire du pays.
L’épuration ethnique systématique, entamée quelques années auparavant, touchera tous les secteurs de la vie nationale et en particulier les forces armées et de sécurité dont plus de 520 membres seront assassinées dans les camps mouroirs d’Inal, Azlatt, Nbeika, Jreida, Benamira, Aleg, Tiguint et autres camps et garnisons militaires à travers le pays (environ 32 sites de torture connus).
Vingt-huit ans ont passé depuis mais jusqu’ici les veuves, les orphelins et les ayant-droits des victimes de ce génocide perpétré par le régime du sanguinaire colonel Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya ignorent encore où sont enterrés leurs proches et n’ont donc pas pu avoir accès à leurs dépouilles (ou ce qu’il en reste) pour leur offrir des sépultures dignes et conformes aux recommandations de notre sainte religion l’islam. Pourtant l’Etat mauritanien avait annoncé en mai 2011, l’ouverture d’une enquête pour localiser les tombes de tous les militaires disparus mais cela n’a jamais connu le moindre début d’exécution.
Depuis 28 ans, les veuves, les orphelins et les ayant-droits de ces victimes réclament en vain que justice soit rendue. Au contraire les commanditaires et les exécutants du génocide se pavanent aujourd’hui dans les rues et ruelles de Nouakchott et de toutes les villes du pays sans la moindre crainte, protégés par l’Etat à travers une scélérate loi d’amnistie votée en 1993 qui empêche toute poursuite à leur encontre. Pire, certains d’entre eux sont promus aux plus hautes fonctions dans l’appareil de l’Etat.
Les organisations signataires de la présente déclaration exigent :
– L’abrogation de la loi 93 – 23 du 14 juin 1993 portant amnistie pleine et entière des crimes commis entre le 1er janvier 1989 et et le 18 avril 1992.
– L’ouverture d’une enquête afin que toute la lumière soit faite sur cette page la plus sombre de l’histoire de notre pays pour que les responsabilités soient situées et les criminels traduits en justice
Nous rappelons à l’Etat mauritanien que le pardon et la réconciliation ne se décrètent pas et qu’ils ne peuvent intervenir tant que ce dernier ne se sera pas acquitté des devoirs de vérité, de justice ,de mémoire et de réparation dans le cadre d’une justice transitionnelle.
Alors et seulement alors, le 28 novembre pourra à nouveau représenter pour tous les Mauritaniens la date symbolique de l’indépendance nationale et cesser d’être le symbole de la discorde.
Ci-jointe la liste des 28 Noirs pendus dans la nuit du 27 au 28 novembre par le régime de Ould Taya
01 – Sergent-chef Diallo Abdoulaye Demba
02 – Adjudant-chef Abdoulaye DJIGO
03 – 1ère classe Samba Oumar NDIAYE
04 – 1ère classe Ibrahima Demba DIALLO
05 – 1ère classe Mamadou Hamadi SY
06 – Sergent Mbodj Abdel Kader SY
07 – 1ère classe Samba Baba NDIAYE
08 – 2ème classe Oumar Demba DIALLO
09 – 1ère classe Amadou Saïdou THIAM
10 – 1ère classe Mamadou Oumar SY
11 – 1ère classe Abdarahmane DIALLO
12 – Sergent DIALLO Demba Baba
13 – Soldat Mamadou Demba SY
14 – Soldat Alassane Yéro SARR
15 – Caporal Amadou Mamadou BAH
16 – Sergent-chef Lam Toro CAMARA
17 – Sergent chef Souleymane Moussa BAH
18 – 2ème classe Oumar Kalidou THIAM
20 – Sergent Samba SALL
21 – 2ème classe Abdoulaye Beye DIALLO
22 – 1ère classe Cheikh Tidiane DIA
23 – 2ème classe Samba Bocar SOUMARE
24 – 1ère classe Moussa NGAÏDE
25 – 1ère classe Siradio LÔ
26 – 1ère classe Demba Oumar SY
27 – Sergent Adama Yero LY
28 – 2ème classe Samba Demba Coulibaly.
Les organisations signataires
Collectif des Veuves
Covicim (Collectif des Orphelins des Victimes Civiles et Militaires de 1986 à 1991)
Afrique Renaissance
AMDH (Association Mauritanienne des Droits de l’Homme)
CADRE (Coalition Action contre la Discrimination Raciale et l’Exclusion)
Club Unesco pour le dialogue des cultures)
Covire (Coordination des Organisations des Victimes de la Répression)
Cradpocit (Collectif des Rescapés Anciens Détenus Civils Torturés)
CSVVDH (Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits de l’Homme)
FONADH (Forum des Organisations Nationales de Droits Humains en Mauritanie)
IRA Mauritanie (Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste)
Kawtal Ngam Ƴellitaare
Maprom (Mouvement Autonome pour le Progrès en Mauritanie)
REVE 1989
SOS Esclaves
TPMN (Touche pas à ma nationalité)