Mauritanie : un pays divisé, une société multi-ethnique stratifiée…
La Mauritanie compte aujourd’hui près de 4 millions d’habitants d’origine arabo-berbère – les Maures – et d’Afrique subsaharienne – les Négro-africains. La société, auparavant organisée autour des ethnies et des tribus elles-mêmes subdivisées en castes, a enregistré avec la sédentarisation et l’urbanisation des changements rendant sa structure complexe.
Les “maalemines” étaient traditionnellement en bas de l’échelle parmi les castes spécialisées (griots, tributaires, pêcheurs, chasseurs) au sein de toutes les communautés.
Dans son article controversé, Mohamed Cheikh Ould Mohamed accusait la société mauritanienne de perpétuer un “ordre social inique hérité” de l’époque du prophète et dénonçait les conditions de couches défavorisées, dont les maalemines.
« La tribu en Mauritanie n’est pas un facteur d’unité, elle est au contraire le lieu de toutes les injustices sociales. Elle nourrit, entretient et perpétue les inégalités. Elle a un rôle plutôt négatif parce qu’elle est aux antipodes de la notion d’Etat central garant de la liberté et l’épanouissement de tous ses citoyens. La tribu en Mauritanie est un système mafieux basé sur une solidarité factice et partiale » renseigne Boubacar Ould Messoud de SOS Esclaves.
Pays multiethnique et multiculturel à cheval entre le monde arabe et l’Afrique noire, la Mauritanie se compose, essentiellement, de quatre grands ensembles : Maures, Peuls, Soninké et Wolofs. Chacun de ces quatre ensembles se subdivise en plusieurs communautés, castes et fractions tribales. Celles-ci confèrent un certain rôle à chaque individu dans la société mauritanienne, auquel il est difficile d’échapper et qui la rend profondément inégalitaire.
Quelle que soit la communauté à laquelle on appartient, c’est le même système de caste et la même organisation sociale qui régit la société mauritanienne. Chez les Maures (arabo-berbères) comme chez les Afro-mauritaniens (peuls, soninkés et wolofs) l’ordre social hiérarchique place les nobles (guerriers et marabouts) en haut de l’échelle, suivis par les artisans et en bas de l’échelle les affranchis et les esclaves. Les basses castes sont continuellement discriminées, et les mariages “intercastes” sont, dans les faits, interdits.
La Mauritanie s’est créée sur des bases tribales et aujourd’hui encore, malgré l’existence d’un état central, c’est le même système qui se perpétue. C’est d’ailleurs ce qui explique la persistance des pratiques esclavagistes qui se traduisent par le maintien et l’exacerbation des rapports entre dominants et dominés » confie Boubacar Ould Messaoud Président de SOS Esclaves. Si l’esclavage a été officiellement aboli en 1981, 150 000 personnes en seraient encore victimes aujourd’hui (soit 4% de la population) selon l’ONG Walk Free Foundation. Ce que réfutent les officiels mauritaniens avec à leur tête, le Président Ould Abdel Aziz qui ne manque aucune occasion pour nier l’existence de ce phénomène en Mauritanie.
Cette opinion du Président de SOS Esclaves est similaire de celle défendue par Ladji Traoré, activiste des droits de l’homme et secrétaire général du parti Alliance Populaire et Progressiste : « Je suis contre la politisation des tribus et des communautés nationales. C’est une récupération malsaine et dangereuse. L’instrumentalisation communautaire a eu de fâcheuses répercussions au Congo. Ce pays devait servir d’exemple pour dissuader les pyromanes de tous bords ».
Le 24 décembre 2014, la condamnation à mort pour apostasie de Mohamed Cheikh Ould Mohamed, et la confirmation de sa peine en appel le 21 avril 2016 avant sa libération, mettent l’accent sur une réalité souvent ignorée, celle des castes et des esclaves en Mauritanie.
On compte deux groupes distincts qui composent la population (quatre millions d’âmes) : les Maures d’origine arabo-berbère et les Afro-Mauritaniens, originaires d’Afrique subsaharienne. Composés d’ethnies et de tribus, ils sont eux-mêmes subdivisés en castes, allant des nobles (chefs, marabouts) aux castes inférieures (forgerons, tisserands, potiers, cordonniers…). Et en bout de chaîne, les esclaves. Chaque communauté possède une langue qui la définit aux yeux des autres.
Cela est d’autant plus alarmant qu’on constate, pour s’en émouvoir que quand deux Mauritaniens se rencontrent, il est courant d’entendre dans les présentations réciproques des identifications par rapport à la tribu, à la famille patronymique et même dans certaines de ses communautés aux castes. Certains poussent les détails jusqu’au fin fond de références claniques. Cette vieille tradition résiste encore malgré l’évolution des idées et de la pression de la mondialisation.
Ces valeurs sociales pèsent encore sur les mentalités et tiennent en otage les ordres sociaux politiques et spirituels.
SENALIOUNE