Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de la Fonction publique et du Travail | Par Samba Thiam
Etant donné que l’Administration a fermé toute voie de recours à l’administré que je suis , il ne s’offre à moi d’autre choix que la voie de presse pour prendre l’opinion à témoin …
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A Monsieur le Ministre de la Fonction publique et du Travail
Objet : requête pour être remis dans tous mes droits
Monsieur le Ministre ,
A nouveau, je viens réclamer le règlement de ma situation administrative. Mon nom est Samba Thiam , Inspecteur adjoint de l’Enseignement Fondamental , matricule 40825 Z, indice 830 .
Monsieur le ministre, les prisonniers politiques de 1986, dont je fais partie , ont vu leur situation administrative régularisée , soit par amnistie suite à l’ordonnance d’amnistie ( No 91-025 ) ci-jointe ; soit par voie de Tadamoun . Ils sont alors indemnisés et bénéficient ensuite de leur pension de retraite pour ceux atteints par la limite d’âge , ou réintégrés dans leur corps d’origine pour les plus jeunes .
La 2eme base sur laquelle s’effectuent ces régularisations c’est l’inscription à Tadamoun , au titre de réfugié. J’ai satisfait aux deux procédures ; la seconde, par lettre collective ( no 2314) –jointe- , transmise à la fonction publique le 23/12/2015 . J’y figurais en tête de liste , mais le directeur général de la fonction publique gomma mon nom ,et régularisa tous les autres éléments restant en mi-janvier 2016. Lorsque je demande des explications , il me répond que je dois prouver pour la haute Administration que j’étais refugié, – exigence qui n’a été appliquée à personne d’ autre jusqu’ici- ; je lui fournis quand même deux cartes de réfugié . Malgré tout cela, Je demeure le seul dont le dossier reste pendant , sans explications crédibles, alors que la quasi-totalité de mes codétenus politiques ont vu leur situation administrative résolue (liste –jointe ), bien que nous fussions rigoureusement dans la même situation , et que j’aie rempli toutes les conditions nécessaires. La dernière vague l’a été en janvier 2016 ( voir noms cochés).
Voilà deux ans que je mène les démarches nécessaires auprès du directeur général toutes les semaines , en vain . De rendez-vous en rendez vous, de report en report , de prétexte en prétexte , la direction de la fonction publique diffère, délibérément, par mauvaise volonté manifeste, le règlement de mon cas .
Monsieur le Ministre , je voudrais connaitre les raisons profondes du blocage de mon dossier, que rien ne justifie . Ou dois-je comprendre que c’est à cause de mon opinion ou de mes positions politiques que je suis pénalisé , sur ordre supérieur ? J’aimerais savoir… C’est une question de droit et je n’ai pas l’intention de renoncer à mes droits légitimes …
Dans l’espoir qu’il sera, cette fois, réservé à ma lettre toute l’attention qu’elle mérite, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre , à l’expression de mes sentiments déférents .
Samba Thiam
Pièces jointes :
– Ordonnance d’amnistie
– liste des détenus politiques ayant vu leur situation résolue
– lettre de confirmation du MEN
-Liste des réfugiés (indemnisés) transmise par Tadamoun , (amputée de mon nom par le directeur de la Fp ).
Ampliations :
– Archives : 1 Date : Nouakchott 5 /12/2016
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Quelle lecture pour quelle conclusion ?
Reprenons le cours des choses plus en détails…
En 2014 , après de multiples démarches une fiche budgétaire no 129/DGFP , du 01/09/2014) , m’est attribuée , mais soudainement arrêtée et retirée de la circulation. Lorsque je demande des explications on me répond : ‘’ sur ordre supérieur ‘’, sans plus ! Peu après le directeur général de la fonction publique est relevé de ses fonctions , sans explication .
En 2015 et 2016 , tenace , je reprends mes démarches auprès du nouveau DG qui a pris service ; il m’impose de longues et pénibles procédures auxquelles aucun de mes codétenus politiques n’avait été soumis . Je m’y plie et les remplies convenablement. A chaque fois que j’avais rempli une condition il en posait de nouvelles que je finis , malgré tout , par remplir toutes, mais en vain . Persuadé qu’il y avait là manifestement une volonté de blocage de sa part , je décidai alors de saisir le Ministre de la fonction publique ; après de multiples lettres et quatre demandes d’audience restées lettre morte, le ministre finit par consentir de m’accorder une audience ; son secrétaire particulier (–no tel 4524 2377,) m’appelle le mardi 06 décembre vers 22h pour me signifier le rendez-vous, fixé pour le jeudi 8 décembre 2016 à 15h .
Je m’y rends et attends longuement. Bizarrement , à 16h 45 un policier me prie de m’éloigner de l’entrée du bureau ; c’était pour permettre au ministre de s’échapper… Seydina Aly passa , tout près de moi , le regard bas, pour éviter de croiser le mien …
De retour à mon domicile , il m’a suffit, après réflexion, de mettre les choses bout à bout pour que , d’un coup, tout s’éclaire ! un DG visiblement à court d’arguments qui tergiverse, cafouille 15 mois durant, puis un ministre qui vous donne rendez–vous mais file à l’anglaise, le tout relié au limogeage de l’ancien DG indiquait, clairement, d’où venaient les peurs , d’où émanait ‘’ l’ordre supérieur ‘’ …
J’avais compris…
Parce que je reste opposé à son régime ethnocratique et à sa politique ethniciste et clanique , le Président , en représailles , faisait obstacle à la régularisation de ma situation administrative par la fonction publique ! Au mépris de la loi il s’asseyait sur mes droits légitimes …
J’avais chargé – à tort- le Directeur général qui n’était en définitive que le maillon faible de la chaîne , et qui jouait quand même sa tête !
Immixtion et empiètement jusque dans les attributions des chefs de service dans l’application de la loi, tournée en dérision .
Grandeur et petitesse du genre humain disait l’autre …
Lorsque l’on sait, en plus de l’amnistie de 1992, que c’est le gouvernement du Président Aziz , lui-même, qui a pris en conseil des ministres la décision de régler tous les problèmes afférents au passif humanitaire- toujours non apuré depuis 2009-, la question de sa crédibilité même se pose !
Pour ces dizaines de milliers de refugiés, pour ces milliers de fonctionnaires noires arbitrairement radiés de la fonction publique , chaque étape pour recouvrer leurs droits constitue un parcours du combattant . De l’indemnisation minable ( 1 million d’ouguiyas après 27 ans de radiation ) à la réintégration , jusqu’à la reconstitution de carrière , chaque étape a été et demeure, dans une administration méthodiquement blanchie, humiliations et souffrances en série …Si de 2009 à nos jours le dossier n’est toujours pas apuré , c’est bien évidement parce qu’il n’y a pas eu de volonté politique réelle, pour le résoudre correctement .
Que faut-il retenir de tout cela ?
Nourri à la psychologie du soldat-dressé pour donner ou recevoir des ordres- le Président reste allergique à toute opinion contraire , réfractaire à la culture du débat . D’où cette tendance , chez lui , à vouloir réduire , plier, soumettre l’adversaire politique par tous les moyens, y compris par la pitance … L’Administration est personnalisée, instrumentalisée aux fins de régler les comptes aux adversaires . En effet, nous savons que les opposants politiques au général ne sont ni recrutés , encore moins promus dans son Administration ; et comme si cela ne suffisait pas on s’asseyait en plus sur leurs droits légitimes….
Au caractère ethnocratique , communautariste très marqué du régime, vient maintenant se greffer la personnalisation de l’Administration , instrumentalisée à des fins de règlement de comptes politiques. Ce sont là des Indicateurs de l’incurie et de la déliquescence du régime mauritanien et de sa gouvernance ; La loi c’est le Boss, le Boss la loi !
Voilà pourquoi nos partenaires Européens et Américains se doivent enfin de comprendre qu’avec de telles pratiques , une telle psychologie réti ve au Droit et à la Loi – socles de tout Etat de Droit -,en plus de la restriction croissante des libertés , le Président demeure très mal indiqué pour œuvrer à l’érection d’un Etat de droit …
Toutes ces professions de foi sur la lutte contre l’esclavage, sur le respect des droits de l’homme et des libertés, sur l’unité nationale ne sont que mensonges, hypocrisie ! Accords et conventions il s’en moquait . Les appels à l’inclusion n’ont pas de répondant , car sa politique ,discriminatoire , sur l’Unité nationale n’a pas varié . Les gouvernements mauritaniens de – teinte militaire- sont rompus à l’art de ruser et de berner les Occidentaux.…
Il est temps que nos partenaires internationaux comprennent , enfin , qu’ils ont en face un régime militaire déguisé pour adopter une approche plus adaptée …
Samba Thiam
Inspecteur de l’Enseignement
(Président des FPC)
Nouakchott le 12 décembre 2016