Quels choix pour la Mauritanie: Par Babacar Toure: Envoyé spécial de SUDMAGAZINE a Nouakchott (1987)
Le vent léger qui balaie la capitale mauritanienne en cette fin d´année,est á la fois sec et glacial.Aprés les chaudes journées d´août-septembre, la nature, d´ordinaire si capricieuse en région saharienne , semble s´adapter á la dynamique sociale qui a marqué le pays ces six derniers mois.
On s´en doute,la diffusion de ce document allait attirer sur ses auteurs les foudres de la répression.Une trentaine de cadres négro-africains de tous horizons ayant comme dénominateur commun l´appartenance á l´ethnie Halpular,vont être arrêtés et jugés dans des circonstances qui alimentent encore la controverse.Ainsi,de source proche de la direction présumée du FLAM,on accuse les services du ministére de l´intérieur,d´avoir extorqué sous la torture des aveux dont la validité est contestée avec comme objectif de réduire au silence,ou tout au moins de briser dans l´oeuf,toute velleité de révolte des Négro-africains,en concentrant la répression sur une seule composante,(la plus engagée et la plus déterminée assure-t-on).Au besoin,selon ces mêmes sources,le pouvoir allait se lancer dans une véritable chasse aux sorciéres,pour éliminer les cadres Halpulareen encore en activité dans le gouvernement,l´administration et le secteur para-public,afin de leur substituer des Maures ou des Haratines et á un second degré,des Soninkés au tempérament moins frondeur.
NI NOIR, NI BLANC
Diviser pour régner?Rien de tout cela sussure sur le ton de la confidence le Ministre de l´intérieur, le lieutenant-colonel Djibril Ould Abdallah,l´homme dont le nom fait l´objet de jeu de mots caustiques dans les tracts et sur les murs,celui par qui, aux yeux de ses adversaires, le scandale est arrivé. L´homme est á coup sûr déterminé et habile. Maniant avec dextérité le langage et les techniques de la communication interpersonnelle, il entreprend de faire entrer son interlocuteur dans une logique irrésistible,faite de raison (d´Etat!),et d´impératifs sécuritaires.
Le Manifeste?”En Mauritanie, on a l´habitude des tracts et les auteurs sont toujours connus.On ne les arrête pas pour autant”.
L´innovation, c´est la publicité faite á l´extérieur autour de ce document “car rien ne justifiait une telle aberration”,s´est indigné le Ministre de l´intérieur, qui visiblement,n´a pas pardonné á ses compatriotes incriminés dans cette affaire d´avoir cherché á prendre á témoin l´opinion internationale.En écho aux accusations concernant les tortures et l´acharnement sur une cible séléctionnée,le Ministre est catégorique:”A aucun moment,nous n´avons utilisé la torture,d´ailleurs ce n´était même pas nécessaire.La preuve,c´est 48 heures aprés les premiéres arrestations,ils se sont “applatis”et ont parlé”.Quant á la volonté qu´on lui prête d´avoir voulu casser du Halpular,le démenti se trouve selon lui,dans les résultats de l´enquête:”c´est eux que l´enquëte a mis en cause,”affirme-t-il avec force.Je ne peux pas sauter sur un Soninké s´il n´a rien fait”,se défend-il.
N´y a-il pas eu abus de pouvoir?A-t-on le droit d´arrêter des personnes pour avoir exprimé leur opinion même sous la forme d´un manifeste?A l´évidence,cette affaire embarasse beaucoup les autorités qui,dés leur arrivée au pouvoir il y a deux ans,avaient vidé les prisons de leurs occupants,pour la plupart des militants des mouvements nassériens et bassistes pan arabes. A ce propos,le Lieutenant-Colonel Djibril Ould Abdallah fait remarquer qu´un régime libéral comme celui du président Taya,qui a á son actif la libération de plus de 300 personnes,est “ce qui peut arriver de mieux á la Mauritanie”,”même si cela fait des mécontents”,ajoute-t-il en martelant ses mots,”nous continuerons car,il s´agit,aprés toutes ces années d´incertitudes,de démontrer que nous sommes capables de stabilité”.
Le délit d´option ecarté,que peut-on alors retenir contre les auteurs du manifeste?”si dans la recherche des auteurs du manifeste,je n´avais trouvé que des idées,je n´aurais poursuivi personne,mais á partir du moment oú on parle de tuer,c´est qu´on n´a pas d´idées á proposer”.Ces propos du Ministre de l´intérieur semblent réfleter le désarroi qui s´est emparé des autorités prises de court,par la tournure des événements.Le sous-titre du manifeste-en porte-á-faux avec le contenu-“de la guerre civile á la lutte de libération nationale”,l´évocation du drame sud-africain dans un premier temps,incendies et actes de violence qui ont suivi les premiéres arrestations n´ont pas manqué de conforter les autorités dans leur sentiment qu´il fallait “créver l´abcés tout de suite et,ne pas permettre qu´”ils passent á l´action”. “ces gens lá,ne représentent rien d áutre que leur propre ambition décue et utilisent la couleur de leur peau comme moyen de chantage pour accéder á des postes de responsabilté ou obtenir des faveurs de l´admnistration et
du gouvernement.Jusqu´ici,cela a pu marcher avec les précedents régimes”,entend-on dire.(lire l´entretien avec Boubacar Messaoud directeur de la SOCOGIM-L´enjeu haratine Page14).
Une solution est possible
“En 1966,avec les camarades co-signataires,nous avons tiré sur la sonnette d´alarme et voici 20 ans aprés,les choses n´ont pas fondamentalement changé”.Pourtant,selon notre interlocuteur,”une solution était alors possible”.Le président Moctar Ould Daddah (premier président de la Mauritanie de 1960 á 1978)avait,au lendemain des affrontements raciaux de 1966,désigné une commission paritaire multi-ethnique chargée de sillonner le pays pour recueillir toutes les données et les différents points de vue sur la question nationale.En outre,cette commission devait séjourner dans certains Etats multiraciaux pour tenter de se rendre compte et eventuellement s´inspirer de l´expérience des autres.il aurait même été envisagé l´institution d´un poste de Premier ministre qui formaliserait ainsi le partage du pouvoir.
“Regardez le cas de la Tanzanie oú il n y a pourtant pas de problémes raciaux(ils sont tous noirs),quand le président est de Zanzibar,le premier ministre est du Tanganyka et vice versa”.Ces informations,recueillis auprés d´un “témoin” et acteur”ayant requis l´annonymat,n´ont pu être vérifiées.Cependant,elles ont valeur indicative quant á l´existence d´une crise d´identité que ni les solutions administratives ni la religion ne sauraient éluder.
(..) Pour l´observateur,pris dans le faiseau éblouissant de courants contradictoires et dont certains s´excluent et se dénigrent,une réalité demeure:”la nécessité d´une Mauritanie….mauritanienne .les problémes mauritaniens doivent-être posés par des mauritaniens,discutés entre Mauritaniens et solutionnés par les Mauritaniens eux-mêmes”.Aussi surprenant que cela puisse paraitre,cette profession de foi ne provient pas des autorités mais de l´appel contenu dans le manifeste attribué au FLAM.On peut y lire également ces phrases bouleversantes:”Notre amour pour ce pays nous commande á inviter toutes nos nationalités á un dialogue des races et des cultures,dans lequel nous nous dirons la vérité pour guérir nos maux”.
“Il faut que nous traduisons dans la réalité nos appels au salut et au redressement de notre pays,au lieu de dépenser toutes nos ressources et toutes nos potenialités dans des querelles raciales et culturelles dont les principaux bénéficaires ne seraient certainement pas des Mauritaniens”.
Les auteurs de ces lignes aujourd´hui en prison,n´ont-ils pas droit á la compréhension et,á la limite á la mansuétude des autorités,si l´on raméne les événements á des dimensions plus justes?Au total,le manifeste ne serait pas plus qu´un cri de révolte devant une situation de différenciation sociale qui a pris des contours ethniques,d´oú la nécessité d´un débat national oú la libre expression serait la garantie de la participation de tous aux solutions et le gage de la soumission des différentes composantes de la Mauritanie au consensus qui s´en serait dégagé.(..)
Babacar Touré SUD MAGAZINE NUMERO 4 JANVIER 1987
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Les FLAM, L´orientation politique d’un mouvement
Par SAMBA LAMPSAR SARR
Envoyé spécial de Mauritanie Nouvelles au Sénégal(1995)
C´est le 14 mars 1983 que les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM)se constituent en mouvement politique.Quatre organisations négro-africaines contestataires vont fusionner pour “défendre le principe d´une société non raciale,égalitaire et démocratique”.C´était le vieux rêve de l´Union démocratique mauritanienne(UDM),l´Organisation pour la Défense des Intérêts Négro-Africains de Mauritanie (ODINAM),le Mouvement Populaire Africain de Mauritanie(MPAM) et le Mouvement des Eléves et Etudiants noirs(MEEN)qui formeront les FLAM.En face,il y a un pouvoir,mais il y a surtout un systéme que les FLAM dénomment “le systéme beydane”.”C´est un systéme qui privilégie le Maure au détriment du Négro-Africain qui est l´objet de discrimination et d´exclusion “,lit-on dans le manifeste que ce mouvement publiera en 1986 (“manifeste du négro-mauritanien opprimé).Geste qui vaudra á ses instigateurs de goûter pour la premiére fois aux méthodes de Taya.Les FLAM se trouveront complétement décapités.Le régime ne faisant pas la différence entre membres des FLAM et présumés tels.On arrête et on emprisonne
Le mouvement de libération connaître sa premiére traversée du désért qui le conduira á l´exil et á la lutte armée.Les années 1986-87-88-89-90-91 marqueront un tournant dans la vie de ce mouvement.A l´intransigeance de Ould Taya,les FLAM répondront par un durcissement de leur position;”Face á nos appels répétés au dialogue et á la concertation devant lesquels le régime est resté sourd,pire,a procédé á une repression sans précédent,la lutte armée reste notre seule voie de recours”,proclament les FLAM.
On se demande comment,les FLAM qui affirment financer leur Organisation avec les côtisations de ses membres,peuvent-elles acquérir les armes nécessaires pour soutenir une lutte armée.Dans les camps de déportés oú ce mouvement recrute ces adhérents,la préoccupation majeure est plutôt la satisfaction des besoins quotidiens.Depuis le début de cette année,les camps n´ont recu que l´équivalent de dix jours en don alimentaire de la part du HCR.Un don canadien de fêves et de haricot.
LE CONGRES D´AVRIL 1994
Les membres de ce mouvement,notamment ceux qui ont séjourné á Oualata,Jreïda,etc,s´éparpillent au gré des continents.
Les 2 et 3 avril 1994,les FLAM tiennent leur quatriéme congrés á Dakar.L´organisation négro-africaine a 11 ans d´existence.Onze années que les FLAM qualifient “de grands périls,de répression haineuse”.”Onze années,cela peut paraître beaucoup aux yeux de certains,mais ce n´est rien par rapport au temps que peut prendre parfois une lutte de libération”,note Samba THIAM,l´actuel président de cette organisation,dans un éditorial du numéro spécial du “FLAMBEAU”(leur publication)consacré au quatriéme congrés.(Lire l´ínterview de l íntéréssé aux pages suivantes).
Au sortir de ce congrés,les FLAM s´assignent trois objectifs:
-L´implantation des structures de l´Organisation;
-La nécessité de porter l ínformation le plus loin possible;
-L´intensification des opérations militaires.
LE FEDERALISME
Les FLAM avancent le fédéralisme comme solution á la question de la cohabitation entre communautés en Mauritanie en le justifiant ainsi: “Ce pays est condamné á s´unir sans s´unifier.L´étouffante “uniformisation”,prétendument assimilée á l´unité est le reflet même de l´orientation biaisée du systéme Beydane et les conséquences de celles-ci;racisme,chauvinisme,tribalisme,népotisme,….L´unité en climat fédéral est mieux saisie par la pratique directe et automatique de l´égalité et du travail comme pradigmes essentiels et fonctions de cette même unité.”C´est ainsi que ce mouvement choisit comme devise :L´UNITÉ,l´EGALITÉ et le TRAVAIL”.
Les FLAM,C´est aussi un drapeau qu´elles définissent ainsi :”Il symbolise L´unité du Blanc et du Noir,l´égalité du sable (or)et de la végétation (vert)qui sont au service du travail pour le développement de la Mauritanie,prélude au bien-être de tous.”.
MAURITANIE NOUVELLES-(NUMERO 115-Du 19 au 26 mars 1995)
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Une vie pour se liberer
Par HERIC LIBONG
QUOTIDIEN DAKAR-SOIR(1999)
Le jaune en haut, c´est pour le désért du nord. En bas, le vert incarne la verdure des plaines du sud.Au milieu,il y a du blanc et du noir pour les deux communautés qui peuplent la Mauritanie.Telles le Yin et le Yang,les deux couleurs se fondent l´une de l´autre:”Malheureusement il ne s´agit que d´un drapeau;que d´un symbole d´espoir.Celui des FLAM et de Kaaw Tokossel Touré.La réalité est bien différente:”Bientôt si la politique d´arabisation dans laquelle perdure le gouvernement ne s´arrête pas,dit-il les Noirs n´auront plus de place en Mauritanie”.Avec son permanent sourire pacifique sur les lévres,”petit oncle” “Kaaw Tokosel”,rédacteur en chef du FLAMBEAU,le trimestriel du mouvement,n´a rien d´un révolutionnaire.A premiére vue on le prendrait pour un gentil étudiant en droit privé.Rien sur son visage n´exprime la colére de la révolte,la peur,la souffrance de la torture,la prison….ou l´exil.
C´est en 1987 que Kaaw Tokossel Touré, pourchassé par les autorités mauritaniennes, s´enfuit de Djeol,son village natal situé dans le Sud du pays pour rejoindre Dakar.Fuite provoquée par la peur de la prison,certes,mais surtout par l´ardent désir de continuer une lutte engagée dés l´âge de 15 ans.Conscience politique précoce donc,qui dés les années lycée est venue troubler une trop courte période résérvée á la naïveté de l´adolescence:”Le milieu dans lequel j´étais et grandi m´a trés tôt influencé,dit-il.Ensuite,il y a la situation politique du pays.Tu ne peux pas rester insensible á ce que tu subis au quotidien si tu as un minimum de dignité.Les provocations,la discrimination envers les Noirs,tout cela existe et se vit au quotidien.A l´école,dans l´administration,dans l´armée partout”.Militant du Mouvement des Eléves et Etudiants Noirs,il participe á l´organisation de manifestations culturelles,á la mise en place des conférences en présence d´intellectuels descendant de la capitale et á la publication d´un journal scolaire.C´est en mars 1983,date de la création des FLAM,que le discours politique de Kaaw et de ses camarades prend une autre envergure. Fusion de plusieurs mouvements politique,dont celui des étudiants et des éléves,anti-raciste et anti-esclavagiste par essence,les FLAM se veulent être une organisation non ethnique et non raciale dont l´objectif est d´éradiquer toute forme d´oppression et de discrimination.Parti du principe de la revendication politique,le mouvement n´exclut aucune autre forme de lutte.Le manifeste du négro-mauritanien opprimé publié en 1986 sonnera le point de départ de cette nouvelle donne:”Nous avions fait une analyse en montrant chiffres á l´appui comment la discrimination se caractérisait dans tous les secteurs de l´Etat.”Coup d´envoi d´une prise de conscience politique mais aussi début de la clandestinité.Du 4 septembre 1986 á début janvier 1987,une centaine de militants ,d´intellectuels et d´étudiants sont arrêtés.Kaaw en faisait partie.Il avait á peine 19 ans.
“SUPPLICE DU JAGUAR”
Une paire de grosses menottes pend sur le mur du salon.Accroché lá,juste á côté du drapeau.Comme pour conserver bien vivace l´esprit de la lutte:”elles appartiennent au doyen Ablaye Malick Sy,dit-il.Il a été enfermé pendant 4 ans á Oualata”.Kaaw se souvient comme si c´était hier de son arrestation.Il revoit encore la dizaine de gendarmes venus encercler sa maison,la frayeur dans le regard de sa mére et la derniére priére du matin juste avant de se faire passer les menottes comme un criminel dit-il:”nous avions des amis dans la police qui nous avaient averti,mais je ne voulais pas quitter mon pays et abandonner la lutte comme cela”.Il se souvient également de la torture,”du supplice du jaguar”et de cette matraque qui s´abattait sur ses plantes de pied quand,immobilisé par des barres de fer,recroquevillé sur lui même et retourné la tête en bas,le sang lui giclait des yeux. Pendant une semaine:”ils voulaient que l´on avoue avoir porté atteinte á la sûreté de l´Etat.Nous étions enfermés dans le noir.A plusieurs dizaines dans une petite cellule. Sans aucun sanitaire,sans aucune fénétre.On manquait d´air.A la limite on était content de se faire interroger dans la salle de torture parceque l´on pouvait voir la lumiére du jour et respirer un peu”.suivront un mois de détention et un simulacre de procés sans avocats.Les plus influents prirent quatre,cinq ans voire plus avant d´être transférés plus tard dans l´enfer de Oualata.Cet ancien fort colonial devenu prison-sanctuaire,trônant au milieu du désért oú le climat,les travaux forcés et les constantes brimades des gardiens viennent á bout des convictions les plus coriaces.Quelques noms Djigo Tafsir ancien ministre,Ten Youssouf Guéye,ancien ambassadeur de Mauritanie á L´ONU y ont laissé la vie.Bénéficiant de son jeune âge,cette épreuve a été épargné á Kaaw le plus jeune prisonnier politique mauritanien á l´époque.Pour lui ,se sera la prison civile de Kaédi dans le sud pour 6 mois fermes.Mais il lui en fallait beaucoup plus pour renoncer, car dés sa sortie il remet ca en participant á des nouvelles manifestations contre l´éxécution de 3 officiers noirs en décembre 1987.De nouveau recherché,il s´enfuit á temps cette fois,et se rend au Sénégal:”je me suis rendu compte que la lutte pouvait être aussi plus efficace á l´extérieur du pays”.
CONFERENCES ET TOURNEES
Tout au long de la discussion un jeune homme allongé sur un des matelas posés sur le sol,écoute tranquillement.Kaaw se tourne vers lui et explique qu´il a été déporté avec toute sa famille alors qu´il suivait des cours de terminal.Aujourd´hui,il fait partie de la centaine de membres du mouvement présents á Dakar.Vêtu d´un tee-shirt floqué du drapeau des des FLAM,son militantisme ne trompe pas:”nous nous reunissons réguliérement et chacun cotise ce qu´il peut selon les bourses.Avec l´argent nous gérons le mouvement,nous organisons des tournées.Nous confectionnons des tee-shirt et nous publions notre journal qui est trés vendu”.Paradoxalement,l´entrée du mouvement dans la clandestinité a contribué á son essor.Présent en Afrique,aux Etats-Unis,en France et même en Scandinavie,les FLAM en un peu plus de 10 ans,ont réussi á cristalliser l´opinion internationale sur les questions des droits de l´homme en Mauritanie.Human rights watch,Amnesty international,la FIDH et autres organisations humanitaires suivent la cause á la loupe.Et Kaaw et ses camarades arrivent depuis Dakar,á la plaider á l´étranger.La fête de l´Humanité en septembre de chaque année et la conférence co-organisée par le parti communiste francais (PCF)et le parti au pouvoir au Burkina
Faso á Ouagadougou en octobre dernier oú ils étaient invités,témoignent du soutien dont ils bénéficient:”nous sentons qu´il y a une évolution dans la lutte,dit-il.Quand on pense qu´il y a plusieurs années,on ne parlait pas de nous,on nous diabolisait,tout le monde avait peur de nous”.A Dakar,certains partis politiques leur ont fait part leur soutien et les invitent á leurs différentes manifestations et congrés.Mais diplomatie oblige,les manifestations,les colloques et les interventions de Kaaw dans les médias nationaux et internationaux sont ponctués de discrets mais fermes rappels á l´ordre des autorités:”Dans l´ensemble on nous laisse tranquille mais parfois on nous fait comprendre que nous sommes des réfugiés et qu´on nous a accordés l´hospitalité”.En d´autres termes de ne pas faire trop de bruit:”Je pense qu´il y a des pressions du petit dictateur de Nouakchott et que quelque part nous gênons.En tout cas partout oú nous allons nous sentons la filature du pouvoir mauritanien derriére nous”.Et puis il y a l´exil,toujours difficile á supporter surtout quand on risque sa vie en rentrant:”ne pas pouvoir voir son pays ,est ce qu´il y a de pire pour un homme”,déclaret-il.
Héric Libong
Photos Djibril SY
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Mondes Rebelles
Les Forces de Liberation Africaines de Mauritanie (FLAM)
Par JEAN-MARIE BALENCIE et ARNAUD DE LA GRANGE(2002)
LES FORCES DE LIBERATION AFRICAINES DE MAURITANIE (FLAM)
La mouvance radicale négro-mauritanienne,la plus connue,la plus active et la plus influente demeure, sans conteste,les FLAM.
Mouvement historique de défense de la cause des Négro-mauritaniens,les FLAM ont été constituées dés le printemps 1983 en réaction á la politique de ségrégation et de “dénégrification” mise en oeuvre par le pouvoir beydane.Depuis lors,les militants des FLAM ont été partie prenante de toutes les tentatives visant á modifier les rapports de force politico-ethniques dans le pays,qu´il s´agisse d´initiatives politiques et pacifiques (publications du Manifeste du Négro-mauritanien opprimé en 1986)ou d´aventures plus tortueuses (implication dans les complots d´octobre 1987 et de novembre 1990).
Recrutant au sein des communautés toucouleur,soninké et wolof,le mouvement va connaitre son heure de gloire au lendemain de la crise de 1989,qui provoque l´exil de dizaines de milliers de réfugiés dans les camps au Sénégal et au Mali.Bénéficiant de la tolérance des autorités sénégalaises,les dirigeants des FLAM comptent mettre en place sur la rive gauche du fleuve Sénégal des “sanctuaires humanitaires”,ravitaillés par les agences onusiennes,á partir desquels ils prétendent lancer une lutte armée dans le Sud de la Mauritanie.Si quelques opérations seront effectivement menées durant les années 90,le niveau de violence ne sera jamais trés élevé et se confondra souvent avec des actions de contrebande ou de razzias visant á récupérer le bétail abandonné lors de l´exil de 1989(1).Davantage que par leurs capacités militaires,trés limitées,ou que par leur implantation clandestine,trés réduite en Mauritanie même,les FLAM vont surtout se faire connaitre par leur bonne organisation,leur permettant de quadriller les camps de réfugiés au Sénégal,et au Mali et leur activisme dans le domaine de la communication et de la propagande,leur permettant de pratiquer une guerre de communiqués contre le régime de Nouakchott.Outre une presse dynamique (le Flambeau,L´Etincelle,Fooyre),les FLAM se sont lancées dans la cybercontestation,en disposant,dés la fin des années 90,de leur propre site.Le mouvement a su tisser des liens utiles avec le Black Caucus aux Etats-Unis,en instrumentalisant au bénéfice de leur cause la persistance de pratiques esclavagistes au sein de la société mauritanienne.
La fin de la décennie 90 a été marquée un déclin du mouvement dont les capacités de mobilisation et la légitimité politique ont été affectées par la baisse-quantitativement significative(prés de dizaines de milliers de retours,organisés ou spontanés entre 1996 et 1999)-du stock de réfugiés présents au Sénégal…Les FLAM seront aussi durement affectées par le revirement-observable á compter de la fin de 1998-des autorités sénégalaises á leur égard.Confronté á la relance de l´agitation en Casamance et englué dans le conflit en Guinée Bissau,Dakar va chercher á attirer les bonnes grâces de Nouakchott,suspecté d´avoir livré des
armes aux séparatistes casamancais et á la junte rebelle bissau-guinéenne.Le Sénégal va ainsi donner des gages aux mauritaniens au détriment de la mouvance radicale négro-mauritanienne(expulsion,début juillet 1999,du porte-parole du mouvement,Kaaw Touré,vers la Suéde(2);contrôle de la presse du mouvement;vives réactions á tout débordement verbal….).
Cet affaiblissement structurel va peser sur la ligne politique des FLAM,redéfinie á l´occasion du 5éme congrés du mouvement tenu au Sénégal en mars 1999.La question des réfugiés de 1989 en passe d´être réglée,les revendications vont se concentrer désormais sur l´autonomie du sud de la Mauritanie,en constatant l´échec de l´Etat unitaire passé sous la coupe des beydanes.Même si le mouvement n´a pas officiellement abandonné la lutte armée,il privilégie une solution pacifique et politique,qui passe á ses yeux par une régionalisation du pays(en s´inspirant de modéle belge,canadien ou sud-africain),une véritable réforme fonciére et une révalorisation du systéme éducatif mauritanien……
L´ENCYCLOPEDIE DES ACTEURS,CONFLITS &VIOLENCES POLITIQUES, “MONDES REBELLES”:GUERILLAS,MILICES,GROUPES TERRORISTES.Nouvelle édition revue et augmentée.Editions Michalon.Sous la direction de JEAN-MARIE BALENCIE ET ARNAUD DE LA GRANGE.
(1) D´autres groupuscules radicaux tenteront dés le début de la décennie 90 d´enclencher également un début de lutte armée,comme le Fruidem(front de résistance pour l´unité,l´indépendance et la démocratie en Mauritanie),le Furam(Front uni de la résistance armée mauritanienne)et le Fulam(Front unique de libération armée mauritanien,briévement apparu vers 1995).Mais ces groupuscules vont rapidement disparaitre et laisser le monopole de la résistance aux FLAM.
(2)- Ce dernier deviendra le webmaster du site des FLAM installé en Europe.
MAURITANIE-MONDES REBELLES (PP648-650)NOUVELLE EDITION REVUE ET AUGMENTEE -EDITIONS MICHALON.
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