Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

La rebuffade réservée à l’invité de “Marmite du partage” Par ALASSANE HAROUNA BOYE

La rebuffade réservée à l’invité de “Marmite du partage” Par ALASSANE HAROUNA BOYEIl faut s’indigner et protester contre le refoulement de Tareq Ramadan par le pouvoir mauritanien, pour plusieurs raison. Mais que l’émoi ne nous aveugle pas. L’islamologue et intellectuel brillantissime est aussi et surtout, ne nous-y trompons pas, un grand prédicateur, qui ne fait pas, tant s’en faut, l’unanimité. Il fait l’objet, c’est bien connu, de vives controverses en occident mais aussi en Afrique, notamment au Sénégal où il eut un débat rugueux à la télévision avec le DR Bakary Sambe. Les deux universitaires n’en étaient pas à leur première passe d’armes. Lors de l’occupation du Nord Mali, Tareq Ramadan avait produit un article. En réponse à cet article, Bakary Sambe avait rédigé un texte dans lequel il critiquait vivement la position de Tareq Ramadan ; position qu’il jugeait autant que je m’en souvienne de « paternaliste », de « condescendante »… Les deux articles avaient été publiés par MEDIAPART.
L’on se souvient aussi du mémorable débat qui l’opposa à Abdelwahab Meddeb lors de l’émission « CE soir ou jamais » de Frédéric Taddeï. Abdelwahab Meddeb avait vigoureusement critiqué nombre de ses positions sur l’islam et l’islamisme. C’est dire si nombreux sont les griefs faits à M. Tareq Ramadan. Que tous ces griefs soient sans fondement, nul ne peut le penser.
Tocade ou engouement authentique ? à l’endroit de Tareq Ramadan lors de l’annonce de son arrivée à Nouakchott et de son refoulement. Quoi qu’il en soit le refoulement de Tareq Ramadan, donc l’annulation de ses prestations, constitue un « manque à gagner » certain ; puisque l’argent qu’auraient généré ses prestations et les produits proposés à cette occasion (les livres de Tareq Ramadan et probablement les cassettes audio de ses multiples conférences à travers le monde) auraient sans doute beaucoup aidé « Marmite du partage » — la très respectable organisation caritative qui l’avait invité — à faire face à ses nobles missions d’aide et d’assistance aux plus démunis. L’évènement aurait aussi largement contribué à promouvoir « Marmite du partage », « Main dans la main » et leurs louables missions. Cela est vital pour des organisations caritatives.
Que tout cela n’ait pu se réaliser, il faut le déplorer. Certes. Mais il faut surtout tenter d’en tirer les enseignements pour que de telles déconvenues ne se reproduisent pas ; car l’organisation « Marmite du partage » mérite mieux qu’un tel traitement.
Au-delà du fait qu’avec un régime autocratique et répressif aucune logique ne peut tenir lieu de ligne de repère et que tout, généralement le pire, peut advenir à tout moment et en tout lieu, ce qui vient de se produire est illustratif de ce qu’une très louable initiale ou une noble action peut avorter faute de contexte propice et d’acteurs sans doute compétents dans leur domaine mais qui présentent une ou plusieurs qualités disquafiantes.
Monsieur Tareq Ramadan est un islamologue brillant. Soit. Mais c’est aussi un prédicateur, avions-nous indiqué plus haut. Nul n’en est dupe. Il cherche des partisans, aspire à susciter des conversions ; même s’il prône l’esprit critique, le libre arbitre. Il ne fait pas que dispenser un savoir islamique à partir d’une chaire. Il aspire aussi à étendre son champ d’action, ses zones d’influence, notamment en Afrique noire, précisément au Sénégal où il semble avoir déjà établi une tête de pont. C’est de bonne guerre. Oui ! Par conséquent ce n’est pas désintéressé. Il importe donc d’en tenir compte. Si à cela nous ajoutons que ses prestations initialement prévues devaient avoir lieu à quelques jours de la tenue du sommet arabe auquel doivent participer nombre de chefs d’Etat qui, à tort ou à raison, ne le portent pas dans leur cœur ; et si nous considérons les arrestations en cours des cadres et sympathisants de l’organisation IRA, alors nous voilà avec les conditions nécessaires et suffisantes réunies, aux yeux d’un pouvoir autocratique, pour refouler M. Tareq Ramadan.
Quel projet de substitution pour « Marmite du partage », à court ou moyen terme ? Envisager d’inviter ( pourquoi pas ?), d’autres personnalités, spécialistes incontestés de l’islam ( le substantif islam écrit avec le i majuscule ou minuscule.) Ces personnalités, nous pouvons les trouver en Mauritanie même ou à l’étranger. On peut en citer quelques-unes. A l’étranger : Souleymane Bachir Diagne ; ou Malek Chebel qui, si je ne m’abuse, a déjà séjourné en Mauritanie dans le cadre de ses travaux sans avoir subi les lubies des autorités. On peut à loisir allonger la liste. En Mauritanie peuvent être sollicités : Thierno Abdallahi Dia ou Thierno Hamidou Ball, et bien d’autres.
Il est vrai qu’en son pays nul n’est prophète, dit-on à raison. Il est de la nature de l’homme de regarder ou de chercher ailleurs ce qu’il aurait facilement vu ou trouvé tout près de lui. Il est vrai aussi que les personnalités intellectuelles et religieuses susmentionnées n’ont pas la couverture médiatique de Tareq Ramadan, qu’elles n’ont pas recherchée du reste. Mais elles ne sont pas moins compétentes ni moins crédibles, tant s’en faut. Et s’il y a entre elles et M. Tareq Ramadan identité de domaines de compétences, il y a aussi différence de pédagogie, de méthodologie et de personnalités. Mais, dirait-on, il est de la liberté de chacun d’avoir ou de pas avoir son ou ses Dieux, son ou ses prophètes, ses préférences et ses références, intellectuelles ou religieuses. Là au moins, le consensus peut être obtenu, sans brouhaha.

19 juillet 2016
BOYE Alassane Harouna

Source : BOYE Alassane Harouna via Facebook

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