Rencontre entre les FLAM et SIDIOCA: Encore, Monsieur le Président
En fouillant ce matin le silo à articles de votre site, j’ai failli tomber à la renverse. Mes yeux, comme hypnotisés, ne parvenaient pas à se détacher des deux photos accompagnant le communiqué des FLAM annonçant l’audience accordée à leur premier responsable par son excellence, Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, Président de la république islamique de Mauritanie.
En dépit du retard dans l’obtention de l’information (les contempteurs se délecteront certainement et feront feu de tous bois), cet événement, grand dans l’histoire d’un pays incapable encore de régler ses différends intérieurs, mérite d’être apprécié à sa juste mesure.
Que de symboles dans cette rencontre de New York entre le mauritanien le plus puissant, le président,et le chef de l’organisation négro-africaine (malgré elle) la plus puissante, Monsieur Samba Thiam sous le ciel américain, pays le plus « puissant » du monde ! Notre joie est indicible et Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, en posant ce nouvel acte, montre une farouche détermination à tendre la main à tous ses compatriotes.
Après avoir dit la compassion de la nation pour la période douloureuse vécue par les communautés noires du pays, après avoir criminalisé l’esclavage, le voilà qui noue le dialogue avec les Forces de Libération Africaines de Mauritanie par l’entremise d’une audience accordée à son Président.
Quarante ans années de « satanisation » viennent de connaître leur épilogue. En rencontrant le premier responsable des FLAM, notre Président met fin à l’une des campagnes de diffamation d’un mouvement politique les plus véhémentes de l’histoire contemporaine africaine. Qui n’a pas mis la main à la pâte pour couvrir d’opprobre les camarades de Lam Moussa jetés aux orties et accusés même d’avoir épaulé les vandales sénégalais lors des regrettables incidents d’avril 1989?
Jamais un mouvement n’a essuyé autant de haine, d’adversité même si le plus souvent celle-ci est allée au-delà des règles de l’art de la simple opposition politique. A un moment de son histoire, ce mouvement fut la cible des partis et de l’état qui avait vu en lui la seule opposition pouvant faire vaciller les équilibres précaires sur lesquels il s’appuie depuis belle lurette.
La répression qui allait suivre a drastiquement fragilisé cette organisation qui ne trouva son salut que dans l’exil, un exil qui aida à revigorer les forces éprouvées dans le bagne de Oualata et sur toute l’étendue du territoire national. Qui ne se souvient pas de la gigantesque chasse aux sorcières opérée par le régime de Taya ? Pourtant, les termes du manifeste à l’origine de la spirale de la violence sont on ne peut plus nets sur la volonté de cette organisation de bâtir une Mauritanie débarrassée des avatars du racisme, un pays pluriel où les différences doperaient le développement.
A cet appel pour une Mauritanie fraternelle, l’état et les autres groupements politiques ont répondu par un mépris souverain qui n’a jamais désaxé les FLAM. Fort du patriotisme irriguant les veines de ses membres, le mouvement s’est maintenu cahin caha, arpentant les sentiers de l’exil pour prêcher la bonne parole, indiquer les bonnes pistes pouvant favoriser l’envol d’un pays que ses militants aiment plus que tout et autant que tous les autres groupes politiques réunis.
La rencontre historique du 27 septembre 2007, en dépit des adversités politiques, sonne comme une victoire des mauritaniens sur eux-mêmes. Un peuple n’est grand que dans sa capacité d’établir des passerelles, d’édifier des ponts pour favoriser les retrouvailles de ses diversités éparses.
Nous saluons le courage politique du premier Président élu démocratiquement de Mauritanie. Nous l’encourageons à prendre d’autres initiatives afin de provoquer des assises nationales qui seraient pour les mauritaniens de tous bords un formidable instrument afin de détruire les barrières inopportunes, les jugements infondés et les ressentiments rentrés maintenant nos populations éloignées les unes des autres.
Nos pensées vont vers ces jeunes élèves, ces patriotes émérites qui traversèrent en catimini le fleuve en 1986 dans le dénuement le plus complet pour continuer la lutte avec des moyens dérisoires, après la terrible répression contre les auteurs du manifeste du négro-mauritanien opprimé. Nous saluons les rescapés du bagne de Oualata qui, au lieu de panser leurs blessures, ont rejoint les autres sur le chemin tortueux de l’exil pour maintenir le flambeau de la résistance. Nous pensons aussi à ces cadres et à toutes les bonnes volontés qui ont préféré abandonner leur confort familial et matériel pour s’investir dans l’avènement d’une Mauritanie de concorde, de fraternité véritable, d’égalité et de justice.
Nous saluons le Président Samba Thiam pour sa persévérance et son haut sens de la patrie. Cette consécration, nous le savons, il la mettra à profit pour rapprocher encore davantage les mauritaniens de toutes ethnies et de toutes obédiences et pour poser avec doigté les problèmes essentiels entravant notre pays.
Au lieu de nous faire la lippe, continuons de débattre, poursuivons cette quête franche de solutions à nos maux, abattons les vieilles palissades et arrimons nous à cette certitude : nul ne hait le pays qui a vu naître ses pères.
En acceptant de recevoir le leader des FLAM, le Président de la république a pris une initiative heureuse. Au moment où des thèses séparatistes trottent dans l’esprit de certains de nos compatriotes des deux bords, cet acte apparaît comme le meilleur rappel à l’ordre. L’entité mauritanienne survivra car elle est la volonté d’une écrasante majorité décidée de s’élever au-dessus du tumulte, de résoudre ses problèmes intérieurs dans la concertation et de relever les défis que lui lancent une géographie calamiteuse et une histoire emplie de convoitises.
Par cet acte, de Nouakchott jusque dans l’Ohio, de Niabina jusque dans les pavillons crasseux de la banlieue de Paris, des milliers d’exilés retrouveront le sourire et la confiance en leur pays.
Encore, une nouvelle initiative Monsieur le Président de la République.
Dakar le 13 octobre 2007.
Souleymane Bâ, Dakar Sénégal.