Flamnet-Agora: De la nature des Forces de Libération Africaines de Mauritanie: Une clarification s’impose
Après plus de 25 années d’exil, les FLAM traduisent dans les faits leur intention de se redéployer en Mauritanie. Ainsi, l’organisation vient de dépêcher la deuxième personnalité du mouvement, en la personne de Mr. Ibrahima Mifo Sow, à Nouakchott pour préparer le retour de ses instances au pays. Pour un grand nombre des militants, le redéploiement est devenu le moyen le plus efficace pour continuer la lutte contre le système discriminatoire de l’Etat mauritanien. Quoi qu’il en soit, la décision de se redéployer constitue un tournant important pour les FLAM dont le prochain congrès devra fixer définitivement la nouvelle orientation. Alors, sans plus tarder, les militants et sympathisants de ce mouvement devraient réflechir sérieusement afin de pouvoir tirer les conclusions de 30 ans d’existence et de clairifier la future orientation qu’empreintera l’organisation. De notre point de vue, l’essentielle des critiques et des analyses faites à l’égard des FLAM seraient hors cadre, car elles se seraient basées sur l’incompréhension inconsciente de la nature même de cette organisation. les FLAM sont tantôt considérées comme un parti politique, tantôt comme un mouvement de libération nationale, ou même comme une Organisation de Défense des Droits de l’Homme. Malheureusement, cette confusion sur la nature de l’organisation est partagée par beaucoup, y compris par une bonne partie de ses militants. Alors, l’urgence est de savoir le pourquoi de cette confusion. Dans une approche purement théorique, ici, nous essayerons d’ élucider cette énigme.
D’abord il est important d’ examiner de plus prés les statuts des Flam. Dans son article 3, il est dit:
– “Les FLAM sont un mouvement politique national non-racial qui privilégie la négociation et le dialogue”, et,
– “Les FLAM constituent un mouvement de libération où tous les opprimés et toutes les forces progressistes peuvent converger en vue de réhabiliter les dominés et les victimes du racisme et de l’esclavage“.
Les Flam (selon cet article) seraient donc un mouvement politique et un mouvement de libération nationale. A première vue, cet article énonce deux choses contradictoires, qui expliqueraient les raisons de l’imcompréhension sur la nature même des FLAM. Essayons de comprendre ce qui est derrière ces deux concepts politiques et quelles incidences elles interjecteraient sur l’intérprétation des acquis de l’organisation. Pour se faire nous commencerons avant toute chose par les définir .
Un parti politique peut être défini comme un groupe de personnes réunies autour des mêmes objectifs dans l’ ambition de conquérir le pouvoir par la voie électorale pour satisfaire un programme local et/ou national. Il sert aussi d’intérmédiaire entre le peuple et le pouvoir car il veut être représentatif de la population. Cette option, s’inscrirait dans l’acceptation des règles préétablies des institutions du pays concerné. En principe, les différents partis politiques qui participent à une élection doivent accepter le verdict des urnes quelque soit le résultat, dans la mesure où elles (les élections) se sont passées dans la légalité et la transparence. Un parti politique est strictement de notoriété interne. Les institutions internationales ne se voient pas obligées de supporter ou d’agir contre un parti politique régulièrement ètabli dans un pays donné.
Par contre, un mouvement de libération nationale est un regroupement d’individus qui réagit contre une opression quelconque d’un peuple ou d’une communauté donnée par un Etat. Ce mouvement se veut libérateur de ces opprimés, et le plus souvent par des armes. Cette idéologie se positionne en tant que représentante de la dite communauté et procéde par l’occupation, au moins, d’une portion du territoire. Ces deux caractéristiques ( représentativité, territorialité) confèreraient au mouvement de libération une reconnaissance internationnale basée sur sa “capacité” et sa “personalité”nationale. Car les institutions internationales préfèrent, en général, se fonder sur la théorie dite “l’Etat en voie de formation” pour gage de reconnaissance . Et cette interprétation prendrait source de l’histoire des États qui est associée á la volonté des peuples de se libérer du joug colonial des anciennes grandes puissances.
A partir de ces définitons, on comprend un peu plus l’ambiguité du choix des FLAM dans sa nature organisationnelle. Car les FLAM sont clairement de nature hybride: elles veulent être qualifiées de mouvement de libération tout en gardant un certain nombre de caractères d’un parti politique. Beaucoup de gens peuvent penser que cela doit être le résultat de l’histoire même de l’organisation qui s’est formée à partir de quatre organisations différentes. Mais, cela ne doit pas être une raison suffisante, puisque toutes les organisations concernées, plaidaient déjà pour un Etat Unitaire Mauritanien et l’ utilisation d’armes n’a jamais été une option dans aucun de leur différent programme .
Nous pensons qu’une des explications possibles est que les FLAM sont tiraillées entre la volonté ferme du pacifisme de ses initiateurs et à leur attachement profond à la Mauritanie, et la réalité implacable de la discrimination raciale de la part de l’État Mauritanien. En effet, “Le Manifeste du Négro Mauritanien Opprimé” concluait sa longue dénonciation argumentée des discriminations dont sont victimes les Négro-mauritaniens par ces termes: “les problèmes mauritaniens doivent être posés par des mauritaniens, discutés entre Mauritaniens et solutionnés par les Mauritaniens eux mêmes. Notre amour pour ce pays nous commande à inviter toutes nos nationalités à un dialogue des races et des cultures, dans lequel nous nous dirons la vérité pour guérir nos maux. Il faut que nous traduisions dans la réalité nos appels au Salut National et au Redressement de notre pays, au lieu de dépenser toutes nos ressources et toutes nos potentialités humaines dans des querelles raciales et culturelles dont les principaux bénéficiaires ne seraient certainement pas les Mauritaniens”.
Seulement, la réponse répressive du pouvoir à cet appel était d’une intensité telle que l’on pouvait la qualifier de génocide du peuple noir de Mauritanie. Une repression qui s’est traduite par les arrestations de 1986 et 1987, les exécutions sommaires et la déportation des milliers de noirs mauritaniens au Sénégal et au Mali entre 1989 et 1991. Cet état de fait avait poussé les FLAM à changer de stratégie. Ainsi, elles abandonnèrent leur option politique pour la lutte armée. Bien que la période des années 90 était idéale pour l’instauration d’une campagne qui pouvait réussir, il est aujourdhui évident que l’organisation n’a jamais vraiment intériorisée ou assimulé cette option qui n’a été que de courte durée. En définitive, les FLAM ne pouvaient être complètement ni mouvement politique ni mouvement de libération nationale. C’est bien là toutes les difficultés pour les observateurs honnêtes qui essaient d’évaluer les résultats obtenus par les FLAM á partir de la nature de l’organisation.
Et pourtant, on s’accorderait volontiers aux succes de l’organisation quand on pense, d’une part, au credit reçu de la part des Nations Unies concrétisé par la rencontre entre le Président des FLAM et la deuxième personalité de la plus haute institution internationale(6 Octobre 2006), et de l’autre, à la reconnaisance de l’Etat mauritanien de sa résponsabilté directe par rapport á la discrimination raciale dont a été victime la population noire (discours du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, 29 Juin 2007). Ces deux faits sont majeurs pour une organisation comme les FLAM, quelque soit sa nature. Mais, la victoire définitive dépendra de la capacité de l’organisation de défendre son programme à l’intérieur du pays et de le faire accepter par la majorité des mauritaniens.
La lutte continue!
Mamadou Barry
FLAM- USA
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