Mauritanie : Haro sur les militants anti esclavagistes
Le réseau de lutte contre l’esclavage par ascendance salue la condamnation par la justice mauritanienne d’Oumoulimnine Mint Bakar Vall pour « exploitation de mineurs » avec la complicité des mères des victimes, à 6 mois d’emprisonnement ferme assorti d’une amende de 200.000 UM. Le réseau constate qu’une fois de plus la justice mauritanienne préfère traiter les cas d’esclavage par ascendance comme de simple affaire relevant de la loi sur l’exploitation des mineurs, évitant soigneusement d’appliquer la loi 2007-048 criminalisant l’esclavage et prévue pour des cas d’esclavage.
Le réseau déplore cette fuite en avant de la justice mauritanienne qui comme d’habitude recourt à des artifices pour ne pas créer de cas de jurisprudence avec la nouvelle loi incriminant l’esclavage. Pourtant l’application de loi 2007-048 incriminant l’esclavage pourrait constituer un signal fort pour les auteurs de pratiques d’esclavage.
La décision de justice constitue tout de même une victoire mitigée; grâce à la mobilisation de l’opinion nationale et internationale, une personne coupable d’actes esclavagistes, issue d’une famille de haut rang dans le système de caste, se retrouve ainsi condamnée à l’emprisonnement ferme, pour exploitation de mineures.
Mais à quel prix ? Des militants antis esclavagistes en Mauritanie dont Biram Ould Dah Ould Abeid membre de SOS-Esclaves et fondateurs de l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste qui ont été à l’ origine cette affaire ont été maltraités traduits en justice pour 4 semaines et condamnés à un an ferme dont 6 mois en sursis.
S’il y a lieu de se réjouir de cette percée de taille dans le mur de la dénégation et de l’occultation, il importe de dénoncer les stratégies d’intimidation et d’harcèlement des militants dans leur lutte contre cette pratique criminelle et anachronique qu’est l’esclavage par ascendance.
Ces tentatives traduisent la connivence étroite, entre le système judiciaire, et le système de domination, pour maintenir, impuni, le fait social de l’esclavage et des discriminations ethno-raciales en Mauritanie.
Le Réseau de lutte contre l’esclavage condamne avec la dernière énergie, la condamnation de Mr Biram et de ses collègues et recommande :
· Au gouvernement mauritanien, à donner des instructions fermes aux forces de l’ordre afin que les militants de droits humains puissent faire leur travail sans provocation et obstacle aucuns conformément à l’Article 15 de la nouvelle loi qui permet à toute association des droits de l’homme légalement reconnue de dénoncer les pratiques d’esclavage et d’assister les victimes de celles – ci.
· Aux autorités judiciaires mauritanienne d’appliquer la loi dans toute sa rigueur afin de mettre fin à l’esclavage par ascendance qui est une injustice inconcevable et qui sape sérieusement les efforts consentis depuis 2007 par le gouvernement mauritanien pour l’instauration d’un Etat de droit.
Afin le Réseau réaffirme sa solidarité sans faille aux membres de SOS-Esclaves et à tous les militants anti-esclavagistes en Mauritanie et les exhorte à ne faire aucune concession dans la lutte contre l’esclavage dans les limites de la légalité.
Réseau de lutte contre l’esclavage par ascendance
Ont signé :
SOS-Esclaves, Mauritanie
Association Femmes Chef de Familles, Mauritanie
Association Mauritanien des Droits de l’Homme, Mauritanie
Association TEMEDT, Mali
GARI, Mali
Association Timidria, Niger
Anti-Slavery International, Grand Bretagne
International Senior Lawyers Project, Etats Unis d’Amérique
Pour plus d’informations contacter
Boubacar Messaoud,
Président,
SOS-Esclaves
Tél : +222 46 40 83 97 / +222 22 16 00 16
203, rue 42-156,
NOUAKCHOTT, BP:4302
MAURITANIE