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Témoignage sur les expulsions de 1989, le rapport de Human Rights Watch
La grande majorité de ceux qui furent expulsés étaient des éleveurs peuhls. Selon une étude réalisée par Christian Santoir pour le compte de l’agence française de recherche ORSTOM , en août 1990, 67% des campements peuhls de la rive droite du fleuve Sénégal avaient été vidés de leurs habitants originels. L’étude indique que quelque 21.500 Peuhls furent expulsés, ce qui représente au moins 57% de la population peuhle des départements de Kaédi, Monguel, Mbout et Maghama. Ces chiffres sont indiscutablement en deçà de la réalité, puisque l’étude fut menée uniquement dans le département de Matam au Sénégal et ne tint pas compte des Peuhls qui fuirent vers d’autres régions du Sénégal ou du Mali.
Les Peuhls étaient ciblés en partie pour des raisons économiques; leur bétail constituait un atout tangible qui apportait une richesse immédiate pour les bergers beydanes. Les animaux furent souvent considérés comme une “compensation” des pillages des boutiques mauritaniennes à Dakar. La majorité des Maures avaient été des bergers nomades eux-mêmes jusqu’à la sécheresse des années soixante-dix; ils étaient donc plus souvent intéressés par le bétail que par les terres. En outre, bien que ne disposant pas de beaucoup de terres cultivables, les bergers bénéficiaient de l’accès aux quelques meilleurs pâturages qui restaient, ainsi qu’aux sources de la vallée.
Traditionnellement, les Peuhls avaient toujours cherché à se tenir à distance des centres administratifs pour éviter les diverses formes de contrôle et d’imposition. Ils déplaçaient leurs troupeaux d’une rive à l’autre du fleuve Sénégal, profitant des changements climatiques saisonniers pour garantir à leurs animaux des pâturages convenables. La rive mauritanienne, moins peuplée, est meilleure pour le bétail pendant la saison des pluies, alors que la rive opposée offre des pâturages en période de sécheresse. Ainsi, après la sécheresse de 1972, beaucoup de bergers peuhls et maures traversèrent le fleuve pour s’installer au Sénégal et au Mali. Du fait de leurs déplacements incessants entre les trois pays bordant le fleuve Sénégal– la Mauritanie, le Sénégal et le Mali– les Peuhls eurent des difficultés au moment des expulsions pour faire établir leur identité nationale. Les autorités mauritaniennes profitèrent de cela pour justifier leur expulsion. En revanche, les bergers maures, qui circulaient également entre les trois pays, ne connurent pas les mêmes difficultés.
Enfin, les éleveurs peuhls avaient tendance à vivre en petits campements isolés, de quelques familles, éparpillés sur de vastes zones (particulièrement dans les départements de Kaédi, Monguel, Maghama et Mbout). En raison de leur isolement, ils furent plus faciles à attaquer et expulser que les habitants des villages plus établis et sédentaires. Les gendarmes et l’armée organisèrent de fréquentes attaques surprises pour expulser les éleveurs peuhls.
Les attaques des campements peuhls par les forces de sécurité mauritaniennes furent généralement violentes et accompagnées de vols et de pillages considérables. Les hommes furent ligotés, battus puis expulsés. On s’assura ainsi que les familles seraient séparées. Ceux qui essayèrent de s’échapper furent abattus. Des Haratines se trouvaient parmi les militaires impliqués dans ces attaques. Ils pillèrent systématiquement et brûlèrent souvent ce qui restait du campement. Avant de les expulser, les Peuhls furent rassemblés et dépouillés des tous les biens qui leur restaient: bijoux, papiers d’identité et autres documents, quelquefois même les habits (25).
Toute résistance à ces attaques fut durement réprimée, comme l’illustre le cas de ces deux frères, Yero et Abdaramane Lam, bergers originaires de la région de Foum Gleita. En juin 1989, les frères Lam essayèrent d’empêcher les gendarmes de prendre leur bétail. Yero fut arrêté et détenu sans charge ni procès et Abdaramane fut abattu. Leur famille fut expulsée au Sénégal.
Dans les grandes villes, les autorités ciblèrent les Noirs fonctionnaires, employés d’institutions privées, syndicalistes, anciens prisonniers politiques et, dans certains cas, leurs épouses.
Dans les villes principales, comme Nouakchott et Nouadhibou, les fonctionnaires noirs — notamment les professeurs, les officiers de l’armée, les policiers et les salariés des entreprises privées — furent convoqués par la police, interrogés et contraints à donner leurs pièces d’identité. Ils furent ensuite transportés dans des camions, avec ou sans leur famille, vers la rive du fleuve où des bateaux les amenèrent vers le Sénégal. Nombreux moururent en chemin, apparemment du fait de la surcharge des camions. Parmi eux, deux personnes moururent étouffées alors qu’elles étaient transportées de Nouakchott à Rosso dans une petite camionnette avec trente autres personnes afin d’être expulsées. Kane Ndiawar, un ancien conseiller du Président Taya, et Bâ Abdoul, le directeur d’une grande société de pêche de Nouadhibou, figurèrent parmi les personnes expulsées en 1989. Des syndicalistes de la société hydroélectrique de Nouadhibou et de l’administration de la Sécurité Sociale de Nouakchott furent également expulsés au début du mois de mai 1989. Plusieurs diplomates noirs en service à l’étranger furent rappelés, dépouillés de leurs lettres de créance puis expulsés (27).
Les expulsions dans les zones urbaines visèrent incontestablement le leadership effectif et potentiel de la communauté noire. Un ancien étudiant de l’Université de Nouakchott expliqua que les étudiants furent particulièrement visés:
Bien qu’affectant un grand nombre de personnes, les expulsions étaient suffisamment sélectives pour assurer qu’un nombre disproportionné d’étudiants soient concernés. Il est évident que l’on a voulu casser la communauté noire et la priver de son intelligentsia. Ils savaient aussi que nous aurions des difficultés financières à continuer nos études, même si nous étions en mesure de nous inscrire dans des universités étrangères. La plupart des étudiants qui sont venus n’ont pu continuer leurs études et ceux qui sont actuellement à l’université ou au collège ont perdu du temps et ont dû redoubler au moins une année .
Les fonctionnaires furent aussi particulièrement visés. Un réfugié raconta à Human Rights Watch/Africa comment un groupe de fonctionnaires fut emprisonné et finalement expulsé:
Juste après le début du conflit, lors de la fête de Aïd-el-Fitr [fête marquant la fin du ramadan], tous les fonctionnaires noirs qui travaillaient dans le département de Moudjerea, à savoir six, ont été détenus pendant quatre jours. On leur a dit qu’ils devaient être interrogés pour savoir s’ils étaient sénégalais. [Les noms de ces six fonctionnaires ne peuvent être dévoilés car leurs familles vivent toujours en Mauritanie. Il y avait parmi eux des enseignants et un agent des postes]. Ils ont été conduits dans la capitale régionale, Tidjikdja, où ils ont été interrogés. On leur a ensuite dit de rejoindre leur poste, excepté pour ceux d’entre eux qui travaillaient à Tidjikdja ou dans ses environs, qui ont été détenus pendant trois ou quatre semaines supplémentaires.
Ceux qui avaient été renvoyés ont été subitement rappelés par le gouverneur, de même que d’autres agents dont des enseignants et infirmiers. Ils ont été conduits à la gendarmerie de Moudjeri pour être déportés le 31 mai, c’est-à-dire quelques jours après. Trente à quarante d’entre nous (sans nos familles) avons été entassés dans un camion et conduits dans un camp à Boghé. On nous a amené dans un grand hall, fouillé un par un et dépouillé de tout ce que nous avions sur nous: montres, chaînes, parfois radios, chaussures et boubous [vêtement traditionnel]. On nous a donné une chemise et des pantalons. Nos papiers d’identité ont été confisqués; on nous a mis dans une pirogue et envoyé au Sénégal.
Nous sommes tous 100% mauritaniens. Les arrières-arrières-arrières-grands-parents de la plupart d’entre nous sont enterrés en terre mauritanienne. Beaucoup, parmi les personnes expulsées, ont affirmé qu’ils n’avaient jamais vu le fleuve .
Zeinaba, une fonctionnaire âgée de trente ans, fut expulsée de Sélibaby où elle travaillait; elle décrivit l’opération systématique d’expulsion:
Je n’étais pas le seul fonctionnaire noir à être expulsé à ce moment-là de Sélibaby. Cent vingt-huit personnes ont été expulsées lors de la première vague d’expulsions le 6 mai. Quatre-vingt-dix fonctionnaires ont également été renvoyés.
Les expulsions dans les villes furent tout aussi arbitraires et abusives que celles opérées dans les zones rurales. Une femme, qui travaillait à Nouadhibou au moment de son expulsion, expliqua:
Je venais d’arriver au bureau et je venais juste de retirer mon salaire lorsque j’ai réalisé qu’un membre de la brigade me suivait. Il m’a demandé de lui donner l’argent puisque, selon lui, je n’étais pas mauritanienne. Il m’a arrêtée sur le champ. Il ne m’a même pas permise d’aller à la maison prendre mes enfants. Heureusement, ma famille connaissait quelques-uns de ses collègues qui l’ont persuadé de m’autoriser à aller chercher mes enfants. Il a pris ma carte d’identité et l’a déchirée devant moi. J’allaitais mon enfant de sept mois en ce temps-là. Comme ils m’ont conduite à la maison, ils ont donc pu la repérer. J’ai appris par la suite qu’ils sont revenus et ont tout pris. Nous avons dû attendre un avion toute la nuit. On nous a finalement mis dans un avion pour Dakar .
Les femmes des prisonniers politiques noirs furent aussi la cible des expulsions. Leur cas est particulièrement tragique dans la mesure où elles n’ont pas seulement été surveillées, harcelées et marginalisées en raison de l’emprisonnement de leur époux, mais elles ont également été expulsées de force sans pouvoir contacter leurs maris. Les femmes citées ci-dessous faisaient partie des épouses de prisonniers politiques expulsées en 1989.
Aissatou Ly, dont le mari, Moussa Ly, un homme d’affaires de Nouadhibou, fut emprisonné en septembre 1986 (son mari fait partie de ceux qui seraient morts en détention en 1991);
Djeinaba Kane, la femme de Harouna Kane, un officier de l’armée emprisonné fin 87;
Faty Kamara fut expulsée alors que son mari, Haby Toumbou, était en prison. Elle travaillait à la SNIM à Nouadhibou;
Habsa Banor, agent des douanes et femme de Ibrahima Sall, qui se trouvait toujours en prison, fut kidnappée dans la rue le 29 mai 1989 et expulsée, laissant derrière elle, à Nouakchott, ses trois enfants.
A suivre.
HUMAN RIGHTS WATCH
Témoignage: avril1989, expulsions forcées (suite)
Les émeutes et les tueries d’avril 1989 dans les deux pays, qui culminèrent par l’établissement d’un pont aérien, ne furent en fait en Mauritanie que le prologue de la vaste campagne contre les Noirs qui suivit. Le gouvernement mauritanien profita du pont aérien pour commencer l’expulsion systématique vers le Sénégal de tous les citoyens noirs, les obligeant à quitter le pays par avion ou en traversant le fleuve. Parmi les personnes expulsées figuraient des intellectuels, des fonctionnaires, des hommes d’affaires, des syndicalistes, des personnes suspectées d’appartenir à l’opposition ainsi que des paysans et des éleveurs de la vallée du fleuve Sénégal. Le gouvernement tenta de justifier ces expulsions massives en les décrivant comme une mesure visant à “rapatrier” des Sénégalais ayant obtenu la nationalité mauritanienne de manière frauduleuse ou à expulser certaines personnes dont il ne pouvait garantir la sécurité.
Le premier secrétaire de l’ambassade de Mauritanie à Dakar, M. Bilal Ould Werzeg, déclara au New York Times que seuls des citoyens sénégalais furent expulsés, dont la plupart s’était procuré des papiers mauritaniens frauduleusement. Il ajouta: “Peu importe la carte d’identité ou le passeport que vous détenez, c’est votre origine qui est déterminante“ (16). Il admit cependant que des listes de Sénégalais suspects avaient été compilées par la police et qu'”évidemment, il peut y avoir quelques erreurs, mais nous faisons notre possible pour les prévenir”.
Il est cependant tout à fait clair que le gouvernement expulsa des milliers de Mauritaniens authentiques, profitant de la confusion créée par le conflit et du pont aérien pour réduire la population noire de Mauritanie. L’expulsion de nationaux ou d’étrangers est contraire aux normes internationales de protection des droits de l’homme. L’article 12 de la Charte africaine de droits de l’homme et des peuples, que la Mauritanie a ratifiée le 26 juin 1986, prévoit notamment: “L’expulsion collective d’étrangers est interdite. L’expulsion collective est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux, ethniques ou religieux“.
Il semble que l’objectif du gouvernement était de réduire l’influence politique de la population noire. L’expulsion des Noirs avait un double objectif: réduire leur nombre, particulièrement celui des intellectuels noirs, et réduire les possibilités de collaboration entre les Noirs et les Haratines pour ainsi amoindrir le risque de voir ces derniers renier leurs allégeances politiques vis-à-vis de leurs anciens maîtres maures.
Un réfugié de Ndiawar expliqua pourquoi il pensait que l’action du gouvernement mauritanien avait été préméditée.
D’une manière générale, il était très important d’éloigner les Négro-mauritaniens du reste du monde noir, particulièrement du Sénégal avec lequel les liens étaient solides et séculaires. C’est, d’une certaine manière, l’une des choses dont on peut penser qu’elle a été préméditée et bien préparée. Alors que certains événements qui ont eu lieu en 1989 étaient des représailles à certains faits imprévus, la nécessité d’isoler les Noirs et de les séparer du monde noir sous-tendait véritablement la politique gouvernementale et était assurément préméditée. Il y a eu tant d’exactions dans la vallée, des personnes battues, tuées, etc., qu’il est difficile de prétendre que les événements de 1989 se sont passés comme ça, ex-nihilo. Depuis 1987, lorsque les Sénégalais se rendaient en Mauritanie, ils devaient se présenter à la police pour y déposer leur pièce d’identité et étaient soumis à d’interminables interrogatoires sur l’objet de leur visite, leurs activités, leurs déplacements. Ils pouvaient être appréhendés en ville et, si par exemple ils n’avaient pas leur pièce d’identité sur eux, ils pouvaient être arrêtés comme des délinquants (17).
Le nombre exact des personnes expulsées n’est pas connu. Il est d’autant plus difficile à déterminer que des centaines de Noirs ont fui la Mauritanie pour échapper aux persécutions. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime qu’en juin 1991, il y avait 52.995 Mauritaniens au Sénégal; en juin 1993, 52.945 était enregistrés. La plupart des observateurs s’accordent pour dire que le chiffre réel est bien supérieur étant donné que celui avancé par le HCR comprend seulement les réfugiés régulièrement inscrits auprès des autorités locales et ne tient pas compte des milliers d’autres qui vivent chez leurs proches sur la rive sénégalaise du fleuve ou dans les villes du Sénégal. Un nombre plus réduit de réfugiés a également fui vers le Mali. Le chiffre officiel donné pour ce pays est de 13.000. Mais là aussi, le chiffre réel est sans aucun doute plus élevé car l’intégration dans la vie locale des communautés maliennes est facile.
La première phase d’expulsions en Mauritanie s’opéra globalement selon trois schémas: l’expulsion de villages entiers au sud, l’expulsion des bergers peuhls et l’expulsion sélective dans les villes.
Les villages du sud
Dans les villages du sud, les forces de sécurité expulsèrent les Noirs de façon indiscriminée, obligeant parfois des communautés entières à traverser le fleuve vers le Sénégal (voir chapitre 4 sur les terres.) Les forces de sécurité encerclèrent les villages, détruisirent les pièces d’identité des habitants, confisquèrent le bétail et les biens, embarquèrent les villageois de force sur des pirogues à destination de la rive sénégalaise du fleuve. Ceux qui résistèrent ou tentèrent de fuir avec leurs biens furent arrêtés, emprisonnés et parfois exécutés.
Des villages entiers au sud furent incendiés ou détruits par l’armée (18). Un secouriste originaire de cette région, qui s’y rendit en novembre 1990, fit ces commentaires sur l’ampleur des dégâts:
Dans les régions de Brakna à Sélibaby, j’ai décompté environ trente villages qui avaient été vidés de leur population halpulaar. Certains d’entre eux sont à présent occupés par des Maures; beaucoup ont été incendiés et vidés. Les Maures se sont installés dans certains villages comme Néma et Gourel Gobi (près de Djowol) et y cultivent les terres. Lorsque j’ai vu ce qui s’était passé, j’étais complètement abattu. Je fus saisi d’un fort sentiment d’injustice sociale (19).
Dans les régions de Brakna, de Trarza et de Sélibaby, de nombreux villages furent “vidés” de leurs habitants et sont actuellement occupés par des Maures. Selon un réfugié: “Il y a ici des femmes dont les maris sont de l’autre côté; des maris dont les femmes sont restées sur l’autre rive. Frères, pères et fils sont séparés les uns des autres” (20).
Ahmed, un paysan et éleveur, fut expulsé de Brakna avec 400 autres personnes. Il décrivit les abus et la tragédie qu’ils vécurent lors de leur expulsion.
Trois filles se sont noyées. Parmi elle, ma fille âgée de 12 ans; les deux autres, âgées de 11 ans, étaient les filles de nos voisins. Nous étions dans notre village lorsque les gendarmes sont venus, accompagnés de Haratines et de Maures blancs armés de fusils, de haches et de couteaux. Ils ont rassemblé nos biens et ont embarqué 50 ou 60 d’entre nous –hommes, femmes et enfants– dans un camion. Nous avons été complètement fouillés et dévêtus. Les hommes étaient en culotte et chemise et les femmes en linges de corps. Ils nous ont même pris nos chaussures. On a ensuite été conduit à la gendarmerie où ils nous ont dépouillés de nos biens avant de nous conduire jusqu’au fleuve. Comme il n’y avait pas de pirogue du côté mauritanien, ils nous ont ordonné de nager. Les personnes âgées qui ne pouvaient pas nager ont dû être transportées par les hommes. J’ai dû porter mon propre père.
Nous avons été expulsés le 27 juin [1989]. Le 28 juin, les corps des trois fillettes ont été retrouvés à différents endroits sur le fleuve. Nous sommes ensuite allés à Djoudé où nous sommes restés pendant deux mois avant de venir ici (21).
Dans un entretien avec Human Rights Watch/Africa, deux femmes originaires de Ngnawlé décrivirent l’expulsion des habitants de leur village. Ce qui suit est une synthèse de leurs témoignages.
Rien ne laissait présager ce qui nous attendait. Soixante-quatre soldats lourdement armés sont arrivés un matin très tôt et ont encerclé le village. A huit heures du matin, les hommes ont été convoqués à une “réunion” et placés sous une tente. A 10 heures, les femmes ont été convoquées à leur tour. Nous avons refusé d’y aller arguant du fait que nos hommes étaient détenus depuis le matin et n’avaient même pas été autorisés à prendre leur petit-déjeuner. Pour protester contre leur détention, les hommes ont quitté la tente. Les militaires les ont bloqués, fusils braqués. Nous savions que l’objectif était de nous déporter. Les soldats ont demandé des renforts. Ils ont obligé l’ensemble du village à s’asseoir toute la journée en plein soleil, sans rien manger. Les renforts sont arrivés à 6 heures de l’après-midi. Parmi eux, un Haratine nous parla discrètement. Il nous dit de ne pas résister car nous risquions d’être tués. Il nous dit ensuite qu’il ne pouvait pas nous protéger mais juste nous donner un conseil. Après cela, le village dans son ensemble tomba d’accord sur le fait que nous n’avions d’autre choix que de partir tous ensemble. Cependant, ils ne prirent que les hommes et laissèrent les femmes.
Il y avait là un très vieil homme de 78 ans à qui ils ont délibérément cassé les lunettes. Ils obligèrent les hommes à traverser le fleuve et brutalisèrent les femmes. Ils emmenèrent de nombreuses jeunes filles qu’ils violèrent avant de les ramener. Ils dévêtirent les femmes dont ils ne voulaient pas. Les plus jeunes furent laissées simplement avec leurs linges de corps. Les femmes et les enfants furent ensuite transportés dans des camions à Salindé, à une centaine de kilomètres, pour les embarquer sur des pirogues. Après la traversée, des villageois sénégalais nous ont amenés sur la rive du fleuve opposée à notre village (22).
Un réfugié décrivit à Human Rights Watch/Africa l’expulsion, le 22 décembre 1989, d’un village d’environ neuf familles, d’à peu près huit membres chacune:
Vers trois heures de l’après-midi, le village entier a été convoqué à une réunion de recensement. On nous a demandé d’apporter nos pièces d’identité ainsi que tout autre document attestant de notre état civil afin qu’ils puissent déceler les faux documents. Lorsque nous furent tous rassemblés, la plupart des cartes d’identité, des actes de naissance et autres documents ont été confisqués. On nous a ensuite dit que ceux dont les pièces d’identité n’avaient pas été confisquées pouvaient rentrer tandis que les autres devaient rester.
Les hommes dont les cartes d’identité avaient été confisquées ou qui n’en avaient pas ont été escortés jusqu’à leur domicile par trois gendarmes, deux agents de la Garde Nationale et plusieurs policiers. Lorsque nous sommes arrivés, chaque homme a dû faire un décompte détaillé de tous les membres de sa famille. Chaque membre de la famille a dû sortir de la maison tel qu’il était habillé. Ceux qui portaient de beaux habits ont dû les enlever et donner leurs montres. Toutes les femmes qui portaient des bijoux en or ont également dû les donner. Les familles ont été obligées de monter dans des camions. Nous avons été conduits jusqu’au bord du fleuve, à un endroit appelé Deamil, à environ quinze kilomètres du village, où on nous obligea à traverser. Sous la menace de fusils, certains d’entre nous furent obligés d’embarquer dans des pirogues, d’autres de traverser à la nage. Tout le monde ne savait pas nager et les personnes âgées ont particulièrement souffert. Beaucoup se sont noyés (23).
A SUIVRE…
HUMAN RIGHTS WATCH/AFRICA
Témoignage: avril 1989, début de campagne de terreur en Mauritanie, rapport de Human Right Watch
Le 9 avril 1989, à Diawara, un village situé sur une île du fleuve Sénégal, un conflit entre des bergers mauritaniens et des paysans sénégalais entraîna la mort de deux de ces derniers. Cet incident– pour lequel le Sénégal a tenu les autorités mauritaniennes responsables, malgré les démentis répétés de celles-ci –va engendrer une série d’événements qui mena la Mauritanie et le Sénégal au bord d’un conflit. L’hostilité entre les deux pays provoqua une vague de violences ethniques et de tueries qui se solda rapidement par l’expulsion de dizaines de milliers de Noirs de Mauritanie, expulsions accompagnées de nombreuses exécutions sommaires, d’arrestations arbitraires, de tortures, de viols et de confiscations de biens.
L’un des facteurs sous-jacents de ce conflit et des expulsions qui suivirent est la tendance qu’ont les Beydanes à considérer les Négro-africains comme étant des Sénégalais, la nationalité mauritanienne comptant moins que l’identité raciale. Il semblait par conséquent logique pour les Beydanes de s’en prendre aux Négro-mauritaniens en représailles des attaques perpétrées par les Sénégalais contre les Mauritaniens blancs.
Aucune preuve n’a été établie indiquant que ces expulsions faisaient partie d’un “plan global” prémédité par les autorités mauritaniennes visant à l’élimination de la population noire. Il semble plutôt que ces dernières aient profité de cette occasion pour accélérer leurs efforts d’arabisation du pays et se venger sur les groupes ethniques noirs des attaques dont firent l’objet les Maures mauritaniens au Sénégal. Il est clair que ces expulsions avaient aussi pour objectif de terroriser la population noire.
Les expulsions doivent être analysées dans le contexte de la structure sociale traditionnelle qui prévaut dans la vallée du fleuve Sénégal. Pendant des siècles, le fleuve était une artère de communication et de commerce, le centre de la société, en somme, l’antithèse d’une frontière. Le fleuve était, comme l’a décrit un Mauritanien, “comme une rue du village”: les familles vivaient et cultivaient fréquemment des deux côtés; les pirogues ou les canoës allaient et venaient et le commerce se faisait librement entre les deux rives. La notion de fleuve en tant que frontière administrative et politique était totalement contraire aux coutumes et traditions locales.
Pendant la période coloniale, le territoire qui comprend actuellement le Sénégal et la Mauritanie était administré à partir de Saint-Louis au Sénégal. Malgré la création de deux pays distincts en 1960 (11), la vie le long de la vallée du fleuve Sénégal resta pratiquement inchangée pour la majorité de la population. Les habitants de la vallée n’avaient pas vraiment l’utilité de papiers officiels tels que des cartes d’identité, sauf s’ils envisageaient de poursuivre des études supérieures ou de postuler à certains postes; la plupart des Noirs de la vallée ne possédaient donc pas de papiers établissant leur nationalité. La plupart d’entre eux étudiaient à Saint-Louis ou à Dakar, où se trouvaient les établissements d’éducation supérieure, ou s’y rendaient à la recherche d’un emploi; mais ils revenaient plus tard vivre en Mauritanie. En outre, les bergers peuhls, dont la vie nomadique était basée sur des déplacements libres et illimités, considéraient les pâturages des deux rives du fleuve comme leur domaine naturel.
La capitale administrative coloniale, Saint-Louis, fut sise à l’indépendance dans le territoire sénégalais, impliquant ainsi que les fonctionnaires mauritaniens de l’ère coloniale vécurent et travaillèrent dans ce qui devint le Sénégal; leurs enfants y naquirent. Ceux qui, parmi ceux-ci, s’installèrent plus tard à Nouakchott ou rentrèrent en Mauritanie pour prendre leur retraite, furent accusés en 1989 d’être originaires du Sénégale. Beaucoup furent expulsés. Cela est particulièrement vrai pour leurs enfants.
Etant donné sa mobilité, la population de cette région vécut les événements de 1989-90 comme un choc violent. Du jour au lendemain, la rive mauritanienne du fleuve se transforma en zone militaire sous haute surveillance et un couvre-feu fut imposé. Bien que non déclarées officiellement, ces mesures avaient les effets d’un état d’urgence. Le fleuve lui-même devint un “no man’s land” où n’osaient plus s’aventurer les riverains. Familles et villages furent séparés et la communication devint presque impossible.
Bien que les expulsions massives aient pris fin en 1990, des cas isolés d’expulsions, d’arrestations et d’assassinats furent rapportés jusqu’en 1993. La vallée du fleuve Sénégal est placée sous une sorte d’occupation militaire, de nombreuses bases militaires assurant le maintien d’une atmosphère de répression générale.
LES EMEUTES DE DAKAR ET DE NOUAKCHOTT
A la suite du conflit frontalier de Diawara, qui entraîna la mort de deux Sénégalais, de violentes émeutes anti-Mauritaniens éclatèrent à Bakel, Dakar et dans d’autres villes du Sénégal. Les Mauritaniens possédant la majorité du commerce de détail au Sénégal, nombreuses de leurs boutiques furent pillées. Mark Doyle, un journaliste britannique basé à Dakar, fit la description suivante des violences:
Presque immédiatement après que la nouvelle du meurtre de deux Sénégalais à la frontière s’est répandue –tués, selon les médias sénégalais, par des Mauritaniens– le pillage des boutiques des Mauritaniens a commencé dans la ville voisine de Bakel. La police sénégalaise a dû prendre les Mauritaniens sous sa protection pour éviter que les villageois mécontents ne les attaquent. Ce scénario s’est répété à travers tout le Sénégal…[d]ans la banlieue de [Dakar], le pillage systématique des boutiques appartenant aux Mauritaniens semble être devenu un sport national (12).
Les attaques des boutiques mauritaniennes commencèrent véritablement à Dakar les 22 et 23 avril. La plupart des destructions semblent avoir été le fait de bandes de jeunes chômeurs, ce qui amena nombre d’observateurs à lier les évènements de Dakar à un sentiment croissant de frustration engendré par la situation économique et politique du pays. La police parvint finalement à restaurer l’ordre dans la nuit du dimanche 23 avril.
Les violences de Dakar déclenchèrent des émeutes à Nouakchott. La tension s’accrut à Nouakchott et à Nouadhibou le 24 avril alors que les nouvelles des pillages perpétrés au Sénégal se répandaient. La campagne de terreur contre les Négro-mauritaniens commença les 24 et 25 avril. Dans la soirée du lundi et pendant tout la journée du mardi qui suivit, des Haratines armés furent amenés en camion dans les quartiers sénégalais de la ville (13). Les Négro-mauritaniens, les Sénégalais, ainsi que les autres Noirs africains furent brutalement attaqués, soumis à toutes sortes de sévices et certains furent battus à mort. Bien qu’aucun chiffre précis ne soit disponible, on estime qu’au moins 150 à 200 Noirs furent tués. Le gouvernement mauritanien décréta l’état d’urgence à Nouakchott et à Nouadhibou le mardi 25 avril.
Un expatrié, qui travaillait à Nouakchott pour une organisation humanitaire au moment des émeutes, décrivit de la manière suivante les actes de brutalité dont il fut témoin:
Une foule a surgi dans la rue et, arrivée au niveau de l’intersection, s’est dirigée vers une maison, que rien ne distinguait des autres maisons du quartier, sinon qu’elle était supposée appartenir à un Sénégalais. Les jeunes ont commencé à jeter des pierres et des bouts des bois sur le mur de la maison. Les vitres se sont brisées et ils se sont dirigés vers la porte. C’était triste de regarder la scène sans pouvoir rien faire. D’autres personnes se joignirent ensuite à la foule qui essayait de pénétrer en masse dans la maison. Ils commencèrent ensuite à sortir avec des livres qu’ils jetèrent en l’air et dont ils déchirèrent les pages; deux hommes prirent un réfrigérateur; plusieurs autres partirent en courant emmenant des chaises et des lits sur leur tête. Les passants s’arrêtaient, observaient la scène pendant un instant, puis continuaient leur chemin…La maison…appartenait à un Mauritanien noir dont le nom de famille se trouvait être Senghor, comme le nom du premier président du Sénégal. C’était également un diplomate mauritanien (14).
Ce témoin rapporta qu’après les pillages de Nouakchott, la population noire resta longtemps terrifiée.
L’horreur des événements d’il y a deux nuits était encore présente sur les visages apeurés des personnes dans la rue. Ce qui avait commencé comme des représailles contre les Sénégalais se termina par le massacre de tous les Négro-africains. Les personnes tuées étaient dans leur majorité sénégalaises, mais des Maliens, des Guinéens et des Mauritaniens — des Pulaars, des Wolofs et des Soninkés – faisaient aussi partie des victimes. Ironie du sort, la majorité de ces foules était constituée de Maures noirs, qui ont fait preuve d’un esprit de vengeance terrifiant: ils battirent, tuèrent, volèrent les Négro-africains. Tout devint gratuit pour tout le monde. D’abord, on s’attaqua aux boutiques des Sénégalais, ensuite à leur personne, puis on s’en prit à tous les magasins et à toutes les maisons des Noirs, pour enfin finir par leur prendre la vie. A l’hôpital, il y a des tas de cadavres, que personne ne réclame. Les autorités ne laissent pas les gens identifier les corps. Beaucoup de personnes à Nouakchott ne savent pas si leurs proches ou amis sont morts, blessés ou s’ils sont encore en vie.
Toutes les boutiques des Négro-africains appartiennent désormais au passé. Toutes les machines des tailleurs ont été brisées ou volées. Les vendeurs de tissus ont été battus, leurs magasins défoncés et la marchandise volée. Les magasins de musique ont été pillés et démolis. Tous les studios de photo en ville appartenaient aux Négro-africains; leur matériel a été volé. La plupart des restaurants étaient gérés par des Noirs; leurs réfrigérateurs ont été pillés, les tables ont été brisées et les poêles, casseroles et ustensiles volés.
Dans un premier temps, l’ampleur des massacres de Nouakchott n’a pas été connue au Sénégal. Les sources officielles et les reportages de la presse parlaient d’une vingtaine de personnes tuées, alors qu’en réalité les chiffres étaient de loin supérieurs. A la fin de la semaine, lorsque les gens eurent une idée plus précise de ce qui s’était passé, les violences éclatèrent à nouveau dans les villes sénégalaises, y compris à Dakar. Doyle écrivit:
En guise de représailles aux meurtres commis en Mauritanie, les foules se sont emparées principalement des Maures blancs qui n’avaient pas encore trouvé de refuge et les ont tués sauvagement. La plupart des tueries ont eu lieu à Dakar. J’ai personnellement compté 38 corps de Mauritaniens à la morgue centrale, y compris ceux de deux enfants en bas-âge dont les têtes avaient été écrasées. Alors qu’au moins 38 Maures ont été tués à Dakar, de source policière on apprenait que 12 autres avaient été tués à Touba, dans le centre du pays, et quatre dans la ville toute proche de Djiorbel. Avec tous les autres incidents rapportés, le chiffre global donné était de 50 à 60 victimes, mais là encore ces chiffres n’étaient pas définitifs (15).
Sous une forte pression internationale visant à prévenir d’autres bains de sang, le Sénégal et la Mauritanie se mirent d’accord pour rapatrier leurs citoyens respectifs. Un pont aérien international fut mis en place. La France, l’Espagne, l’Algérie et le Maroc fournirent les avions nécessaires au programme de rapatriement. On estime que furent rapatriés 100.000 Mauritaniens et 85.000 Sénégalais.
La grande différence entre les violences commises au Sénégal et celles perpétrées en Mauritanie résida dans l’attitude des autorités locales. En Mauritanie, le gouvernement et les forces de sécurité furent directement impliqués dans les attaques contre les Noirs. On vit des Haratines utiliser des camions militaires et les forces de police ne firent rien pour arrêter la violence. La police séné
galaise, quant à elle, fut certes coupable de négligence et d’inefficacité, mais n’a pas semblé pas avoir été directement impliquée dans les attaques contre les Mauritaniens. ..
A suivre…
HUMAN RIGHT WATCH)
Flamnet- notes de lecture : Gendarme en Mauritanie de Harouna Rachid LY par Thierno Touré
Auteur : Harouna LY
Titre : 1989, Gendarme en Mauritanie.
Editions Cultures croisées, 2007, 148 pages.
Les récits de vie qui retracent les calvaires de Mauritaniens en butte à la Terreur de l’Etat sous le règne du despote Ould Taya ne sont guère légion ; mais quelques livres de témoignages, assez bien connus désormais, restent emblématiques de la trajectoire chaotique du jeune Etat mauritanien, qui, entre montée de nationalismes et dérives ethnicistes, a failli dangereusement à sa mission régalienne, en s’étant livré à des purges ethniques sur ses propres « citoyens » : J’étais à Oualata. Le racisme d’Etat en Mauritanie de Alassane Harouna BOYE et L’enfer d’Inal. Mauritanie, l’horreur des camps de Mahamadou SY sont devenus, en effet, des classiques pour quiconque veut s’informer sur les « années de braise » du règne de Ould Taya.
Il restait, tout de même, une lacune : l’année 1989, celle du limogeage de la fonction publique et de la déportation de milliers de « Négro-mauritaniens » au Sénégal et au Mali. La lacune est désormais comblée par le livre de Harouna Ly: 1989, Gendarme en Mauritanie.
Le récit de vie de Harouna Ly commence en 1981, huit ans avant les douloureux évènements qui ont opposé la Mauritanie au Sénégal et l’Etat mauritanien à ses citoyens « négro-mauritaniens », assimilés à des Sénégalais. Harouna Ly (dit Rachid) n’est encore qu’un jeune élève insouciant qui passe son baccalauréat. Comme beaucoup de jeunes gens de Nouakchott, il n’a qu’une idole : Bob Marley, la star jamaïcaine du reggae, qui, en ce début des années quatre-vingt, fascine et envoûte la jeunesse du monde entier, surtout celle du Tiers monde, en quête d’une icône en symbiose avec ses rêves et ses utopies juvéniles. Entre les accents révolutionnaires de la musique jamaïcaine et les films de Western que les « salles obscures » nouakchottoises proposaient aux jeunes gens (cinémas El Mouna, El Feth, Le Jouad etc.), il y avait peu de place à la nonchalance.
Le jeune impulsif Rachid, qui vient de quitter le lycée après avoir lancé un courtois «vous êtes un colonialiste attardé ! » à son examinateur, est un petit baroudeur, provocateur à l’envie, qu’il faut urgemment encadrer par l’exercice d’un métier qui l’astreigne à un minimum de discipline. Cela se révèle désastreux pour le matériel du Centre de formation professionnelle de la SONELEC (Société nationale d’électricité), qu’il emploie son énergie à détruire joyeusement.
L’oncle de Rachid, plus que jamais préoccupé par le devenir de son neveu, a une idée astucieuse : engager son neveu à prendre l’uniforme pour réfréner les ardeurs belliqueuses du jeune frondeur. De tous les corps, le jeune bagarreur ne connaissait que la police, avec laquelle il n’avait pas beaucoup d’atomes crochus ; et pour cause !
« si par mégarde votre poing heurtait le menton du voisin », les policiers ont la fâcheuse habitude de « vous mettre au violon » (page 35)
L’oncle de Rachid jette son dévolu sur la gendarmerie, corps d’élite de l’armée, qui saura contenir, dans les limites de l’ordre et de la discipline, les élans effrénés du tempérament du jeune « cow-boy ».
Quoique voyou, le petit garnement est brillant. Il est admis, au pied levé, au concours d’entrée à l’ECOGEND (école de gendarmerie, basée à Rosso), classé troisième sur la liste des candidats reçus.
Chicaneur et chipoteur pour un rien, le petit indocile ne sait pas encore que les ordres sont les ordres. Il part du mauvais pied et est vigoureusement rabroué par ses supérieurs, qui lui représentent objectivement les plates-bandes sur lesquelles il ne faut pas marcher..sous peine de perdre sa peau :
« Le Lt Sall Yérino Daouda me fit ramper en pleine canicule entre les salles de classe et le poste de police sur un goudron surchauffé. Ma peau se détachait par lambeaux et n’eût été l’intervention de l’Adjudant-chef Dieng Mamadou Abdoulaye, j’aurais perdu l’essentiel de ma chair. »
Il a désormais le salut impeccable et le garde-à-vous spontané et déférent ; d’autant qu’il a fini par apprendre, à ses dépens, que dans l’armée la discipline est de fer et que l’on sait, avec beaucoup d’humour, mettre définitivement de l’eau dans les bouffonneries des petits plaisantins qui ignorent encore la discipline militaire. Il marche, maintenant, d’un bon pied, droit dans ses souliers :
« Un matin, alors que tous les élèves étaient en rassemblement dans la cour, je restais bien au chaud dans mon lit (.) je criai devant tout le monde que ce lieu n’était pas une école mais un camp nazi ; que ces sadiques gradés voulaient notre peau ; qu’on nous faisait bouffer une nourriture indigne d’un chien éthiopien (.) j’aurais continué mon violent réquisitoire si le Lt. Dia n’y avait mis un vigoureux holà. Pendant une journée, je fus soumis aux sévices les plus sévères : om me fit ramper avec un sac de sable sur le dos et un fusil Mauser dans la saignée des bras ; on me trempa dans la piscine et enfin on me fit chanter (le comble ! chez moi on ne chante que les louanges d’Allah et de son prophète). Bououh ! Je sortis de cette mésaventure carrément cabossé, mais avec la ferme décision de la boucler une fois pour toutes. »
(pages 46-47)
Passée la période de redressement, Rachid se révèle un bon élément : classé également 3ème à l’examen de sortie, il choisit la « Brigade mixte » et est muté à Nouakchott. Rachid ne ménage pas le gendarme qu’il est devenu et livre au lecteur des confidences sur le « corps d’élite » de l’Armée, dont les méthodes pour recueillir les aveux, n’étaient ni des plus douces, ni des plus délicates :
« Ismael Ould Baby dit le Fakir, originaire de Boutilimit et petit-fils du grand marabout Yacoub O/ Cheikh Sidiya (.) était contre les enquêtes brutales et passait le plus clair de son temps à saquer les apprentis-tortionnaires que nous étions devenus. Il est vrai qu’à l’époque, à l’insu du GMC, nous étions souvent prompts à user de la gifle et de la gégène électrique que nous branchions sans beaucoup de remords sur les parties nobles de la clientèle ». page 57.
En ce milieu des années quatre-vingt, la situation politique était délétère à Nouakchott. Lorsque Rachid Ly, qui « avoue franchement n’avoir jamais nourri de penchant marqué pour la politique» (page 60), est muté, en mai 1987, à Akjoujt, il est bien heureux de s’éloigner de la capitale. C’est à Akjoujt pourtant, où il se coulait des jours bien tranquilles depuis 1987, qu’il fut convoqué en mai 1989 par son commandant de brigade, qui l’informa qu’il était « convoqué » à Nouakchott, à « l’ Etat Major ».
En quittant Akjoujt, Rachid Ly ne se fait guère d’illusions. Il constate que l’Etat mauritanien est en train de souffler sur les braises ethniques et de trier sur le volet tous ceux qui n’appartiennent pas à la bonne ethnie :
« De jour en jour les convoqués se multipliaient et les brigades se vidaient petit-à-petit de leurs éléments négro-mauritaniens. » (page : 127)
Arrivé à l’Etat Major, il est accueilli, en même temps que son ami Wade Abdoulaye, par des collègues pressés de leur trouver une nationalité étrangère :
« Au B1, je trouvais une espèce de comité d’accueil composé d’un gendarme debout à l’entrée de la porte, du Capitaine Ahmed Ould M’Bareck (futur colonel), commandant les effectifs et du Lieutenant Hamama (.) J’en étais là de mes pensées quand le Capitaine Ahmed M’Bareck m’apostropha :
– « Quel sont tes nom, prénoms, date et lieu de naissance ? »
(.)
– « Les réponses à vos questions se trouvent dans le carnet que vous avez devant vous ! Répondis-je.
– Bien. Acquiesça-t-il. On vous soupçonne d’être Sénégalais. Avez-vous une réponse à ça ?
– Non !
– Donc vous êtes Sénégalais.
– C’est vous qui le dites ! Mais il reste à le prouver. »
(.)
– « C’est de vous qu’il s’agit.Répondez clairement !
– Je suis né à Wouro-Dialaw, un patelin situé à 3 km à l’Est de Bababé. Mon père, son père et le père de son père y sont nés et enterrés. Mon capitaine, je m’étonne que la gendarmerie me soupçonne d’être Sénégalais (.)
– Votre fils Mohamed et votre épouse sont nés au Sénégal.
– (.) De toute façon, le fait que mon fils et sa mère soient nés au Sénégal ne fait pas d’eux des Sénégalais. On peut voir le jour au Laos et être de nationalité chilienne (.)
– Vous reconnaissez donc avoir des attaches au Sénégal ?
– Si vous prenez pour des « attaches » le fait que ma femme et mon gosse aient vu le jour dans ce pays et que mon oncle y travaille, eh bien, j’y ai des attaches. Si c’est à cause de ces « attaches » que l’on déporte, arrête et révoque le personnel du Corps, laissez-moi vous dire qu’il n’existe pas un Mauritanien sans « attaches » au Sénégal, au Congo, en Gambie ou ailleurs. »
Dépité, le capitaine posa deux ou trois questions, sans conviction, et me demanda d’attendre dehors.
Quand, quelques minutes plus tard, j’entendis le Capitaine M’bareck demander à Wade Abdoulaye de décliner son identité, je me dis que ces gens n’étaient pas sérieux. Wade et le capitaine Ahmed M’Bareck sont tous les deux ressortissants de Keur-Macène et ils se connaissaient suffisamment pour que le capitaine passe sur certains détails de l’interrogatoire. D’ailleurs, excédé, Wade le lui rappela bruyamment :
– « Je suis d’où ? Vous le savez autant que moi. Dites plutôt ce qu’on me reproche et qu’on en finisse ! »
(.)
– « Vous êtes mis à la disposition de l’EHR [Escadron Hors Rang] ! avait dit le Capitaine Ahmed M’Bareck à l’issue de « l’enquête ».
Pages 130-131-132-133.
Après l’entretien, ils sont « mis à la disposition » du maréchal-des-logis Ould Diyé et sont conduits au GEMO (Groupement d’Escadrons et de Maintien d’Ordre), dans des « cellules puantes de deux mètres sur deux, » où s’entassent les gendarmes « négro-mauritaniens » arrêtés pour délit d’appartenance ethnique. Rachid sait qu’il est l’otage d’un drame qui fait peu de cas de sa responsabilité individuelle et que les démons ethnicistes (que l’intérêt supérieur de la Mauritanie eût pu exorciser, si ses dirigeants avaient une conception noble du vivre ensemble) ont besoin de boucs émissaires :
«Côte à côte, nous prîmes le chemin conduisant au GEMO où des prisons de 2×2 m nous attendaient ; des cellules dans lesquelles, devant le nombre croissant des convoqués, on fourrait jusqu’à une douzaine de personnes ensemble(.) Allah est grand ! Lui qui entend tout et voit tout sait que je n’ai commis aucun crime ; je n’ai rien à me reprocher et si au nom d’une conjecture qui ne dit pas son nom quelques tarés voulaient me faire payer je ne sais quelle faute, Dieu les jugera bien un jour. Quelle vie ! Tu te réveilles à l’heure, tu montes à l’heure, tu descends à l’heure, tu gagnes honorablement ta vie, tu ne fais tort à personne, tu te décarcasses jour et nuit pour remplir ta mission et celle des autres.au bout tu gagnes quoi ? Une place rétrécie dans une cellule puante ». pages 133-134.
Rachid échappe au sort de beaucoup de gendarmes « négro-mauritaniens » qui se voient arbitrairement incarcérer dans de cellules exiguës et répugnantes, avant leur révocation et déportation. Sur le point d’être parqué « à l’hôtel quatre étoiles du GEMO », il croise heureusement Moctar Ould Eléyouta, chef du service général de l’EHR (Escadron Hors Rang), outré d’assister indifféremment aux mauvais traitements infligés gratuitement à une connaissance de longue date. Rachid ne fera pas partie du lot peu enviable des pensionnaires du GEMO : il sera gardé « au poste de police » (page 135), dans des conditions relativement décentes.
Huit jours après la première audition, la gendarmerie a eu le temps de fabriquer de nouveaux chefs d’accusation contre Rachid LY : au crime de « sénégalité » s’ajoutent désormais d’autres crimes de lèse-majesté : délit de parenté (d’ailleurs fictive) avec «l’ex-commissaire Ly Mamadou », alors en prison à Oualata, pour son appartenance supposée aux FLAM (Forces de Libération africaines de Mauritanie) et être membre lui-même du mouvement clandestin. Il est conduit sous haute escorte auprès du lieutenant Sultane, chargé d’instruire son dossier :
« Le huitième jour de ma détention, vers 10 heures, quatre gendarmes armés jusqu’aux dents se présentèrent au poste de police :
– « Nous cherchons le gendarme Ly !
– Pour aller où ? leur demandai-je.
– C’est pas votre problème. Allez, passez devant !
– Non ! Je ne bougerai pas d’un poil avant de savoir là où je mets les pattes !
– Vous êtes convoqué par le lieutenant Sultane !
– Allez lui dire que je n’ai nul besoin d’être escorté par un carré d’affreux pour répondre à sa convocation. Comme si j’étais un criminel, comme si j’avais tué, pendu, enterré vivant ou gazé quelqu’un. Dites-lui que je suis venu d’Akjoujt à Nouakchott seul et sans escorte ; que si je voulais m’échapper ou fuir, je ne me serais pas présenté à l’Etat-Major où je savais que je ne serais nullement accueilli avec des fleurs..
L’adjudant Moctar intervint :
– «Ne fais pas le con, hé ! Il faut aller avec eux. Tu as peur qu’ils te trouent la peau en cours de route ou quoi ?
– Bof ! Allons-y !
– Mettez-vous en tenue correcte, vous allez comparaître devant un officier.
– Non ! Si la gendarmerie était la gendarmerie telle qu’elle est connue, je ne serais pas là avec une aussi triste compagnie que la vôtre. Je vais comparaître comme ça, en tenue débraillée car je sens que bientôt, je n’aurais plus besoin de ces oripeaux-là. »
(.)
Sultane me pria de m’asseoir, ouvrit un énorme dossier déposé devant lui et me dit, sans préambule :
– « On vous soupçonne d’être sénégalais.Quelle. ?
– Le B1 m’a déjà posé cette question ; ça devient une idée fixe !
– Répondez !
– Qu’est-ce que vous voulez que je vous réponde ? (.)
– Selon nos informations, vous avez des parents au Sénégal.votre femme.
-. et mon fils sont nés là-bas ! (.) j’en ai aussi en France, au Gabon, en Côte d’ivoire et en Italie. Est-ce à dire que j’ai ces nationalités-là ?
– Bon. Connaissez-vous les FLAM ?
-Votre question n’est pas claire !
– Est-ce que vous connaissez les FLAM ?
– J’en ai entendu parler.
– Connaissez-vous quelqu’un de ce mouvement ?
– Je sais que des individus qu’on dit appartenir à ce mouvement avaient été arrêtés en septembre 1986, jugés, condamnés et incarcérés dans des prisons de l’intérieur du pays.
– Avez-vous un lien de parenté avec au moins l’un de ces individus ?
– Non !
– Et l’ex-commissaire Ly Mamadou, ancien membre du Comité Militaire de Redressement National ?
– Je ne sais même pas de quel patelin il est.
– Et pourtant tous les Ly sont de la même famille.
– Il y a des « Ly » au Mali, suis-je censé les connaître tous ?
– Lors de l’arrestation de ces « individus » (comme tu dis), beaucoup de gens ont constaté votre changement d’humeur ; vous étiez devenu mécontent et méconnaissable.
– Confrontez-moi avec ces « beaucoup de gens » !
– De sources dignes de foi, vous êtes membres des FLAM et vous teniez des réunions à Akjoujt.
– Ecoutez, mon lieutenant ! Je ne répondrais plus à aucune de vos questions
(.)
Le lieutenant sonna son planton et lui intima l’ordre de me ramener au poste de police.
J’étais furieux. Sénégalais, Membre des FLAM et quoi encore ? Demain, ils finiraient bien par m’accuser d’avoir attenté aux intérêts supérieurs de la nation. Ah ! La politique, je m’en étais toujours fichu comme de mon premier béret. »
(pages 143-147)
Le 4 juin 1989, Rachid Ly est convoqué une nouvelle fois auprès du lieutenant Sultane, dont l’expression du visage indiquait que l’instruction de son dossier était bouclée: toutes les charges qui étaient retenues contre lui sont abandonnées. L’officier lui signifia que « 60 jours d’arrêts de rigueur » lui étaient infligés « pour mauvaise manière de servir »
Deux jours plus tard, Rachid Ly est convoqué au service général de l’EHR, où on lui notifie, sans autre forme de procès, sa « radiation » de la gendarmerie qui, en cette triste année 1989, avait fait les bouchées doubles pour se débarrasser de tous ses éléments non maures :
« Le 6 juin, je fus encore convoqué mais cette fois par le Service général de l’EHR. J’y allai sans escorte, ce qui me fit comprendre que le dénouement était arrivé. Je n’avais fini de mettre les deux pieds dans le bureau du Chef de Service (.)que ce dernier poussa devant moi ma décision de révocation de la Gendarmerie Nationale. Il s’agissait plutôt d’un message court signé du Chef d’Etat-major (.) et spécifiant que le gendarme de 4ème Echelon Ly, matricule 2506, était radié du Corps pour mauvaise manière de servir (.) En sortant, je tombai sur un adjudant qui me fit une remontrance acerbe :
– « vous ne voyez pas que vous passez à côté d’un gradé ?!
– Excusez-moi ! Depuis quelque temps, je ne vois même pas les étoiles du ciel à plus forte raison celles qui tiennent sur les épaules d’un humain. » (pages 195-1956)
Les évènements sanglants de 1989 restent plus que jamais gravés dans la mémoire de millions de Mauritaniens et de Sénégalais, victimes de l’aveuglement et de l’inconscience d’hommes politiques qui, en fouinant dans les bas-fonds de l’ethnicité et des identités grégaires, ont dangereusement ethnicisé l’Etat.
En Mauritanie, on sait ce que l’Etat fit de ses citoyens « négro-mauritaniens »: licenciements massifs des soi-disant sénégalais, déportations, exactions dans le sud de la Mauritanie, dont les charniers n’ont pas encore livré tous leurs secrets etc.
Les cris d’orfraie offensés des démocrates qui militaient pour une Mauritanie plurielle n’avaient pas réussi à infléchir la trajectoire de l’Etat mauritanien qui pataugeait gaiement et insouciamment dans les eaux troubles de l’ethnicisme, de l’exaltation d’une identité mono-ethnique, dont les idéologues étaient tout yeux tout oreilles pour Saddam Hussein, l’ancien maître de Bagdad.
Tout le mérite de Rachid est d’avoir écrit un livre de témoignage sur cette page sombre de l’histoire politique de la Mauritanie. Par devoir de mémoire et pour les générations futures. Pour que plus jamais, en Mauritanie, on ne définisse l’Humanité au taux de mélanine, à la coloration épidermique.
Note de lecture de Mohamadou Saidou TOURE (Thierno) :
Paris, 02 novembre 2008
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SOS Citoyens maltraités par Madina Touré
Vendredi 11/3/2011, à 23 h 20 min environ, un mini bus 12 places des transports en commun en provenance de Kaédi avec à son bord 11 mauritaniens et un 1 étranger a été arrêté par le poste de gendarmerie mobile 32 pour ce qui devait être un contrôle de routine. Il est demandé aux passagers de présenter leur pièce d’identité. Après vérification, tout le monde est en situation régulière. Le gendarme en faction fait appel à un collègue pour un contrôle plus poussé, ce qui jusque là n’était pas contraire à la règlementation. Les bagages sont pris un à un, sous l’éclairage des phares de leur véhicule et des lampes torche, déballés du plus grand boubou au plus petit pagne. Les passagers ont voulu les laisser faire leur travail, quoi de plus normal? La conscience professionnelle doit être encouragée et même facilitée.
Ce qui n’est pas du tout normal par contre c’est ce qui va suivre. Un autre véhicule ralentit derrière le mini bus, c’est une voiture de luxe 4/4 flambant neuf avec deux passagers à son bord. Le premier gendarme alla vers eux. Et là, surprise! Non seulement notre homme de loi ne leur demande pas leurs pièces d’identité mais les laisse partir sur le champ. Les passagers du mini bus, médusés, lui demandent les raisons de cette attitude. Il répond tout bonnement que le véhicule venait de Ouad-Naga selon ses passagers. Outragés, nos chers citoyens venant de Kaédi lui demandent si leur ville ne fait pas partie de la Mauritanie ou si c’est le fait d’être Noirs ou de voyager en mini bus qui faisait d’eux des suspects.
La sécurité de notre pays doit être assurée par des hommes et des femmes censés être justes avec l’ensemble des citoyens. La justice doit-elle se baser sur des critères ethniques ou raciaux? Doit-on continuer à subir des vexations et du mépris à cause de la couleur de sa peau ou de son origine géographique? Les forces de l’ordre et de sécurité doivent-elles privilégier leurs sentiments au détriment de la justice sociale et de la sécurité de notre territoire? Le terrorisme et le banditisme sont-ils l’apanage d’une ethnie ou d’une zone géographique ?
Nos autorités nationales et régionales doivent se montrer très vigilantes vis-à-vis de leurs agents afin que des dérives raciales et régionalistes soient évitées dans l’intérêt de notre cher pays. Les routes nationales doivent être des voies de communication et de rapprochement entre les fils et les filles de ce pays et non une hantise pour les uns et un privilège pour les autres.
Que signifie la couleur de la peau dans la nationalité ? Un Haalpulaar, un Soninké ou un Wolof n’est pas forcément étranger comme un Maure Hassani n’est pas forcément mauritanien. Les exemples historiques et géographiques ne manquent pas. Rien ne prouve que les passagers du véhicule 4/4 fussent mauritaniens, rien ne prouve non plus que leur voiture ne contenait pas des armes ou de la drogue. Alors que le contrôle minutieux du mini bus a blanchi de facto ses passagers de tout soupçon.
Ressaisissons-nous avant qu’il ne soit trop tard, avant que les vieux démons du racisme et de la xénophobie ne détruisent ce que nous avons de plus cher : notre pays. Battons nous contre tous les hommes et toutes les femmes qui œuvrent dans l’injustice dans tous les domaines. La Mauritanie appartient à tous ses fils et à toutes ses filles sans distinction de races ni de couleurs. Que ceux qui vont à l’encontre de cette réalité soient punis.
Quelle douleur, quelle indignation et quelle honte pour des citoyens et des cadres de ce pays de se voir piétinés par des agents subalternes tout simplement à cause de leurs origines ethniques ou raciales.
Le président des pauvres doit sévir contre tous ces agents de maintien de l’ordre qui s’adonnent à des exactions en faisant subir toutes sortes de vexations aux citoyens ordinaires.
A bon entendeur !
Madina Touré et ses compagnons d’infortune