Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Témoignage : Hommage aux victimes des événements de 1989-91

altChers compatriotes,
Chers frères et sœurs,
Chers amis,

Il ya vingt et un ans exactement, par une nuit comme celle-ci, s’est déroulé l’événement le plus tragique et le plus sombre que la Mauritanie aura jamais vécu.

Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, dans la garnison d’Inal, 28 militaires, officiers, sous-officiers, marins et soldats de l’armée mauritanienne, furent froidement assassinés, par la méthode ignoble de la pendaison, par d’autres officiers et hommes de troupes.

Les 28 victimes de cette nuit de l’horreur et de la honte avaient pour noms :

1 -Adjudant-chef Abdoulaye DJIGO 

2 -1ère classe Samba Baba NDIAYE 

3 -1ère classe Samba Oumar NDIAYE 

4 -1ère classe Ibrahima DIALLO 

5 -1ère classe Mamadou Hamadi SY 

6 -Sergent Mbodj Abdel Kader SY 

7 -2ème classe Samba Demba Coulibaly 

8 -2ème classe Demba DIALLO 

9 -1ère classe Amadou Saïdou THIAM 

10 -1ère classe Mamadou Oumar SY 

11 -1ère classe Abdarahmane DIALLO 

12 -1ère classe Mamadou Ousmane LY 

13 -Caporal Mamadou Demba SY 

14 -Soldat Alassane Yéro SARR 

15 -Caporal Amadou Mamadou BAH 

16 -Sergent-chef Lam Toro CAMARA 

17 -Sergent chef Souleymane Moussa BAH 

18 -2ème classe Oumar Kalidou BAH 

19 -Sergent Amadou Mamadou THIAM 

20 -Sergent Samba SALL 

21 -2ème classe Abdoulaye Boye DIALLO 

22 -1ère classe Cheikh Tidiane DIA 

23 -2ème classe Samba Bocar SOUMARE 

24 -1ère classe Moussa NGAÏDE 

25 -1ère classe Siradio LÔ 

26 -1ère classe Demba Oumar SY 

27 -Sergent Adama Yero LY 

28 -Caporal Djibril Samba BAH 

Ils n’avaient commis aucun crime, pas même la moindre infraction. Aucun tribunal, militaire ou civil, ne les avait jugé et condamné. Leurs assassins n’étaient ni une bande de terroristes sanguinaires, ni une foule hystérique et aveugle.

Leur seul crime était la couleur de leur peau. Ils étaient Noirs dans une armée et un Etat, tout entier acquis au mythe de l’arabité exclusive de la Mauritanie, et engagés depuis deux ans dans une entreprise de « dénégrification » du pays.

Leurs assassins étaient des officiers et des hommes de troupes qu’ils appelaient encore, peu de jours auparavant, leurs frères d’armes, exécutant plan ourdi au plus haut niveau de l’armée et de l’Etat.

Le dessein de ces bourreaux était, semble-t-il, de célébrer le trentième anniversaire de l’indépendance, par l’immolation de 28 victimes innocentes sur l’autel d’un nationalisme perverti et d’une mystique raciste. De fait, ils n’auront pas seulement torturé et assassiné des compatriotes et des collègues ; ils auront souillé à jamais le symbole même de l’indépendance de la nation.

Cet acte innommable était l’ultime abomination d’une sanglante et interminable liste de massacres et de crimes odieux.

Entre le mois d’octobre 1990 et le mois de février 1991, toutes les garnisons militaires du pays ont été transformées en camps de concentration dans lesquels, selon des estimations partielles, plus de 500 militaires noirs ont été tués dans d’atroces conditions : torturés, électrocutés, enterrés vivants, traînés sur la pierraille par des véhicules, battus à mort. Les camps militaires de Jreïda, d’Azlat, de N’Beïka et d’Inal auront été les principaux centres de supplice. Plus de la moitié des victimes ont trouvé la mort au camp d’Inal.

Ces événements s’inscrivaient dans une vaste tragédie, à l’échelle de tout un pays. Les premiers actes de cette tragédie furent les pogroms anti sénégalais d’avril 89, qui se muèrent en quelque jours en une politique systématique d’épuration ethnique visant les populations négro-africaines, et qui révélait au grand jour les motivations profondes du « conflit sénégalo-mauritanien ».

Le gouvernement de Ould Taya, l’armée et les forces de sécurité furent les concepteurs et les exécutants d’un plan qui faisait de la Mauritanie à la fois un territoire d’exclusion et un camp de concentration.

Dans les villes, des milliers de fonctionnaires, d’ouvriers et d’employés furent arrêtés sur leur lieu travail où à leur domicile, dépouillés de leurs biens et de leurs pièces d’état civil. Dans les campagnes, des dizaines de milliers de paysans (des éleveurs peuls, en particulier) furent dépossédés de leur bétail et arrachés de leur village ou de leur terre. Tous furent expulsés de force de leur patrie et déportés au Sénégal et au Mali.

Pour les populations négro-africains qui ne subirent pas les affres de la déportation, la Mauritanie devint un immense camp de concentration, un champ clos de l’arbitraire où le prétexte du conflit avec le Sénégal laissait libre cours au déchaînement du délire et des actes racistes d’une administration et de forces armées et de sécurité entièrement acquises à l’objectif de dénégrification : humiliations, arrestations, tortures, exécutions sommaires.

Les souvenirs des survivants, ainsi que fosses communes et les charniers découverts à Sori Malee, à Wocci et dans d’autres localités témoignent de l’atrocité des années 1989-1991.

Il faudra attendre plus de quinze ans, et la chute du régime de Ould Taya, pour que se lève un léger vent d’espoir. Le 29 juillet 2007, dans une intervention radiotélévisée, le président Sidi Ould Cheikh Abdallah, élu à l’issue de la phase de transition, reconnaît la responsabilité de l’Etat dans le passif humanitaire et dans les déportations, et s’engage à œuvrer pour que justice soient rendue aux victimes et à leurs ayant droits.

Les journées de concertation organisées au mois de novembre de la même année n’aboutissent pas à des conclusions faisant la lumière sur les exactions et crimes commis et sur la sanction des responsables, mais permettent des avancées sur le retour des déportés. Le retour partiel de ces derniers, en dépit de nombreuses insuffisances et difficultés, a été amorcé début 2008.

La suite est peu encourageante et prête plutôt au pessimisme.

– Les conditions de réinstallation des déportés restent aléatoires ;

– Un nombre significatif de déportés au Sénégal n’est pas encore revenu

– Le sort des déportés résidant au Mali continue à être ignoré du gouvernement.

Mais surtout, le pouvoir du général Ould Abdel Aziz, issu du coup d’Etat d’août 2008, en dépit de ses déclarations de bonnes intentions, s’active à réduire la solution du passif humanitaire à un simple versement d’allocations aux veuves et aux orphelins des militaires assassinés.

La convention signée entre le pouvoir et une organisation de rescapés (COVIRE), précise que les familles d’officiers recevront une indemnisation égale à 2 000. 000 UM, que les ayant droits des sous officiers et soldats percevront une somme de 1 800. 000 UM, et que des terrains à usage d’habitation seront octroyés à certains.

Il est tout à fait légitime que les veuves et les orphelins des militaires exécutés reçoivent des indemnisations. Ce qui est honteux et indigne c’est que ces indemnisations soient assorties de conditions qui les assimilent à un chantage,  au de la renonciation à toute forme d’exigence de justice.  

L’article 2 de la convention entre le pouvoir et COVIRE, stipule, sans honte :  « Cette allocation constitue une réparation définitive du préjudice subi par les ayants droits, qui déclarent solennellement l’accepter et renoncer ainsi à toute réclamation, toute plainte, quelle que soit leur nature et à toute action individuelle ou collective qu’ils ont pu intenter, soit directement ou par l’intermédiaire de mandataires devant toutes les instances nationales et internationales.

La contrepartie des indemnisations octroyées par le gouvernement de Ould Abdel Aziz, c’est l’amnésie volontaire, l’effacement de nos mémoires du martyre subi par ceux qui nous étaient chers, dont la vie a été anéantie du fait de la politique raciste de l’Etat mauritanien et des ses exécutants zélés.

Cela ne peut se faire. Le règlement du passif humanitaire exige que se soient réalisés dans les faits les principes de vérité et de justice et le devoir de mémoire qui, en jetant la lumière sur les pages sombres de notre histoire, contribueront à éclairer l’avenir de la Mauritanie. 

C’est à cette seule condition qu’un jour, des charniers d’Inal, d’Azlat, de J’Reïda et des tombes anonymes des milliers d’innocentes  victimes de la haine raciste se lèveront des matins de justice et de fraternité.

 

Je vous remercie.

Aissata Niang dite Thilo du Collectif des veuves.

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Déclaration des veuves, des rescapés et le Fonadh

alt28 Novembre 2011, la Mauritanie célèbre le 51eme anniversaire de son indépendance.  Une manière singulière de célébrer une fête nationale désormais souillée du sang des innocents des nôtres. Une date qui restera à jamais marquée par 21 ans de souffrance et de larmes pour les familles des martyrs sauvagement assassinés à INNAL par le régime chauvin et raciste de Maouyaa.

Ils étaient 28 enfants de la Patrie. Ils s’étaient engagés sur l’Honneur à défendre cette Partie qui leur était chère, ainsi que la Fraternité et la Justice auxquelles ils croyaient.

 Ils étaient 28 enfants de mères qui les ont portés, les ont bercés aux harmonies mélodieuses de cette Patrie, de cette terre aimée. 28 mères qui comptaient s’appuyer sur leurs épaules généreuses. Ils étaient 28 maris magnanimes de femmes aimantes, dévouées, généreuses porteuses de leurs futurs qu’ils s’attachaient à préparer lumineux.

 Ils étaient 28 enfants de la Patrie qui ont servi leur pays avec Honneur, Fraternité et Justice. Ils étaient 28 de nos frères, de nos amis, accueillants, désintéressés, toujours prêts à servir leur pays. 

 Et ce 28 novembre 1990, certains de leurs « frères d’armes », nourris à l’idéologie haineuse du chauvinisme nationaliste arabe, infiltrés à tous les niveaux des forces armées et de sécurité, décidèrent de les sacrifier pour assouvir leur haine et celle de leurs supérieurs.

 Ces 28 frères d’armes, décrétés traitres parce négro-africains par les chauvins haineux, payaient ainsi pour avoir survécu sur divers fronts (Sahara et contingents de Nations Unies) dans leurs héroïques combats pour défendre l’Honneur de la Patrie, la Fraternité et la Justice. Dans les autres casernes, plusieurs militaires négro-africains séquestrés, atrocement torturés, dont plus de 500 succombent à une véritable épuration ethnique.

Depuis cette barbarie, le 28 novembre est devenue une journée de larmes pour des milliers de mauritaniens et une faille dans l’unité nationale. Il ne faut surtout pas se laisser tromper par la « Prière de l’absent » de Kaédi et les autres mesures d’accompagnement de ce Pardon télécommandé par le Général-Président et de  quelques lieutenants négro-africains qui ont accompagné cette manipulation.

 Cette fête de l‘indépendance rappelle plutôt des souvenirs douloureux et des frustrations accumulées. C’est pourquoi, en cette journée  de réjouissances pour certains, mais de souvenirs pénibles accumulés pour d’autres, nous réitérons nos revendications pour la vérité, la justice et le rétablissement des droits indéfectibles de toutes les victimes de cette répression barbare aussi bien les militaires que et les civils.

 Nous, Mouvement des Veuves et Rescapés Unis pour la Dignité Humaine et  le Forum des Organisations Nationales de Droits de l’Homme (FONADH),  appelons tous les mauritaniennes et mauritaniens, les associations de la société civile et  les partis politiques mauritaniens patriotiques et démocratiques de poursuivre le combat de ces 21 dernières années pour que triomphent la Justice et la Fraternité dans  notre peuple.

 Nous lançons le même appel pressant aux Institutions internationales, aux associations humanitaires et de défense des droits de l’Homme internationales pour que triomphent en Mauritanie  la Vérité, la Justice et la Réconciliation.

 

Le M V R U D U                                                              Le FONADH

Abdoulaye Diop                                                 Mamadou Moctar Sarr

Houlèye Sall    

 

Nouakchott le 27 novembre 2011

 

Liste des sous-officiers et soldats pendus le 28 novembre 1990 à Inal

 1. Adjudant chef Djigo Abdoulaye 2. 1ere classe Samba Baba Ndiaye 3. 1ere classe Ndiaye Samba Oumar 4. 1ere classe Diallo Ibrahima 5. 1ere classe Sy Mamadou Hamadi 6. Sergent Mbodj Abdel Kader 7. 2ème classe Samba Coulibaly 8. 2ème classe Diallo Demba 9. 1ere classe Thiam Amadou Saïdou 10. 1ere classe Sy Mamadou Oumar 11. 1ere classe Diallo Abderrahmane 12. 1ere classe Ly Mamadou Ousmane 13. Soldat Sarr Alassane Yéro 14. Caporal Bâ Amadou Mamadou 15. Sergent Lam Toro Camara 16. Sergent Bâ Souleymane Moussa 17. Sergent chef Bâ Oumar Kalidou 18. Sergent Thiam Amadou Mamadou 19. Sergent Sall Samba 20. 2ème classe Diallo Abdoullaye Boye 21. 1ere classe Dia Cheikh Tidiane 22. 2ème classe Soumaré Demba Bocar 23. 1ere classe Ngaïdé Moussa 24. 1ere classe Sy Demba Oumar 25. 1ere classe Lô Ciradio 26. Sergent  Ly Adama Yéro 27. Caporal Bâ Djibril Samba 28. Caporal Sy Mamadou Demba

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Mauritanie : la colère noire Par Rémi Carayol, envoyé spécial- Jeune Afrique

altAprès avoir dénoncé les dérives du processus de recensement, les porte-parole de la communauté négro-mauritanienne revendiquent un meilleur partage des richesses et du pouvoir. Reportage.

Les lunettes noires qui masquent son visage et le ton monocorde de sa voix ne laissent rien deviner de la colère qui le ronge. À l’évidence, Moussa Abdoul Mangane, un homme discret et pudique de 38 ans, n’est pas né pour jouer les tribuns. S’il est devenu, depuis quelques semaines, l’une des figures de la contestation contre ce que tout le monde ou presque en Mauritanie appelle à tort « le recensement» – il s’agit en fait d’un enrôlement –, c’est parce que son fils aîné est pour l’heure l’unique victime des manifestations qui ont embrasé le pays à la fin du mois de septembre.

C’était le 27, un mardi, à Maghama, petite cité du Sud nichée dans la fertile vallée du fleuve  Sénégal. Au deuxième jour d’une grève improvisée contre « le recensement », une centaine de jeunes s’apprêtaient à attaquer la gendarmerie lorsque Lamine Mangane a été atteint d’une balle à la poitrine. Le tir provenait de la gendarmerie. Il avait 16 ans.

Le feu couve

Paradoxalement, la Mauritanie a depuis retrouvé un semblant de paix. Les manifestations, nombreuses en juillet, août et septembre, sont plus rares. Mais le feu couve. « On n’a pas dit notre dernier mot », affirme Abdoul Birane Wane, porte-parole de Touche pas à ma nationalité (TPMN). Ce collectif, essentiellement constitué de jeunes Négro-Mauritaniens, est né à peu près en même temps que le processus d’enrôlement, qui a débuté au début du mois de mai. À la différence d’un recensement, au cours duquel des agents quadrillent le pays pour comptabiliser le nombre d’habitants, cet enrôlement oblige les Mauritaniens à se déplacer dans l’un des 54 centres implantés à travers le territoire. À charge pour eux de payer le transport et de fournir les documents prouvant leur « mauritanité ».

Mais pour le collectif, qui réclame « la fin de ce recensement discriminatoire », là n’est pas le plus grave. Ses membres dénoncent, entre autres, la sous-représentativité des Négro-Mauritaniens au sein des différentes commissions (1 seul d’entre eux, sur 12 membres, siège au comité de pilotage, et 4 commissions départementales sur 54 sont présidées par des Noirs). Ils parlent également de « questions humiliantes » et d’innombrables difficultés qui seraient faites aux seuls Négro-Mauritaniens.

Questions humiliantes

Mamadou Hamidou Sarr, 51 ans, a tenté de se faire enrôler le 4 août. En guise d’accueil, ce père de sept enfants né à Nouakchott et originaire du Brakna, une région limitrophe du Sénégal, a été mitraillé de questions et de commentaires déplaisants. « On m’a demandé si je parlais arabe. J’ai dit non. On m’a dit: “Comment! Tu es mauritanien et tu ne parles pas arabe?” » Finalement, bien qu’il ait été formellement reconnu par un membre de la commission, un notable de son quartier, on lui a demandé de revenir s’inscrire avec son frère, un gendarme.

Pour TPMN, tout cela n’est pas fortuit: « Tout est fait pour que les Négro-Mauritaniens ne puissent pas s’inscrire et pour faire perdurer le mythe selon lequel les Maures blancs seraient plus nombreux. » Fatimata Mbaye, présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), parle de « trajectoire à l’ivoirienne » et dénonce un complot visant à vider le pays d’une partie de ses habitants noirs. Pour Ibrahima Moctar Sarr, président d’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement pour la rénovation (AJD/MR), un des principaux partis à dominante négro-mauritanienne et membre de la majorité présidentielle, il y a derrière cet enrôlement « des intentions non avouées ».

À l’Agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés (ANRPTS), on jure ses grands dieux qu’il n’en est rien. À Nouakchott, on l’appelle « l’agence », parce que personne n’arrive à retenir son nom. Créée pour mener à bien l’enrôlement, elle est pourtant au centre de toutes les polémiques. En théorie, elle dépend du ministère de l’Intérieur, mais son directeur, Mohamed Fadel Ould el-Hadrami, ne rend de comptes qu’au président, Mohamed Ould Abdelaziz dont il est un proche. La nomination de Hadrami – « un commerçant qui n’a jamais œuvré dans l’administration », grognent ses détracteurs – a surpris. « Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas un grand commis de l’État », ironise un membre de la majorité.

Peut-être, mais il faut lui reconnaître une qualité: Hadrami sait vendre son produit. Dans son bureau, entouré de deux de ses collaborateurs, il nie fermement toutes les accusations et enrobe son discours de phrases bien senties – « Nous sommes un pays multiracial et nous en sommes fiers »; « Il n’y a aucun problème de racisme en Mauritanie. » Il ne reconnaît aucun déficit en communication, mais il admet que, depuis les violences, un gros effort a été effectué sur ce point. Il nie que des enquêteurs aient pu demander à des candidats à l’enrôlement de réciter des versets du Coran, puis il s’emporte: « Et même si ça a été demandé, en quoi est-ce un problème? Nous sommes un pays à 100 % musulman! » L’objectif de l’enrôlement – fiabiliser l’état civil et définir une bonne fois pour toutes qui est mauritanien et qui ne l’est pas – est vital selon lui. « Il s’agit d’une question de sécurité nationale. Aujourd’hui, des Colombiens, des Pakistanais, n’importe qui a un passeport mauritanien. Même les terroristes. »

Son adjoint promet pour sa part que personne ne sera oublié. « Depuis le mois de mai, nous avons enrôlé 150000 personnes, sur une population nationale estimée à 3,5 millions d’habitants. Nous prenons notre temps. » Sa propre tante, assure ce Maure blanc, a été réorientée. « On lui a conseillé d’aller dans son village, au nord du pays. Elle m’a appelé pour se plaindre. Je lui ai dit que je ne pouvais rien faire et que le mieux était qu’elle se rende dans son village. » Les cas de Maures blancs refoulés sont légion – « mais nous, on ne fait pas de bruit », glisse l’un d’eux. À l’inverse, de nombreux Négro-Mauritaniens n’ont rencontré aucune difficulté. C’est le cas de Sada. Ce jeune militant des droits de l’homme a participé aux premières manifestations de TPMN en juillet. Puis il a profité des vacances pour rentrer au village et s’enrôler. « Là-bas, dit-il, tout se passe bien. Les gens se connaissent. On ne m’a posé aucune question. » Aujourd’hui, il voit d’un autre œil les revendications de TPMN. « Certains jeunes sont peut-être manipulés… Mais tout cela est le fruit d’un malaise plus profond. »

« Le problème, ce n’est pas le recensement, ose Mamadou Kane, une des figures historiques du combat négro-mauritanien, membre du Collectif des victimes des répressions de 1986-1991 (Covire). Le problème, c’est que les Négro-Mauritaniens sont excédés. Il y a un trop-plein de frustrations accumulées depuis des années. Le pouvoir est toujours exercé par les Maures blancs. Et la jeunesse ne l’accepte plus. » La mue de TPMN observée en octobre en est la preuve. Aujourd’hui, le collectif a élargi la base de ses revendications. L’enrôlement est devenu secondaire dans ses déclarations. Désormais, ses membres réclament le partage des richesses et du pouvoir, l’égalité des chances, le règlement des litiges fonciers, la fin de l’esclavage… Et la rhétorique d’Abdoul Birane Wane est déjà bien rodée: « Ce pays compte huit banques privées, toutes appartiennent à une seule communauté [les Maures blancs, NDLR]. Sur 13 gouverneurs, seuls 3 sont noirs. On compte 1 ministre noir sur 5. Sur 44 ambassadeurs ou consuls, 5 sont noirs. Sur 95 députés, 15 sont noirs… »

On aurait pu penser que l’élection d’Abdelaziz – une victoire en partie due aux voix de la communauté négro-mauritanienne –, il y a deux ans, allait changer la donne. Ibrahima Sarr, de l’AJD/MR, rappelle qu’en 2009 il fut le premier président à lever le tabou des « années de braise » (plus de 60000 Négro-Mauritaniens expulsés du pays entre 1989 et 1991, et des dizaines d’exécutions extrajudiciaires, sous le régime de Maaouiya Ould Taya). Lors d’une prière historique à Kaédi, en mars 2009, il avait reconnu « l’affliction causée à des dizaines de familles par l’ignorance et la barbarie de l’homme ». C’est aussi sous sa présidence que près de 21000 réfugiés qui se trouvaient au Sénégal ont été aidés à rentrer au pays ces trois dernières années. C’est lui, enfin, qui a mis en œuvre l’indemnisation des veuves des militaires disparus durant les « années de braise ».

Préjugés

Mais pour nombre de Mauritaniens, qu’ils soient noirs ou (plus rarement) blancs, tout cela est au mieux trop lent, au pire de la poudre aux yeux. « Le président est prisonnier d’un système, celui d’Ould Taya, dont il est lui-même issu. Ce n’est pas simple de s’en démarquer », analyse un membre de sa majorité. Les Mauritaniens eux-mêmes – hormis l’intelligentsia – ont bien du mal à se débarrasser de leurs préjugés. « Nous avons deux populations qui ne se comprennent pas », analyse Fatimata Mbaye. « Aujourd’hui, quand je vois un Noir, je me demande s’il est sénégalais ou malien. C’est un réflexe », reconnaît un collaborateur de Hadrami à « l’agence ».

Certes, dans les taxis, il n’est pas rare d’entendre un Blanc et un Noir critiquer l’enrôlement en toute fraternité. Mais il suffit de tendre l’oreille, dans la rue, pour capter ici ou là des bribes de rancœur mal contenue. La rumeur, omniprésente en Mauritanie, dit que, le jour où Lamine Mangane est mort, les Maures blancs de la ville étaient tous armés, au cas où. Elle insiste aussi sur le fait que le commandant de la brigade qui a donné l’ordre à ses hommes de tirer à balles réelles est un Blanc. À l’inverse, elle véhicule l’idée que les manifestants de ces derniers mois sont tous des étrangers qui ont peur de se voir retirer leurs faux papiers.

Dans le sud du pays, majoritairement habité par des Négro-Mauritaniens, cette rancœur est palpable. Rares sont les rapatriés satisfaits. « On nous avait promis notre réintégration dans la fonction publique, ou tout du moins une indemnisation. On ne voit rien venir », se désole un ancien policier expulsé en 1989 et lassé de vivre dans le dénuement du camp de Rosso Lycée, à deux pas de la frontière sénégalaise. « Beaucoup d’entre nous regrettent d’être rentrés. J’en fais partie. » Partout dans le pays bruissent ces histoires de rapatriés qui, une fois rentrés, ont voulu récupérer les terres qu’ils cultivaient auparavant et qui sont aujourd’hui occupées (souvent par des Maures blancs), et ont fini en prison. « Le problème est délicat, explique un proche du président. Si on rend ces terres, que fait-on de ceux qui les occupent depuis vingt ans? »

« Pour l’administration, sur cette question, note un député issu de la majorité, il est urgent de ne pas agir. Moi, je pense le contraire. Ces problèmes fonciers sont autant de bombes à retardement. » Un habitant de Maghama rappelle que les jours précédant la mort du jeune Mangane un conflit avait opposé des rapatriés de la ville à des Maures blancs. Les premiers voulaient récupérer leurs terres, occupées par les seconds. « Il y a eu une bagarre entre les deux familles, raconte un enseignant. La famille de rapatriés a été arrêtée et incarcérée à la prison de Kaédi. L’autre continue d’exploiter le terrain. C’est ça, surtout, qui a mis le feu aux poudres. »

Jeuneafrique.com

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Flamnet-rétro: Témoignage sur des camps d’extermination de Mauritaniens noirs

alt27 dans l’après- midi, des prisonniers sont choisis dans les hangars et sont marqués d’une croix avec un feutre bleu. Plus tard ils se voient attribuer des numéros allant de un à vingt huit par le caporal Ould Demba. Quelques gradés, dont le capitaine Ould Sidina sont là. L’un des prisonniers, un sous officier de la marine, portant le numéro onze, demande pourquoi on leur a attribué des numéros.”C’est pour vous transférer ailleurs” lui repond le sergent Jemal Ould Moilid. Le sergent Diallo Silèye Beye dit à Jemal qu’il préfère rester avec ses amis les marins, étant lui même un marin. Il est infirmier et a toujours occupé le poste de laborantin de la région, à cet effet, il est très connu dans la région aussi bien dans le milieu militaire que civil. Après une courte hésitation, Jemal dit de le retirer et de mettre quelqu´un à sa place. Un autre soldat est choisi, le deuxième classe Diallo Abdoul Beye, le petit frère du premier. Les prisonniers numerotés sont mis à l´écart. Ils s´attendent à embarquer dans un camion pour une destination inconnue. Nous sommes à la veille du trentième anniversaire de l´indépendance de notre pays. En temps normal, on devrait être en train de se préparer pour le défilé au flambeau et pour celui de demain matin. De notre côté, nous attendons sans trop y croire, une éventuelle intervention du Président de la République pour au moins  être  fixés sur les raisons officielles de notre présence ici. La Mauritanie aura trente ans demain, ce n´est pas un événement banal, nous sommes donc en droit d´espérer obtenir une solution favorable de la part de celui-là même qui est le principal responsable de nos malheurs. Alors que de l´autre côté nos tortionnaires nous préparent leur plus sale coup depuis la création de la Mauritanie.

Vers minuit, le groupe des prisonniers numérotés est placé devant le grand hangar. Khattra et d’autres soldats mettent en place des cordes, ils font un noeud avec l’un des bouts et passent l’autre par dessus le rail qui sert de support à la toiture, à l’entrèe du hangar. Les officiers de la base passent, discutent un peu avec Jemal Ould Moilid puis s’en vont. Ce dernier s’approche du sergent chef Diallo Abdoulaye Demba, le responsable de peleton du port de la Guerra qui porte le numéro un et lui demande s’il désire quelque chose, comme il l’a vu faire dans les anciens films western, Diallo lui demande du tabac, on lui passe une tabatière, il aspire goulûment la fumée comme pour conserver avec lui un dernier souffle d´énergie. Deux soldats l’encadrent et le trainent vers l’une des cordes. Pendant que Khattra lui passe le noeud de la corde autour du coup,il tourne la tête vers le hangar comme pour solliciter de l’aide, la dernière image de la vie qu´il emportera avec lui sera ces sombres formes allongées ou assises étroitement ficelées et dont les yeux exorbités ne peuvent se détacher de lui. Avec l’aide d’un autre soldat, Khattra le hisse jusqu’à ce que ses pieds ne touchent plus terre. Ensuite il attache le deuxième bout au rail. D’autres prisonniers suivront. Khattra est particulièrement excité, ils le sont tous d’ailleurs mais lui et Souleymane le sont encore plus. Non seulement ils seront tous pendus mais tout le monde doit regarder jusqu’à la fin, les bourreaux y tiennent . Mais il ne faut surtout pas manifester sa désaprobation. Entre deux pendaisons, Khattra s’assoit sur un cadavre pour siroter son verrre de thé ou au pied d’un pendu en récitant le coran. Il va d’un pendu à l’autre, achevant ceux qui tardent à mourir à coups de barre de fer, s’appliquant à porter les coups dans la région du cou. Pendant ce temps Souleymane et les autres  préparent les prochaines victimes  tout en veillant à respecter l’ordre des numéros. Quand arrive le tour du numéro onze, Diallo Sileye Beye ne peut s’empêcher de pousser un cri. Il recoit un violent coup de pied pour avoir osé perturber le déroulement de la cérémonie. Ses yeux ne se détachent plus de cet homme à qui on est en train de passer la corde au cou. Cet homme qui n’est autre que son petit frère, le matelot Diallo Abdoul Beye, qui cessera d’exister dans moins de trois minutes et que plus jamais il ne reverra. Abdoul Beye ne proteste même pas, il est hissé au bout de la corde sous le regard ahuri de son frère. Il n’ya pas de mots pour exprimer la douleur de Diallo Silèye Beye.

Quand arrive le tour de Diallo Oumar Demba et son frère le  soldat Diallo Ibrahima Demba(le hasard a voulu altqu’ils soient,tous les deux séléctionnés pour les pendaisons et que leurs numéros se suivent, ils ont toujours tenu à rester ensemble), chacun d’eux, ne voulant pas assister à la mort de l’autre, demande à passer en premier. Un tirage au sort organisé par les bourreaux les départage, Ibrahima Demba l’ainé, passe le premier. Le soldat de première classe, Ndiaye Samba Oumar,le chauffeur qui conduisait le véhicule le jour de mon arrstation, fait partie du lot. Le deuxième classe Samba Demba Coulibaly de Djeol, un soldat de mon escadron, qui porte le numéro 28 ferme cette macabre liste.

Les pendaisons durent plus d´une heure. Après cela, tel des bêtes excités par l´odeur du sang, le groupe de bourreaux, pris d´une euphorie collective, s´acharne sur les  autres prisonniers et tape sur tout ce qui bouge. Conséquences de cette folie collective, cinq morts supplémentaires. Parmi eux, le soldat de première classe Ly Mamadou Ousmane, le seul spécialiste de l´arme antiaérienne de calibre 14,5mm de toute la région militaire.(…)

La démence a été poussée jusqu´à symboliser la date du trentième anniversaire du pays par 28 pendaisons. Vingt -huit vies humaines sacrifiées sur l´autel de la bêtise humaine. Plus jamais 28 novembre n´aura la même signification pour les Mauritaniens. Quand certains sortiront dans les rues des villes ou dans les campagnes brandissant fièrement les couleurs nationales sous les youyous des mauritaniens, pour d´autres, ce sera un jour de deuil et de recueillement à la mémoire de ces 28 militaires pendus.

Mahamadou Sy -L´enfer d´Inal “Mauritanie: L´horreur des camps”

L´Harmattan- septembre 2000.

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L’amertume d’un ex-gendarme radié de l’armée

altLe temps passe vite mais l’ex-gendarme Sy Amadou Oumar, cheveux blanchis plus par la désolation que par l’âge a subi le poids deux longues décennies qui se sont écoulées. L’homme gardera présent avec un brin de tristes souvenirs, son matricule 1394 mais aussi le numéro de la décision de sa révocation de l’armée : 054 en date du 24 décembre 2007 signée par le ministre de la défense.Cet ancien tireur de mortier a participé à beaucoup d’attaques durant la guerre du Sahara.Il a mille et un récits à vous livrer sur cette période et sur la valeur des hommes qui ont défendu la patrie.

Originaire de Thialgou Thillé, village de feu colonel Yall Adoulaye, célèbre chef d’Etat- major de l’armée nationale, Sy Amadou a été victime comme des milliers de militaires négro-mauritaniens des pseudo-complots contre le régime de Taya. Si cette épreuve injuste et tragique est loin d’être oubliée tant les préjudices sont graves pour lui et ses camarades d’armes, il y a une comme une sorte de perpétuation d’une situation de privation des droits à l’endroit de tous ces anciens soldats ayant livré en pâture leurs âmes pour la défense de la patrie. Il a décidé de briser le silence et de dire toute son amertume face aux mesures de réparations envisagées par le président Mohamed Ould Abdel Aziz au profit de tous ceux qui sont accusés de comploter contre la sûreté de l’Etat. « Quand il s’agissait de faire la guerre, on y est allé sans hésitation avec le seul sentiment de servir notre pays. Moi, j’ai volontairement et avec amour décidé de m’enrôler dans la gendarmerie. Maintenant qu’il s’agit d’indemniser, on fait la différence dans le traitement des cas. Sinon comment comprendre que des gens ayant pris d’assaut deux jours durant une capitale, d’autres armés par l’étranger pour tuer, bénéficient de faveurs que d’autres qui n’ont pas ouvert un seul coup de feu ». Sy s’est dit convaincu que le président Aziz n’est pas au courant de ce qui se passe réellement au sujet des critères retenus pour indemniser les victimes. Il a relevé le cas de plus de mille anciens militaires qui ne figurent pas sur la liste des bénéficiaires des mesures de réparation. Chargé par ses camardes de rencontrer le Général Békrine sous les ordres de qui il a déjà exercé, Il a posé le problème sans obtenir de réponse malgré des assurances de régler ce problème. La catégorisation qui a été faite est arbitraire et injuste a-t-il souligné. L’ancien gendarme qui est revenu sur la longue odyssée qu’il a subie avec ses camarades se dit indigné par ce manque d’équité et demande au président de rétablir la justice pour que toutes les victimes soient traitées de manière égale et non discriminatoire. Cet appel sera-t-il entendu pour qu’enfin l’ancien guerrier et les siens retrouvent le moral et le sentiment de reconnaissance patriotique. Sinon le calvaire ne fera que continuer…

Amadou Diaara – LE RÉNOVATEUR

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