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Le torchon brûle-t-il entre les compères ? Par Samba Thiam président des FPC
Engager une polémique avec plus ‘’grand’’ que soi n’est pas sans risques tout comme affronter un aîné peut paraître déplacé . Mais que faire quand les plus qualifiés pour le faire font profil bas et tournent casaque , au mieux, louvoient, au lieu de croiser le fer ?
Quoique Yehdih soit mon adversaire idéologique déclaré, c’est quelqu’un je le lis toujours avec respect, et auprès de qui j’apprends, toujours…Je suis admiratif de cette érudition , de cette profondeur et de ce style éthéré qui n’appartenait qu’à lui . N’empêche, il m’apparait parfois développer une logique paradoxale que l’on ne saurait ne pas relever .L’ article ’’ faire la paix avant la guerre’’ paru récemment, sonnait comme une révolte contre le Président Abdel Aziz ou , en tout cas , laisse sourdre une irritation , une sorte de colère contenue et… pourtant ! Et pourtant, au regard des sentances tirées, ici et là, de ses articles passés, au gré de mes lectures, le Président semble l’avoir suivi et appliqué à la lettre ?
Je crois , au cours de ces neuf dernières années, que la politique nocive du Président de la république s’est inspirée largement des ‘’conseils ’’ de cet intellectuel hors pair, érigé en conseillers occulte du Prince ; qui ne parlait, généralement, qu’au peuple maure, arabo-berbère, rien qu’à lui, et ne prenait la plume que dans les tournants historiques.. .
Lisez :
‘’L’Etat responsable ne peut dormir que d’un oeil pour s’assurer qu’il n’est pas entrain d’être assiégé , et qu’un cheval de Troie peint aux couleurs de la paix et de la justice n’est pas installé au cœur de la forteresse ‘’ .(Yehdih).
‘’Aucun Etat ne saurait compter sur la bonté de ses voisins (…) sans s’exposer à devenir l’objet de rivalités des autres ,…’’(Yehdih)
*L’effet de ces sentances a été d’engendrer la frilosité , l’inquiétude, la méfiance extrême voire l’hostilité developpées par le Président à l’égard de nos voisins Marocains et Sénégalais , et même Algériens …
‘’La maitrise d’une crise (- entendez entre Etats-) ne consiste pas nécessairement à la moderer, mais surtout à l’utiliser aux fins d’une stratégie, c’est –à-dire à avancer dans ses objectifs’’.(Yehdih)
– Celle-ci eut pour effet dévastateur de cultiver l’impossible relation apaisée avec le Maroc et le Sénégal surtout , malgré la politique de ‘’balle à terre ‘’ de ce dernier .
‘’La politique pacifique de tout Etat conscient ne doit pas être trop ostentatoire’’ (yehdih)
*Prenant Yehdih au mot , notre Président se comporte comme un va-t-en-guerre, permanent !
Le Pays est défendu tant que les frontières le sont ‘’ ; ‘(’…) le danger auquel fait face la Mauritanie est : des groupes restreints traversant nuit et jour , en pirogue ou à la nage , une frontière de plusieurs centaines de kilomêtres de long , peu ou pas surveillée ‘’. (Yehdih)
D’où toutes ces tracasseries excessives ,ce calvaire de tous les jours que l’on fait endurer à tous ces Ouest-africains à la frontière sud, plus particulièrement.
‘’La Mauritanie est une destination privilégiée pour les Africains , soit pour prospecter leurs chances d’y travailler soit pour la traverser vers le Nord …’’ (or) Nous sommes un pays de trois millions d’habitants dont la configuration humaine et culturelle reste très sensible ‘’.(Yehdih)
Décodez : Si on laissait ces Africains venir et s’installer , c’en est fini de la Mauritanie culturelle majoritairement arabe , fini de l’équilibre culturel et démographique existant! N’allez pas chercher ailleurs la source de la xénophobie ambiante , que les mauritaniens , hospitaliers légendaires, ne connaissaient pas.
‘’Avec un taux de chômage de 35% tout apport supplémentaire (d’immigrants ouest-africains) signifierait inévitablement retirer aux mauritaniens la nourriture de la bouche’’.(Yehdih), …d’où cette allergie qui s’exprime à tous les coins de rue , pour tout ce qui vient de l’Afrique noire et en particulier du Sénégal .
‘’Si l’état civil n’est pas sécurisé et fait l’objet de trafic c’est qu’on est en pleine irresponsabilité la plus caricaturale ‘’ .(Yehdih)
Décodez : Tous ces Négro-africains du Pays qui se prétendent mauritaniens avaient obtenu leurs papiers d’état civil frauduleusement ; il faut y mettre fin. ..D’où l’invention d’un Enrôlement biométrique, étranglé, pour réduire, drastiquement, leur poids démographique !
‘’ Que la langue arabe continue à être marginalisée et combattue avec la bénédiction de l’Etat, et notre sort est scellé ‘’. Appel et Incitation explicites à plus d’arabisation que ce qui est fait ; il existe des poches de résistance à éliminer, coûte que coûte , pour arriver à l’assimilation forcée de cette minorité negro-africaine …
Comment au vu de l’application à la lettre de ses ‘’conseils’’ Yehdih peut-il encore se rebeller contre son disciple ?
Sur l’Azawad –sa passion- voilà ce que Yehdih écrivait il y a peu de temps encore :
‘’ (… ) les drames , les injustices et les oppressions dont il (l’Azawad) a été victime depuis 50ans , sous nos fenêtres…’’ …. ’’l’Azawad était une zone de non droit et l’Etat Malien ne s’y manifestait que par l’injustice’’
‘’(…) que toute politique concernant le devenir de notre pays ne peut ignorer l’Azawad…’’ .
Comment à partir de telles positions s’en prendre à un Président qui , justement , essayait de traduire tout ça en réalité en déployant maintenant son armée, pour protéger les Azawadis , soutenir le Mnla ? une stratégie, mise en œuvre dans des normes ,définies plus haut, par Yehdih lui-même, Avec pour finalité d’étoffer la Mauritanie blanche, garantir sa perennité , protéger son identité, en un mot veiller à préserver justement , ‘’ces trois millions d’habitants dont la configuration humaine et culturelle (menacée) reste très sensible ‘’ !
Que voulait donc le grand Maître , pardi ? Pourquoi trouvait-il à redire , puisque sur toute la ligne le président semblait suivre à la lettre son credo ? J’avoue ne pas comprendre la logique, paradoxale, qui semblait animer, Yehdih , et l’amenait , maintenant , se retourner contre un Président qui s’était, jusque-là, revélé être un de ses plus fidèle talibés !
Visiblement le torchon brûle-t-il entre les deux compères – le grand maître et son élève- pour une raison mystérieuse qui nous échappe …
Mais qui ne se souvient pas, par ailleurs, que Yehdih a toujours soutenu ces régimes militaires, autoritaires, sécuritaires,qu’il jugeait seuls à même de garantir la préservation du Système, au détriment d’une Démocratie, dangereuse, qui laisserait s’exprimer toutes sortes de ‘’sentiments confinés d’injustice’’ ! Soutenus tant que ceux –là gardaient la ligne d’une Mauritanie arabe, soutenus tant qu’ils inhibaient les espoirs et étouffaient les revendications légitimes des uns, surtout …Ce fut le cas avec le régime sanguinaire de ould Taya, tant qu’il constitua le gardien du Système ; il se retourna contre le colonel lorsqu’il le perçut comme étant devenu une menace à la préservation du Système…
Enfin ,Yehdih n’était il pas entrain de rejouer, en filigrane , le coup fait au Président , démocratiquement élu, Sidy O cheikh Abdallahi ? On se souvient que c’est à partir de son article ‘’Eviter l’infâmie ‘’ qui sonna le tocsin, qu’une collusion de conspirateurs s’était constituée pour éjecter Sidioca de son fauteuil , lorsque celui-ci prit la résolution de corriger les dérives du Système ; Sidioca , était un danger pour la préservation du Système , jugea-t-il …
Qui sait ce qui se passe dans les grands cerveaux ? Mais si Aziz coulait , Yehdih ne risquait-il pas de couler avec, au vu de son immense responsabilité dans ce qui nous arrive ?
Wait and see !
Samba Thiam (President des FPC)
27 octobre 2018
Faire la paix avant la guerre./Par Mohamed Yehdih O. Breideleil
II. S’élever en hauteur
Idriss Déby qui, lui, est franchement un guerrier, pratiquement né et grandi dans le feu et qui n’a jamais connu une année calme et dont le crépitement des armes ennemies constitue la musique nocturne habituelle, a fait, en toute franchise, son mea culpa public. Il s’est jeté corps et âme dans le combat, comme sait le faire ce peuple tchadien admirable, mais une fois dans la gueule du loup, on l’a abandonné avec ses problèmes économiques et les préoccupations quotidiennes d’une population avec laquelle la nature marâtre a été injuste.
Peut-on faire mieux qu’Idriss Déby dans la lutte contre le terrorisme ? Jamais !
Ceux qui mènent la danse anti-terroriste n’ont pas encore trouvé la formule et la voie pour circonscrire l’incendie et, dans leur fébrilité, ils veulent jeter du gaz inflammable pour éteindre le feu. Dégarnir à l’Ouest du Grand Sahara, ça sera la fin des haricots. Le terrorisme pourra alors courir tout au long de la colonne vertébrale du Grand Sahara, de Bilma à Dakhla.
Cinq ans d’effort
Après cinq ans d’efforts, apparemment sincères, pour imposer la paix dans le Grand Sahara et le Sahel, ils apparaissent de plus en plus comme des gens qui courent derrière des oiseaux ou un feu de brousse dont la langue dévastatrice est inatteignable.
Il eût été pourtant de bon sens de créer, au départ, aux deux extrémités de l’arc de l’incendie, deux zones de sécurité et de stabilité, ou deux points d’appui sûrs. De toutes les zones touchant ce ventre mou gagné par le terrorisme, seuls le Tchad et la Mauritanie sont susceptibles d’être sécurisés et peuvent, potentiellement, constituer de vrais remparts, et pas uniquement parce que ce sont des pays sahariens, bien que cette donnée vient en première ligne de compte, mais parce que ce sont deux pays qui ont connu dans l’époque récente des guerres internes, dans les années 1970. En Mauritanie, d’ailleurs les armes n’ont vraiment jamais été déposées depuis 1900. Après la « pacification » de 1934, des ilôts de guerilla sont restés avec ce qu’appellent les gens du Hodh les « gens de la montagne ». Puis au Nord, on a empoigné les armes avec le Jaïch Tahrir, en 1956, et ces derniers soubresauts ne se sont éteints qu’en 1963 au Hodh.
La sécurisation du Tchad est simple. Elle est économique, un point.
La sécurisation de la Mauritanie est plus complexe, plus problématique pour les puissances étrangères à l’Afrique. Elle demande une révision conceptuelle, un changement de logiciel, parce que la Mauritanie et sa sécurité sont inséparables du Sahara Occidental. Vouloir séparer la Mauritanie et le Sahara occidental, dans l’analyse, est une chimère. Sécuriser la Mauritanie signifie s’orienter vers une vraie solution du problème du Sahara Occidental, c’est-à-dire une solution acceptable pour sa population.
Sans cela, aller mourir à Bamako ou à Mopti, bêtement, c’est trop d’audace incompréhensible, une légèreté inadmissible. N’avoir rien à proposer aux Mauritaniens, dans cette année de sécheresse grise, que d’aller mourir hors de leurs frontières, c’est franchement dépasser toutes les bornes imaginables. Faire la guerre en pleine crise économique, quand les mauritaniens sont déchirés intérieurement, inquiets pour leur avenir, que le pays ressemble à une marmite de sorcière, on y pense pas quand on a encore un grain de raison.
Actions inconsidérées
Nous avons, certes, une institution militaire digne de considération, mais quand on a une belle perle, on n’en fait pas un boulet de canon à la première occasion venue. C’est l’Armée qui est tout de même la colonne vertébrale de l’Etat.
Le pays qui était déjà mal en point à cause du gaspillage et d’un tâtonnement invraisemblable, a été jeté l’année dernière dans une confusion folle par un processus incompréhensible dont la première salve a été la révision constitutionnelle, refusée par le Parlement et malgré tout imposée.
Elle a été suivie d’actions inconsidérées qui dénotaient, non pas de la lucidité mais de la nervosité et la solitude dans la décision, des choses contre lesquelles mettait en garde Thucydide, il y a 2400 ans, sans parler de Maawiya Ibn AbiSouviane. On poursuivit, devant les tribunaux, des sénateurs réfractaires et l’un d’eux fut même jeté sans ménagement, affirme-t-on, en prison pour un an. Des journalistes et des syndicalistes sont poursuivis, mais quand les parlementaires sont emprisonnés, ils devraient, eux, se sentir heureux que ça s’arrête là. L’homme d’affaires Mohamed O. Bouamattou eut droit à des textes spécifiques, personnalisés, aux yeux de tous, destinés à arrêter ses affaires. Ce qu’on lui reproche, à la vérité, est difficile à saisir, en dépit des sous-entendus et des déclarations fracassantes. Toujours est-il que personne n’y croit. Quand une chose n’est pas crue, il est inutile de s’y accrocher. Elle devient un boulet qu’on traîne, une charge supplémentaire handicapante. L’emprisonnement de Biram O. Dah O. Abeïd est intervenu plus récemment, aussi curieux que les précédents cas. Il a été emprisonné à la veille d’une élection législative où il est candidat. N’ayant pas été condamné, il a été élu député. C’est donc un nouveau parlementaire qui est en prison, un très mauvais signal pour une démocratie toujours balbutiante. Mais personne, alors personne, ne peut dire le motif réel de son emprisonnement. Question de tempérament ? Question d’entêtement ? Biram fausse-t-il un jeu ou un projet quelque part ? Tout le monde en est réduit à des conjectures, sur un sujet qu’on garde in petto.
Régime vilipendé
Après cette révision constitutionnelle forcée, la population médusée a répondu par une dérision de haute voltige, lorsqu’il a été question de réimplanter le parti au pouvoir. Un million deux cents mille personnes munies de leurs cartes d’identités inviolables et sécurisées y ont adhéré, pendant que dans la rue, le Régime en place est vilipendé de manière quasi-unanime. La dérision n’ayant pas été déchiffrée et même comprise au premier degré comme une preuve de popularité, on est passé, tambour battant, au scrutin législatif et municipal du 1er septembre 2018.
La population par une dérision plus cynique a clarifié son geste précédent : un huitième seulement des adhérents qui se sont inscrits au parti, à peine plus d’un mois auparavant, a voté pour le Parti! Ce huitième est principalement constitué de supporters des candidats intéressés personnellement. La dérision ne s’arrête pas là, mais personne ne veut lire ce qui est écrit avec des lettres de la grosseur des pilons à mil. Dans le meeting d’ouverture et le meeting de clôture du parti officiel à Nouakchott, l’affluence dépasse le score national, toutes régions confondues, y compris Nouakchott !
Ce n’est pas facile à comprendre, il faut en convenir. Seules les expériences du passé peuvent nous éclairer. C’est une constance, dans un pays où tout tourne autour de l’Etat – même les affaires- un pays de surcroit où les oisifs sont infinis, les intelligences supérieures fréquentes et la transparence est l’exception et même un vice dénoncé, les applaudisseurs et les nageurs en eau trouble qui sont légion ne prennent la tête du cortège officiel que tardivement, quand la situation devient mauvaise et lorsqu’ils ont bien étudié et compris la mentalité, les penchants et la personnalité de leur proie. Mais à ce stade, ils en font leur jouet. D’ailleurs le haut responsable acquiert la conviction que s’il se débarrasse de cette compagnie, il sera isolé, seul, et il est, a contrario, agréable d’être dans une compagnie souriante sans motif, affable à l’excès, couvrant leur interlocuteur de caresses verbales, au besoin, les mains ruisselantes de cadeaux.
Mokhtar O. Daddah, lui-même, qui est un homme équilibré et rompu aux relations humaines, a été conduit dans le gouffre, sans parler de ceux qui lui ont succédé. Une fois son idole d’hier perdue, cette classe qu’on ne saurait qualifier mais qui se définit elle-même comme politique se détourne lestement, avec régularité, et devient introuvable. Aucun de nos chefs d’Etats adulés -et ils l’ont tous été- n’a jamais eu droit à la moindre solidarité, à la moindre manifestation de soutien, après sa chute.
Revenir à la raison
Dans le processus irrationnel en cours, l’homme de la rue soutient que nos dirigeants comptent surtout, pour tordre le cou, de nouveau, à la Constitution et engager, contre toute logique et en l’absence du moindre soutien réel, un troisième mandat ou un mandat déguisé, sur une puissance tutélaire étrangère, en contrepartie de l’intervention militaire au Mali.
Ce serait mettre le comble à la confusion. Aucune puissance étrangère, dans le monde d’aujourd’hui, n’est capable de maintenir un pouvoir contre la volonté de son peuple et si elle le tentait, elle y perdrait définitivement sa crédibilité. De plus, un pouvoir isolé qui sent la nécessité d’un appui étranger sera vomi, perdra sa légitimité et retournera contre lui les derniers patriotes qui s’accrochent encore à lui et ceux qui ont déjà pris le large mais pensent qu’il est encore possible de trouver une sortie honorable au pays.
C’est l’aveuglement qui crée le mécontentement, les frustrations, mène les gens aux extrêmes, crée la révolte, l’extrémisme, le terrorisme. Ce qui se dévoile de jour en jour n’incite guère à l’optimisme et, il faut bien l’avouer, le pays ressemble à un convoi qui roule à toute allure dans l’obscurité.
Non, au lieu de l’aventure, nous pouvons revenir à la raison, pendant qu’il est temps. Nous ne devons pas insulter l’avenir, nous devons le construire. Nous pouvons encore désamorcer une crise qui ne profitera à personne, une véritable bombe à retardement. Nous pouvons faire la paix, au lieu de la guerre. Quelle paix ? La paix intérieure, celle qui est une fin en soi et qui permet, éventuellement, de faire la guerre.
La paix commence par l’apaisement. Les gens plient, volontiers, devant qui rabat de ses prétentions.
Le seul apaisement convaincant et significatif, susceptible de changer les données actuelles, c’est de s’orienter résolument en toute honnêteté, en toute sincérité, vers l’alternance démocratique en perspective des prochaines élections présidentielles. C’est une attitude incontournable et salutaire pour tous. Il y aura alors, pour la première fois depuis longtemps, une réelle unanimité et la fierté que l’intérêt général prime sur tout le reste. Personne, quel qu’il soit, ne pourra se mettre en travers d’une telle orientation, sans encourir le sort d’un reprouvé et d’un isolé.
Sans chercher à s’agripper au pouvoir ou à s’infiltrer par la fenêtre, le régime cessera d’avoir des ennemis. Sans chercher à imposer un candidat, il gagnera en considération. En cessant d’apparaître comme mû par des intérêts égoïstes, il gagnera en estime. En s’élevant en hauteur, pour garantir et faciliter ce que la population voudra, il gagnera en dignité et sera respectable pour tous.
Sans cela, tout le monde constatera qu’il n’y a plus rien à faire, que nous allons droit au mur et que nous sommes, malheureusement, contraints de prendre à notre compte le constat du philosophe Michel Onfray auquel on demandait, il y a quelques temps, quels conseils il pouvait donner aux jeunes d’aujourd’hui. Il répondit ainsi : « Le bateau coule. Restez dignes. Mourez debout ! »
M. Y. B.
le calame
Faire la paix avant la guerre./Par Mohamed Yehdih O. Breideleil
I. Une position inconfortable.
Le laxisme ambiant, la démoralisation de la société et la démobilisation des esprits sont tels qu’on nous dit que nous allons entrer incessamment en guerre ou que nous nous sommes déjà engagés et que nos troupes sont sur le qui-vive sur le champ de bataille sans que personne ne s’émeut d’une telle information, ne cherche à la vérifier, ni ne s’étonne qu’on puisse franchir ce pas à l’insu de la population.
Depuis des années, les pressions et les invites à la guerre n’ont pas manqué. Cela était patent. De même qu’était patente l’ambiguïté des hauts responsables en charge du pays.
Le rôle de nos troupes serait, au Sahel, de sécuriser d’autres troupes « amies », en attendant peut-être que celles-ci se retirent et nous lèguent leurs succès relatifs et leurs limites effrayantes. Dans cette perspective, les hommes du Désert devront se débrouiller seuls, dans leur milieu naturel, comme le poisson dans l’eau, ou plus exactement comme la gazelle ou le chameau entre les dunes brûlantes interminables, les plaines rocailleuses infinies où les os d’un oiseau, mort il y a des années, trahissent à plusieurs kilomètres comme un groupe de tentes blanches volontairement regroupées. Pour le décor et la forme tout cela se comprend. Mais la raison, le motif et le procédé ?
La guerre, une affaire sérieuse
De tout ce qu’entreprennent les hommes et les Etats, la chose la plus sérieuse et la plus grave c’est la guerre. Peut-on imaginer une minute qu’elle soit décidée dans le secret ou à l’insu du peuple concerné qui doit nécessairement en payer le prix financier et le prix de sang ? Engager la guerre, c’est engager tout un peuple dans une aventure de mort. La guerre est dirigée, sans doute, par un seul homme, le commandant en chef. Mais la décision de guerre est autre chose. Si elle est prise par un seul individu, c’est le sommet de l’extravagance. Dans un pays qui n’est pas un Etat informel, diverses instances participent à son élaboration ou donnent leur avis formellement et notamment l’Opposition, dans la mesure où les Etats, dans pareilles conditions, cherchent le consensus, l’unanimité, l’union nationale. Ils tentent bien souvent d’affronter la guerre avec un gouvernement d’union nationale.
Le minimum est que le Conseil des Ministres évoque dans son communiqué une intervention armée hors du territoire national et d’obtenir, au préalable, une autorisation formelle de la représentation nationale, c’est-à-dire de l’instance parlementaire. Elle ne suffit plus. Une large information préalable est indispensable. Elle ne suffit pas non plus. S’est-on assuré de la licéité d’un tel engagement, du point de vue de la religion. On nous répète perpétuellement, sans qu’on sache vraiment pourquoi, que nous ne sommes pas un Etat laïc. Alors, comportons-nous en Etat théocratique. Que dit le Texte sacré sur le sang qui sera versé, non seulement par nos soldats, mais encore par ceux qui ne nous ont pas attaqués et qui sont réputés musulmans ?
D’autres formes de préparation psychologiques et morales auraient pu être faites au moment du départ des troupes.
Un défilé du corps expéditionnaire eût été d’une extrême utilité et on eût été avisé de faire appel, au cours de cette parade, à nos derniers saints et de leur demander de bénir et sacraliser les troupes. A côté des femmes qui lanceraient les youyous, et les artistes qui galvaniseraient par leur ‘’vaghou’’ les soldats, et au milieu des chameaux, et bœufs qu’on sacrifierait pour conjurer le sort, il y aurait ces hommes à la passion éteinte, psalmodiant, lugubres, le visage ravagé par la piété et l’humilité face au Créateur, des prières protectrices que même le plus endurci des laïcs sait qu’elles montent au ciel.
Des chefs intelligents
Et les poètes, seraient-ils de trop ? En cette occasion, les Etats ont toujours accordé à ceux auxquels la nature a donné le secret et la magie du verbe une place de choix. Alexandre le Grand, lui-même, rasant Thèbes, a reculé devant un seul site : la maison d’un poète. Al Moatassim, le Khalife abbasside, attaquant les Romains orientaux s ‘accompagna d’Abou Tamam qui immortalisa cette campagne.
De surcroît, les penseurs nous disent que la poésie est le sommet de la production de l’esprit.
Il est vrai que depuis les déclarations publiques de nos responsables, nous cachons comme un meurtre notre penchant pour la poésie.
Quoi de plus urgent et de plus utile que de remonter le moral des partants et de créer une mobilisation parmi la population qui, si elle n’est pas suffisamment informée, peut, à tout moment défavorable sur le front ou sur l’arrière, se retourner contre les dirigeants et s’insurger contre une décision à laquelle elle est en juste droit d’être associée.
Lorsque l’Emir Ely El Kory O. Amar O. Ely voulut, en 1200 de l’Hégire, attaquer ses ennemis – et son émirat n’était pas théocratique -, il consulta les lettrés, sans doute après ses chefs militaires. C’est à cette occasion, pour ne rien négliger, qu’il leur posa la question : que signifie la transcription, en symboles alphabétiques, de l’année 1200 ? Ils lui répondirent « charr », c’est-à-dire guerre, mais guerre avec une intonation de malheur. Ely El Kory demanda aux lettrés de renverser le mot et de lui dire ce que donne l’anagramme. Ils lui répondirent « rach », c’est-à-dire jet ou giclée. Il comprit sans peine que giclée dans la guerre est de sang. Les chefs à l’époque étaient plus intelligents que maintenant.
Mais, comme Ould Ely-Chandhora portait un nom lourd de gloire, il ne recula pas. Il attaqua ses ennemis, en dépit du présage, et fut tué. Il craignait infiniment plus que la mort le déshonneur et l’opprobre.
Dans l’antiquité grecque, lorsque le richissime roi de Lydie, Crésus, Qaron pour les Arabes, -pas son homonyme évoqué dans le coran – voulut attaquer le roi mède Cyrus dont l’étoile menaçante montait à l’Est, il ne se contenta pas de l’approbation de la Cour. Il attendit d’abord de consulter l’Oracle de Delphes. Celle-ci, de manière sibylline, répondit que s’il le faisait « il détruirait un grand empire ». Crésus, encouragé, engagea la guerre, sur la foi d’une prophétie équivoque. Les sentences de la Pithye sont proverbiales par leur manque de limpidité et c’est Crésus qui fut battu et c’est son empire qui fut détruit.
Quelle que soit l’urgence ou l’attrait des bénéfices qu’on escompte de la guerre, il y a des précautions à prendre, des formalités à accomplir quand il s’agit de soulever le lourd glaive de la faucheuse des têtes. On n’y va pas comme on va saluer des parents à Akjoujt ou à Rosso.
Obligations rituelles
Dans la civilisation d’Afrique noire, c’est la même chose. On s’acquitte d’une multitude d’obligations rituelles qui conjurent le mal et invitent la bonne chance, tout en associant la population et en rendant solennel un acte si grave. S’il y a des guerres secrètes, il n’y a pas de guerre confidentielle. Bien au contraire, c’est le plus grand retentissement qui est généralement recherché.
Lorsque le grand résistant, le Mogho Naba Wobgho, roi du pays où coulent les trois voltas, voulut faire face aux troupes françaises envoyées de Bamako par Trentinian et Archinard, il fit d’abord appel à « ceux qui détiennent le secret du monde invisible ». C’est à la suite de cette consultation que le Grand sorcier Naba immola sur sa route, au moment du départ, une poule noire, un mouton noir, un âne noir et, dit-on, un esclave gourounga. Qu’il ait échappé aux Français, qui « ne trouvèrent que les crottins de ses chevaux » et qu’il mourut, des années plus tard, dans son lit s’explique par ces apprêtements, aux yeux des Mossi. Dans la guerre, rien n’est de trop pour mettre toutes les chances de succès de son côté.
Dans l’Empire mandingue, il a fallu que la sœur de Soundjata Keita se donne pour découvrir le secret de l’invulnérabilité du roi des Sosso, Soumaouro Kanté (le terrible), qui donna du fil à retordre au « Toit du Manding », Soundjata Keita, comme dit le griot. Le roi Sosso ne pouvait être tué que par un ergot de coq blanc.
Quel ergot magique, quel ergot infaillible, peut-on chercher ou déterrer qui pût être aussi efficace ? S’il existe, c’est par l’association de tous qu’on pourra le découvrir. Mais avant les formes, il y a le fond. Quelle est la logique qui peut nous conduire à nous engager dans un conflit armé dans lequel nous ne sommes pas agressés et dont l’issue, en cas de victoire, ne nous ouvre a priori, aucune perspective franchement riante.
Il est juste que nous ne pouvons pas nous désintéresser du sort de nos frères Azawadis et il nous est difficile de les considérer avec la même intensité de sentiments que les Rohingas de Birmanie.
Les autres aussi avec lesquels ils sont aux prises sont des frères, des frères toujours braqués sur les stéréotypes de 1963.
Mais cette histoire de terrorisme islamiste n’est pas convaincante en ce qui concerne l’Azawad. La question de l’Azawad est une vieille affaire de plus de 50 ans. Toutes ses péripéties sont connues ici. Vouloir la noyer dans le terrorisme islamiste est une tentative vaine, théoriquement, mais pratiquement elle réussit momentanément à prendre en otages les mouvements nationaux de l’Azawad. On veut y ajouter l’armée mauritanienne.
Financement aléatoire
Vouloir la paix au Mali, c’est isoler le problème de l’Azawad du reste du fatras de récriminations, de revendications et d’injustices, cette boîte de Pandore que la révolte de l’Azawad a contribué manifestement à ouvrir et sur lequel elle a agi comme un révélateur. L’épiphénomène doit être isolé du phénomène et les Azawadis motivés par leurs droits et associés à la protection de leur territoire.
On pouvait, à la limite, si ceux qui détiennent les leviers du Mali décidaient d’une vraie solution juste et raisonnable pour l’Azawad, accepter de participer à une sécurisation limitée dans le temps et dans l’espace, avec un budget non pas promis mais disponibilisé.
Compter sur une quête financière aléatoire que les Nations Unies refusent d’entériner, c’est vraiment le sommet de l’inconscience. La manière dont les discussions se déroulaient depuis deux ans n’est guère engageante et ressemble fort aux disputes des ménagères au marché lorsqu’elles prennent à partie les marchands qu’elles accusent de ne pas leur avoir donné la quantité ou la qualité convenue.
Le risque qui nous guette ressemble à celui de ce client qui entre dans un restaurant, commande à diner un poisson mais pour payer la note, il compte sur la perle qu’il pourrait trouver dans le ventre du poisson.
C’est vrai, les Français ont dit que la défense de Marseille commence à Bamako. Nous le comprenons, ils ont le sens de la stratégie. Oui, mais nous, nous ne sommes pas au Nord de Bamako, nous sommes à l’Ouest. Il ne faut pas faire d’erreur de perspective. Notre défense commence à El Aioun, à Dakhla, à Saint-Louis, à Bakel (ou Bakar). Sans être très sûr de l’amitié et des bonnes dispositions permanentes de nos voisins, en cas de complication des données, nous ne pouvons réellement être utiles aux Sahéliens de l’Est.
Il faut être sûr qu’un conflit n’éclatera pas à Guergueratt, à un jet d’obus de canon de la fameuse Zone franche et du port minéralier ou sur la voie ferrée qui regarde, sur près de 500 km, la frontière du Sahara Occidental et dont un tronçon de quelques kilomètres court même en plein Sahara, depuis la guerre de 1975-78, pour contourner l’ancien tunnel sous l’escarpement (taref) de Choum. Qui nous garantit qu’un incident de pêche (ou de gaz) fortuit ou délibéré, au large de N’Diago et Ghahra, n’éclatera pas entre-temps ?
Toutes ces hypothèses possibles, voire plausibles dans certaines conditions, sont de nature à nous mettre, toutes proportions gardées, dans la position inconfortable, puis franchement désespérée, de Paulus ou du grand Manstein lui-même.
Aller à Bamako n’aura d’ailleurs pas grand sens, car il se révélera qu’on ne pourra pas sécuriser l’Azawad sans sécuriser le Niger et le Burkina Faso.
La jonction est faite depuis belle lurette entre tout ce qui bouge et se révolte contre l’injustice et la domination au Nord du Mali et du Niger et Boko Haram et quantité d’autres révoltes contre l’exclusion et l’accaparement des richesses par les gouvernants.
En dépit de toute l’agitation, des menaces, des déclarations incendiaires et des interventions armées, le front anti-terroriste n’a même pas pu être stabilisé, bien au contraire, il continue à s’étendre et à s’approfondir. Il a déjà fait un pic, complètement au Sud du pays Diola, à Grand-Bassam, ses flammes lèchent le pays N’Gourma, au Burkina Faso. Au Sud-Est, il n’a pratiquement pas de limite. Le terrorisme de Boko Haram après avoir métastasé vers le Sud et l’Est du Niger a gagné le Nord Cameroun, dans l’Adamaoua, l’ancien royaume d’Adama, compagnon de Osman Dan Fodio.
Un peuple fier
Pour vaincre tout ça, il va falloir pacifier le monde foulbé et assimilés du Macina jusqu’aux vestiges de Hamdalaye, capitale de Cheikhu Amadou et les falaises de Bandiagara, dernière demeure d’El Haj Omar. De là, il faut nécessairement aller plus au Sud-Est, vers Zinder, l’ancienne capitale du Niger, en pays Haoussa, là où Boko Haram est chez lui. Le nœud sous le coup de hache continuera à se corser.
Les peuples peul et Haoussa vivent dans une zone de rencontre des carences économiques, sociales et politiques. Entremêlés au Sud depuis Osman Dan Fodio, ils sont extrêmement imbus de l’Islam. Il fait partie de leur culture et de leur personnalité. Si on dit que ces peuples sont de religion musulmane, on n’aura pas suffisamment caractérisé la place de l’Islam dans leur conscience profonde, si par la suite on dira que l’Afrique Centrale est chrétienne. Ce n’est pas la même profondeur, la même assimilation, la même durée. On est tenté de dire que ce n’est même pas le même Islam que celui des Mandingues, pourtant si ancien.
Ceux qui articulent la langue peule, en tout cas, ont une particulière disposition à connaître l’Islam. Il y a quelque chose qui ressemble à cette espèce d’isomorphisme qui règne entre la langue arabe et la poésie ou la langue allemande et la philosophie. Ils le connaissent autant que ceux entre les tentes desquels il a éclaté subitement comme un tonnerre dans un ciel clair, en l’an 610.
Il n’y a pas des millions d’Arabes qui égalent Osman Dan Fodio, Cheikhu Amadou et El Haj Omar.
Les Peuls semblent avoir embrassé l’Islam sur un temps long, par assimilation lente. C’est ce qui explique, peut-être, qu’ils ont islamisé d’autres peuples et produit, à diverses époques, des mouvements d’approfondissement, de rénovation et de conscientisation. Une religion imposée est difficilement messianique ou missionnaire.
Le partage, non pas colonial mais des indépendances, a privé ce peuple altier d’un Etat où il pût donner toute la mesure de son génie et cette frustration n’est pas facile à manier et la blessure ne doit pas être approfondie. Qui ignore l’histoire peut au moment se référer à la géographie – regarder une carte- et se demander au nom de quel principe l’Adamaoua a été rattaché au Cameroun.
C’est dire qu’on ne va pas dans des terres vides ni à la rencontre des malheureux Pygmées.
A suivre.
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Le devoir arabe : plus que jamais dans le soutien à Mohamed b. Salmane, Mohamed b. Zaîd et Sissi (Troisème partie)/ Par Mohamed Yehdih O. Breideleil
III- Les Nouveaux Sassanides
En 1975, après l’offensive des Hauts Plateaux de l’armée Nord-Vietnamienne, le dernier président du Sud-Viêtnam, installé par les Etats-Unis, Thieu, submergé par le cyclone de la débâche de son armée d’un million d’hommes et du corps expéditionnaire américain, n’eut pas d’autre issue que de s’envoler furtivement pour Taïwan , non sans avoir au préalable prononcé un violent réquisitoire contre les Américains qui l’ont lâché.
Quelques mois auparavant, le Général Lon Nol, chef de l’Etat du Cambodge, installé en 1970 par la CIA, avait fui la capitale à bord d’une machine volante, à partir du toit de son palais, après que les implacables khmers rouges l’aient encerclé.
Sirik Matak, coauteur du coup d’Etat avec Lon Nol, eut ce mot quelques heures avant d’être saisi par les khmers rouges, devant le consul de France en pleurs qui tentait de lui donner l’asile : ‘’je n’ai commis qu’une seule erreur : celle de croire les Américains’’.
A la même époque, le pays le plus bombardé dans l’histoire, avant l’Irak, le Laos, connaissait la même fuite des Américains et de leurs alliés. Le prince rouge Souphanouvong qui tient le maquis depuis douze ans à la tête des communistes du Pathet Lao sort de la grotte où il avait installé son PC. Il est proclamé président de la république. Le roi est envoyé en rééducation dans les rizières de la plaine des Jarres.
L’un des amis les plus fidèles des Etats –Unis était le chah d’Iran, Mohamed Reza Chah Pahlavi, que les Occidentaux avaient installé sur le trône du Paon en 1941, en destituant son père.
Lorsque le peuple iranien a vomi le Chah et sa corruption aux premiers jours de 1979, que les manifestations assiégeaient le palais impérial, quotidiennement , que l’armée impériale proclama sa neutralité, refusant de tirer sur le peuple, un haut gradé américain, le Général Huyser, adjoint du Général Haig, commandant suprême atlantique en Europe, rendit visite au Chah, environ 40 jours avant l’arrivée de Khomeiny. Ce n’est, pas pour lui conseiller de partir, mais pour lui demander quand il compte le faire. Il y’avait encore 50.000 militaires américains en Iran.
Les laquais dociles et les alliés accommodants des USA qui ont été lâchés en pleine tourmente par l’Oncle Sam ne se comptent pas, de l’Amérique latine à l’Indonésie et aux Philippines.
Extrêmes dévastateurs
L’un des plus pitoyables est sans doute Mobutu, un agent de la CIA, installé à la tête du Congo pour tenir ce grand pays si riche en dehors de l’histoire et du progrès. Lorsque son heure a sonné aux yeux des Occidentaux, il ne trouva même pas un ami compatissant pour essuyer ses larmes qui coulaient à flot, ni un hôte reconnaissant pour lui offrir le gîte. Il est mort dans une atroce solitude, dans la misère morale, rongé par les remords, la richesse accumulée par le détournement accentuant sa tristesse et sa peur, au lieu de les apaiser.
Voilà comment on peut finir en comptant sur les USA et les Occidentaux en général.
Les initiatives de décision, en Amérique, ont deux sources. La première ce sont les institutions, c’est-à-dire les monstres froids qui n’ont pas de morale, ni de mémoire. L’autre source, qui est plus souveraine et plus imprévisible encore, c’est l’opinion publique. Elle est despotique. Si nous en croyons l’écrivain Stendhal ; ‘’l’opinion publique est faite par les sots.’’ En Amérique plus que partout d’ailleurs.
En Amérique, il y a du tout, il ya certes de grands penseurs, de grands écrivains, des idéalistes de toutes les espèces et même de celles qui se sont éteintes ailleurs. Mais toutes ces catégories ne sont pas représentatives de l’Amérique. Même les savants, les scientifiques, les ingénieurs, les chercheurs, en tous domaines, ne sont pas représentatifs. L’opinion est tenue par l’Américain moyen et il n’est pas forcément averti, ni instruit. C’est paradoxal, mais c’est ainsi.
Une étude publiée cette année même, 2018, fait ressortir que seize millions d’américains pensent que le lait chocolaté vendu dans les épiceries, provient des vaches marron.
Qu’est ce qui peut empêcher ces 16 millions auxquels s’ajouteraient 16 millions d’une autre espèce de croire que les Arabes sont anthropophages, d’assiéger la Maison Blanche et d’exiger l’envoi de force et d’urgence d’une mission d’inspection pour vérifier que dans leurs congélateurs, il n’ y a pas de chair humaine ou que simplement l’horreur est avérée et qu’il faut envoyer sur leurs capitales des missiles ‘’intelligents’’ pour les dissuader d’une pratique interdite par la Bible et que les Mundugumor d’Océanie eux-mêmes, ont abandonnée.
Sans aller jusqu’à ce phantasme outré, toute rumeur moins fabulée, un tant soit peu plausible, ou toute manipulation malveillante peut entraîner une société pareille à des extrêmes dévastateurs, parce qu’elle ne craint pas d’autorité et elle n’est encadrée que par une Presse qui la caresse dans le sens du poil.
On ne peut donc se fier ni aux instances dirigeantes américaines, ni à leur opinion publique. On ne peut sortir indemne du commerce des Américains que par un miracle. Les Kurdes l’ont vérifié, l’année dernière, à l’issue d’une amitié de plus de 50 ans.
Une chose ne doit pas faire illusion : les gesticulations actuelles entre d’une part les USA et d’autre part les Iraniens et les Turcs. Elles peuvent même prêter à conséquence pour l’Iran du fait de son verbiage démagogique à propos de la Palestine, destiné justement à amadouer les Arabes, mais aussi de l’hostilité des Israéliens à l’égard du régime des Mollahs. Mais il n’ya pas d’incompatibilité fondamentale entres les Américains et les Iraniens, si on enlève à ces derniers leurs turbans. Enlevez aux iraniens le rôle d’épouvantail que joue Khamenei et la lune de miel revient entre les Américains et notre voisin de l’Est comme elle l’a toujours été, c’est-à-dire intime.
Obscurantisme politique
Les Iraniens et les Turcs n’ont jamais été allergiques à Israël et ont vécu en bonne intelligence avec l’Etat hébreu depuis son existence. L’incompréhension est due à leurs prétentions à diriger la région et à ne plus se contenter de manger dans la main d’un maître. Il y’a un prix à payer : celui de prendre ses distances à l’égard d’anciens alliés, déconsidérés dans la région et de tenir un verbiage de nature à attirer les Arabes, en plein désarroi. Dans ce jeu, les Américains sont bien autorisés à pincer de temps en temps l’oreille des Turcs et des Iraniens.
L’incompatibilité des Occidentaux avec les Arabes, elle, est fondamentale. Les Arabes sont rejetés, quels que soient leurs dirigeants ou leurs régimes politiques. C’est même une question de civilisation où entrent les réminiscences du passé lointain et des scories de la période contemporaine.
Quelle part ont les Sarrasins dans la conscience collective et les luttes des Croisés, bénis par le Pape, et rejetés de la Terre Sainte, il y a des siècles ? Quelle part à la diabolisation des ‘’Fellagas’’ dans les années 1950 au Maghreb et la haine que la Presse a entretenue pendant si longtemps? Quelle peur injustifiée gardent les Occidentaux des discours incendiaires de Nasser, présenté comme un nouvel Hitler ?
Quelle surprise amère a laissé dans les consciences occidentales la position de Fayçal et à sa suite les Emirs du Golfe, en 1973 – 74, sur le pétrole et la peur de retourner au transport à cheval et à l’éclairage à la bougie ? Toujours est-il que Fayçal a été assassiné sur ces entrefaites.
Il y a peut être plus. Il faut chercher d’où nous vient cette ‘’malédiction’’, que notre zone est l’un des principaux foyers de tempête et d’inquiétude pour les Occidentaux et qu’ils refusent de dialoguer avec nous et n’acceptent l’amitié que nous leur offrons, sans même de conditions, que du bout des lèvres, et encore à un prix exorbitant, qui ressemble fort à un chantage dans une prise d’otages.
Israël et son hostilité n’expliquent pas tout. Si c’était seulement Israël, c’eût été dans l’intérêt de ce protégé chéri qu’ils acceptent notre amitié pour mieux ménager, dans la confiance réciproque , une issue au différend israélo-arabe.
Le problème risque d’être plus insoluble, d’être une appréciation prospective qui considère notre potentiel humain, économique et stratégique quantitatif, voué, par nature à évoluer vers le qualitatif, dans 30 ou 40 ans, et d’être en lui-même un danger potentiel, une menace latente, pour leur position dominante, qu’il faut entraver coûte que coûte, par une espèce d’obscurantisme politique avant qu’il ne se révèle une nouvelle Chine.
Mais nous n’en sommes pas là. Une nouvelle fois, pour notre existence en tant que peuple autonome, qui peut se moderniser, qui peut se développer, qui peut résoudre simplement ses problèmes élémentaires de vie, il faut d’abord échapper aux tentatives immédiates, à l’offensive d’autres sous-développés de nous dominer, de nous diriger.
Si nous sommes prédestinés à être dominer, mieux vaut l’être par des gens civilisés et intelligents qui y mettent au moins les formes, en enrobant leurs agissements et leur rhétorique de quantité de considérations comme les droits de l’homme, les droits des peuples et qui ne piétineront pas l’Habeas Corpus.
Il est temps pours les Arabes de prendre leurs responsabilités, tous les arabes, dirigeants et citoyens.
Lorsque les Arabes se sont ressaisis après la tombée de la nuit turque sur eux- sous le nom de califat Ottoman – et ont compris quelque peu la nouvelle marche du monde, ils se sont jetés, quels que soient leurs positions, dans la lutte anti-Ottomanne. Même les théologiens, avant que les nationalistes arabes d’étiquette ne se constituent, ont pris leurs responsabilités. Les prêches du fameux théologien Mohamed Abdel Wahab ont été les premières, selon les historiens, à ébranler la domination turque dans la presqu’île arabique.
A l’heure actuelle, quelques rares dirigeants ont eu la lucidité et le courage de prendre la tête du combat : Le Prince Mohamed Ben Salmane, le Prince Mohamed Ben Zaïd et le Président Sissi n’ont pas accepté de baisser la tête devant le danger. Ils ont ranimé l’espoir et créé la confiance. Le grand penseur, théoricien du nationalisme arabe, Michel Aflaq, que beaucoup ne connaissent que de nom, mais dont l’œuvre est une source incomparable de force pour celui qui pense à la Nation arabe dit : ‘’ il suffit qu’un seul individu arabe ait confiance en lui-même pour que toute la nation arabe ait confiance en elle-même ‘’.
Le devoir de tout arabe sincère et honnête vis-à-vis de sa partie arabe, dans cette étape si cruciale, est d’être de corps et, s’il ne peut, de cœur avec Mohamed ben Salmane, Mohamed ben Zaïd et Sissi.
Dans ce combat, la sagesse élémentaire exige que tous les facteurs et tous les tuteurs de résilience soient renforcés.
D’aucuns voient ce renforcement par une action informelle mais suivie, sous la forme de congrès sectoriels ou généraux arabes visant à créer la cohésion et l’appui au Prince Mohamed ben Salmane, au Prince Mohamed ben Zaïd et au Président Sissi et à éclairer le chemin pour tous les citoyens arabes.
D’autres ont tendance à croire que la force viendrait, serait extraite, de réformes institutionnelles au niveau des Emirats Arabes Unis et du Royaume d’Arabie Saoudite et notamment par la promulgation de Constitutions et la création de parlements élus, ses réformes pouvant aller jusqu’à la suppression du terme saoudite dans le nom du royaume.
D’autres encore estiment que la force de Mohamed ben Salmane est tributaire de l’amélioration des conditions de vie de la masse populaire dans les campagnes, les villages et la périphérie des villes.
Ce genre de politiques et de réformes relève naturellement de la seule appréciation et de la seule responsabilité des dirigeants concernés.
Ce qui est général, et concerne tous les Arabes, la tâche actuelle la plus urgente et la plus exaltante, est de faire front commun et d’apporter appui et soutien aux hommes qui refusent que les Arabes, une nouvelle fois, perdent leur âme et la notion même de leur nationalité, de leur appartenance civilisationnelle, devant l’arrogance et la perfidie des nouveaux Sassanides, en mal de revanche.
C’est seulement en rejetant les Perses hors de nos frontières que notre existence aura un sens et que nos aspirations à la dignité et à la liberté seront fondées. A ce moment-là, le projet majeur qui veut réconcilier les Arabes avec l’histoire , c’est-à-dire la marche créatrice du temps historique, les réconcilier avec les exigences de la vie et les réintroduire dans l’axe de la civilisation, prendra pleinement toute sa signification.
M.Y.B
le calame
Le devoir arabe : plus que jamais dans le soutien à Mohamed b. Salmane, Mohamed b. Zaîd et Sissi II/ Par Mohamed Yehdih O. Breideleil
II La tentation d’Ibn Al Alghami
Même Israël, la sentinelle de l’Occident chez nous, n’est pas le bénéficiaire de cette guerre multiforme que mène depuis si longtemps l’Occident et qu’il poursuit contre les Arabes. Israël n’est pas en mesure ni matériellement ni démographiquement, ni politiquement, ni psychologiquement de remporter une victoire réelle. Les guerres depuis 1948 sont des attentats, des actes terroristes qui font certes mal, mais qui ne peuvent avoir l’envergure d’une guerre qui change fondamentalement les données dans la région. Et la faiblesse ne tient pas au nombre de sa population. L’invalidité qui l’enserre dans son ghetto tient au fait qu’il ne partage, et ne veut partager, aucun item minimal, aucun élément de cohésion avec l’océan arabe dans lequel il a été parachuté.
Israël ne s’est jamais donné la sagesse de nous expliquer son problème pour nous amener à le comprendre, à défaut de le partager. En temps normal, les Arabes ne sons pas particulièrement sectaires. Les Arabes d’Asie, si loin, ont été solidaires de la cause et du combat des noirs d’Afrique du Sud. Les Arabes ont été solidaires des grecs chrétiens de Chypre opposés aux turcs musulmans de Chypre. Ils ont, au moment des grandes crises entre l’Inde hindouiste et le Pakistan musulman, fréquemment penché du côté de l’Inde.
Israël a préféré être venimeux, mais son venin sera plus nocif à la longue pour lui-même que pour ses ennemis. S’il fait mal il ne tue pas. Même sa bombe atomique est plus encombrante pour lui-même que dangereuse pour ses ennemis.
Israël aurait été dangereux dans quelques rares cas de figure : s’il avait mis en avant sa sémité, sa proximité avec les Arabes, rappelant que les hébreux sont un simple rameau des araméens ou alors s’il avait parié sur l’ouverture humaniste du type du mouvement : ‘’la paix maintenant’’.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des vainqueurs militaires sont vaincus politiquement et c’est la défaite la plus irrémédiable, la plus durable.
La Grande Bretagne est sortie au nombre des vainqueurs de 1945 qui se sont arrogés le droit de membres permanents du Conseil de Sécurité mais il est bien difficile de distinguer aujourd’hui, si c’est bien elle qui était victorieuse ou si c’étaient le Japon et l’Allemagne.
Pathétique élan
Il y a deux façons d’être vaincu: par la force, la défaite militaire, et elle n’est pas mortelle pour les peuples puissants. On renaît, si la sève nourricière n’a pas tari, si elle persiste. C’est le cas du Japon et de l’Allemagne, peuples dans la force de l’âge, battus en plein élan. Il fallait plus que deux bombes atomiques pour anéantir leurs ressorts.
La défaite ne tue que des peuples qui étaient malades de leur civilisation, qui étaient cliniquement morts, même s’ils respirent encore ou sont même debout, mais sont vermoulus, la vie ne les habite plus. Un coup de pied les transforme en poussière. C’est le cas de ces malheureux indiens d’Amérique lorsqu’ils ont reçu l’inopportune visite des Européens. Ils n’avaient plus en eux-mêmes de ressources pour organiser une résistance salutaire et encore moins pour découvrir une approche de long terme permettant leur renaissance future. Ils se sont éteints.
C’est pratiquement la trappe où est tombée Byzance, à la fin du Moyen-âge. L’ancienne colonie de Mégare reculait depuis longtemps, sans se ressaisir. Elle a accepté, contrairement à la Chrétienté d’Occident, la fatalité et a pris sa sous -vie pour un état normal, vivant sur son passé glorieux, ruminant ce qui n’a plus de tonus, répétant les idées, les mots et les gestes d’autrefois, veillant à leur pureté, à ne rien y ajouter, à ne rien y retrancher, se glorifiant même de cette stagnation.
Elle s’est fourvoyée dans une impasse conceptuelle où la pensée est bannie et la spéculation cosmogonique et eschatologique est reine. La ’’discussion byzantine’’ est devenue depuis un adage. L’esprit a été donc prémuni, immunisé contre toute innovation, toute invention, toute création, tout renouveau, tout progrès. C’est ainsi que Byzance, qui a vécu deux mille ans, est morte.
Il faut dire que la stagnation de Byzance correspond à la pleine décadence — Inhitat – du Monde arabe. Tous les deux n’ont pas su prendre le chemin de la coupure épistémologique de la pensée qui a permis à l’Europe d’accéder à la renaissance et de prendre définitivement son envol.
Il n’est pas exagéré de dire que les deux voisins, Byzance et le Monde arabe, se sont contaminés de la même maladie du cerveau et se sont effondrés dans un pathétique élan commun.
La Grèce, pour dire les choses telles qu’elles sont, est orientale et les influx civilisateurs réciproques entre les Arabes et les Grecs sont bien plus anciens et plus suivis que ce que connait tout le monde, c’est-à-dire les Phéniciens qui passent l’alphabet et certaines conceptions religieuses à la Grèce et à la Grèce qui passe aux Arabes la culture philosophique et certaines connaissances mathématiques.
Selon le philosophe Zeki Al Ursuzi , l’un des théoriciens du Parti Baath avant 1970, ‘’ils se sont épaulés dans une double démarche : l’esprit sémitique arabe qui tend vers la réalité de l’âme idéale, contrairement à l’esprit grec qui tend vers la découverte de l’ordre de la nature.’’
Toujours est –il que l’ordre étrange des choses voulut que les héritiers de la culture grecque et les descendants d’Al Walid et de Rachid tombèrent sous la domination des Hordes du Mouton noir et du Mouton blanc, d’obscurs nomades descendus des confins de la Mongolie et du Tarim que l’histoire ignorait, et dont la langue est encore mal assurée : les Turcs.
Profonde amertume
Lorsque le tour de la Chine est venu, tardivement, au 19e siècle de faire face aux défis existentiels, la riposte nationale a été différente de tout ce qu’on connaissait. Mais la Chine n’est pas un pays, c’est un monde et un monde qui a une brillante civilisation millénaire.
Quand maître Kong, Confucius, est né, la civilisation chinoise avait derrière elle au moins mille ans. La différence fondamentale avec le monde arabe, c’est que les chinois ont préservé leur unité étatique.
Si la révolte des Taïpings et celle des Boxers ont ouvert les yeux des Occidentaux sur l’impossibilité pour eux de gouverner la Chine, le sursaut national invincible a été mené seulement au début du 20e siècle par le Parti Communiste Chinois dirigé par Mao Tsé Toung. Ce ne fut pas pour prendre un pouvoir. Les communistes chinois sont partis de ce diagnostic : on ne peut plus rapiécer la Chine. Il faut une refondation totale et surtout une refonte comme on refond un métal – de l’homme, avec cette soif insatiable de regagner le prestige perdu.
C’est avec ces hommes trempés, que la Chine, après l’orientation donnée par Deng Hsiao Ping, a pu accomplir son miracle, a réalisé en trois décennies les progrès économiques que les occidentaux ont mis trois siècles à accomplir.
Notre cas, celui des Arabes, est l’un des plus complexes, parce qu’il se révèle avec une acuité déconcertante, à ce stade troublé, en quelque sorte tardif, de l’histoire. La révolution culturelle dans les esprits, nous l’avons ratée à l’aube des Temps Modernes et nous n’avons pas su muer au 20e siècle, politiquement et socialement, pour créer notre rêve de toujours d’un Etat unique ou, au moins, avoir un système socio- politique homogène et avançant au même rythme.
Les grandes nations ont, en règle générale, accompli leur unité et atteint un degré avancé de développement et de puissance. Nous ressentons avec une profonde amertume ce retard et nous nous débattons, de travers, pour refuser ce sort. Beaucoup parmi nous et ailleurs pensent que les jeux sont fait, que les positions sont réparties, que les meurtrières sont occupées, que la hiérarchie est établie une fois pour toutes. Francis Fukuyama a parlé même de ‘’fin de l’histoire’’. Cependant Samuel Huntington constate, plus qu’il ne prédit, le choc des civilisations.
Il n’ya pas d’ère statique, une séquence calme de quelques années dans le rythme du mouvement peut seulement faire illusion. Même dans la respiration d’un individu, il y a de très brefs moments de suspension, des apnées.
Personne dans l’histoire n’a jamais trouvé un terrain vide, propice ou rarement en tout cas au Proche-Orient et sur le pourtour de la Méditerranée où il pût s’installer à son aise, grandir et se développer et dire aux autres : nous sommes là, composez avec nous, faites-nous de la place. Si on est digne de respect et de considération, si on est déterminé à être un partenaire fiable, on impose sa place. Sur la tribune d’honneur des nations, il n’y a pas de tricherie, il n’y a pas de cadeau. Seul compte le mérite.
Une chose est certaine, nous n’obtiendrons nos droits qu’au prix d’efforts titanesques et en cessant de compter sur le hasard. Définir nos objectifs et travailler en conséquence : voilà la voie.
La justesse de la stratégie, son audace et son réalisme aussi sont déterminants. L’audace est dictée par l’aspiration de notre peuple à rattraper le temps perdu, son refus, chaque jour renouvelé, d’accepter la défaite, parce que sa sève nourricière est intacte. Ce refus permanent de reculer s’appuie sur nos points positifs, sur les avantages nombreux dont nous disposons. Nos faiblesses qu’il ne faut pas se cacher, nos points faibles qu’il ne faut pas sous-estimer, nous enjoignent d’accepter de possibles et sans doute de nombreux compromis.
Le compromis, quand on avance vers un objectif stratégique clair, est un pas en arrière qui facilite la réussite, quand on est sans objectif partagé par le peuple, il est désastreux, c’est au mieux, une marche à rebours, au pire une nage dans les ténèbres.
Compter sur ses propres forces
L’idéal eût été de trouver un dialogue avec ceux qui nous font perpétuellement la guerre, c’est –à-dire les occidentaux. Mais ces derniers, installés déjà sur leur piédestal, nous regardent de haut et refusent toute égalité, toute compréhension. Le goût et l’habitude de dominer, joints à un insatiable appétit de gain les rendent sourds et ils poursuivent une envolée qui ressemble beaucoup au drame des compagnons d’Ulysse enchaîné.
Dans ces conditions, il faut compter sur ses propres forces, car se sont les conditions qui dictent le chemin, pas seulement l’objectif final. ‘’Compter sur ses propres forces’’, pas à la manière de Saloth Sar, qui avait sa notoriété sous le nom de Pol Pot, qui disait : ‘’jamais on ne demandera rien à personne, ne serait ce qu’un comprimé de quinine… Il faut travailler dur, il faut que les gens apprennent qu’ils naissent du grain de riz. En suant pour défricher, pour semer, planter, récolter, l’homme connaît la vraie valeur des choses’’. Ce n’est pas ce discours juste qu’il faut reprocher à Pol Pot, c’est la méthode désastreuse qu’il a suivi. Il n’a pas tenu compte des conditions de son peuple, du contexte régional et international.
La première analyse à faire est de déterminer le danger immédiat, l’autre étant connu. La situation se résume en peu de mots : nous tentions de parer aux visites nocturnes du lion occidental, mais voilà qu’en plein jour un loup enragé pénètre dans notre tente. Quelle attitude prendre ? Continuer à parer à la visite éventuelle du lion ou tenter d’échapper au loup qui veut nous dévorer ici et maintenant ? Il n’ ya pas de doute possible, il faut échapper au danger immédiat.
Le danger immédiat, ce sont les Perses et les Turcs, ces barbares haineux et mal dégrossis qui n’ont pas la profondeur de notre civilisation et qui, chaque fois que nous traversons un moment d’assoupissement, nous surprennent pour semer la désolation et approfondir les sillons de l’arriération. Toutes les guerres et les défaites militaires que nous ont infligées les occidentaux ont été gagnées, politiquement, par les Perses et les Turcs. Leur aspiration à nous diriger et à nous dominer provient de ce sentiment et de cette réalité. Ils sont passés depuis plusieurs années de la volonté aux actes.
Beaucoup d’entre nous sont incapables d’appréhender la situation où nous nous trouvons et restent tétanisés, d’autres sont tentés par l’acte ignoble d’Ibn Al Alqami, le visir qui livra Baghdad au 13e siècle aux Mongols.
Dans cet affrontement qui était inévitable, nous avons peu d’alliés. Les Européens parient sur l’Iran, la Russie et la Chine, avouons-le, n’arrivent pas à nous situer et donc à s’engager stratégiquement avec nous.
Il faut plus que de bonnes paroles pour leur inspirer confiance. Seuls des actes spectaculaires de notre part sont susceptibles de faire bouger les lignes.
Le comportement des USA n’est un mystère pour personne. Nous pouvons peut-être faire un bout de chemin avec eux, mais personne ne peut compter sur les Etats –Unis. La volte-face aux moments difficiles, est leur habitude sinon leur méthode. Ce n’est pas ou ce n’est plus un allié fiable et il ne faut , en aucun cas, lier ce jugement à Donald Tremp. Il est peut-être le meilleur président des Etats-Unis que nous ayons connu.
Il est même possible qu’il soit la concrétisation de l’idée de Goethe à propos de ‘’cette force qui veut toujours le mal et toujours fait le bien’’.
– A suivre-
Le calame