Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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SI ET SEULEMENT SI ELY SAVAIT…. Langues nationales: 5 arguments pour en finir avec l’idéologie d’Ely Mustapha

LE MATHÉMATICIEN DR MOUHAMADOU SY REMET PROFESSEUR ELY SUR LES X.

SI ET SEULEMENT SI ELY SAVAIT…. Langues nationales: 5 arguments pour en finir avec l’idéologie d’Ely Mustapha

Ceci est une note qu’il m’a semblé nécessaire d’écrire à la suite d’une lecture de l’article tout récent du Pr Ely Mustapha à propos de la transcription des langues mauritaniennes non arabes, à savoir le Bambara, le Pulaar, le Soninké et le Wolof. Pour être exact, je préciserais que le Bambara n’a pas été discuté par l’auteur; mais je crois que si inclure cette langue avait traversé l’esprit de ce dernier, elle subirait certainement le même sort que celui infligé à ses sœurs.Je vais tenter de souscrire à la brièveté minimale permise par l’argumentation que je m’apprête à dérouler, et proposer donc au lecteur quelques points à l’intérieur desquels je ne manquerai pas de reprendre et discuter certaines idées véhiculées par l’auteur; dans certains cas je quantifierai la teneur en erreur de celles-ci. Voici donc des arguments qui montrent, avec le plus de clarté qu’il m’a été possible de donner, combien le contenu de l’article de Ely Mustapha va à l’encontre des faits et combien absurde est son idée de transcrire les dites langues en caractères arabes plutôt que de continuer à utiliser le système latin qui, pour lui, est un échec total.

1- Argument utilitaire: Tout d’abord, j’ai besoin que Ely Mustapha soit d’accord que les lettres, comme éléments de base d’une langue, existent indépendamment du système alphabétique utilisé pour transcrire cette langue. Ainsi, même si on avait pas d’écriture pour le Français, rien qu’en ralentissant son expression orale en disant “MOUTON”, on arrivera à distinguer les syllabes, et enfin à isolé les éléments incassables que sont les lettres. Et pour cela, on n’a pas utiliser une représentation écrite, mais juste une expression orale naturelle. Ce qui justifie bien le caractère indépendant des lettres vis à vis du système alphabétique. Si aujourd’hui le Français adopte un autre système alphabétique, cela ne changerait en rien l’existence de la lettre “A” bien qu’elle sera écrite différemment suivant le goût du nouveau système, tout comme si Ely Mustapha décide de changer de prénom, ce ne sera pas pour autant qu’il en perdra une jambe ou poussera un troisième œil: la nature du professeur ne dépend pas du choix du prénom qu’il porte, il sera d’accord du même rapport d’indépendance chez les langues et leurs transcriptions. Ayant compris ce fait, la question devient donc quelle transcription pour telle langue. Prenons le cas du Pulaar; une langue que je connais bien (je crois qu’un bon connaisseur des autres langues visées pourra faire une même analyse). Le Pulaar compte 31 sons primordiaux correspondant à l’idée qu’on a construite de la lettre. Si on veut voir, du point de vue utilitaire, lequel des systèmes arabe ou latin est plus indiqué pour servir de base à sa transcription, la meilleure façon de le faire est de déterminer la masse des lettres Pulaar dont les sons sont déjà représentés dans chacun des systèmes choisi. Dans l’alphabet latin de base, on trouve 22 sons fondamentaux du Pulaar (lettres) (a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, r, s, t, u, w, y). Cela fait 70.97% des lettres du Pulaar. Dans l’alphabet arabe, on en trouve 16 (a, b, t, j, h, d, r, s, dh, f, k, l, m, n, w, y); ce qui fait 51.61% des sons fondamentaux du Pulaar. Rien qu’à ce niveau, l’intérêt du Pulaar est assez clair: de l’arabe et du latin, le choix est vite fait. Mais revenons un peu à l’analyse, car ce n’est pas tout! Imaginez un instant une langue qu’on va appeler A ayant juste 5 lettres (ou sons fondamentaux) et les partagent toutes avec avec le Pulaar, et une autre appelée B ayant 25 lettres mais en partagent seulement 5 avec le Pulaar. Laquelle des deux partage le plus avec le Pulaar? Certains pourront imaginer qu’elles sont à égalité vis à vis du Pulaar, mais il n’en est pas ainsi. En effet, c’est la langue A, bien que partageant le même nombre de lettres avec le Pulaar que la B, qui partage le plus! On s’en rend compte quand on se met former des mots dans les deux langues A et B. Dans A, on aura que des mots dont le son est Pulaar-compatible, et ce par la constitution au niveau fondamental de A, tandis que dans B les 5 lettres partagées ont toutes les chances d’être diluées dans les 20 autres, et donc la formation des mots tendra à affaiblir le rapport initial entre B et Pulaar. Ce qui fait que dans la comparaison, ce ne sera pas seulement les quantités partagées qui doivent intervenir mais aussi les masses initiales des langues de comparaison doivent entrer en jeu, tel que expliqué ci-dessus. En concret, il faut un coefficient qui modélise cela, et il n’y a pas mieux que le rapport entre ces deux masses initiales pour former ce coefficient. Ainsi, vu que les lettres arabes sont au nombre de 28 et celles latines au nombre de 26, pour mettre l’équité dans l’étude il faut multiplier la ‘parenté’ Pulaar-Latin par 28/26 (environ 1.0769) et obtenir un taux de 76.429% pour Pulaar-Latin contre les 51.61% pour Pulaar-Arabe. Donc, environ 25% de différence effective en faveur du Latin. Ceci est évidemment appelé à s’amplifier dans la formation des mots.

2- Argument pragmatique: La diaspora issue des communautés locutrices des langues visées par Mustapha est plus nombreuse dans des pays utilisateurs du système latin (Pays francophones ou anglophones africains, France, Angleterre, Espagne, Italie, USA, Belgique, Canada) pour des raisons qu’on sait tous. Leurs descendants utilisent ce système. Donc il sera beaucoup plus simple pour eux d’aller à la recherche des 23.6% restants, en lisant Pulaar en lettres latines, que le contexte leur fournit souvent gratuitement. Tandis que le peu d’enfants de la diaspora des dites communautés présente dans les pays utilisateurs du système arabe, quand bien même auront la maîtrise de l’arabe, auront bien du mal à combler les 48.4% manquantes, trop importantes pour que le contexte suffise à les leurs suggérer. Et de toute façon, ceux-ci sont minoritaires et risquent bien de savoir déjà s’exprimer en Français pour des raisons que l’on connait. Ensuite, être transcrite en caractères latins, pour une langue, c’est tisser une parenté avec les langues les plus puissantes du monde telles que l’Anglais, l’Espagnol, le Français etc… et partager 76% de ses fondements avec celles-ci est un avantage dans leur apprentissage, et pour rien une langue telle que le Pulaar (et ses sœurs visées) ne renoncera à une telle position. Elle va plutôt l’exploiter jusqu’à la dernière graine d’énergie.

3- Argument culturel: Contrairement à ce que prétend Ely Mustapha, le système latin n’a pas été un échec, au contraire! Il faut tout ignorer du processus de la transcription de ces langues et l’histoire des combats culturels menés, pour tenir ces propos. La littérature en Pulaar s’est beaucoup développée dans cette transcription. Une production de qualité s’est mise en place, les éditions Binndi e Jande, les éditions ARED, les éditions Papyrus Afrique sont des exemples de plateformes qui ont servi de trait d’union entre les écrivains et penseurs comme Yero Doro Diallo, Murtudo Diop, Aboubacry Moussa Lam pour ne citer qu’eux et les locuteurs qui ne se lassent pas de s’abreuver de toute cette production littéraire. Des livres de tout genre, Histoire, art, littérature, Sciences foisonnent aujourd’hui, et dans les coins de rue de Dakar, de Bamako, de Conakry ou de Nouakchott, il suffirait d’ouvrir les yeux pour observer des transactions dont l’objet à troquer est un livre écrit dans une de ces langues. Je ne citerai pas ces mensuelles qui sortent en Pulaar à Nouakchott, ni les nombreuses classes qui utilisent cette transcription pour apprendre et maîtriser ces langues, ni l’entrée depuis deux décennies presque des lettres pulaar (‘extra-latines’) dans le numérique. On peut se procurer des claviers en Pulaar, on peut écrire le Pulaar sur toutes les plateformes numériques.

4- Argument géographique Il faut savoir que ces langues, en particulier le Pulaar, sont transfrontalières. Elles sont présentes dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest et pour certaines, dans quelques pays de l’Afrique centrale; cohabitant avec d’autres langues. Ces pays peuvent se servir du même argument pour vouloir transcrire les langues présentes sur leurs territoires dans un seul système, cela risque fort de ne pas être le système arabe, alors Pr Ely Mustapha, irez-vous jusqu’à vouloir que le Pulaar soit écrite à la rive gauche du Sénégal différemment qu’à la rive droite? D’ailleurs, proposerez-vous aux maures Sénégalais d’écrire en caractères latins pour les mêmes soucis de standardisation?

5- Argument administratif: Toute la littérature citée plus haut et qui est disponible dans ces langues, devra donc disparaître ou être traduite (ce qui nous retarderait beaucoup) alors que beaucoup de nouvelles œuvres sont à faire. Ceci n’est pas envisageable. L’ACALAN (Académie africaine des langues) est une institution de l’OUA qui reconnait et adopte ces caractères.

Dr Mouhamadou Sy University of Virginia

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Moi aussi j’étais à Walata (troisième partie)/Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibacar

Moi aussi j’étais à Walata (troisième partie)/Par le colonel (E/R) Oumar Ould BeibacarArrivés des Walis sortants et entrants

Le samedi 3 septembre 1988 à 11h, arrivée des capitaines Ainina ould Eyih, le wali sortant, nommé directeur général de la Sonelec, et le capitaine Wellad Ould Haimdoune, nouveau wali de Néma. Vers 14h, j’étais convoqué par le capitaine Ainina dans le domicile du wali, on lui aurait remonté les bretelles au ministère de l’Intérieur, au sujet de la situation catastrophique des prisonniers dénoncés par mon chiffré.

Il m’avait dit : “quel est ce tintamarre que tu as provoqué depuis ton arrivée, et pourquoi tu n’as pas attendu notre arrivée pour nous faire les comptes-rendus nécessaires ? Tu as rendu compte à Guèye Elhadj qui est peut-être un flamiste. Ces gens là sont des éléments dangereux, ils voulaient mettre le pays à feu et à sang, soutenus par Israël et le Zaïre”.

Je lui ai répondu : “mon capitaine, Israël et le Zaïre ne me concernent pas, moi je suis responsable de la prison qui est régie par une loi. Pour le cas de Tène Youssouf Guèye, c’était très urgent, et il souffrait du foie. Sa maladie était en phase terminale et il était trop faible à cause du mauvais traitement et de la malnutrition.

Au sujet de votre adjoint, ces opinions politiques ne me concernent pas non plus, l’administration est une continuité, et lui il est le wali adjoint, votre absence m’impose de m’adresser à lui, pour lui faire les comptes-rendus au sujet de la situation catastrophique des prisonniers et de l’urgence du cas de Tène. Et il avait agi correctement et rapidement en mettant à notre disposition un médecin pour faire accélérer l’évacuation de Tène et voir l’état de la situation des autres prisonniers.”

Pour toute réponse, le wali rétorqua : “toi tu es bizarre et tu le regretteras, tu peux disposer”, et depuis lors il ne me porte plus dans son cœur. Plus tard, j’avais reçu l’information bien recoupée, que les deux walis sortant et entrant faisaient partie des dizaines d’officiers baathistes, parmi les meilleurs des forces armées, majoritairement originaires des régions de l’Est et du Sud qui avaient été tous révoqués sauf cinq, que le chef de l’Etat avaient maintenus en activité, et sur lesquels il avait fondé son pouvoir, il s’agit des colonels Ely ould Mohamed Vall, Sidi Mohamed Ould El Alem, Wellad Ould Haimdoune, Ainina Ould Eyih et Mohamed Cheikh Ould Elhady. C’était la première connerie du président du CMSN.

Le lundi 5 septembre, on m’annonce une mission de l’état-major conduite par l’officier adjoint, le commandant Ndiaye Ndianko, par le vol d’Air Mauritanie à Nema. Arrivé à l’aéroport, le chef d’agence me confirme que l’avion n’avait pas pu atterrir à cause du mauvais temps et a fait demi-tour sur Nouakchott. Après contact avec l’état-major, on me confirme que la mission rejoindra Néma dès le lendemain, par voie terrestre.

Le jeudi 7 septembre, la mission est arrivée à Néma et m’a demandé de lui chercher un chauffeur maure avec la région militaire, pour remplacer leur excellent chauffeur Ba Aly, un peul, qui ne peut pas voir la prison de Walata. Je suis allé voir le commandant de la 5ème région militaire, un ami qui a aussitôt mis à ma disposition un chauffeur maure que j’ai envoyé à l’officier adjoint. J’ai aussitôt proposé au Wali de nous accompagner avec le médecin chef Mohamed Ould Menou, car leur présence est très utile. Ce que le wali a accepté.

Le lieutenant Mohamed Lemine Ould Ahmedou

L’officier adjoint était accompagné par deux officiers, dont le lieutenant Mohamed Lemine Ould Ahmedou, originaire comme moi de la région de l’Assaba, qui était commandant de l’escadron de sécurité de la prison de Walata avant d’être muté chef du deuxième bureau en juillet 88. A son arrivée a Walata en avril 1988, quand il a vu la situation catastrophique des prisonniers, il a beaucoup pleuré et a même pensé à démissionner.

Il avait réussi à ouvrir quelques fenêtres de la grande salle, améliorer un peu l`alimentation, et avait rendu compte de la mauvaise nutrition et du mauvais traitement des prisonniers à sa hiérarchie, avant d’être muté à l’état-major comme chef du 2ème bureau en juillet 1988. En cette qualité, il avait aussi rendu compte au chef d’état-major de la situation des prisonniers et avait cherché vainement à mettre fin à leur calvaire.

Certains prisonniers pensaient qu’il ne pouvait faire plus par manque de personnalité. Or il était un simple commandant d’escadron chargé de la sécurité de la prison, cependant la situation des prisonniers et leur alimentation relevaient directement de l’adjudant Bobaly régisseur de la prison et qui était lui aussi soumis à l’autorité du commandant du groupement, qui est le premier responsable.

Arrivée de la mission à Walata

A 13h 30 départ de la mission pour Walata, arrivée à 17h30, consultation, médicale à tous prisonniers et à quelques gardes de l’escadron. A la fin de la consultation, j’ai contrôlé comme d’habitude la liste des consultants et j’ai constaté l’absence de deux prisonniers, le lieutenant Bâ Abdoulghoudouss et le professeur Sarr Abdoulaye, je les ai convoqués pour leur demander les raisons pour lesquelles ils ne se sont pas fait consulter, ils m’ont répondu : On n’est pas malade.

J’ai répliqué que la consultation est obligatoire pour tous les prisonniers, ils se sont alors fait consulter immédiatement par le docteur Mohamed Ould Menou. Six jours après le lieutenant Bâ Abdoulghoudouss trouvera la mort. Auparavant le 9 septembre à 18h j’avais trouvé mon frère et ami Bâ Abdoulghoudouss, d’apparence en pleine forme, un peu plus gros que d’habitude, devant une chambre à coté du poste de police. Le médecin me dira plus tard, qu’il était atteint de béribéri, c’est pour cela qu`il donne l`impression d`être en pleine forme.

Je lui ai demandé qu’est ce qu’il faisait là bas, il m’a répondu qu’il était avec les ‘’anciens’’, le commissaire Ly Mamadou, le capitaine Diop Jibril et un civil portant le nom de Ly Moussa Hamet, qui se trouvaient dans des meilleures conditions. Je lui ai proposé de regagner la grande salle avec ses collègues, en précisant que maintenant les choses vont s’améliorer, que je vais le faire remplacer par Djigo Tafssirou, un vieux malade, et un ancien ministre, et que sa place doit être avec ses compagnons. Il m’a répondu : “tu as parfaitement raison, et je suis parfaitement d’accord pour être remplacé par notre imam”, avant de regagner ses collègues.

La mission a regagné le domicile du préfet et nous a conviés, le médecin et moi, pour une réunion. Au cours de cette réunion, il a été décidé d’améliorer la sécurité et l’alimentation des prisonniers, de mettre en place les moyens sanitaires nécessaires pour assurer une bonne santé et une bonne hygiène pour les prisonniers et les gardes, et d’améliorer l’habillement des prisonniers.

En fin de réunion, j’ai dit que les prisonniers avaient d’autres doléances, notamment le problème des chaines, certains d’entre eux sont encore enchainés, ils cherchent aussi le contact avec leurs familles, de la lecture et des radios pour écouter les informations. On m’a répondu : on verra cela plus tard. Nous avons passé la nuit à Walata, que nous avions quitté le lendemain à 9h45 à destination de l’Azib, le troupeau de chameaux de la garde que l’officier adjoint voudrait contrôler.

Décès de Bâ Abdelghoudouss

Nous avons passé une très belle nuit à l’Azib, que nous avions quitté le 9 septembre à 8h, pour Néma ou nous sommes arrivés à 10h. Après la sieste, la mission de la garde a quitté Néma pour Nouakchott à 16h. Cette mission a sans doute amélioré les conditions des prisonniers. Auparavant, Il y avait eu deux missions, la première était dirigée par le lieutenant Mohamedou Ould Sid’Ahmed, chef du B2.

Cette mission, venue le 23 janvier 1988 à 13h à Walata, soit 13 jours après l`arrivée des prisonniers, avait pour objectif d`enquêter au sujet de la torture et de l`humiliation d’un prisonnier ainsi que d’un nomade, par le commandant du peloton, dénoncée par le préfet.

Le chef du B2 avait fait un tour au fort pour voir l`état des prisonniers. Constatant qu’il y avait quatre prisonniers politiques qui étaient plus privilégiés que les autres, il avait posé la question au chef de peloton qui lui a répondu qu’ils étaient ses agents de renseignement, indispensables en pareille circonstance.

Le chef du B2 lui a répliqué : “comment peuvent-ils te renseigner alors qu’ils n’ont aucun contact avec les autres prisonniers, ils doivent nécessairement rejoindre leurs collègues dans la grande salle, je donnerai des instructions les concernant, au commandant du groupement”. La deuxième mission était venue à Walata le 9 février 1988, elle était dirigée par le commandant Frank Guerlain intendant de la garde et concernait exclusivement l’alimentation des prisonniers et des gardes.

Le lendemain 10 septembre, je continue ma passation de service pour Amourj, Adelbegrou, Bassiknou et Fassala. Départ pour Amourj à 12h, arrivé à 14h. Vers 15h à Amourj, on me signale que mon frère et ami le lieutenant Bâ Abelghoudouss avait une forte fièvre, et que l’infirmier l’avait soumis à l`aspirine et la Tétracycline, j’ai alors demandé à l`infirmier de m’informer de l’évolution de sa maladie.

A 17h, arrivée à Adelbegrou, départ à 19h30 pour Bassiknou, à ce moment on me signale que Abdoulghoudouss va mieux et qu’il avait une toux banale. Arrivés à Bassiknou à 23h45, le lendemain dimanche 11 septembre vers 8h, l’infirmier m`annonce, entre Bassiknou et Vassala, qu`il l’a soumis au charbon, à l’aspirine et la Tétracycline mais la fièvre persiste avec un ballonnement abdominal périodique, selon lui. Je lui ai dit que si son état de santé nécessite une évacuation sanitaire sur Néma, il ne doit pas hésiter pas à m`en informer.

A 5h30 départ pour Vassala, arrivés à 12h, retour sur Bassiknou à 18h, pour y passer la nuit. Le lendemain, mardi 13 septembre à 10h, l` infirmier m’annonce qu’il l’a mis sous perfusion et qu’il y a une amélioration dans la santé du lieutenant, malgré des battements de cœur importants. Compte tenu de l`amélioration de la santé du lieutenant, et de la fin de la passation de service, et étant complètement épuisé, j’ai décidé de passer la journée à Bassiknou pour repartir en fin d`après midi à Néma.

A 17h, nous avons fait mouvement sur Néma, et à 17h45, l`infirmier m’annonce malheureusement la dégradation subite de la santé du lieutenant qui nécessite une évacuation sanitaire sur Néma. Le temps de prendre contact avec mon adjoint pour en informer le Wali, à 18h50, l’infirmier m’annonce la perte de connaissance du lieutenant avec des difficultés respiratoires, le temps d’en rendre compte à mes chefs hiérarchiques, l`infirmier me confirme malheureusement le décès du lieutenant Bâ Abdoulghoudouss à 19h d’un neuropaludisme.

(A suivre)

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Moi aussi j’étais à Oualata (Deuxième partie)/Par Oumar Ould Beibacar

alt[…] Pendant l’hivernage, l’administration de M’Bagne se déplaçait de M’Bagne à l’école de Niabina, à quinze kilomètres, au Nord, sur l’axe Boghé-Kaédi. Quand on vint à Niabina, je demandai à maman si l’on pouvait dire : Do weni Niabina (ici c’est Niabina), Do weni Bagodine (ici c’est Bagodine) situé à l’Est de Niabina, Bagodine dont on voyait la mosquée, à partir de Niabina. Elle me répondit : « vous pouvez dire tout ce que vous voulez. L’interdit, c’est Do weni Mbagne (ici c’est M’Bagne).

Le mardi 15 Août 1972, le Conseil des ministres annonçait la mutation de mon père comme chef d’arrondissement de Lixeiba 2 Podor Mauritanie, dans la région du Trarza. Consternation et tristesse de toute notre famille, tant la communauté peule avait conquis nos cœurs. Depuis, nous aimons la communauté peule du monde entier et, particulièrement, celle de Mauritanie, surtout celle du département de M’Bagne. Lorsqu’advint l’électrification des départements de l’intérieur, notre maman n’eut de cesse de demander si  M’Bagne l’avait obtenue et si le tronçon Niabina-M’Bagne,  d’une quinzaine de kilomètres, avait été goudronné. A chaque fois, je me renseignais et l’on me confirmait que M’Bagne, malgré son soutien indéfectible au pouvoir, n’avait encore obtenu ni l’électrification ni le goudron. Quand elle me posa la même question, en 2003-2004, je me suis encore renseigné et appris, ainsi, que pour l’électricité il n’y avait rien de neuf, mais que, pour le goudron, ils espéraient l’obtenir dans les meilleurs délais, puisque le ministre des Transports était un m’bagnois.

Un jour, je trouvai maman particulièrement émue et radieuse. Je lui demandai pourquoi. « Je viens d’apprendre », me répondit-elle, « que la fille de Tijani Kane a donné mon nom à sa fille qui vient de naître. »  A son décès, le 18 Octobre 2007, M’Bagne n’avait toujours obtenu ni électrification ni goudron.

Commandant du GR1 Néma

Avant ma mutation à Néma, j’étais en stage de capitanat à l’EMIA d’Atar. Prévue du 23 Octobre 1987 au 23 Avril 1988, la session fut prolongée de vingt-deux jours et ne donc prit fin que le 15 Mai 1988. A son issue, treize des vingt stagiaires furent déclarés admis, les sept autres se retrouvant ajournés arbitrairement. Quoique tous libérés le 16 Mai, seuls les militaires et les gendarmes bénéficièrent, le jour même, de leur retour à Nouakchott, assuré par leur corps respectif, alors que les gardes durent patienter une semaine à Atar, le chef de corps refusant de leur fournir un moyen de transport. C’est donc le lundi 23 Mai que nous arrivâmes à l’état-major de la Garde. On nous y ordonna de présenter un rapport de fin de stage que nous remîmes au chef secrétariat du corps, puis l’on nous demanda de revenir le lendemain.

Quand nous revînmes, le lendemain vers 9h, le chef secrétariat me dit de me présenter au chef d’état-major, dès son arrivée au bureau, et qu’il m’en informerait. En attendant, je rendis visite de courtoisie au commandant Guérardi, nouveau conseiller du chef de corps qui avait pris service pendant notre stage. J’entrai dans son bureau et me présentai. « Ah, c’est toi, le lieutenant Beibacar », me dit-il, « tu seras muté le plus loin possible de Nouakchott. – Pourquoi donc ? – Il paraît que tu es une grande gueule. – Merci du compliment », rétorquai-je, avant de l’entendre conclure, sibyllin : « le plus loin de Nouakchott, c’est Néma et Néma, c’est toujours la Mauritanie ».

A ma sortie du bureau du conseiller, le chef secrétariat m’informa que le chef m’attendait dans le sien. Je m’y rendis aussitôt pour y trouver un chef de fort mauvaise humeur. « Tu nous as pondu le plus long rapport de fin de stage », me lança-t-il, « et tu y parles d’injustice. De quoi s’agit-il ? – J’ai compté trois injustices », expliquai-je, « la première me concerne personnellement, il s’agit de mon logement de sous-officier où j’avais laissé ma mère et mes frères et dont vous les avez virés, manu militari, sous prétexte que j’avais obtenu un logement de la SOCOGIM, une chambre avec douche et toilettes, à  8 500 ouguiyas par mois, pendant 15 ans.

Mais le règlement prévoit que lorsque le stage est inférieur ou égal à six mois, le stagiaire garde son logement. Ce n’est que lorsque le  stage est supérieur à six mois que son logement peut être affecté un autre officier. Le capitaine Sy Moulaye, ordonnateur du budget au ministère de l’Intérieur, a obtenu un même logement de la SOCOGIM mais occupe toujours son logement d’officier, sans être inquiété. Ça, mon colonel, c’est de l’injustice ». Le chef me demanda de continuer. « La seconde injustice concerne l’état- major de l’armée nationale et l’ajournement arbitraire de sept de nos promotionnaires, pourtant parmi  les meilleurs. La troisième concerne la Garde nationale. A l’issue de notre stage, on nous a annoncé le concours du CPOS. Les ajournés de la gendarmerie et de l’armée ont été autorisés à s’y présenter mais pas ceux de la Garde, exclus sur instructions de son chef d’état-major. Ils avaient déjà perdu une année, à cause de leur ajournement arbitraire, et vous leur en avez donc fait perdre une seconde, tout aussi injustement. J’ai aussi relaté votre refus de nous envoyer un véhicule, après la fin de notre stage, ce qui nous a obligés de rester à Atar une semaine, avant de trouver les moyens de rentrer à Nouakchott ».

« Je peux comprendre ta réaction », me répondit le chef, « au sujet du logement où habitaient tes parents, ainsi que celle concernant l’ajournement de tes collègues. Mais je ne peux pas admettre ta réaction au sujet de tes deux collègues ajournés et empêchés de se représenter au concours. Eux-mêmes n’ont en pas fait problème, dans leur rapport de fin de stage.  – Peut-être ont-ils peur. – Et toi non ? », me rétorqua-t-il. « Je n’ai pas peur de dire la vérité », répliquai-je tout de go, « surtout quand on me le demande, et quelles qu’en soient les conséquences. « Enfantillages ! », conclut le chef, « tu peux disposer ». Je sortis du bureau. Une heure plus tard, le chef du bureau personnel nous remit des titres de permission de trois mois. Cela signifiait qu’on n’était pas les bienvenus.

A l’issue de cette permission, le jeudi 24 Août, le chef du bureau personnel nous notifia nos mutations. J’étais, moi, nommé commandant groupement régional numéro 1, à Néma, comme me l’avait prédit le commandant Guérardi. J’annonçai la nouvelle à ma maman. « Tu ne peux pas nous laisser seuls, moi, tes petits frères et sœurs », réagit-elle, « je vais voir mon fils Bibi » – c’est le surnom de Jibril ould Abdallahi, son beau-fils, alors ministre de l’Intérieur – « pour lui demander de te muter à Nouakchott. – Il ne pourra pas annuler une décision qu’il a déjà prise », expliquai-je, « le commandant de la Garde propose la mutation des officiers au ministre de l’Intérieur qui l’entérine et en informe le président de la République qui l’approuve. La mutation devient alors irrévocable, jusqu’au mouvement prochain, un an ou deux plus tard.  Et puis, ton fils Bibi n’a rien fait pour vous maintenir dans votre logement de la Garde, alors qu’il a épargné, à son collaborateur, le capitaine Sy Moulaye, de subir le même sort ». Résignée, maman répondit : « Le Hodh est une très belle région, ton père fut lui-même muté à Néma, dans les années 50, comme commandant de la brigade de la Garde, en remplacement de Hamma, le matricule 001 de la Garde nationale, et tu as beaucoup de parents là-bas. Puisse donc Le Tout Puissant t’y accorder bonheur et prospérité. »

               

Cap sur Walata

Arrivé à Néma le lundi 29 Août 1988 à 8h30, par le vol d’Air-Mauritanie, je fus accueilli par le lieutenant Dahi ould El Mamy, commandant du groupement sortant, qui m’annonça immédiatement le décès de l’adjudant-chef Ba Alassane Oumar, le vendredi précédent. Je lui en demandai les causes, il me répondit qu’il était venu malade et qu’il en avait succombé. J’étais étonné que l’état-major ne m’en ait pas informé. De 10 à 13h, nous entamâmes la passation de service, au poste de commandement, puis je demandai à Dahi de m’en détailler le programme. « Après le déjeuner », me dit-il, « nous allons commencer par Timbedra puis Aouweinatt Ezbel, Djigueni, Bousteila, Adelbegrou, Amourj, Bassiknou, Vassala et Walata, ça prendra au moins une semaine ». Je lui proposai alors d’inverser le circuit et de commencer par Walata car je voulais d’abord voir la situation des prisonniers. Il acquiesça et, partis à 14h pour Walata, nous y arrivâmes à 18h.

Il y avait, au fort, deux compartiments. A gauche, plusieurs dizaines de prisonniers maures, blancs et noirs, très bien portants. Bien habillés, bien nourris et logés dans des chambres propres et meublées certains tenaient même commerce florissant. A droite, une très grande chambre de plus de 100 m², avec, à l’intérieur, des toilettes exposées, toutes fenêtres fermées avec du banco, sans donc aucune aération et beaucoup de pestilences : y étaient détenus, disait le commandant du groupement régional sortant, « les prisonniers les plus dangereux ». En entrant dans ce local infect, je fus complètement consterné : l’image de dizaines d’hommes, tous noirs et enchaînés, vêtus de haillons, à même le sol, me rappela la traite négrière, telle que j’avais découverte au cinéma. A ceci près, cependant, que les esclaves de la traite étaient fort gros et bien portants, puisque, pour les vendre il fallait qu’ils soient en très bon état. Alors que les prisonniers que je découvrais maintenant étaient très maigres et en très mauvais état ; de véritables squelettes vivants ; avec, malgré tout, dans leur regard, beaucoup de dignité et de responsabilité, et dans leur comportement, une tout aussi respectable attitude.

Je reconnus, en cette assemblée déshéritée, plusieurs officiers de ma promotion, mes frères les lieutenants Ba Abdoul Khoudouss et Barro Moussa Gomel, ainsi que d’autres de la promotion des officiers de réserve en situation d’active – il y eut deux promotions : 80/81 et 82/83 – dont Ngayde Aliou Moctar et Yongane Alassane. A notre sortie de cette horrible cellule, je suis allé voir l’ordinaire. C’était l’heure du dîner : deux marmites ; une pour les prisonniers maures, un bon repas ; quant à la marmite des noirs, juste du riz de mauvaise qualité, fade, sans viande ni épices, vraiment immangeable. 

A notre sortie du fort, je demandai, à Dahi, pourquoi les prisonniers étaient-ils enchaînés, en tel pitoyable état.           « Ce sont les consignes du commandement », me répondit-il, « il a lui-même fait fabriquer les chaînes – Des ordres écrits ? – Non.  – A moi, par contre », commentais-je, « on ne m’a  donné aucune consigne de maltraiter des prisonniers. M’en aurait-on donné que je n’allais, d’ailleurs, jamais les exécuter : elles sont hors-la-loi. Car il y a une loi qui régit les établissements pénitentiaires et j’entends bien la respecter ».

J’interrogeai encore : « Le wali, qui est aussi le directeur de la prison, a-t-il rendu visite aux prisonniers ? – Non mais je lui rends compte régulièrement de la situation ». Nous nous rendîmes alors chez le préfet de Walata et je lui fis mon rapport. Il m’affirma qu’il n’avait jamais été informé officiellement de ce qui se passait dans la prison. Seuls des civils lui avaient parlé de noirs enchaînés qui transportaient des bidons sur une distance de plus de deux kilomètres, cela les avait beaucoup surpris et  tous condamnaient cet inhumain traitement.

Nous passâmes la nuit à Walata et revînmes au fort, le lendemain 30 Août, pour mieux examiner l’état de Tène Youssouf Guèye, les conditions de sécurité et les problèmes des prisonniers de droit commun. Je demandai à Tène comment se sentait-il. « Mon lieutenant », répondit-il,  allez-vous laisser mourir, comme un chien, un des hommes de culture de ce pays ? – Tranquillisez-vous », le rassurai-je, « tout sera fait pour vous évacuer rapidement et vous prodiguer des soins appropriés, incha Allah ».

A 13h30, nous repartîmes de Walata pour Néma où nous arrivâmes à 20h. J’envoyai, immédiatement,  un message chiffré et un rapport à l’état-major sur la situation catastrophique des prisonniers. Dès 8 h du lendemain 31 Août, j’en rendis également compte à  monsieur Guèye El Hadj, l’adjoint du wali, le titulaire  étant absent. Il s’en déclara abasourdi, affirmant n’avoir jamais été informé de ce drame. Je lui proposai alors de saisir, d’urgence, le ministère de l’Intérieur, surtout au sujet de la santé de Tène ; de mettre, à ma disposition, un médecin  pour consulter les prisonniers ; et me permettre ainsi de poursuivre tranquillement ma passation de service. Le wali-adjoint me dépêcha aussitôt le médecin-chef directeur de l’hôpital, Mohamed ould Menou, avec qui je repartis, à 17h 40, pour Walata. Arrivée vers 22h, consultation rapide de tous les prisonniers, jusqu’à 2h30 du matin. Après avoir laissé, au fort, un véhicule, son conducteur et un infirmier, pour assurer le transfert, aux aurores, de Tène à Néma,  nous repartîmes, dès la fin de la consultation, vers Néma où nous arrivâmes, le 1erSeptembre à 6h, pour y rendre compte au wali-adjoint, à 8h 45. Le médecin-chef insista sur l’extrême gravité de l’état de santé de Tène qui nécessitait, s’alarmait-il, « une évacuation d’urgence à Nouakchott ».

Le wali-adjoint nous informa, en réponse, que le ministre de l’lntérieur l’avait saisi au téléphone au sujet de Tène, demandant s’il était possible qu’un avion atterrisse à Walata. « Le préfet m’a dit qu’il n’y a pas de terrain d’aviation à Walata », ajouta le wali-adjoint, « j’en ai informé le ministre, il a décidé d’envoyer un avion sur Néma, pour assurer l’évacuation de Tène ». J’avais donc un peu de temps pour reprendre ma passation de service et, après accord avec le wali-adjoint, je me rendis avec mon prédécesseur à Timbedra. C’est ici qu’on m’annonça, à 10h, l’arrivée de Tène à Néma. Le chef de poste de la prison civile me fit savoir, par radio, que Tène avait été installé dans sa prison, sur ordre du ministre de l’Intérieur, mais qu’il était suivi par le médecin-chef de l’hôpital de Néma, en attendant l’avion médical. Un isolement censé lui interdire tout contact avec des infirmiers négro-africains à l’hôpital, dont le frère du prisonnier Ngaide Aliou Moctar, un activiste du MND, auxquels il pourrait rapporter la situation catastrophique des prisonniers. Mais une mesure d’autant plus ridicule que le poste de garde de la prison était entièrement composé de toucouleurs, qui y avaient été mutés suite à la tentative de putsch de 1987.

Je poursuivis ma passation. Le vendredi 2 Septembre, c’est pendant notre sieste à Djigueni, qu’on m’annonça le décès de Tène, survenu, très exactement, à 13h56. Je partis de Djigueni à 15h30, pour arriver à Bousteila trois heures plus tard. J’en repartais à 20h, pour Timbedra où je passai la nuit. Le 3 Septembre à 6h30, je reprenais la route de Néma. Trois heures plus tard, j’étais devant la tombe de Tène où j’inscrivis ses initiales, TYG, en grattant avec une pierre sur son épitaphe. (A suivre).

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Moi aussi j’étais à Oualata – 1 : Mes liens avec les Peuls/Par Oumar Ould Beibacar

altLe 7 Mars 1969, mon père, alors chef d’arrondissement d’El Ghabra, actuel Barkéol, fut affecté, au titre  de chef d’arrondissement, à M’bagne, donnant l’occasion, à notre famille, de cohabiter, pour la première fois, avec la communauté peule.  Originaire du Fouta Toro qui fonda le royaume du Tekrour, au milieu du 19èmesiècle, dans la basse et moyenne vallée du fleuve Sénégal, cette communauté avait été la première négro-africaine à se convertir à l’islam, au début du 11ème siècle, convaincue par les prêches d’Abdallah ibn Yacine.

En combattant aux côtés de l’almoravide Abou Bekr ibn Amer, des princes du Tekrour contribuèrent activement à la chute, en 1076, de l’Empire du Ghana composé de noirs majoritairement soninkés païens. On compte, dans la communauté peule, de grands savants prédicateurs et conquérants musulmans qui portèrent le flambeau de l’islam en Afrique noire. Citons, à titre d’exemple, Ousmane Dan Fodio, grand érudit inspirateur de Cheikou Amadou, fondateur de l’Empire peul du Macina, au 19ème  siècle, dans l’Est mauritanien et le Nord malien, ou El Hadj Oumar Tall, grand résistant djihadiste et fondateur de l’Empire Toucouleur.

Liens ancestraux avec les Peuls

Cette communauté a des liens, multiséculaires, d’alliance et de bon voisinage, avec les tribus arabo-berbères du Brakna, dont les plus célèbres sont ceux conclus entre les Oulad Abdallah et les Halaybes. Ma grand-mère paternelle, Khadijetou Yéro Kane, est d’origine peule Ehl Modi Nalla, la famille de son grand-père Oumar Yéro Kane s’était entièrement beydanisée et dissimulée, dans la tribu Ehl Sidi Mahmoud du Guidimakha, fraction Lemjachta Ehl El Keihil où elle est identifiée, aujourd’hui,  sous le nom de  Ehl Yerou. Elle est domiciliée à Taghada, dans le département d’Ould Yengé.

Après mon arrestation, le 28 Novembre 2015, je reçus la visite de quelques notables parents d’Ehl Yérou. L’un d’eux me dit : «Il paraît que tu as été arrêté parce que tu défendais les Peuls. Tu ne sais pas qu’ils sont nos plus grands adversaires à Taghada ? – Tout ce que je sais », lui répondis-je,  « c’est que vous êtes des peuls et devez profiter du nouvel état-civil pour reprendre votre nom, Kane, il est confirmé que les Ehl Modi Nalla sont des chérifs, plutôt que de vous  identifier à des berbères. – C’est vrai», reconnut-il, « mais, par les temps qui courent, il n’est pas bon de s’affirmer peul, ils sont persécutés par le pouvoir. Attendons des jours meilleurs. »

Après un court séjour à l’école coranique du campement, mon père, fils unique, fut confié, à l’âge de dix ans, en vue de l’inscrire à l’école coloniale, par mon grand-père à son grand ami Ngalam Traoré, un agriculteur soninké hors pair, résident à Bakel mais également propriétaire de champs au Guidimakha mauritanien et à Mbout. Bientôt titulaire du certificat  d’études primaires, mon père avait assimilé, au cours de sa scolarité, les quatre langues parlées à Bakel, à savoir le soninké, le pulaar, le wolof et le bambara. En plus de sa langue maternelle, le hassaniya, il savait écrire et parler l’arabe et le français.

Le témoignage de ma mère

Au début du mois de Juillet 1969, je suis venu à M’Bagne, pour la première fois en vacances. J’ai tout de suite constaté que mes petits frères commençaient à parler le pulaar sans accent et intégraient bien le milieu, alors que ma maman, une terrouzia intelligente, généreuse et cultivée, comprenait elle aussi quelques mots, communiquant, de temps en temps, avec les domestiques, avec, elle, beaucoup d’accent. Quand j’ai interrogé ma mère sur ses impressions, quant à ce séjour de quatre mois en village peul, elle m’en fit le résumé suivant.

« Mon fils, pour connaître les valeurs d’une communauté, il faut absolument vivre avec elle, en son milieu naturel. M’Bagne est la capitale du canton, une entité comparable à l’Emirat. Le chef de canton est Abdoul Aziz Kane, décédé en 1960, les deux maisons que tu vois, dans cette même enceinte, lui appartiennent. Dans celle à l’Est, avec cinq ou six pièces, habitent sa femme Hapsa Anne  et ses enfants. Celle à l’Ouest, forte de quatre pièces, là où nous sommes présentement, est prêtée et non louée à l’administration, c’est là que se trouvent le domicile et le bureau du chef d’arrondissement.

Les Peuls sont, généralement, des pasteurs nomades, leur histoire se confond avec celle des vaches, de couleur blanche qui produisent beaucoup de lait, symbole, à leurs yeux, de bonne santé, et présente à tous leurs repas, l’élevage bovin leur est sacré et leur confère un prestige social, ils se marient entre eux, pour éviter de disperser leur troupeau ». Mon père renchérit : « Le grand historien peul, Amadou Hampaté Ba, rapporte, dans ses livres, la légende suivante. Quand Dieu créa la vache, il créa le peul pour s’en occuper.  Les Peuls ne vendent pas leurs vaches mais les  laissent en héritage pour leurs enfants. Pour eux, la vache assure la continuité du peul ; sans vache, pas de peuls. »

« Ils disent aussi, reprit sa mère, « qu’en la vache il y a la baraka, barke nagge. Les Foulbés sont, habituellement, des nomades, spécialisés dans l’élevage bovin, les bergers peuls, comme ceux que tu connais à Touil Ehl Togba et à El Ghabra, suivent rarement leur troupeau. C’est leur troupeau qui les suit. On dirait qu’ils communiquent. Depuis l’avènement de la colonisation, les Foulbés se sont sédentarisés. Certains historiens disent que les Peuls sont d’origine himyarite, arabes du Yémen, d’autres disent que particulièrement les Kane, tes oncles, ainsi que la famille régnante, ici, sont des chérifs, descendants du prophète Mohamed (PBL). Aujourd’hui, les Peuls font partie intégrante de la société négro-africaine. C’est une communauté très nombreuse, s’étendant de la Mauritanie au Soudan, en passant par le Sénégal, le Mali, la Guinée, le Niger, le Nigéria, le Tchad, et le Cameroun, entre autres.

Tribus et castes

Comme nous, les Toucouleurs sont formés de tribus. A M’Bagne, il y en a deux grandes : les Hirlabés qui se trouvent à Mbagne, Niabina, Dabbé, le village du professeur Oumar Ba, Ndiawaldi, Sorimalé et Garalol. La deuxième tribu, les Hébiabés, habite à Bagodine, Dawlel, Ferrallo, Mbohé et Foundou Djéri. Contrairement aux Maures, le sommet de la hiérarchie, chez les Peuls, est occupé par les marabouts qu’on appelle Torodos, puis suivent les guerriers, appelés les Théddos ; les pêcheurs, les Thuballos ; puis les autres, griots, forgerons, tisserands et esclaves. Ils vivent tous en très grande harmonie, dans un respect mutuel extraordinaire. Les Peuls sont un peuple fier, doté d’une rigueur morale à toute épreuve.

Les castes étant fondées sur les métiers, on peut, parfois, changer de caste, en changeant de métier. Par exemple, un thuballo qui abandonne le filet pour le livre devient torodo ; un torodo abandonne le livre pour le filet ou le fusil et devient thuballo  ou theddo. A l’exception des esclaves, toutes les autres castes font partie de la noblesse. Mais ce qui m’a le plus impressionné, chez les Toucouleurs, c’est surtout la rigueur de leur discipline et leur solidarité  sans faille. Les plus âgés, quelle que soit leur caste, sont obligatoirement respectés par les plus jeunes. Même pendant les repas : personne ne peut manger avant quiconque de plus âgé que lui et le plus jeune maintient le plat avec sa main gauche. Quand ils te croisent, ils te saluent toujours les premiers. Le salut est la plus grande marque de respect. Et plus la personne est âgée et plus elle est respectée, quelle que soit sa caste.

M’Bagne est une ville des Thouballo, les plus nombreux et généreux. Ils passent la majeure partie de leur temps à distribuer le produit de leur pêche aux plus nécessiteux, dans la plus grande discrétion. Les cultivateurs font la même chose, pendant la période de cueillette. Ainsi que les éleveurs. Al Hadji Samba Baidi Diop, dit El Hadji Sa – décédé en Juillet dernier, paix à son âme !  –  est un thouballo très grand bienfaiteur. Grand commerçant de  M’Bagne, un des plus grands, il passe tout son temps à prêter son argent aux voyageurs nécessiteux au Sénégal ou qui ont de petits étudiants à prendre en charge. Ainsi qu’aux cordonniers, pêcheurs ou forgerons démunis, en  attendant des jours meilleurs. On dirait que les commerçants de M’Bagne ne cherchent  pas le profit mais, plutôt, la bienfaisance et la solidarité.

Foi et convenances

Les Peuls du département de M’Bagne sont de vrais croyants. Des trente-cinq villages que compte le département, très rares sont ceux qui ne sont pas dotés de mosquées construites par les villageois eux-mêmes. Celle de M’Bagne est très bien entretenue, les prières y sont régulièrement  et correctement accomplies, à bonne heure. Le département avait un ministre dans le gouvernement, Diop Mamadou Amadou, du temps de Moktar Ould Daddah c’est un thiouballo, un homme exceptionnel. Il vint ici en permission et rendit visite à toutes les familles dont les pères étaient plus âgés que lui, à commencer par la famille du chef de canton. Il en fit ainsi, chez nous, avec beaucoup de courtoisie et de modestie. Tu vois cette femme assise sur sa chaise ? C’est Habsa Anne, une femme âgée mais très lucide et de forte personnalité. Elle se lève au petit matin, accomplit ses prières, puis commence à réveiller tous les enfants et étrangers majeurs, pour en faire de même et petit déjeuner. 

Mais attention ! Ici, il y a des choses interdites : il ne faut jamais dire Do weni M’Bagne. Ici, c’est Mbagne.  – Pourquoi ? », quémandai-je. Elle me répondit : « Au cours d’un des nombreux combats que menèrent les M’Bagnois contre leurs voisins, leur chef aurait été gravement blessé et à son retour à cheval, il aurait demandé aux populations qui l’avaient accueilli, « Do weni Bagne? » (C’est ici, M’Bagne ?). Depuis, prononcer cette interrogation est perçu, par les M’Bagnois, comme une provocation. »

« D’où tiens-tu toutes ses informations ? », lui demandai-je enfin. « Je me renseigne », me confia-t-elle en guise de conclusion, « auprès des arabophones m’bagnois ; surtout de Thierno Samba Tafsirou Ba, décédé en 1977, cadi du département  de Mbagne et imam de la mosquée. Un homme très cultivé et  courtois, puisse le Tout-Puissant l’accueillir en Son paradis. » (A suivre)

 

Le calame

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FLAMNET-AGORA: Marche forcée du 09 janvier 2019 : Ils ont marché…sur quelque chose | Pr ELY Mustapha

Marche forcée du 09 janvier 2019 : Ils ont marché…sur quelque chose | Pr ELY MustaphaPr ELY Mustapha – Quand on marche contre soi, on marche sur soi et celui qui marche sur lui-même trébuche.

C’est ainsi qu’ils ont marché ce 09 janvier 2019, pensant avoir marché contre ce qu’ils considèrent comme leur étant extérieur (la haine, le racisme et la discrimination), alors qu’ils ne font que marcher contre leur propre turpitude. Et nul, en fait ou en droit, ne peut se faire prévaloir de sa propre turpitude.

Ont-ils marché contre les putschistes qui depuis des décennies confisquent le pouvoir et les avilissent ? Ont-ils marché contre l’accaparation du pouvoir par une classe corrompue et siphonnant les ressources du pays ?

Ont-ils marché contre l’injustice de tous les jours ?

Ont-ils marché contre la détention abusive d’un citoyen libéré par la justice et incarcéré par un potentat au pouvoir : Ould Mkheytir ?

Ont-ils marché contre le bradage des écoles publiques au profit de commerçants véreux acoquinés au pouvoir maintenant l’éducation dans de piteux états ?

Ont-ils marché contre le bradage du domaine public (Ecole de Police etc…) au profit d’une courtisanerie présidentielle vorace ?

Ont-ils marché contre l’enrichissement illicite et le détournement des biens publics par fonctionnaires, autres hauts commis de l’Etat et par personnes interposées ?

Ont-ils marché contre la destruction des monuments historiques (Sénat/blocs rouges) et des emblèmes de la nation (drapeau, hymne et armoiries nationaux) ?

Ont-ils marché pour dénoncer la cession des ressources naturelles au profit de compagnies véreuses profitant à la gente corrompue au pouvoir ?

Ont-ils marché contre la criminalité, les viols, les meurtres et l’insécurité qu’entretient l’Etat pour justifier son existence.

Ont-ils marché lorsque contre la misère qui sévit et jette des milliers de familles dans le dénuement, la dépendance et la prostitution ?

Ont-ils marché contre les immondices qui ont fait de leur capitale un dépotoir à ciel ouvert ?

Ont-ils marché contre les maladies qui sévissent, l’insalubrité et les hôpitaux-mouroir ?

Ont-ils marché contre les médicaments trafiqués, importés par des criminels-commerçant-pseudo-pharmaciens avec la bénédiction de l’Etat et qui tuent tous les jours des milliers d’innocents ?

Ont-ils marché contre les détériorations des valeurs sociales sous l’impact d’un régime politique qui utilise le mensonge, la falsification et la corruption comme moyen de maintien au pouvoir ?

Ont-ils marché contre la détérioration et la falsification de tout le système éducatif à ses différents stades faisant de l’enseignement et des diplômes mauritaniens, une non-valeur scientifique.

Ont-ils marché contre le bradage des cerveaux de nos enfants à des écoles primaires commerciales qui en font les incultes de demain et le malheur de la Nation ? Non ! Contre tant de violence et de crimes contre tout un peuple, ils n’ont pas marché !

Mais pour quoi, donc, ont-ils marché ce 09 janvier 2019 ?

Certains ont marché parce qu’il fallait au nom de leur administration, et pour garder leur emploi, marcher ; il y a ceux qui ont marché parce que qu’ils pensent servir un idéal matérialisé en slogans et autres partis pris.

Mais tout ce monde a bien moins marché qu’on ne l’a fait …marcher. Au sens propre et figuré. Une marche à pas forcé…sur lui-même.

Car la haine, le racisme…viennent justement de ceux qui ont marché.

Pour que la haine et le racisme et la division disparaissent, et pour que la tolérance s’installe, c’est une autre marche qu’ils faut faire. Pas cette marche de ce 09 janvier 2019, qui n’est que l’expression de la combine d’un pouvoir qui cherche un terrain pour s’affirmer face à des échéances électorales, qu’il sait cruciales pour son devenir. Alors, il réveille les vieux démons, car quoi de plus machiavélique pour continuer à gouverner que de créer des ennemis intérieurs-extérieurs pour générer la peur et la crainte afin de rendre l’existence de ce pouvoir, aux yeux du citoyen, indispensable.

La marche du 09 janvier 2019, c’est, pour le pouvoir en place, se faire une légitimité en opposant le citoyen à ce qu’il craint lui-même, la haine, le racisme et la discrimination qu’il a lui-même contribué durant des décennies à cultiver dans la société mauritanienne.

Il a encouragé le tribalisme et en a même fait même une institution qu’il utilise et manipule au gré de ses intérêts (électoraux, politique, économiques et sociaux.) Il a réduit le citoyen à une collection de tribus et d’ethnies corvéables à merci.

Il a encouragé la destruction du système éducatif, et corrompu l’intelligentsia dont une partie lui sert de bouc-émissaire et de conseillers dans son immonde projet de sape de la nation et de ses fondements. On le sait, le déclin des peuples et des nations nait de la destruction du tissu éducatif, scientifique et culturel…en somme leur âme.

Si ce régime a commandé et organisé la marche du 09 janvier 2019, c’est uniquement pour distraire le peuple des véritables marches qu’il doit, et aurait dû, faire et l’orienter vers celle qu’il pense lui servir contre des individus qui au nom de leur communauté dénoncent le racisme et l’esclavage comme Biram et autres…

Mais Biram est éphémère, et la violence, le racisme et le tribalisme en Mauritanie ne sont pas nés avec lui, c’est le pouvoir violent et putschiste depuis 1978 qui les a exacerbés et en a fait une arme pour son maintien et sa pérennité (déportation et assassinats des années 80 et 90, haine et emprisonnement d’opposants et de sénateurs ces dernières années etc. etc.)

Si une marche devait se faire, c’est bien une marche contre le pouvoir militaro-politique, lui-même, qui est la source de la haine, et de la division qui secoue la Mauritanie. Une division qui prend sa source dans le tribalisme mesquin qu’il a consolidé et utilisé ; une marche contre la misère qu’il a créée et qui engendre la haine du démuni et dont nait la violence…

Marcher contre autre chose c’est marcher contre soi-même, c’est même « marcher dans quelque chose » (au sens littéral et en hassanya) …

Peut-on dénoncer et marcher contre ce que nous savons être de notre propre fait ? Si cela est, alors cette marche est l’expression la plus élaborée du cynisme des gouvernants mauritaniens et l’asservissement de tout un peuple que l’on fait marcher.

Quand on marche contre soi, on marche sur soi et celui quimarche sur lui-même trébuche. En somme, un peuple qui s’est trompé de marche. Une Nation prise dans la turpitude de ses gouvernants.

Pr ELY Mustapha

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