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CONTRIBUTION : Je suis Samba Thiam

Chaque fois que la vaillante jeunesse négro-mauritanienne résiste aux projets sournois d’assimilation de la part de l’Etat mauritanien, la stupidosphère nationaliste arabe se déchaine contre le leader des FPC. Tels des bourdons, ils polluent les réseaux sociaux, empêchant la tenue de tout débat sérieux. Aux idées, ils opposent des invectives; face aux projets, ils objectent par la distorsion, devant une vision, ils répondent par la diabolisation.
Un membre de cette horde, Sidi Ali O. Balamash s’est fendu récemment jusqu’aux tripes dans un article insipide pour dégurgiter sa haine sur Samba Thiam, dont la détermination inébranlable face aux tentatives d’annihilation des Noirs de Mauritanie fait de lui une sorte de scélérat aux yeux de certaines franges de la communauté arabo-berbère. Et pourtant, tous ceux qui l’écoutent avec la raison, l’approchent sans arrière-pensées et le pratiquent sans parti pris, découvrent un homme loin de l’image de paria qu’on nous dépeint à tour de crises. C’est un homme politique qui pose les problèmes de fond, invite à leurs discussions et propose des solutions. Sa méthode à lui est franche, sans langue de bois, ni faux fuyants. Il ne fait pas dans le louvoiement et ne caresse pas dans le sens des poils.
M. Balamash, dans une incohérence débile, juxtapose des énormités inouïes. Tantôt c’est ” les berbères sont des Arabes purs “, tantôt ” l’élite française d’aujourd’hui parle anglais” ; parfois ce sont ” les dialectes locaux”. Bref… aucune réplique consistante au texte de Samba Thiam sur le discours de Ouadane.
Juste quelques précisions en passant : les Berbères ne sont ni des Arabes purs ou des Arabes de piètre qualité ; ils ne sont pas arabes tout court. Si vous doutez encore, demandez à ce journaliste saoudien qui a requis l’exclusion des pays du Maghreb de la coupe arabe des nations par ce qu’ils ne sont pas…arabes !
Chaque fois que l’opportunité leur a été offerte, les Berbères ont choisi de ne pas être arabes, mais Amazigh. Ce fut le cas dans les pays du Maghreb y compris la Libye où des voix se lèvent de plus en plus pour exiger la reconnaissance de l’identité Amazigh du pays. C’est cette opportunité qu’on leur refuse en Mauritanie depuis la bataille de Shar bouba. Youssouf ben Tachefin n’est pas un arabe, c’est un métis Sanhadja de mère noire.
Excédé par cette confusion entretenue, Nizar Al Qabbani, dans un texte devenu célèbre exprime son agacement ainsi: << Non, nous ne sommes pas des arabes. Assez de mensonge, de tromperie, de fraude, de faiblesse, d’impuissance et de peur. Le syrien n’est pas arabe, l’irakien n’est pas arabe, l’égyptien n’est pas arabe, le libanais n’est pas arabe…Nous sommes des levantins, nous sommes des byzantins, des syriaques…nous somme des phéniciens>>.
Bien qu’agaçantes, ces sorties des Balamash et de son genre ne doivent ébranler aucune personne avertie. Ce sont là, les derniers soubresauts d’une bête à l’agonie, une sorte de baroud d’honneur de mauvais aloi. En effet, depuis que leur tête pensante, Al Mal-oune Saddam a été retiré du trou dans lequel il se cachait comme un rat d’égout et que le régime du rejeton de leur éminence grise ne tient en Syrie qu’à l’aide de l’ennemi juré “Al Fours Al majous”, les baathistes authentiques se sont terrés de disgrâce. Les nôtres, toute honte bue, continuent à s’acharner sur la communauté noire à la poursuite de leur chimère renvoyée aux calendes grecques partout dans le monde arabe.
Souweidi Ali conteste tout de go à notre président l’emploi du prénom “nous” remettant en cause son statut d’un des leaders de la communauté négro-mauritanienne. Laissez-moi vous dire, monsieur, que Samba Thiam parle pour moi, il parle pour Amadou Sarr, la fille de notre martyr Sarr Amadou, il parle pour Thomas Diallo sauvagement agressé par la soldatesque du régime. Il parle pour toutes les victimes du racisme d’Etat en Mauritanie, il parle pour tout le pays. Il pense ce que nous pensons; il dit ce que nous disons, seulement mieux et avec un courage rarement égalé.
Le discours de Ouadane ne nous parle pas. Il ne nous parle pas parce qu’il fait fi de nos réalités quotidiennes, faites de marginalisation politiques, d’exclusion économique et d’oppression culturelle, le tout enrobé dans une perfide sournoiserie et amplifiée par le jacassement des acabits de la trempe de O. Balamash avec une insolence sans commune mesure.
Le Président Ghazouani ne s’adresse pas à nous, car l’unité nationale qu’il prône nous exclut de facto. Il veut la faire sur nous, pas avec nous. Son unité nationale, à lui, passe sous silence la question de cohabitation, pour nous la principale contradiction. C’est une invite à la communauté dominante à taire ses querelles pour préserver son ascendance. C’est une sorte d’appel à un sursaut face au péril noir. C’est ainsi que nous l’analysons, eu égard à l’absence totale de nos préoccupations. L’accaparement des terres de la vallée ? Ni vu ni entendu. Le non enrôlement des négro-africains ? Une pure invention de Samba Thiam et de ses gens. Le non-accès des enfants noirs aux écoles d’excellence ? Pas de souci, elles sont faites pour les excellents…
Voilà pourquoi le discours de Ghazouani à Ouadane ne nous parle pas.
Par contre l’autre discours de Ouadane, le sermon de l’imam de la mosquée nous a donné en partie, du baume au cœur. Un exemple de courage et de piété, cet homme de Dieu n’a pas manqué de rappeler au président ses obligations envers ses administrés, et l’a tenu responsable des malheurs de son peuple, notamment l’effusion de sang et le détournement des deniers publics par la classe dirigeante.
J’aurai aimé savoir la réaction de O. Balamash sur cet autre discours de Ouadane.
La Lutte continue
Abou Hamidou Sy
FPC/Amérique du Nord
20 Decembre 2021
Le combat de nos langues nationales: Reponse A SAKHO

Il y a quelques mois, j’avais fait une réponse détaillée à un texte de Monsieur Sakho sur la transcription des langues en Mauritanie. Mais après avoir vu sa récente vidéo, je crois que j’avais un peu ‘surestimé’ la nature intellectuelle de son propos !
La seule question que je me suis posée après avoir vu la récente vidéo de Monsieur Sakho à propos de la transcription des langues est de savoir si ce Monsieur était vraiment à sa place…
Sait-il vraiment de quoi il parle? Connait-il seulement les enjeux de cette gigantesque question sous ses aspects primordiaux?
Professeur? Okay. Mais on en connait des nullards aussi.Chercheur? Peut-être. Mais on en a vu des improductifs !Donc, on doit se référer aux oeuvres et à leur qualité. Quelles sont les siennes sur cette question? Quelles sont les siennes tout court?
Il ne faut pas permettre aux individus en mal de création intellectuelle de venir saborder une construction de plusieurs générations. Venir piétiner l’oeuf et empêcher sa maturation. Nous renvoyer plusieurs décennies en arrière. Le classique de l’improductivité, de l’infertilité intellectuelle. De celui qui vend une position académique (Dr, Prof, que sais-je encore) en lieu et place d’idées novatrices à même de faire fructifier le contenu de plus d’un demi siècle de lutte, de sueur et d’essais.
Ces langues sont une affaire de plus d’une vingtaine de pays. Aucune irresponsabilité idéologique, incarnée en une solution nationale, ne permet de les ‘localiser’ et d’y introduire des barrières aussi isolatrices. Si vous avez un peu de force, essayez de penser donc au-delà des frontières, ne serait-ce que pour vous conformer à la réalité de votre sujet. Et vous vous rendrez compte de combien grande est la bêtise consistant à vouloir adopter une transcription différente selon les pays. Sinon, vous pouvez continuer de jouer le rôle du guignol de l’histoire et de la marionnette d’une politique adoptée par un système qui affiche ses intentions de tailler la Mauritanie à l’image qui lui sied: tout devrait être arabe, sentir arabe, parler arabe, écrire arabe, chanter arabe. Vous resterez alors un pion à déplacer sur l’échiquier de ce système.
Mouhamadou Falilou Sy dit Pullo Gaynaako
CONCERTATIONS SUR L’EDUCATION, ENCORE UNE FAUSSE ROUTE

Comme faisant partie du calendrier socio-politique de notre pays, la réforme de l’éducation est devenue un sujet recurrent. A chaque régime sa partition, il n’est donc pas étonnant que Ghazouani s’y mette à son tour pour tenter de ressusciter une école à l’agonie. Il est fort à parier que cette nouvelle entreprise sera vouée au même sort que les précedentes, tant la démarche est incohérente.
En effet, vouloir isoler la problématique de l’éducation nationale du contexte général qui a toujours prévalu en Mauritanie est assurément faire fausse route.
Certes l’école est en déliquescence, mais c’est aussi le cas de l’administration, la justice, l’économie…bref, c’est l’Etat qui est déliquescent dans son ensemble. Dés lors, il faudrait une approche globale qui s’inscrit dans une dynamique de refondation totale de notre pays. Il est illusoire de vouloir bâtir un îlot d’excellence dans un océan de médiocrité.
L’éducation n’est pas une fin en soi, mais un maillon d’un processus bien établi de construction d’un État aux normes bien définies, avec des citoyens qui adhèrent à certaines valeurs. En un mot, l’école est une tentative de matérialisation d’une certaine volonté. Les hautes autorités émettent une intention, transformée en plan, puis en programmes, enfin en objectifs que les enseignants essayent d’atteindre.
Une école de qualité découle d’une volonté politique clairement exprimée, sans arrières pensée hégémoniques, qui s’articule autour des questions suivantes. Quel savoir ? Avec quel savoir faire ? Pour quel savoir être? Autrement dit quel citoyen veut-on former, quel État veut- on bâtir et enfin quelle nation veut on fonder.
La Mauritanie est l’un des rares, sinon l’unique pays au monde ou l’école a produit exactement l’effet contraire. Supposée inculquer les vertus de la dure labeur, on y cultive le népotisme le plus primaire. Sensée raffermir l’unité nationale et la cohésion sociale, elle est le terreau du chauvinisme arabe. Au lieu de l’idéal républicain on y initie à l’hégémonie culturelle arabo-berbère.
Les rapports de ces concertations qui circulent ça et là font état de la détérmination des autorites par le truchement de ses mandataires d’entériner la transcription des langues nationales négro-africaines en caractères arabes. Ce fait, s’il s’avère traduit d’une part la mauvaise volonté de l’Etat d’introduire ces langues dans le système éduactif et d’en faire des outils de communication et de travail dans notre pays, d’autre part un des derniers jalons du processus d’arabisation inéluctable des négro-mauritaniens.
Faut il rappeler que le Pulaar, le Soninke et le Wolof au delà de leur caractère national, ce sont des langues africaines, par conséquent la question de leur transcription, par soucis de cohérence et d’harmonisation doit être traitée à l’échelle continentale. C’est à quoi l’UNESCO s’est attelée depuis 1966 à la réunion du groupe d’experts pour l’unification des alphabets des langues africaines. Plus récemment, à la rencontre de Niamey en 1978, toujours sous l’égide de l’UNESCO, les experts ont recommandé l’adoption de l’Alphabet Africain de Référence. C’est ce cadre et ce cadre seulement qui doit servir de canevas pour le traitement de nos langues nationales. La démarche cavalière à laquelle on assiste en Mauritanie équivaut à renoncer au système métrique pour adopter les mesures empiriques.
Il ne fait aucun doute que ces concertations, entrent dans le sillage des “réformes” de 1966 et de 1979 et ne visent qu’un seul but arabiser totalement le système éducatif national et d´assimiler culturellement les communautés négro-africaines du pays.
Abou Hamidou Sy
Secrétaire Général- FPC-Amérique.
LA REPONSE DU PRESIDENT SAMBA THIAM AU MAIRE D’AOUJEFT

Il y a un peu plus de deux ans, en fin de matinée, je croisais, juste au rond-point de la BMD, un Monsieur que je ne connaissais pas , qui me fixa avec intérêt et dans un élan de franche sympathie me tendit la main, comme enchanté de me rencontrer . De taille courte, moustache poivre-sel, il se présenta comme étant le maire d’Aoujeft . Il engagea la conversation et par glissement évoqua les pendaisons survenues au nord du pays pendant les années de plomb (aspect du Passif humanitaire) sur lesquelles, affirma-t-il , il était prêt à témoigner… je répondis pour dire que je prenais note , et que ce moment viendrait certainement un jour. Puis nous nous quittâmes…
Je rappelle à cet individu, ici, que c’est toujours le même Samba Thiam, avec les mêmes convictions et les mêmes positions de principe d’alors …Qu’est- ce qui a donc changé à ses yeux , aujourd’hui, pour me valoir d’être subitement catalogué comme ennemi de la ‘’nation ‘’ et voué aux gémonies, serais-je tenté de lui demander ?
Ce Monsieur dit disposer de mes audios où j’incitais les populations de Lexeiba à protéger leurs terres ; je l’invite donc à les publier sans tarder sur la toile …J’affirme que depuis la fin de la désastreuse élection présidentielle de 2019 , je ne me suis rendu nulle part dans la vallée du fleuve, ni rencontré aucune population , sauf à Mbagne ,récemment , pour des motifs de condoléances . Publiez donc Monsieur ces Audios, s’il vous plaît !
Pour quelles motivations cet individu se dresse aujourd’hui pour développer un discours truffé de mensonges, fabriqué sur la base d’un ramassis de ragots, si ce n’est à des fins de dénigrement, pour monter les uns contre les autres ? Le Système a ses tentacules et l’appât du gain facile ne cesse de pervertir les âmes, hélas ! Les retournements de veste dans notre pays ne surprennent guère plus, pour constituer presque la norme dans les comportements au quotidien…
J’aimerais, maintenant, toucher, de biais ,un mot sur ces ‘’ terres de Lexeiba’’ , en guise de réponse à son propos …Je rappelle ce que j’avais écrit il y a quelques temps – et qui demeure- à propos de l’article de Ahmed Sidy Baba, paru en novembre 2019 ; voilà ce que je disais « ( Si) les terres d’Atar , des Hodhs, du Tiris ,relèvent du Trab –el bidhaans, comme le terroir de Sangrava appartient aux El- Maali et affiliés – refusé aux Meshdoufs- et LEMDEN à la parentèle du Président (feu) Sidy O cheikh Abdallah { ….}», pourquoi donc les habitants de Lexeiba ,à leur tour, devraient –ils se priver d’ exercer le même droit sur leurs terres ancestrales ? Ces mêmes Meshdoufs – ironie de circonstances – s’installent aujoud’hui , de force et non sans tension, sur certaines portions du terroir des parents de Messoud Ould Bulkheir dans le Hodh … Encore une fois, si les terres d’Atar appartiennent aux Atarois ( aux gens du nord comme le laisse entendre un audio qui circule en ce moment sur la Toile ) pourquoi celles de la vallée ne seraient -elles pas aux autochtones de la vallée du fleuve ? La question est là !
Pour ma part, je suis un habitué des cabales contre ma personne … Hier Nous étions quelques-uns à subir, conjointement, les fourches caudines du Système et des groupes à sa solde….Je demeure le pestiféré , mais cela ne m’intimide pas outre mesure…Seul Dieu protège ! Je ne me tairai pas, je ne me coucherai pas .
Je salue, au passage, ces compatriotes arabo-berbères qui font preuve de courage…Le courage, disait Jaures, c’est de chercher la vérité et de la dire, c’est de ne pas céder à la loi du mensonge triomphant ‘’.
Enfin je ne terminerai pas sans dire aux champions de l’amalgame et du renvoi dos-à-dos qu’il n’y a qu’un extrémisme et on sait où il se trouve … tout le reste est démagogie !
Samba Thiam
03 Octobre 2021
DÉBAT SUR LA TRANSCRIPTION DE NOS LANGUES NATIONALESLet’s be real, Mister Sakho !

DÉBAT SUR LA TRANSCRIPTION DE NOS LANGUES NATIONALESLet’s be real, Mister Sakho !Par Dr Mouhamadou Sy dit Pullo Gaynaako Ainsi donc rouvre le débat sur la transcription des langues non arabes de Mauritanie. Un débat conclu et clos depuis bientôt soixante ans, mais qu’une classe d’idéologues, en Mauritanie, continue de soulever pour la simple raison que la conclusion, pourtant basée sur une expertise bien solide, ne satisfait pas son idéologie conquérante. Il y a moins de deux ans, Pr Ely Moustapha soulevait la même question et prônait, avec beaucoup de méprises sur l’histoire récente de ces langues et leur lutte, et surtout du mépris, volontaire ou par mégarde, à l’égard des communautés concernées et les acteurs de cette lutte, la transcription des dites langues en caractères arabes plutôt que les caractères latins adoptés à la conférence de Bamako. Il y a quelques jours l’on a appris qu’une commission gouvernementale a été mise en place pour veiller à l’application de l’article 6 de la constitution. Le contenu de cet article définit les langues Arabe, Pulaar, Soninké et Wolof comme nationales et promeut l’Arabe à un statut officiel exclusif. À la tête de cette commission se trouve Monsieur Abou Sow, ancien ministre et fervent défenseur de la transcription des langues nationales en caractères arabes. Ce qui frappe dans cette commission c’est déjà l’absence des acteurs reconnus, pour leur compétence et leur dévouement, de la promotion des langues nationales, à commencer par ceux liés de près ou de loin au défunt institut des langues nationales. Comment pourrait cela s’expliquer si ce n’est par un souci de faire passer sans résistance aucune un projet d’empoisonnement de la lutte des langues non arabes du pays ? Il y a plusieurs choses à dire sur cette commission et sur l’article 6 lui-même et son injustice primordiale de laquelle découlent toutes les autres, mais nous y reviendrons une autre fois.La question de la transcription a ainsi inévitablement refait surface à la suite de l’annonce de cette commission et de son programme. Et cette fois, c’est Monsieur Moctar Sakho, dont je viens d’entendre le nom – et je ne le précise que par souci d’exactitude – qui dit nous appeler au « pragmatisme », à la « franchise » et au « réalisme », notamment par la formule « Let’s be real » martelée en point final de son texte. S’il n’y voit pas d’inconvénient, je me permets de la réutiliser. Car en effet, il faut bien être tout cela et regarder la question en face. Sur ce point, Monsieur Sakho, nous sommes vraiment d’accord. Et, il faut surtout analyser les données du problème de façon objective et méticuleuse et non se limiter aux impressions impulsives.Le texte de Monsieur Sakho recycle principalement le fameux argument coranique, dans une saveur qui se veut nouvelle.Tout d’abord, il prétend que l’apprentissage du coran est le point de départ de l’expérience scolaire des enfants mauritaniens, et donc cela peut servir de justification à la décision de changer de transcription en faveur des caractères arabes. En réalité, Monsieur Sakho, il n’en est rien ! les enfants mauritaniens ne commencent pas leur aventure scolaire par l’apprentissage du coran. Que faites-vous de la matrice culturelle et linguistique qui a accueilli ces enfants, à leur naissance, qui les a vu grandir, et qui a forgé les bases d’un certain nombre de leurs fonctions cognitives fondamentales ? Vous allez à l’encontre d’un nombre considérable de résultats scientifiques sur le développement cognitif de l’enfant et son apprentissage en tenant de tels propos. L’école, dans son sens qui sied à ce contexte, commence donc bien avant le coran ; c’est d’ailleurs ainsi que l’apprentissage même du coran utilise les acquis de cette école primordiale dans sa méthode mnémotechnique bien connue chez nous. Par conséquent, ce sont des enfants qui ont déjà expérimenté les vestiges d’une école traditionnelle et ayant subi l’encadrement de diverses institutions sociales, incluant des notions dans divers métiers, qui arrivent chez le maître coranique. En omettant cette réalité qui est loin d’être anodine, vous répliquez les erreurs du système qui a produit les échecs scolaires qui semblent vous préoccuper. Ensuite, vous affirmez, toujours dans le but de défendre une transcription arabe, que ‘notre culture quotidienne est largement arabo-musulmane’. Il faut avouer qu’il y a une certaine ambigüité dans cette affirmation. Mais comme l’on parle des langues non arabes de la Mauritanie, il est logique de considérer qu’elle se rapporte aux communautés non arabes du pays. Elle devient alors tout à fait erronée.Ce qui fait le socle de leur culture quotidienne n’est en aucun cas d’essence arabo-musulmane, ni linguistiquement, ni sociologiquement. Et dire ceci n’est pas nier les influences bien réelles que la culture islamique a sur ces communautés, mais c’est uniquement le faire avec mesure. Affirmer avec aisance une telle contre-vérité scientifique dont le contraire est vérifiable, autant à l’observation de la société en question qu’à la consultation de la vaste littérature de recherche qui lui est consacrée, est tout juste indigne de quelqu’un qui prétend faire une proposition d’une certaine clairvoyance scientifique. Vous nous avez appelés à la raison, en utilisant la malencontreuse formule de Senghor. Ce que, personnellement, je trouve très irrespectueux et mal placé. Tout de même, j’apprécie beaucoup l’invitation en tant que telle. Nous sommes ici précisément sur un terrain strictement rationnel. Vous ne serez certainement pas contre que nous adoptions une attitude logique vis-à-vis de la question, vu que vous l’avez vous-même demandé. Donc je suppose que vous êtes à l’aise.Vous dites avoir basé votre réflexion sur votre propre expérience. Expliquez nous alors comment votre expérience de praticien des langues vous a mené à la conclusion qu’en Mauritanie, toutes les langues devraient utiliser les caractères arabes. Avez-vous déjà été confronté à ces problématiques ? Mieux, avez-vous mené des études dont les résultats l’ont suggérée ? Si de l’expertise il y est, il ne suffirait tout de même pas de réclamer une profession pour la faire s’exprimer ; il faudrait, à la place, fournir des arguments solides qui relient vos observations à la théorie que vous en faites. Tout ceci en gardant à l’esprit que, sans une étude à grande échelle, ces observations personnelles n’auront que la valeur épistémique très limitée qu’un témoignage peut avoir. En tout cas, ce serait ainsi ; si jamais l’on décidait de faire les choses avec raison, comme vous le réclamez. Maintenant que nous avons discuté de la faiblesse des arguments principaux du texte de Monsieur Sakho, il convient d’exposer ceux qui sous-tendent la position opposée. Contrairement à ce que laisse penser un passage du texte de Sakho, l’argument des partisans de la continuation des caractères latins n’est pas basé sur le seul fait que l’UNESCO les reconnaît. Il y a des raisons de nature scientifique qui font qu’ils sont préférables aux caractères arabes, en plus des raisons culturelles, géographiques et programmatiques bien solides. Il y a deux ans, dans le contexte du même débat, il a été exposé le fait vérifiable, basé sur une analyse comparative des sons fondamentaux du Pulaar et ceux du Français et de l’Arabe, que le Pulaar partageait avec le Français 70,97% de ses sons fondamentaux contre 51,61% de sons partagés avec l’Arabe. Un an plus tard, dans une étude statistique sur l’utilisation relative des lettres Pulaar dans sa production écrite, j’ai pu calculer les fréquences d’utilisation de chaque lettre. Je tiens à préciser que l’étude n’était en aucune manière motivée par ce débat. D’ailleurs, qui l’a déjà lu peut, tout au plus, témoigner des motivations cryptanalytiques. C’est bien plus tard que j’ai fait la remarque évidente que ces données peuvent, en fait, raffiner l’observation basique faite ci-haut sur le rapport des sons. On trouve en fait que les sons du Pulaar extra-latins ne sont utilisés qu’à hauteur de 4,34%, ce qui veut dire que les 70,97% des sons que le Pulaar partage avec le Français expriment déjà 95,66% de la production écrite du Pulaar. La même observation montre que 72,65% de cette production est exprimée par les sons arabes. La différence est donc de 23,01% en faveur du Français, et des caractères latins donc ! Vous vouliez de la raison ? Elle est là exprimée par les chiffres et par la méthode dépourvue des sentiments. Reste à savoir ce que vous voudrez rationnellement qu’on en fasse !Rien qu’à ce niveau, on voit donc l’avantage phénoménal que les caractères latins ont sur ceux arabes dans le contexte de la transcription du Pulaar. La même conclusion devrait s’appliquer aux autres langues concernées vu leur parenté avec le Pulaar.Les autres arguments qu’il ne faudrait pas négliger non plus comprennent la standardisation : on ne peut pas sérieusement soutenir que des langues transfrontalières comme celles dont on parle adoptent une transcription différente selon la géographie. Cela constituerait un frein sérieux à leur développement qu’aucune solution nationale ne pourra résorber. Là aussi, let’s be real et pensons convenablement la question. La nature transfrontalière de ces langues et les peuples qui les parlent est un fait qui se passe de toute discussion et vouloir la tronquer pour satisfaire les caprices d’une idéologie est un manque de sérieux inouï qui, dans de conditions normales, ne mériterait qu’un petit sourire. Je crois que les penseurs africains auront toujours tort de vouloir confiner les réalités de leurs peuples dans les aléas géographiques des frontières insoucieuses de toute réalité culturelle ou économique des populations. Surtout, pas au moment où une nécessité pressante fait que même des frontières construites de façon progressive et reflétant une certaine logique historique sont en train de se fléchir au profit du contact des peuples plutôt que de poursuivre les rigidités nationalistes. La véritable Afrique est celle des peuples et non celle des états dessinés à la va-vite. Notre salut passera par le fait que les états finissent par le comprendre, et qu’ils arrêtent de céder au jeu dangereux qui est celui d’assister sans réagir à la mort des peuples (de leurs langues et cultures) quand ils ne l’accélèrent pas par diverses manipulations et mises en opposition génocidaires de leurs communautés constitutives. Ils ont tout intérêt à mettre l’accent sur ces ponts qui les relient de façon si profonde, et de mener des politiques de développement adaptées.La vocation de la Mauritanie, comme celle de tout état africain typique, n’est pas de se matérialiser en un terrain où une culture promue au sommet de l’état assimile -voire assassine – les autres. Il n’est pas question de requérir les mêmes traits culturels, linguistiques ou ‘transcriptifs’ pour garantir la paix dans un pays, surtout pas de le faire en sommant les défavorisés de l’état à rejoindre l’élu. Il est plutôt question d’admettre sa diversité et d’en faire une identité, une force ; d’accueillir l’éventail culturel, linguistique et historique ; d’incuber ces imaginaires dans le plus profond des programmes éducatifs et culturels pour espérer cueillir des créativités diverses. Cela nécessite une dimension dans nos réflexions qui va au-delà des frontières et qui permet de renouer avec notre trajectoire historique authentique.