Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Les Peuls : Les Kurdes d’Afrique… Et si la question peule était posée…? une contribution de Bellahimana LY

BGOLxmuCUAIWaJz.jpg-largeComme les Kurdes au Moyen Orient et les Berbères au Maghreb et au Sahelles Peuls constituent un grand peuple sans un « Etat foyer » comme disent les occidentaux à propos des Juifs. Ils se trouvent dans la quasi-totalité des pays d’Afrique de l’ouest et une partie de l’Afrique centrale.

Traditionnellement des nomades, les Peuls se sont sédentarisés pour former des états qui datent du Moyens Age : L’Almamiya du Fuuta Toro ( sud Mauritanie et nord Sénégal de Saint-Louis á Bakel), Le Royaume Fouladou (Haute Casamance au Sénégal, nord-est de la Gambie), l’Almamiya du Fuuta Jallon en (Guinée Conakry), l’Empire du Macina (Centre du Mali), l’Etat infaillible de Liptaako (Burkina faso), l’Empire du Sokoto (Ouest du Nigeria , Sud du Niger et Nord duTogo et Benin) et l’Etat d’ Adamahawa (Est du Nigeria et Nord du Cameroon).

Seuls les Wodaabés en Afrique centrale (Est Niger, Extreme Est du Nigeria et CamerounTchad, SoudanSoudan du Sud et la Centrafrique) n’ont pas d’Etat foyer dû à leur activité de transhumance. 

Aujourd’hui aucun de ces Etats n’est une république indépendante et aucun mouvement ou groupe séparatiste ne revendique une quelconque autonomie. 

 

La langue peule

La langue peule et le Swahili sont les deux langues les plus parlées en airs géographiques en Afrique. La langue est appelée Pulaar dans la zone ouest et elle est appelée Foulfoulde dans les autres pays. Elle est comprise par tout le monde peul avec des légères différences. Il y a huit aires dialectales du Peul :

Pulaar Fuuta Jaloo (Guinée Conakry, Guinée Bissau, Sierra Leone), Pulaar Fuuta Tooro (Nord Sénégal, Sud Mauritanie et Ouest du Mali), Pulaar Firdu (Casamance et en Gambie), Fulfulde Maasina (Centre et Nord Mali), Fulfulde Liptaako (Burkina Faso), Fulfulde Borgu (Benin et Togo), Fulfulde Sokoto (Nord-Ouest du Nigeria et le Niger),Fulfulde Adamahawa (Nord-Est du Nigeria, Cameroun, du Tchad, Centrafrique, Soudan).

Le Peul n’est la langue officielle d’aucun de ces pays cités; comme l’est le Swahili la langue officielle de la Tanzanie et du Kenya. Cela s’explique d’abord par le fait qu’aucune ville peule n’est devenue la capitale d’un pays, ça s’explique aussi par des raisons politiques. 

 

les peuls sont t-ils vraiment des gens méchants?

Les Peuls sont victimes de discrimination et de stigmatisation. Les autres ethnies ont “surtout peur” de la langue qui pourrait etre selon eux un facteur de domination en Afrique de l’ouest. Leur situation politique aujourd’hui est aussi le resultat de leur forte opposition aux colons, les blancs ont installé la méfiance dans les coeurs des gens comme ils l’avaient fait au Rwanda entre Tutsie et Hutu. Par conséquent les Peuls sont accusés du racisme et de l’égoisme.

Si aujourd’hui beaucoup d’Africains se vantent d’être musulmans c’est grace à “Geno” Bien sûr mais aussi aux Peuls surtout ceux du Fuuta Toro appellés Haal Pulaar’en. Une partie des Peuls d’Afrique de l’Ouest, ont été parmi les propagateurs de l’islam sunnite, notamment avec des personnages du clan Toroobe Oumar Tall, comme Ousmane Dan Fodio et Muhammad Bello Chez les Haussa, Sékou Amadou, fondateur de l’empire Peul du Macina, et Amadou Lobbo Bari “Emir du Macina, Modibo Adama, fondateur du royaume Peul de l’Adamaoua les peuls auraient dû profiter de l’Islam pour imposer leur culture aux autres.

Sur le plan socio-géographique, les Peuls conquérants pratiquant le djihad sont des Peules sédentaires et en bonne relation avec les populations avec lesquelles ils cohabitent. 

Les peuls ont un large esprit d’ouverture et de partage, ils forment en générale une seule communauté avec leurs voisins. Au Sahel, il très difficile de différencier un Peul à un Touareg, au Nigeria, avec les Haussa ils constituent un peuple appelé Haussa-Fulani, au Sénégal les Peuls et Sérères sont très liés bref les discours politiques et la réalité sont très différents. 

Les Peuls très croyants n’ont jamais adopté l’esprit de vengeance ou de représaille « Ko muusi muusi ko fof » ils s’en remettent à Dieu « Maa Allah ñaaw fof » Dieu Jugera tout. Le président mauritanien avait prononcé ces mots à Kaédi : «… je suis heureux parce que les affliges ont fait preuves de maniabilité et d’indulgence je suis heureux parce que, Allah leur a donné le courage de surmonter les douleurs et la force de souiller les larmes de l’amertume sans ressentiment… »

Les éleveurs peuls ont beaucoup de problèmes avec leurs voisins agriculteurs qu’ils soient peuls sédentaires ou d’autres groupes ethniques, les pasteurs détruisent sur leur passage les champs des agriculteurs cela engendre des incidents très graves, le plus grave et celui qui a provoqué un conflit sénégalo-mauritanien suite à la bagarre entre un éleveur mauritanien et un cultivateur sénégalais, par contre ils sont victimes des vols de bétails à main armée. Le plus récent événement remonte en 2012 des Peuls Burkinabés sont massacres par des Dogons du Mali.

 

Situation politique pays par pays.

 

Sénégal

La situation politique du Sénégal est très stable. Les Peuls ont toujours occupé des postes importants, le président actuel est originaire du Fouta mais on ne peut pas dire que la situation est la meilleure. Dans les années 70-80 le Sénégal avait publié des statistiques en divisant les peuls en 3 groupes (Toucouleurs, Peuls et Laobés) pour donner la majorité au Wolof afin que cette langue soit la première au Sénégal. Le défunt Tidiane Anne tenta de s’opposer à ses données. 

Aujourd’hui parler Pulaar dans certains lieux peut relever de nationalisme voir racisme chez certaines personnes. Il n y’a pas de tension ethnique au Sénégal mais la langue pulaar est en perte de vitesse. A la vielle du deuxième tour de l’élection présidentielle 2012 des responsables politiques brandissent l’épouvantail d’une menace peule dans le pays en criant au vote ethnique. Heureusement le peuple sénégalais dans son ensemble est un peuple civilisé et mature. 

 

Cameroun

Les Peuls ne sont pas catégoriquement exclus de la vie politique camerounaise. Leur premier président est un peul, Ahmadou Ahidjo. Poussé à la sortie par les français en lui faisant croire qu’il était gravement malade, quelques années plus tard il a voulu reprendre le pouvoir cette fois ci il est contraint en exil forcé au Sénégal par Paul Biya. Les peuls dominent le centre et nord du Cameroun (Ngaoundéré) même si le pouvoir est aux mains des sudistes depuis plusieurs décennies.

Le fulfulde est la première langue du Cameroun, elle est véhiculaire dans tout le centre et nord Cameroun. Les villes comme Ngaoundéré, Maroua et Garoua ont bénéficié des infrastructures modernes et de bonne gestion où ils pratiquent librement leur tradition. Le pays est réputé être calme car il n’a jamais connu des conflits ethniques ou religieux. Les camerounais se demandent si la dictature qui assure la stabilité n’est pas meilleure qu’une alternance démocratique qui installe le chaos.

 

La Guinée et la Mauritanie 

Ces deux populations ont un destin identique et parfois tragique.

En Guinée, les Peuls subissent un sentiment de haine qui remonte au discours scandaleux de Sékou Touré. Inquiet de la montée de la popularité de Diallo Telli, premier Secrétaire Général de l’OUA, le dictateur sanguinaire invente un complot peul imaginaire. 

D’abord Il interdit la bourse d’études aux enfants peuls, ensuite des gens ont été massacrés parce qu’ils portaient des patronymes Diallo, Soh, Barry, Bah… Des intellectuels peuls sont victimes des exécutions en série, ce qui a fait le plus mal durant cette période c’est le fameux discours haineux, Sékou Touré appelle ouvertement au génocide peul (Personne n’a va jamais réussir ce que Hitler a échoué pendant la shoah).

M. Diallo n’a pas perdu sa foi en « Geno » voilà un extrait parmi ces derniers mots « Je suis croyant…je l’attends devant Allah » 7 ans plus tard Sékou, l’a rejoint dans l’autre monde. Aujourd’hui ils souffrent de cette diabolisation et les tensions ethniques persistent les spécialistes parlent de risque de guerre civile tandis que les peuls eux s’alarment d’un risque de génocide.

Ces tensions sont ravivées par les dernières élections présidentielles. Le candidat peul est arrivé en tête au premier tour avec 39 pour cent; a été éliminé au deuxième tour par une campagne « tout sauf peul » un résultat étonnant politiquement. Pourtant les peuls sont largement majoritaires en Guinée avec 40 pour cent de la population.

En Mauritanie c’est toute la communauté africaine qui fait face à l’arabisation du pays. Les Haali Pulaar’en sont la première ethnie africaine, ils sont particulièrement visés. Dans les années 80, ils publient un manifeste dénonçant le racisme et les discriminations par la suite le régime en place affirme avoir déjoué un coup d’état peul et saisit l’occasion pour commettre c’est qu’on appelle une épuration ethnique dans l’armée et d’autres institutions du pays.

En 1989 un conflit sénégalo-mauritanien éclate mais le pouvoir est persuadé que les véritables ennemis sont les haal pulaars des milliers de foutankés chassés de leur terre, des tueries et des licenciements des fonctionnaires se multiplient sous le regard silencieux des oulémas et des chefs religieux. Le 28 novembre 1990 28 Soldats tous pulaars sont pendus pour célébrer l’indépendance du pays. 

24 ans après, la justice n’est pas faite mais les choses semblent aller mieux. La communauté noire continue à dénoncer le pouvoir en place qu’il juge raciste fondé sur un système politique discriminatoire. Les nationalistes arabes veulent instaurer un Etat exclusivement arabe et tourner le dos définitivement aux pays subsahariens, des mouvements noirs protestent ce système, ces même mouvements sont accusés d’être composés exclusivement de peuls.

 

Mali

Les peuls du Mali sont victimes des conséquences du conflit entre les Touaregs et Bamako. Les Peuls cohabitent avec les tamasheqs depuis des siècles et ils partagent la même culture du Sahel. Durant les périodes des conflits, les Peuls sont pris entre deux feux, d’une part ils subissent les représailles des Touaregs les considérant avant tout des africains et d’autres part l’armée malienne commette des exactions sur des innocents qu’elle accuse de soutenir les Touaregs et surtout d’avoir massivement intégré les forces djihadistes du Mujao.

Les Peuls sont bien représentés dans la vie politique du Mali mais les tensions entre les éleveurs et les agriculteurs sont fréquents, sous le régime d’ATT qui est élevé dans un milieu peul. L’Etat avait pris des décisions en faveur des pasteurs peuls mais depuis son renversement les tensons surgissent.

Guinée Bissau et Sierra Leone

Dans ces pays la situation politique est instable, ils souffrent des crises politico-militaires. Le président de l’intérim de la Guinée Bissau est peul, le pays traverse une longue crise politique. La Sierra Leone sort d’une décennie de guerre et la population peule est très minoritaire.

 

Benin et Togo

Dans ces pays aussi les populations peuls sont minoritaires et occupent le nord du pays. Ils ne sont pas impliqués dans la politique de leurs pays et ils font face à des conflits frontaliers et des tensions avec les agriculteurs. La communauté Peule au Bénin est déjà victime de nombreuses humiliations et brimades par les populations et les forces de l’ordre à cause de la mauvaise publicité qui leur est faite par certains médias et certaines autorités.

Il y a quelques mois, suite à un incendie qui a décimé un village, un ministre de la République parlant des transhumants, a dit publiquement devant une population en furie, donc vulnérable et facilement influençable : « Comme le Guépard, nos forces de sécurité et de défense sont appelées à traquer ces hors la loi jusqu’à leur dernier retranchement ». Ces propos ont été relayés par la presse béninoise.

 

Burkina Faso

Les peuls constituent la troisième ethnie du pays, c’est l’un des pays qui n’a pas connu des crises interethniques. Dans la région du Sahel, le Fulfulde est enseigné, le taux d’alphabétisation est élevé, le fulfulde est bien représenté dans le pays. Selon la constitution nationale les habitants sont appelés les Burkinabè (mot invariable), où le suffixe « bè »désignant l’habitant en fulfulde (homme ou femme), le singulier est Burkinajo mais pour faciliter les choses le gentilé du Burkina reste toujours invariable.

 

Niger et Nigeria

Dans ces deux pays les Peuls sont indissociables aux Haoussas, dû à leur attachement à l’islam. Au Nigeria, on parle plutôt d’une opposition du nord musulman au sud chrétien la religion est au-dessus de l’appartenance ethnique. Le pays a connu des présidents peuls et la langue fait partie des quatre principales langues du Nigeria (Haoussa, Foulani, Igbo et Yoruba).

 

Tchad, Soudans et Centrafrique

Les Peuls-Bororos ou Woddaabe vivent éparpillés dans plusieurs pays d‘Afrique. On ne connaît pas précisément leur nombre ni même où ils habitent parce qu’ils sont constamment en mouvement. Ce sont des nomades qui ne connaissent pas les frontières en plus des pays de l’Afrique centrale on les trouve également au Niger et au Nigeria.

Les deux Soudan sont déchirés par des guerres inter-ethniques, aucun groupe n’est épargné par les graves crises. Au Tchad, le peuple peul est plus mal recensé compte tenu de leur mode de vie qui est nomade, les peuls du Tchad sont souvent confrontés à des problèmes dus à leur activité, ils sont accusés de ne pas respecter les lois qui protègent la nature. Le Tchad a connu une rébellion dirigé par un peul le général BaBa Laddé. Les organisations internationales dénoncent les exactions commises sur les populations peules, elles dénoncent également les violences des milices peuls sur des populations civils.

En Centrafrique, les peuls vivent en ce moment une situation dramatique, ils ont victimes de série de massacres. Des rebelles venus du nord à majorité musulmans avaient renversé le pouvoir en place. Ces rebelles sont accusés de commettre des exactions sur les civils chrétiens, ces derniers ont formé une milice Anti-balaka qui attaquent les musulmans, les peuls constituent 70 pour cent de ces musulmans. Ces deniers jours la situation est particulière désastreuse les peuls connaissent une vraie épuration ethnique ou nom d’un faux conflit confessionnel.

Depuis décembre 2013 au moins 100 personnes d’origine peule ont été tuées à l’arme blanche, parmi lesquelles beaucoup d’enfants, près de Boali, à 95 km au nord de Bangui. Les victimes, selon les sources, sont toutes des Bororos, membres de la minorité peule musulmane.

 

L’avenir des peuls

Notre culture dépend de la survie de notre peuple, à quoi bon une culture sans hommes? Nous ne pouvons pas continuer à fermer les jeux et laisser nos proches se faire massacrer comme des mouches. Nous ne pouvons pas continuer à fermer les jeux et laisser nos proches se faire exclure de la vie politique et dans les institutions de leurs pays.

Nous ne pouvons pas abandonner nos activités traditionnelles au nom des frontières artificielles, les peuls ne connaissent pas de frontières, les lois doivent tenir en compte de cette réalité. Notre culture dépend de notre vie, ce que les peuls subissent aujourd’hui en RCAGuinée et dans d’autres régions est inhumain, personnes ne peut dire que les autres ont subi la même chose, qu’il nous montre des preuves.

Contrairement aux Kurdes et aux Touaregs les peuls ne cherchent pas à créer un Etat peul indépendant, en tout cas pour le moment mais plutôt à vivre dignement sur leur terre natale, c’est un peuple pacifique qui ne connait pas « la culture de guerre ». La stigmatisation doit cesser partout pour une paix durable. 

Le Peul est la troisième langue la plus parlée en Afrique après swahili et haussa, il devrait avoir plus de considération. On voit des radios et des télés internationales dédiées aux autres langues pourquoi pas en peul aussi ? La communauté internationale a le devoir de protéger tous les peuples, la question peule ne devrait plus rester un sujet tabou. 

Les lois qui rendent difficiles le pastoralisme des peuls (comme c’est le cas au Tchad) doivent être modifiées. Les peuls doivent avoir une garantie de libre circulation et la communauté Internationale doit surtout faire des pressions sur les régimes politiques pour faire cesser les persécutions.

Le problème est qu’il n’existe pas de véritable solidarité entre les peuls. Les organisations et associations comme Tabital Pulaagu International ne font rien de concrets à part les festivités et les réunions. Aujourd’hui, les pires massacres des peuls sont en cours en Rca, que disent ces organisations pourquoi elles ne réagissent pas. 

Le combat n’est pas seulement militaire ou politique c’est aussi culturel, Humanitaire… créer des télévisions et des radios peules pour promouvoir la langue et la culture, créer des organisations humanitaires pour aider ceux qui sont en situation vulnérable, accueillir des frères victimes des percussions politiques.

Africpost 

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Malcolm X et Martin Luther King, deux méthodes pour un même combat

Photo : Le 26 mars 1964, Malcolm X et Martin Luther King Jr. se rencontrent en marge des débats au Sénat américain sur la loi pour les droits civiques.
 
Si pour l’establishment blanc des Etats-Unis, Malcolm X et Martin Luther King étaient aussi différents que « l’huile et l’eau », ils furent des dirigeants respectés de la communauté noire. S’ils se sont affrontés politiquement et ont prôné des formes de lutte différentes, leur objectif était le même : la libération de l’homme noir. Selon leurs proches, les deux hommes s’étaient rapprochés dans les dernières années de leurs vies, même s’ils ne s’étaient rencontrés qu’une seule fois.
 
Les Etats-Unis commémorent ce samedi la cinquantenaire de la disparition de Malcolm X, assassiné le 21 février 1965. Cette mort brutale avait été vécue à l’époque comme un grand choc dans les quartiers noirs des principales villes américaines où des dizaines de milliers de personnes pleurèrent la disparition de leur « prince noir resplendissant » (Our Shining Black Prince). A quelque 40 mois d’intervalle, le 4 avril 1968, disparaissait à Memphis, le révérend baptiste Martin Luther King, abattu par un suprématiste blanc. Le président Lyndon Johnson le qualifia de « martyr de la nation » et des parlementaires assistèrent à ses obsèques.
 
En l’espace de trois ans, les Etats-Unis perdirent deux de leurs plus grandes figures vouées corps et âme à la libération noire au XXe siècle. Pour la petite histoire, l’autopsie du pasteur noir révéla que son cœur, épuisé par treize années de lutte, ressemblait à celui d’un homme de 60 ans. Il en avait 39, tout comme le champion du « pouvoir noir » au moment de son assassinat !
 
Différences
 
Si ces deux dirigeants noirs appartenaient bien à la même génération, ils se sont affrontés politiquement et ont déployé des stratégies très différentes pour atteindre leur objectif d’améliorer les conditions de vie des hommes et des femmes de leur communauté.
 
S’inspirant des enseignements de Gandhi, Martin Luther King milita pour l’obtention des droits civiques pour les Noirs à travers des actions non violentes et des négociations avec le gouvernement fédéral. Quant à Malcolm X, il était, lui, aux antipodes de la pensée de la non violence et qualifiait ironiquement le mouvement des droits civiques de « la seule révolution qui préconise qu’on doit aimer son ennemi ». Adepte de la confrérie Nation of Islam (NOI) qui se revendiquait de l’islam et prônait le nationalisme noir, celui-ci galvanisait les masses noires des ghettos du Nord en leur parlant de la fierté de leur couleur, de leur culture et de leurs héritages noirs et africains. Il réclamait la séparation des Blancs et des Noirs, allant même jusqu’à forger une alliance avec le Ku Klux Klan pour la mise en place effective de cette séparation. Une idée qu’il regrettera par la suite.
 
Selon Malcolm X, la société blanche étant irrémédiablement raciste, la voie suivie par King ne pouvait être qu’une impasse. Cela ne l’a pas empêché d’ailleurs d’inviter le pasteur noir d’Alabama à ses meetings afin de pouvoir débattre publiquement de leurs différences. Des invitations qui sont restées sans réponse.
 
On a longtemps expliqué le fossé qui séparait les deux hommes par leur histoire personnelle. Fils tous les deux de pasteurs baptistes engagés dans le mouvement noir, ils ont grandi dans des environnements familiaux et sociaux très différents. « Bourgeois d’Atlanta », pour emprunter la formule lapidaire de Pap Ndiaye, spécialiste français du monde noir américain, King était un sudiste, imprégné des valeurs chrétiennes et de celles de la classe moyenne aisée.
 
Docteur en théologie, ordonné lui-même pasteur, il prêchait dans l’église d’Atlanta où son père, et avant lui son grand-père, avaient officié. Influencé par la pensée de Gandhi qu’il avait découvert pendant ses études, il fonda en 1957 la Southern Christian Leadership Conference (SCLC) dont l’objectif était de coordonner les mouvements de protestation dans le Sud en prenant appui sur le tissu associatif des Eglises noires. Ainsi ce sont les chrétiens noirs du Sud qui constituaient le véritable auditoire des prêches et des homélies du révérend King. Les protestations non violentes, les sit-in, les boycotts, la résistance pacifique préconisée par ce dernier étaient adaptés à l’environnement très conservateur des petites villes du Sud rural où la ségrégation avait force de loi.
 
A l’inverse, Malcolm X s’adressait à la population noire des ghettos urbains dont il était le produit. Son père était lynché par le Ku Klux Klan quand celui-ci avait à peine 5 ans. Séparé de sa mère qui a fini sa vie dans un asile psychiatrique, Malcolm connut un cheminement complexe. Son destin l’a conduit de la délinquance au radicalisme politique, en passant par la prison où il apprit en autodidacte, se convertit à l’islam, avant de rejoindre à sa sortie de prison la confrérie de Nation of Islam (NOI). Porte-parole de ce mouvement et brillant tribun, il appelait les Noirs à s’organiser eux-mêmes en recourant le cas échéant à la violence (autodéfense).
 
« La rage pleine d’émotion qu’il exprime, écrit Manning Marable, auteur d’une récente biographie du leader noir intitulé Malcolm X : une vie de réinventions (Ed. Syllepse), est une réaction au racisme dans son contexte urbain : écoles ségréguées, habitat médiocre, mortalité infantile élevée, drogue et crimes. A partir des années 1960, l’immense majorité des Afro-Américains vit dans de grandes métropoles, et leurs conditions de vie sont plus proches de ce dont Malcolm parle que de ce que King représente. De ce fait, Malcolm réussit à trouver une large audience parmi les Noirs urbains, arrivés à la conclusion que la résistance passive s’avère insuffisante pour démanteler le racisme institutionnel. »
 
Rapprochement
 
Pour Pap Ndiaye, la radicalité de ce prédicateur des ghettos noirs résidait aussi dans la tentative de ce dernier d’inscrire le mouvement de libération du Noir américain dans une perspective plus internationaliste. « Il parlait du monde africain, de la Caraïbe, de l’Asie. Contrairement à Martin Luther King dont l’ambition finale était d’arracher à Washington, des lois favorables aux Africains-Américains, la réflexion de Malcolm X se situait, explique l’historien français, à l’échelle de la planète. Il plaidait pour une négociation transcontinentale susceptible de déboucher sur la transformation de la condition de tous les opprimés. »
 
Cette inflexion cosmopolite de la pensée de Malcolm X était le résultat des voyages que celui-ci effectua au cours des derniers mois de sa vie (1964-65), au Proche-Orient, en Afrique et en Europe. Ses rencontres avec des leaders et des intellectuels du monde arabe et africain l’ont conduit à prendre ses distances par rapport au sectarisme de la NOI et de créer ses propres organisations, notamment l’Organization of Afro-American Unity (OAAU) conçue comme la branche américaine du mouvement panafricaniste.
 
Parallèlement, Malcolm X a tendu la main aux leaders du mouvement pour les droits civiques, dont atteste sa visite au quartier général du mouvement à Alabama, quelque trois semaines avant son assassinat. Comme King se trouvait alors en prison suite aux protestations de Selma (1964-65), il s’est adressé à son épouse Coretta Scott King pour lui dire qu’il ne cherchait pas à « miner l’œuvre » de son mari. « Mon objectif est, a-t-il affirmé, d’être à la gauche du Dr. King, de défier le racisme institutionnel afin que ceux qui sont au pouvoir soient obligés de négocier avec lui. C’est mon rôle. » Selon les historiens, King avait à son tour « gauchi » son discours dans les dernières années de sa vie, se rapprochant ainsi un peu du radicalisme malcolmien.
 
Rien ne témoigne mieux de ce rapprochement que les photos de leur seule et unique rencontre, en marge des débats au Sénat américain sur la loi de 1964 pour les droits civiques. Ces photos rappellent, comme l’a déclaré à CNN James Cone, auteur de Martin & Malcolm & America (1992), « les deux hommes représentent le yin et le yang de l’Amérique noire ». Evoquant la complexité des relations que ces deux adversaires entretenaient, Cone s’est souvenu d’un bon mot du pasteur King : « Quand j’écoute Malcolm parler, moi aussi, je suis en colère ! »
 
rfi
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50 ans après – Malcolm X: au-delà des masques et des légendes

«L’avenir appartient à ceux qui le préparent dès aujourd’hui». Cinquante ans après sa mort, les paroles de Malcolm X résonnent encore dans l’imaginaire des Africains-Américians.
 
Assassiné le 21 février 1965, Malcolm X a connu plusieurs vies. Cinquante ans après sa mort, ce révolutionnaire africain-américain continue de vivre à travers les clips, les films et les livres. Une récente biographie apporte des éclairages nouveaux sur le parcours du leader charismatique du nationalisme noir.
 
Dimanche, 21 février 1965. Il y a cinquante ans tombait sous les balles de ses adversaires Malcolm X, l’une des principales icônes de la lutte africaine-américaine pour la dignité et contre la suprématie blanche. Orateur charismatique, l’homme venait de prendre la parole dans une salle de spectacle de Harlem, à New York (Etats-Unis), quand, à la faveur d’un brouhaha provoqué pour faire diversion, trois hommes ouvrent le feu sur lui. Malcolm s’effondre, mortellement touché. Les trois tueurs, dont deux réussirent à échapper avant d’être finalement appréhendés par la police, étaient tous membres de la secte Nation of Islam (NOI).
 
Malcolm X savait que sa vie était en danger depuis que les tensions avaient éclaté entre lui et la NOI dont il avait fait longtemps partie : rivalités personnelles, divergences religieuses et idéologiques avec les dirigeants, notoriété de plus en plus grande pour Malcolm X… Avant de commencer son discours, ce dernier avait pourtant persuadé son service de sécurité de ne pas faire preuve de zèle car il craignait qu’un dispositif de contrôle trop contraignant ne chasse son auditoire. Il avait même renvoyé de la tribune les orateurs vedettes qui l’avaient précédé, comme s’il voulait aller seul vers son destin. Selon ses biographes, Malcolm X avait déclaré à ses proches, seulement quelques jours avant sa mort, que « dans sa famille, les hommes ne mouraient pas de mort naturelle ». Et ce qui devait arriver arriva.
 
Accoutumance à la violence
 
Est-ce parce qu’il avait été trop accoutumé à la violence que Malcolm X n’avait pas pris au sérieux les menaces de mort qui planaient sur lui ? Né en 1925 à Omaha (Nebraska) dans une famille très engagée dans le mouvement de libération des Noirs, Malcolm avait vu pendant son enfance sa maison brûler suite à une attaque punitive des hommes du Ku Klux Klan. En 1931, son père Earl Little, pasteur baptiste et disciple de Marcus Garvey qui militait pour le retour des Noirs d’Amérique en Afrique, était assassiné par des proches de l’organisation suprémaciste blanche. Le père Little mourut dans des conditions épouvantables (il fut poussé sous un tramway et son corps fut coupé en deux).
 
A la violence physique suivit la violence psychique. Le jeune Malcolm fut traumatisé de voir sa mère perdre son équilibre mental, après la disparition brutale du père. Louise Norton, nerveuse et bouleversée, dut être placée dans une asile psychiatrique, alors que ses enfants furent dispersés au hasard des placements sociaux. Recueillis par une famille de Blancs du Michigan, Malcolm, lui, put s’inscrire à l’école. Il se révéla brillant élève, mais perdit rapidement l’intérêt pour les études lorsqu’il se rendit compte qu’en tant que jeune Noir désargenté, il n’avait aucune perspective de mobilité sociale.
 
Obligé de subvenir à ses besoins, l’adolescent partit alors rejoindre l’une de ses sœurs à Boston, avant de débarquer à New York. Il vécut d’expédients : vols, trafics en tous genres, proxénétisme… En 1946, il fut arrêté pour vol et condamné à dix ans de prison. Or, paradoxalement, c’est derrière les barreaux que le jeune homme acquit sa solide culture.
 
La plongée dans les livres de la bibliothèque de la prison, qui portaient autant sur l’histoire africaine-américaine que sur l’antiquité occidentale, la philosophie et la rhétorique, éveilla chez Malcolm « le désir profond, latent, de vivre intellectuellement ». C’est aussi en prison qu’il entendit pour la première fois le nom d’Elijah Muhammad, le « Guide » de la NOI, et découvrit ses idées sur la séparation des races et l’affirmation du « pouvoir noir ».
 
Dès sa libération sur parole en 1952, Malcolm rejoignit la NOI. Il changea de nom, remplaçant le patronyme « Little » hérité de l’époque de l’esclavage par la lettre X, symbole de l’inconnu en mathématiques. Au service de la NOI, il propageait le message de la confrérie appelant au séparatisme noir. Son charisme, sa dialectique caustique et son sens de la provocation et de la rhétorique contribuèrent au succès grandissant du mouvement dont le nombre d’adhérents sextupla en l’espace de dix ans. Mais la popularité grandissante de Malcolm fit de l’ombre au chef suprême de la NOI qui décida de l’écarter.
 
La rupture entre Elijah Muhammed et Malcolm fut consommée en 1964 quand ce dernier quitta la NOI pour fonder la Muslim Mosque Incorporated (MMI) et, surtout, l’Organization of Afro-American Unity (OAAU), une branche américaine du mouvement panafricaniste. Cette organisation fut le point culminant du développement internationaliste de la pensée de Malcolm X, qui effectua dans les années 1960 de nombreux voyages au Proche-Orient et en Afrique où il rencontra des penseurs et hommes politiques, dont le Ghanéen Nkrumah, père du panafricanisme.
 
Cette métamorphose coïncida avec la montée des menaces autour du militant noir. Depuis sa rupture avec la confrérie d’Elijah Muhammad où il ne comptait pas que des amis, Malcolm avait fait l’objet de plusieurs tentatives d’assassinat. Une semaine avant l’attentat qui lui coûta la vie, sa femme et ses filles avaient failli mourir dans un incendie criminel qui avait ravagé sa maison. On connaît la suite.
 
Réinventions
 
Paradoxalement, la disparition de Malcolm X ne marque pas la fin de l’intérêt qu’il avait su susciter de son vivant. La vie turbulente et transgressive de cette figure incontournable du mouvement noir outre-Atlantique et sa disparition dans des conditions non moins turbulentes à l’âge de 39 ans ont d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre et ont contribué à l’icônisation du personnage dont le prestige n’a cessé de croître depuis sa mort il y a cinquante ans.
 
 
« La date du 21 février 1965 reste profondément gravée dans la mémoire de nombre d’Afro-Américains comme le sont, pour d’autres, les assassinats de John F. Kennedy ou de Martin Luther King Jr. », écrit Manning Marable dans une énième biographie de Malcolm X, sous-titrée Une vie de réinventions. Couronné par le prestigieux prix Pulitzer (2012), cet opus biographique ne s’inscrit pas tout à fait dans le torrent de publications admiratives ou critiques que le personnage de Malcolm X a inspiré. Paru au printemps 2011, l’opus de plus de 750 pages en traduction française (quelque 600 pages en version originale) a pour ambition de déconstruire la légende pour révéler l’homme Malcolm X, avec toutes ses contradictions et ses faiblesses. « Mon objectif premier dans ce livre était, proclame son auteur, de m’élever au-dessus de la légende pour mieux raconter les événements tels qu’ils se sont déroulés dans la vie de Malcolm. »
 
Décédé trois jours avant la sortie de son livre aux Etats-Unis, Manning Marable était un universitaire réputé, spécialiste de l’histoire des Noirs américains. Il avait fondé le département des études africaines-américaines à l’université de Columbia qu’il a dirigé jusqu’à sa mort. Son récit de la vie et la mort de Malcolm X est le résultat de 20 années de recherches au cours desquelles il a consulté une foultitude de documents (des journaux intimes, des correspondances et 6 000 pages des dossiers secrets du FBI) et a interrogé les proches de son sujet.
 
Dans la postface de son livre, Marable rapporte que le point de départ de ce travail de longue haleine a été sa découverte à la fin des années 1960 de la célèbre  Autobiographie de Malcolm X (Grasset), considérée par le magazine Times comme étant l’un des cent livres de non-fiction les plus influents du XXe siècle. Son contenu avait été raconté oralement par Malcolm X à Alex Haley (l’auteur de Racines) qui l’a publié dans la foulée de l’assassinat du leader noir en 1965. Cette publication posthume faisait dire à Marable que le volume autobiographique était davantage l’œuvre de Haley que celle de Malcolm. Il soupçonnait le co-auteur, connu pour être proche des républicains, d’avoir gommé le radicalisme des propos de Malcolm. Marable a souligné aussi les incohérences dans le récit dicté par ce dernier, les exagérations et les oublis volontaires ou inconscients.
 
Ceux-ci concernent notamment les activités de délinquance dans lesquelles Malcolm se dit d’avoir plongé dans sa prime jeunesse. Cet aspect aurait été exagéré pour donner, pensait Marable, une ampleur mystique au repêchage de l’enfant prodige par la secte Nation of Islam. Dans son livre, Marable revient aussi sur la bisexualité de Malcolm X que ses admirateurs passent sous silence, préférant voir en lui le symbole d’une négritude virile, agressive, voire misogyne. Selon les témoignages recueillis par le biographe, le héros de la Black Power aurait dans sa jeunesse servi « d’escort gay » à de riches hommes d’affaires blancs et aurait même entretenu au moins une relation homosexuelle suivie et non tarifée.
 
Enfin, les révélations de Manning Marable portent aussi sur les vraies raisons de la rupture de Malcolm avec Elijah Muhammad, le dirigeant de la NOI. Elles auraient été provoquées par la jalousie sexuelle et pas seulement par leurs divergences d’ordre politique. Mais contrairement à la justice de l’époque, qui a tenu la NOI comme la seule responsable du meurtre de leur « brebis égarée », Marable n’hésite pas à pointer du doigt le FBI et la police new-yorkaise qu’il accuse d’avoir fermé les yeux aux menaces qui pesaient sur la vie de Malcolm X et d’avoir participé au moins passivement à son exécution.
 
La grande originalité du professeur Marable est peut-être d’avoir su révéler un Malcolm X assailli de doutes sur sa théologie, sa politique, sa vie intime, ce qui va à l’encontre de l’image d’un homme droit dans ses bottes, radical et enfermé dans ses certitudes, que la postérité garde de lui. Ce fut surtout une personnalité multiple qui, à travers la série de noms qu’il s’est attribués tout au long de sa courte existence (Malcolm X, Malcolm Little, Homeboy, Jack Carlton, Detroit Red, Big Red, Satan, Malachi Shabbaz, Malik Shabbaz, Elt-Hajj Malik El-Shabazz), semble vouloir attirer l’attention sur la difficulté pour un Américain noir d’être libre encore aujourd’hui, 150 ans après la fin de l’esclavage !
 
rfi
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FLAMNET-AGORA: Le Manifeste des 19 et la photo historique des auteurs en détention en février 1966

altOn reconnait de droite à gauche : Bal Mohamed El Habib dit Doudou, Ba Abdoul Aziz dit Zeus, Sy Satigui Oumar Hamady, Ba Aly Kalidou et Sy Abdoul Idy dit Mamoye. Le Conseil des Ministres du 13 janvier 1966 décida de la suspension et du déclenchement de poursuites judiciaires contre les 19 signataires du Manifeste. Ils sont tous arrêtés le 11 février 1966.


Le contexte 
La rentrée scolaire d’octobre 1965 s’effectue dans un climat très tendu ; le 4 janvier 1966, la totalité des élèves noirs des lycées de Nouakchott et de Rosso se mettent en grève qu’ils déclarent illimitée. Ils réclament la suppression du décret d’application de la Loi du 30 janvier 1965 rendant obligatoire l’enseignement de la langue arabe dans le secondaire. Ce mouvement de contestation scolaire trouve rapidement un écho favorable auprès de nombreux hauts cadres originaires de la vallée. Le 6 janvier, par solidarité, dix neuf d’entre eux apportent leur soutien à la revendication de ces élèves et posent le problème de la cohabitation nationale : ils publient le Manifeste des 19. Le même jour, la grève s’étend à Kaédi. Des bancs de l’école, la contestation se propage à la fonction publique et le 8 janvier, 31 fonctionnaires noirs de Nouakchott se solidarisent des grévistes et approuvent le Manifeste des 19. 

Pour contenir la contestation, les élèves du secondaire furent mis en vacances du 19 janvier au 4 février inclus. Mais à la rentrée scolaire, des bagarres éclatèrent le 8 février au lycée national de Nouakchott entre élèves noirs et maures et dans la nuit un tract invitant les élèves maures à la confrontation fut diffusé. Le lendemain, des affrontements opposent les deux communautés dans divers quartiers de Nouakchott, le bilan officiel, sans doute minoré, fait état de 6 morts et 70 blessés. La Mauritanie venait de connaitre sa première grave crise intérieure. 

Le Président Moctar Ould Daddah rapporte dans ses mémoires que la France par la voix de son Ambassadeur, Jean – François Deniau, était prête « à nous envoyer, à partir de la base de Dakar, des éléments de troupes pour nous aider à rétablir l’ordre » mais qu’il déclina l’offre et prit les mesures suivantes : la fermeture de tous les établissements secondaires, l’envoi de renforts à Aïoun et Kaédi, la supervision des émissions de Radio Mauritanie, l’instauration d’un couvre – feu, de 18 heures 30 à 07 heures à Nouakchott et l’arrestation des 19 signataires du Manifeste le 11 février. 

Le Manifeste des 19 
Le 4 janvier 1966, les élèves noirs des lycées de Nouakchott ont déclenché une grève qu’ils jugent qu’ils déclarent illimitée en vue de faire supprimer la mesure rendant obligatoire la langue Arabe dans l’enseignement du Second Degré. 

Cette action énergique ne fait que révéler un malaise profond et latent, car il est notoire que l’étude obligatoire de la langue Arabe est pour les Noirs une oppression culturelle. Cette mesure constitue un handicap certain à tous les examens pour les élèves Noirs qui, de façon consciente ont toujours repoussé l’étude de la langue Arabe qu’ils savent un frein à leur développement culturel et scientifique et contre leurs intérêts. C’est ainsi qu’au Lycée de Rosso, des élèves Noirs ayant obtenu la moyenne dans l’ensemble des disciplines, ont eu à redoubler pour n’avoir pas eu la moyenne en Arabe. 

Il parait paraitre étonnant qu’aucune voix ne se soit élevée parmi l’élite et les Responsables Noirs, pour protester contre une décision qui fausse déjà l’égalité des citoyens et cela dans un domaine aussi essentiel que l’éducation. 

C’est pourquoi, Nous citoyens mauritaniens à part entière soussignés, déclarons appuyer fermement et sans réserve l’action des élèves. Nous entendons dès cet instant reconsidérer les bases de la coexistence entre communauté Noire et communauté Blanche ; car à l’heure actuelle, nous assistons à l’accaparement total de tous les secteurs de la vie nationale par l’ethnie maure. A l’appui de cette thèse, voici des faits patents qui révèlent la gravité de cette situation. Dès l’accession de la Mauritanie à l’autonomie interne, le régime mis en place s’empresse de créer le mythe d’une prétendue majorité à 80% Maure. Le mythe du quart était né et règle depuis lors les dosages au niveau de toutes les instances politiques et administratives. C’est ainsi qu’au Gouvernement, il y’a deux Ministres Noirs sur 9, au Bureau Politique National, trois Noirs sur 13 Membres, à l’Assemblée Nationale, 10 Députés Noirs sur 40. Ceci étant la vie politico – administrative ne pouvait être que le fidèle reflet de la situation au sommet. Il est remarquable que les postes de Président de la République, Chef du Gouvernement, de Ministre de la Défense Nationale, des Affaires Etrangères, de Secrétariat Général aux Affaires Etrangères, de Ministre de la Justice, de l’Intérieur, de Directeur de la Radiodiffusion, et des Forces de Police, de Directeur de l’information, de Directeur de l’enseignement, de Directeur Général du Plan, de la Fonction Publique et de Président de la Cour Suprême, etc, sont concentrés selon une règle inavouée mais systématique entre les mains de l’ethnie Maure. 

Il est à constater par ailleurs que sur 12 Cercles du pays du pays, un seul est placé sous la responsabilité d’un Administrateur Noir et sur près de trente Subdivisons, 7 seulement sont sous la responsabilité de fonctionnaires Noirs 
– que des cadres Noirs sous – employés végètent tandis que des traitres à la Nation, condamnés, se trouvent régulièrement engagés à des postes de choix dans la fonction Publique. 
– que dans la Mauritanie du Sud exclusivement Noire, tous les Commandants de Cercles, les Chefs de Subdivision, les Chefs de Postes Administratifs, les Commissaires de Police exception faite pour Rosso, les Juges, les Chefs de Brigade de Gendarmerie, et même les Maires – délégués sont tous maures. 
– que la présence dans cette partie du pays de ces détenteurs de l’autorité se traduit par des actes infâmes d’’asservissement, d’humiliation, d’oppression commis à l’endroit des populations Noires honnêtes, loyales, courageuses et laborieuses. 
– Que leurs agissements par leur manque de respect pour les traditions, mœurs, bien fonciers, valeurs spirituelles, sèment la panique, la désolation et l’amertume parmi les populations Noires exaspérées et au bord de la révolte. L’exemple de SASS OULD GUIG à l’égard des Peulhs de KAEDI est assez édifiant : Ce responsable s’est permis de faire arrêter, battre, torturer lâchement, humilier, emprisonner de paisibles Peulhs dont le seul crime fut le désir de créer une coopérative conformément aux nécessités de développement. 
– qu’à Rosso, un découpage administratif insidieux vient d’isoler et de rattacher tout le canton de TEKANE exclusivement Noir à la nouvelle Subdivision de RKIZ exclusivement maure. 
– que quinze gendarmes Noirs valides viennent d’être mis prématurément à la retraite sans pension 
– que dans les rangs des goums de la garde nationale, de la gendarmerie, de l’armée, de la police où naguère les Noirs dominaient en nombre, la valeur et la vocation étant les seuls critères, la proportion des Noirs de 90% qu’elle était, est retombée à près de 25% 
– que les Noirs arabisants ne se recrutent qu’à 10% parmi les enseignants mauritaniens arabisants, parce que le régime ferme aux plus doués d’entre eux les portes du succès ; aux examens, les commissions de correction recrutées dans l’ethnie maure, veillent à ce qu’il en soit ainsi 
– que le recrutement à l’Institut des Etudes Islamiques de Boutilimit accorde aux élèves Noirs 5% des effectifs 
– que les Noirs arabisants ne comptent aucun Inspecteur primaire arabisant alors qu’ils disposent de cadres au moins, aussi instruits, aussi cultivés et aussi capables que les cadres maures arabisants 
– que les cinquante bourses mises à la disposition de la Mauritanie par le Koweït, reparties sans l’avis d’aucune commission, sept seulement furent attribuées aux candidats Noirs 
– que le régime a toujours travaillé pour qu’à l’extérieur, la Mauritanie apparaisse comme un pays essentiellement maure 
– dans cette optique, le Chef de l’Etat lui-même prend soin de toujours souligner à l’extérieur « que la Mauritanie en majorité arabe compte une minorité d’origine africaine (discours de Bizerte) » comme si cette prétendue minorité était là par accident de l’histoire, alors que l’accident de l’histoire ce sont bien les invasions berbères 
– qu’à Nouakchott où les citoyens Noirs sont au moins aussi nombreux que les maures, le Conseil Municipal compte quatre Noirs sur vingt deux membres 

Il est à souligner par ailleurs que simultanément au désir exprimé par les maures de voir officialiser la langue Arabe, la communauté Noire exige que lui soient consenties des garanties concrètes et absolues contre toute assimilation que les responsabilités nationales soient partagées et que la Constitution soit révisée dans un sens FEDERAL (Congrès 1961 et 1963. Mais le régime politique en place, peu après avoir muselé certains porte – parole Noirs, s’est ménagé l’officialisation de la lange Arabe dont la première étape est cette mesure rendant l’Arabe obligatoire dans le Premier et le Second Degrés, cependant qu’il étouffe les revendications fondamentales de la Communauté Noire. 

Les maures savent qu’avec l’arabisation à outrance, le pays va à l’échec, mais ils y tiennent tout de même, animés qu’ils sont par un complexe d’infériorité devant la supériorité qualitative et quantitative des cadres Noirs, et poussés par le désir ardent de couper la communauté noire de l’ensemble négro – africain et à réaliser ainsi l’assimilation des Noirs à leur mode de vie et de penser. 

Ainsi le bilinguisme n’est qu’une trahison à l’endroit des Noirs, car il tend à les écarter de l’ensemble des affaires de l’Etat. 

Toute cette situation se traduit par un marasme général qui affecte tous les rapports entre citoyens Noirs et maures. En effet la jeunesse du pays future relève, se trouve profondément divisée : A Dakar, à Paris, au Caire et dans les autres centres universitaires, les groupes d’étudiants Noirs et groupes d’étudiants maures sont à couteaux – tirés ; dans tous les établissements du Second Degré, la scission est consommée entre élèves Noirs et élèves maures. 

Considérant que les membres de la communauté noire sont irréversiblement engagés à recouvrer intégralement leur liberté et leur dignité, à choisir librement une culture et un mode de vie conformes à leur civilisation négro – africaine, à leurs aspirations au progrès, au développement harmonieux de l’homme, et convaincus que l’obstination du régime dans sa politique aboutira fatalement au chaos et à la guerre civile, 

NOUS, SOUSSIGNES, 
– Déclarons être hostiles à la mesure rendant l’arabe obligatoire dans les enseignements primaires et secondaires 
– Engageons le combat pour détruire toute tentative d’oppression culturelle et pour barrer la route à l’arabisation à outrance 
– Exigeons l’abrogation pure et simple des dispositions des Lois 65.025 et 65.026 du 30 janvier 1965 rendant l’arabe obligatoire dans les 1er et 2nd degrés et qui ne tiennent aucunement compte des réalités Mauritaniennes 
– Rejetons un bilinguisme qui n’est qu’une supercherie, une trahison permettant d’écarter les citoyens Noirs de toutes les affaires de l’Etat 
– Dénonçons la discrimination raciale, l’illégalité, l’injustice et l’arbitraire que pratique le régime en place 
– Dénonçons toute confusion visant à noyer un problème à tendance politique (Arabe) sous l’optique religieux (Islam) 
– Nions l’existence d’une majorité maure car les proportions proclamées sont fabriquées pour soutenir le régime dans l’application intégrale de sa politique de médiocrité déjà entamée à l’endroit de la communauté noire 
– Exigeons le remplacement immédiat de tous les Commandants de Cercles, et Adjoints, des Chefs de la Subdivision, des Chefs de postes administratifs, des Commissaires de Police, des Commandants de Gendarmerie, des Juges et Maires – délégués, tous maures, se trouvant dans la Mauritanie du Sud par des Administrateurs et fonctionnaires Noirs, seuls soucieux du développement de cette partie du pays et respectueux des populations et de toutes leurs valeurs 
– Exigeons le placement immédiat de tous les cadres noirs sous employés dans les situations conformes à leurs diplômes et références 
Sommes prêts à rencontrer le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Groupe Parlementaire 
Mettons en garde tout responsable Noir contre une éventuelle prise de position susceptible de léser les intérêts de la communauté noire 
– Jurons sur notre honneur de ne jamais transiger ni avec le devoir, ni avec la conscience, de ne jamais nous départir de nos positions justes et honnêtes, de nous maintenir dans ces positions jusqu’à la disparition totale de toute tyrannie, domination et oppression exercées sur la Communauté noire et jusqu’à ce que tout citoyen noir vive libre, digne et heureux en Mauritanie. 

Les 19 signataires : 


Ba Abdoul Aziz, Magistrat 
Ba Ibrahima, Ingénieur géomètre 
Ba Mohamed Abdallahi, Instituteur 
Bal Mohamed El Habib, Ingénieur des Eaux et Forêts 
Daffa Bakary, Ingénieur des TP 
Diop Abdoul Bocar, Commis comptable 
Diop Mamadou Amadou, Professeur 
Kane Abdoul, Instituteur 
Koïta Fodié, ingénieur des TP et bâtiments 
Seck Demba, Instituteur 
Sow Abdoulaye, Inspecteur de Trésor 
Sy Abdoul Idy, Statisticien 
Sy Satigui Oumar Hamady, Instituteur 
Traoré Souleymane dit Jiddou, Instituteur 
Bal Mohamed El Bachir, Administrateur 
Ba Aly Kalidou, Inspecteur de Trésor 
Ba Mamadou Nalla, Instituteur 
Traoré Djibril, Instituteur 
Coulibaly Bakary, Instituteur.

Quelles leçons pour nous ? 


Quarante neuf ans plus tard, que sont devenus les visionnaires auteurs du Manifeste des 19? Qu’avons-nous fait de leur héritage ? Faut – il les oublier ? Evidement, non. Mohamed Ould Cheikh, qui a publié en 1974 un ouvrage sous le pseudonyme de Hamid El Mauritanyi, pointe la responsabilité du pouvoir et l’accuse d’avoir participé de façon active aux tragiques événements de 1966. Pour lui, la répression et la suspension les 19 fonctionnaires noirs, ne participaient pas à l’apaisement « alors que la nature même du problème exigeait le dialogue » (cité par J-L Balans dans son livre intitulé Le développement du pouvoir en Mauritanie, page 568). Il est vrai que le président Moctar Ould Daddah s’était appuyé sur des éléments d’une jeunesse nationaliste, pro – arabe de la mouvance de la Nahda et de l’Association de la Jeunesse Mauritanienne et plus largement, il s’agissait de rattraper l’avance prise par les noirs « sur scolarisés et surreprésentés » dans la fonction publique. 

En 2016, cinquante ans après la diffusion du Manifeste des 19, les mauritaniens devraient faire une introspection, un état des lieux de la question nationale pour construire un destin commun. Faute d’avoir pu empêcher se produire le génocide (1989 – 1992) et les déportations, nous n’avons pas le droit de laisser le pouvoir nous conduire vers un chaos programmé. Si notre pays donne l’impression de ne pas savoir où il va depuis son accession à la souveraineté internationale, il y va en courant à grande vitesse. 

Pour le sauver, nous avons besoin d’une radiothérapie politique, probablement à fortes doses de radiation, pour détruire les cellules mangeuses de la diversité. La Mauritanie doit se réconcilier avec sa géographie et son histoire faite de différences, de recompositions, de brassages, de mélanges de sociétés si différentes en apparence, mais qu’il faut administrer harmonieusement selon un principe d’égalité effective. 
N’oublions pas les 19 et inscrivons leurs noms dans la mémoire collective de nos concitoyens. Célébrons ceux qui sont en vie. Prions pour les disparus. N’oublions pas ceux, dont les noms n’apparaissent pas ici mais, qui étaient dans le cercle élargi. 

Ciré Ba et Boubacar Diagana – Paris, février 2015.

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La reconstruction d’un pays ne peut être que l’œuvre des grands hommes disposés à consentir des sacrifices et à mettre de côté toute prétention d’ordre secondaire pour parvenir à un consensus

La reconstruction d’un pays ne peut être que l’œuvre des grands hommes disposés à consentir des sacrifices et à mettre de côté toute prétention d’ordre secondaire pour parvenir à un consensusDes hommes qui peuvent marquer de leurs empreintes « l’Histoire » d’une Nation à travers la recherche d’une unité nationale qu’ils doivent pouvoir gérer à tout prix avec sagesse et intelligence.

À partir d’enseignements tirés de notre passé et de notre présent qui ne peuvent être en aucun cas occultés d’une part, et de par notre religion qui est l’Islam d’autre part, cette unité peut être, ou pourrait être envisagée sous la forme « d’un vivre-ensemble ou de la recherche d’une paix permanente » entre les différentes communautés de ce pays dont chacune a sa culture et ses spécificités qui lui sont propres.

Certes, au-delà de la crise politique, le pays traverse une situation de crise aiguë sans précédent caractérisée par des conflits d’intérêts et d’ordre communautaire qui ne cessent d’ailleurs de s’aggraver.

Çà et là, nous assistons à des soulèvements populaires qui ne sont que l’expression d’une volonté manifeste d’un peuple opprimé, de ces communautés marginalisées, de ces victimes du passif humanitaire sans défense aucune, qui acceptent de sortir de leur hibernation, de ce long silence, pour crier au ras-le-bol.

Un peuple qui, dans toutes ses composantes, aspire à retrouver l’espoir dans un changement par une alternance pacifique. Depuis l’avènement des militaires au pouvoir, ces putschistes qu’il ne faut jamais s’empresser de soutenir quelle que soit la situation dans laquelle peut se trouver le pays, on assiste à une forte régression dans presque tous les domaines, avec surtout, et c’est ce qui est d’ailleurs très grave, la montée en puissance du communautarisme qu’on croyait révolu depuis fort longtemps. Nous rappelons que Feu Thomas Sankara disait dans sa célèbre citation « qu’un militaire sans formation politique est un criminel ».

Est-il nécessaire d’apporter des preuves qui prouvent une telle affirmation ? Je crois que, sans vouloir jeter de l’huile sur le feu, ni vouloir remuer le couteau dans la plaie, ces années de braise de 89 à 91 durant lesquelles l’Élite de toute une communauté négromauritanienne fut sauvagement massacrée, traitée différemment des autres communautés, sont autant d’éléments qui peuvent confirmer une telle affirmation. En tout état de cause, qu’il me soit permis de rendre un vibrant hommage à nos compatriotes revenus d’un exil qui leur était presque « forcé » après tant d’années passées hors de leur pays et à leur tête leur président Mr Thiam samba, pour l’amour et l’attachement portés à ce pays.

Aujourd’hui, ceux qui ne sont nullement tentés par des intérêts uniquement égoïstes ou partisans pourront se rendre compte que les Forces de Libération de Mauritanie (FLAM), aujourd’hui Forces Progressistes du Changement (FPC), ne développent nullement par rapport à ce que soutiennent certains des discours racistes ou extrémistes.

Evidemment, on peut évoquer une question sur laquelle certains de nos politiciens de différentes générations ou de différentes cultures, voire de même génération ou de même culture divergent ou peuvent diverger, et sur laquelle ils doivent s’entendre, à savoir l’histoire de ce pays. Par rapport à cette question, nous jugeons que nous ne devons nullement emprunter au-delà d’une voie pour que nous puissions comprendre et admettre que l’histoire d’une Nation, particulièrement la nôtre, n’est qu’une action humaine d’une certaine époque dont les récits ne sont pas souvent fiables, sinon peu, donc nullement une science exacte et ne suit aucune logique.

Bien sûr, je reste convaincu que je ne possède pas les connaissances requises pour être en mesure de remettre en cause telle ou telle stratégie proposée. Néanmoins, je trouve qu’il est de mon devoir de rappeler à nos concitoyens, y compris ces soi-disant politiciens bien sûr, « qu’avec le temps les erreurs et les mensonges s’écroulent, et que seule la vérité demeure parce qu’elle est dure ».

Toutefois, le paradoxe étant que dans ce pays où chacun d’entre nous constitue à lui seul une école, nous devons comprendre que l’éducation religieuse que nous avons doit nous dicter certaines choses dont au moins le bon sens et le savoir-vivre dans la fraternité et la solidarité.

René Descartes disait d’ailleurs que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée sans distinction des races ni d’ethnies car le principal n’est pas d’avoir l’esprit bon mais de bien l’appliquer ».

C’est d’ailleurs ce bon sens qui doit nous guider pour éviter une énième fois de tomber dans le piège de ces imposteurs qui continuent chaque fois à chercher à nous diviser pour mieux nous dominer d’une part, et d’éviter d’autre part, si ce n’est que pour cette fois-ci, à nos politiciens d’aller vite en besogne, en évitant de se précipiter au moindre signe d’une proposition de dialogue pour donner l’assaut, bien qu’il soit évident pour tous, et même à court terme, que le résultat final qu’on puisse éventuellement obtenir sera sans commune mesure dirigé contre tous.

C’est pourquoi je trouve que la démarche jusqu’ici entreprise par le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) est salutaire dans la mesure où ce parti doit avoir tiré certains enseignements du passé à partir de l’analyse des résultats obtenus des différentes recommandations tirées des dialogues précédents. Et, sans vouloir aussi trop critiquer, on peut constater jusque-là que les solutions utilisées et expérimentées marchent moins bien et posent même des problèmes dans leur application.

Naturellement, les dirigeants de l’opposition dite « radicale » ou ceux qui se retrouvent au sein du Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU), comme d’ailleurs ceux de l’opposition dite « responsable » qui se retrouvent eux aussi au sein de la Convention pour l’Unité et l’Alternance Pacifique et Démocratique (CUPAD), et d’autres tels que ceux qui forment un même bloc avec le parti Arc-en-ciel, Le PMC, doivent comprendre qu’à défaut de pouvoir changer certains de leurs dirigeants, ils doivent nécessairement changer de stratégie politique et reconnaitre, comme disent certains hommes politiques, qu’une alternance ne s’improvise pas et qu’aucun parti politique mauritanien, pris isolément, ne peut parvenir à lui seul à conquérir le pouvoir.

Objectivement donc, pour que le dialogue ait un sens afin qu’il puisse éventuellement déboucher sur des résultats concrets, il doit être abordé avec sérieux par des dialoguistes qui doivent impérativement placer les intérêts de la nation et du citoyen au centre de leurs préoccupations. Impérativement, nous devons trouver des têtes pensantes ayant « une certaine culture », connues pour leur franc-parler.

Des têtes pensantes qui œuvrent pour une Mauritanie réconciliée et qui devront être en mesure de définir le « type » de société dans lequel nous devons nous retrouver. Par contre, nous jugeons que la libération immédiate de tous les détenus politiques (militants et défenseurs des droits de l’homme d’IRA, de Kawtal Yellitaré, et autres) doit constituer une condition sine qua non sans laquelle le dialogue n’aurait nullement de sens, d’ailleurs une condition sans laquelle le dialogue ne doit même pas être engagé entre les différents pôles.

Bref, dans une vision qui nous parait plus ou moins « noble » dans la mesure où elle propose quelque chose de tout à fait nouveau dans la démarche, la manière d’aborder et de conduire le dialogue, nous proposons que celui-ci soit entamé, s’il doit l’être, suivant un ordre chronologique bien établi. Cette vision que nous développons consiste à présenter le dialogue sous deux volets distincts, à savoir : un volet dit « sensible », un volet dit « souple ».

Le premier volet dit « sensible », si ce terme ne fait pas peur aux politiciens, a trait aux questions qui apparaissent aux yeux de certains d’irréalisables, à savoir : l’unité nationale (ou cohabitation), le passif humanitaire, l’esclavage et ses séquelles. Ce premier volet est une « phase test » pour nos politiciens et doit être abordé avec prudence par ceux qui, de par la pertinence des arguments, de par leur capacité de proposer des solutions concrètes au règlement définitif de ces questions, peuvent se comprendre entre eux, emprunter par consensus la même voie pour arriver à une même conclusion.

Ce premier volet qui ne traite que de ces trois questions énumérées précédemment devra prendre beaucoup plus de temps. Tout au long de cette phase, il sera fortement conseillé à notre Élite d’avoir chaque fois à l’esprit que « chaque fois qu’elle se trouve bloquée dans la voie de la synthèse, elle devra comprendre que l’analyse faite est soit incorrecte, soit insuffisante ».

Pour cela donc, ces politiciens (dialoguistes) devront éviter de se retrouver dans le raisonnement par l’absurde qui devient à un certain moment un semblant de dialogue de sourds dans lequel personne ne veut admettre l’idée de l’autre. D’ailleurs, c’est à partir de là que l’on pourra tester la valeur et le degré de dévotion, d’intelligence, de sagesse et de dévouement de notre Élite pour voir à quel point, si nous poussons celle-ci à l’extrême, elle peut parvenir à exercer un réel changement dans nos mentalités que nous ne parvenons pas à transformer depuis plus d’un demi-siècle.

C’est lorsque cette première phase dite volet « sensible » aura été entièrement achevée, réussie, et les que résultats aient été présentés au peuple, que ces politiciens (dialoguistes) pourront s’orienter vers la seconde phase dite volet « souple ». Ce volet « souple » quant à lui prend en compte toutes les autres questions devant être discutées par l’Élite politique.

En somme, il est temps que nous comprenions « qu’il n’y a pas de plaintes qui n’aient occupé plus constamment les bouches, pas de griefs qui n’aient pesé plus lourdement sur les cœurs, que ceux résultant de nos divisions nationales ». Tous interpellés, nous devons agir pour sauver notre Patrie.

Haimeda Ould Magha

Notable de la ville de Rosso

Tel : 46309795/47511073

 

Source: cridem

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