Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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L’apprentissage des disciplines scientifiques par la langue maternelle

L’apprentissage des disciplines scientifiques par la langue maternelle est une nécessité pour le développement scientifique véritable d’une société. Je ne parle pas d’une maigre récolte d’une poignée d’individus qui auront acquis des outils, essentiellement d’ordre réthorique, pour mystifier des foules. Je vous parle d’un développement d’une culture scientifique à l’échelle de la société et impliquant les aspects essentiels de sa vie quotidienne. Une culture scientifique capable de couver les esprits les plus défavorisés socialement, et leur donner la chance de s’exprimer sur le terrain de la créativité. Je vous parle de la seule voie de puissance de nos temps. Je le répète: quand on dispose de la puissance scientifique, on disposera de celle politique, militaire et économique. Il n’y a aucune puissance scientifique sur la terre qui soit militairement lamentable; à partir de là le poids politique devient une conséquence directe.

Mais je vous parle également de l’épanouissement de l’esprit humain dont des politiques désastreuses ont privé des masses d’individus. 

Après avoir discuté de cette problématique avec des gens venant d’origines diverses, de tous les continents, une violente réalité m’a frappé: les cadres africains (plus concernés par la question que quiconque) ont été largement les plus fermés à une telle perspective.

Il m’est apparu, après réflexion, que le mal est essentiellement d’ordre mental. L’Européen, par exemple, a été facile à amener au point parce qu’ayant étudié dans sa langue, il disposait d’un point de comparaison. Il voyait l’intégralité de la réalité en question et était donc disposé, quand il n’est animé d’aucune idéologie, à faire la comparaison nécessaire et à voir ainsi le chaos que ça aurait été si le système éducatif dans lequel il a évolué avait eu une base linguistique inadaptée à sa société.

La difficulté à comprendre la problématique des langues que rencontre le cadre africain, paradoxalement plus que l’analphabète de la même origine, est largement dû au fait qu’il ne dispose d’aucun point de comparaison, et ce du fait même de son éducation scolaire. Il lui faudra un effort d’en faire abstraction et de se focaliser sur les données de base pour reconstituer une telle réalité qu’il ne verrait que d’une façon hautement biaisée et restreinte s’il restait enfermé dans son parcours personnel. Cet effort indispensable est toutefois extrêmement difficile à réaliser, d’autant plus qu’il y a tout un tas de paramètres de positionnement en jeu. Une pédagogie à leur attention est donc nécessaire.

Mouhamadou Sy

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Propos du president de la republique: Reaction de Samba thiam

C’est maintenant que j’ai pu acceder aux propos du President de la Republique tenus au Palais du Congres…grace a Bidiel. Propos toujours en arabe , sans egards pour ceux qui ne parlent pas cette langue, comme par mepris… C’est donc maintenant que j’y reagis …

D’abord ,comme dit Bidiel, le lieu ou la circonstance est plutôt incongrue pour poser les disfonctionnements (techniques) de l’Administration devant quelque chose de beaucoup plus monstrueux , beaucoup plus grave …et dont il ne s’apercoit meme pas helas ,a savoir les images rendues : un groupe ethnique, un seul ,compose cette promotion de pres de 600 etudiants ! l’Unite nationale en question …. Et ceci ce President bizarrement ne s’en apercoit pas !!!

Concernant maintenant ces carences de l’Administration , la encore on fait fausse route tant pour le diagnostic que pour les solutions ,puisqu’on indexe par ci la Somelec et la SNDE , l’Etat civil par la …on oublie l’Education, la Sante, l’Armee ? Ainsi pose , on perd de vue l’ensemble qui est par terre . On perd de vue que c’est le Tout qui s’est ecroule, encore une fois…la solution ne peut donc etre parcellaire ou sectorielle mais globale . …et la cause profonde de cette degenerescence ou deliquescence de l’Etat renvoie , a mon sens , bien plus a cette mentalite refractaire au sens de l’Etat, allergique a la loi !

Redresser tel ou tel secteur ,pris isolement, ne sert donc a rien ,ne resout rien …. Il faut, pour changer les choses , que tout se redresse en meme temps dans un meme mouvement impulse d’en haut ,sans tergiversations , encore une fois…

Samba Thiam

27 mars 2022

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CONTRIBUTION: A  Propos de la loi d’orientation …
Par Samba Thiam. 

J’ai lu  attentivement la loi d’orientation du ministre de l’Education nationale portant sur la réforme du système éducatif. L’appréciation que j’en fait  est qu’elle constitue un recul  net par rapport aux ambitions du Comité Militaire de Salut National (CMSN), pour reconduire et renforcer les aspects négatifs et désastreux de l’arabisation, issue de la réforme de 1999. Elle  consacre , de facto, une ‘’folklorisation’’ de nos langues nationales pulaar, sooninke et wolof, ni plus, ni moins. Et c’est inacceptable !
Le CMSN prônait, à travers l’exposé de motifs et le décret 81017/Pg/MEN, ceci : ‘’ Elaborer  un système éducatif {…} qui se fondera sur l’officialisation de toutes nos langues nationales, la transcription en caractères latins et l’enseignement du pulaar, sooninke et wolofs qui devront donner les mêmes débouchés que l’arabe ‘’. Le ministre choisit de passer sous silence  toute éventualité ‘’d’officialisation’’ de ces langues. Le CMSN poursuit : « les langues nationales doivent prendre place  et être utilisées  comme véhicules  du savoir , sous toutes ses formes… » , à quoi ce ministre oppose qu’elles seront des langues de communication ; que la langue ’arabe  sera enseignée à tous les enfants non arabophones comme véhicule d’apprentissage des sciences et autres disciplines, que  ‘’l’apprentissage des connaissances et aptitudes de compréhension  et les disciplines scientifiques se fera dans la langue arabe’’.Le CMSN insiste et  rappelle «  qu’il ne s’agit pas d’utiliser ces langues nationales  comme relais ayant pour fonction de faciliter les apprentissages dans une autre langue – c’est exactement ce que fait ce ministre -, mais de les installer d’emblée dans une dynamique propre  à assurer leur plein développement et leur insertion dans tous les secteurs de la vie sociale » ,  tout le contraire de ce projet !Enfin  le CMSN  met  en garde : «  il est  indispensable que vous compreniez tous que cette décision  n’est pas une mesure ‘’politicienne’’ qui cache un calcul sordide  et sans lendemain». Exactement le cas d’espèce qui nous occupe avec cette  loi d’orientation scélérate ! A la clarté de langage du CMSN dans les choix opérés, le ministre oppose des calculs et des agendas inavoués , l’ambiguité  et le flou le plus total sur bien des aspects …Flou sur le statut des langues; tantôt l’arabe est langue véhicule  de toutes les disciplines pour tous, tantôt elle est langue de communication ; tantôt ce sont les langues pulaar, sooninke et wolof qui le sont, tantôt c’est le français !Flou sur les caractères arabes de l’alphabet introduits au préscolaire  sans en fixer les limites, ce qui , par glissement et par stratégie, pourrait s’installer et signifier, sans le dire, une remise en cause même des caractères latins, acquis …Ce texte  parle de généraliser l’enseignement des langues nationales mais à la carte ! On fait preuve de  cynisme, lorsqu’on  pose  qu’il faut   ‘’capitaliser l’experience réussie de l’ILN  qui a été abandonnée sans justification valable’’ et, qu’en même temps, on annihile  la substance et l’essence même de ce qui  ‘faisait de  cette expérience une réussite’, à savoir l’érection du pulaar , sooninke et  wolof en  langues d’enseignement , langues véhicules du savoir, et non  comme  langues de ‘’facilitation pour l’apprentissage d’autres langues’’ comme c’est le cas proposé ici ; c’est-à-dire comme langues d’appoint et d’appui essentiellement à l’arabe,  ici dans ce projet. C’est hors de question ! C’est faire fi des raisons cognitives et pédagogiques qui sont à la base même de la théorie du recours aux langues maternelles dans l’approche nouvelle de l’apprentissage ! Non seulement ce projet fait abstraction de toute idée d’officialisation, mais remet en cause et le statut de  langues véhicules et le choix des caractères latins acquis depuis les années 70. Nous faisons face à un choix partisan qui  installe les enfants d’un même pays dans des conditions de départ  inégales et injustes d’acquisition du savoir. C’est inique et immoral ! L’injustice semble inscrite dans  l’ADN des pouvoirs mauritaniens !Enfin et surtout, les auteurs du projet de loi  parlent ‘’d’égalité des langues comme patrimoine national ‘’, mais   refusent  le caractère officiel à toutes .  C’est inacceptable ! Ce sera Identité contre Identité !                 Pour divertir l’opinion on  continue, bien sùr , à travers ce projet ,  à jouer sur l’opposition, fictive, entre le Français et l’arabe , disparue  depuis longtemps  à l’école ! Même stratégie de dupe qui s’exprime  par : ‘’ la  généralisation interviendra aussitôt que l’expérience aura été jugée probante’’ …Un piège à con !  Comme si  nous n’avions pas vécu similaire promesse, envolée en pleine expérimentation de l’ILN !  Seule l’officialisation de nos langues pourrait nous garantir la pérennité de leur usage , et nous prémunir des humeurs capricieuses de plaisantins, légion….Toute la problématique du système éducatif mauritanien réside dans son inégalité et et dans son  iniquité structurelles entre enfants devant l’acquisition du savoir. « La crise identitaire en mauritanie existe,  nous dit Maitre Taleb Khyar, en raison de plusieurs facteurs dont le plus important est l’école républicaine  {…} dans laquelle un enseignement  suprémaciste  faisant l’apologie de la superiorité d’une culture, d’une race, d’une langue sur les autres  est dispensé ». C’est exactement le cas  qui nous occupe  précisément ,  mais exprimée de façon sournoise et cynique à travers  cette loi  d’orientation  … La culture continue ‘’ d’être pensée, en mauritanie, comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir’’, soulignait-il ; à des fins de domination ,d’assimilation et de prolétarisation des négro mauritaniens , devrait-il ajouter… L’agenda d’assimiler les négro africains n’est pas abandonné, loin s’en faut ! Il  explique cette  résistance acharnée et obstinée de nos gouvernements successifs à refuser toute officialisation de nos  langues nationales, à l’image du  berbère -Tamazight  au Maroc et en Algérie. C’est Identité contre Identité.
Nous sommes face à un projet non viable , qui va accentuer davantage les inégalités , sécréter deux sociétés parallèlles. Nos partenaires doivent comprendre  qu’il y a toujours  un écart entre ce qui se dit et ce qui se fait  chez nous … Nous excellons dans le faire-semblant et dans l’art de mystifier nos partenaires ou le reste du monde, même si certains partenaires internationaux ne sont pas dupes , mais optent pour la complaisance . Ces journées nationales de concertations et toute la suite sont  de la poudre aux yeux, un maquillage destiné  à faire  valider et légitimer, par un semblant  de  cachet populaire , un projet concocté et ficellé, en amont, par le ministère .La réforme scolaire préconisée  dans cette loi d’orientation  s’inscrit en droite ligne d’un  Système qui  cherche à imiter l’ordre social au  maghreb , où des  millions de  noirs, assimilés, sont rélégués aux basses besognes, à la culture de l’olive ,au  creusement de diguettes d’irrigation, au travail  de la forge ou au  débouchage d’égoûts, comme en Algérie avec près de 6 millions de noirs . Des millions de noirs , quasiment  invisibles dans la superstructure, dans tout le Maghreb… Voilà  le projet en gestation , voilà  le destin ,à moins et long terme, qui nous guette dans notre pays et que nous réservent les tenants du Système . Nous ne l’accepterons pas ! Comme nous n’accepterons pas  l’unité du cavalier et de sa monture …Nous affirmons  notre choix  pour  un pays qui accepte réellement et franchement son identité plurielle , sa diversité culturelle et ethnique .C’est  feu Yehdih qui disait ,plaidant pour l’Azawad, – ‘’ que si l’on ne peut vivre ensemble qu’au prix de l’oppression à l’égard d’une composante , c’est une position pas raisonnable qui, surtout,  n’est pas tenable’’. Trop d’injustices de nos gouvernements ! Un racisme d’Etat chaque jour plus accentué , affirmé et assumé ! Nous sommes poussés  dans nos derniers  retranchements . L’entêtement à vouloir poursuivre et préserver un ordre inique, un Système où un seul groupe ethnique  a contrôle sur tout , la main mise sur tout  est  dangereux à terme  . C’est le bon sens qui nous le souffle . ..Notre pays est à la croisée des chemins , à chacune et à chacun  de prendre ses responsabilités aux fins de redresser sa trajectoire , pour  un devenir en commun plus sain et plus équilibré .
Propositions concrètes de réajustement , pour la paix sociale :Revenir à l’esprit et à la lettre de la réforme du CMSN , à ses ambitions pour  l’enseignement de toutes nos  langues nationales  ; s’en tenir à ce principe : ‘’ le choix des langues d’enseignement dans l’Ecole repensée, au service d’une cohésion nationale apaisée, doit obéir à l’impératif d’offrir l’accès le plus efficace, surtout le plus équitable au savoir’’. D’où lever  le flou et les ambiguïtés qui  entourent ce projet  sur le statut des langues, en posant  clairement les options ci-après:                -Toutes les langues nationales sont officielles  et  toutes  sont des langues véhicules de savoir ou d’enseignement                 – Que chaque enfant démarre ses apprentissages dans sa langue maternelle                – le pulaar, le  sooninke, le wolof sont des langues d’enseignement au primaire pour les enfants non arabes, en attendant leur plein développement                    pour l’expansion au secondaire et au supérieur.               – l ’arabe est  enseignée à tous les enfants non arabophones, comme langue de communication et inversement               –  la langue arabe sera  la langue d’enseignement pour enfants arabophones                      – le Français est enseigné comme langue de communication au primaire .              – Dans les Examens et Concours il sera introduit, dès à présent,  une épreuve en langues nationales ( pulaar, sooninke ,wolof).
Au préscolaire, poser  clairement                   – que Les enfants apprendront dans leurs langues maternelles (1ere et 2ème année ), en alphabet latin pour les non arabophones                 – que l’apprentissage du Coran se fera dans des mahadras, librement  choisies par les parents d’élèves
Pour les mesures administratives et juridiques, – Réhabiliter immédiatement  l’ILN et  le  détacher du Supérieur- Associer, au plus près, la Direction première de l’ILN aux préparitfs de démarrage des travaux d’implémentation de la réforme. – Convoquer et réemployer, à titre transitoire, l’ensemble du personnel enseignant et technique disponible, impliqué dans l’expérience de 1979  de l’ILN – Sur le plan législatif, s’appuyer sur les textes initiaux de 1979,  à réactualiser au besoin .En période  transitoire :   _opérer un réajustement des coefficients, fantaisistes, affectés aux  matières en arabes qui  pénalisent  les enfants non arabophones.  _Délester les élèves de matières  et contenus  de tout ce qui n’est pas indispensable  pour la formation personnelle, professionnelle, ou pour la poursuite des études , et  consacrer l’essentiel du temps à la formation de l’esprit critique, d’analyse et de raisonnement.
Samba Thiam, Inspecteur de l’Enseignement Fondamental ,Président des FPC.Nouakchott, le 15 mars 2022.

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Doit-on rester forgeron ou griot de père en fils?

Ely Ould Krombelé – Peut-on rester impassible quand son peuple s’entre-déchire, s’invective à raison de joutes verbales, d’insultes se référant à l’arbre généalogique de tel, ou la condition sociale de telle autre entité ? Tantôt ce sont les “griots” qui sont indexés, tantôt les “forgerons”, et quant aux haratines, c’est une constance que d’être traités de moins que rien…

Comme si le 28 Novembre 1960, jour de notre indépendance, la république de surcroît, islamique qui devrait pourtant garantir l’égalité des droits, n’avait pas été proclamée, et que le concept de citoyenneté n’avait été qu’un leurre.

Il est impératif de rappeler que depuis ce jour du 28 novembre 1960, ne sont forgerons, griots, ou esclaves que ceux qui le veulent ou ceux, peu éduqués ignorant leurs droits inaliénables devant toutes les juridictions nationales et internationales.

A moins que les moules qui leur ont été attribués par la société dans laquelle ils vivent, ne leur donnent une entière satisfaction. Certes, il arrive que des chaînes invisibles servent de freins à toute idée salvatrice, car ceux qui profitent de cette déplorable voire anachronique situation, n’encouragent pas au changement des mentalités rétrogrades.

Il arrive aussi que le maître et son esclave ou son forgeron soient emportés par le même ouragan de l’ignorance. En effet la dialectique élaborée par le philosophe allemand Hegel, précurseur du grand théoricien du matérialisme historique, Karl Marx, nous enseigne le rapport ambigu du degré de dépendance formelle(chez l’esclave)et de la dépendance matérielle (chez le maître).

Autrement dit si l’esclave dépend de son maître, autant le maître ne peut se passer de son esclave. C’est ainsi que la stratification de la société mauritanienne traditionnelle porte encore en elle-même les bourgeons de sa longévité ..

Aussi les vieilles traditions, surtout les nôtres qui évoluent dans un milieu peu enclin à la modernité, ont la peau dure, car il est très difficile de balayer d’un coup de baguette le naturel existant.

Même la construction de l’esprit scientifique au 20éme s’est heurtée à ce que le brillantissime philosophe Gaston Bachelard appelait l'”obstacle épistémologique”.

C’est en procédant surtout à la “psychanalyse de la connaissance”, après celle de la conscience avec Sigmund Freud, que l’homme s’est débarrassé des vieilles contingences issues de l’émotion, de l’intuition, de la phénoménologie et surtout de la connaissance populaire au profit cette fois de la rationalité ou connaissance scientifique.

Alors, cette rigoureuse démarche scientifique ne peut-elle pas être appliquée à nos sociétés “figées” dans le temps depuis la glorieuse Koumbi Saleh ?

Et pourtant notre Histoire parle d’elle-même. Nous n’avons pas besoin de vestiges encore moins de fouilles archéologiques pour mener des investigations nécessitant le recours à l’isotope du “carbone 14”. Notre passé est encore ….présent et notre espace géographique sur lequel nous avions et continuons d’évoluer est limité car lui-même….délimité.

Parce que nous sommes toujours le trait d’union entre l’Afrique blanche et l’Afrique noire. Alors si nous sommes noirs , nous appartenons à l’ensemble Manding, lui-même dérivé du vieil empire Soninké du Ghana, ou encore issus de l’ensemble Peul dont sont dérivés les Hal pular du Fouta, et les “Walo-Walo de Mauritanie.

Les Soninké sont les premiers habitants de l’actuelle Mauritanie, en tout cas dans ses sphères centrale et australe. Chinguetti est un terme soninké, très connu surtout en Orient depuis plus d’un millénaire.

Si nous sommes blancs donc arabo-berbères, nous constituons un mélange entre les Sanhaja venant d’Afrique du Nord, qui ont (la sécheresse aidant) repoussé les Soninké vers le Sud jusqu’aux frontières malienne et Sénégalaise actuelles.

L’arrivée des Arabes Beni Hassan vers le 13ème siècle, n’a pas changé l’organisation sociale des populations, hormis l’instauration du système des émirats et la propension de la langue Arabe. Car le système de castes existait déjà en pays soninké.

Les griots maures feront l’exception, ces derniers n’ont existé qu’avec l’arrivée des Arabes Beni Hassan. Un adage maure ne dit-il pas que le “griot ne peut-être l’ami du marabout”? Les griots sont les amis des guerriers, ils les poussent à aller “casser la pipe” lors de nombreuses batailles intestines.

Sans les griots pour les galvaniser, beaucoup de guerriers se seraient cachés sous les “varou”(couverture en peau de bête), ou manqueront au retentissement du tobal”(tambour) qui fait appel à la guerre.

Pour dire vrai, la notion de forgeron est une “invention ” des Soninké, et la notion de griot une autre invention des Manding, peuple à cheval entre le Mali et l’actuelle Guinée Conakry, avant de se propager vers d’autres contrées; Gambie, Guinée Bissau, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sierra Léone, et le nord du Sénégal. Les Maures n’ont fait que “copier”.

A/ Le forgeron ou l’ “invention” Soninké :

Après la chute de l’empire du Ghana, un chef Sarakolé ou Soninké(c’est pareil), fonde dans la région de koulikoro, au Mali actuel, le royaume du Sosso, sous la dynastie des Diansso et qui règne jusque vers l’an 1180. A cette époque, les Kanté, clan de forgerons animistes et hostiles à l’islam dominent la région.

Ainsi un patriarche nommé Sosoe Kémoko a tenté d’unifier le Sosso et le Kaniaga. Son fils le célèbre Soumaoro Kanté ou Soumangourou (pour les français), qui lui succède en 1200, fait régner la terreur. Ce roi-sorcier à la fois craint et haï, a été cependant vaincu par Soundiata Keita en 1235 à Kirina, près de Koulikoro, au Mali actuel. Depuis cette date le lynchage de la caste des forgerons n’a pas cessé.

Au contraire, la malédiction s’est accentuée lorsque l’empire du Mali a étendu son influence dans toute la sous-région, le sud et le sud-est mauritaniens compris. En effet s’il y a des Maures blancs forgerons aujourd’hui en Mauritanie, c’est à cause de notre proximité d’avec les Soninké d’abord et le Mali ensuite.

L’idée selon laquelle les forgerons seraient descendants de juifs ..n’est qu’une théorie mensongère abjecte d’une ignorance intolérable. A l’origine un forgeron est un maure blanc ou noir. Etre forgeron est un métier, ce n’est pas une lignée de père en fils. Il est temps que cesse cette lobotomisation d’une importante frange de notre société, et qui perdure depuis 1235.

On naît libre, on peut devenir forgeron si on le veut. c’est juste un métier. Etre forgeron en pays maure commence à devenir aussi affligeant qu’en pays soninké, ces derniers étant à l’origine du concept, qui au début du 12éme siècle relevait plutôt du génie et de l’acquisition du savoir-faire, avant qu’une campagne sordide ne se dresse contre eux depuis le 13ème siècle.

B/ Le griot ou l’ “invention” mandingue (Mali)

Si le premier forgeron était un soninké, l’ancêtre des griots est un Manding, dont le plus célèbre selon l’épopée est Balla Fasséké Kouyaté. Il était le griot de Naré Famakan Keita, le père de Soundiata, vainqueur du roi du Sosso, l’invincible Soumaoro Kanté lors de la bataille de Kirina en 1235. Le griot, à défaut d’écriture, perpétue l’Histoire chez les peuples manding, il galvanise et conseille les princes de la cour, entretient la rente mémorielle de l’empire.

En Mauritanie la notion de griot, comme celle de forgeron, a été “importée” du Mali, surtout lors de l’arrivée des Arabes Beni Hassan, particulièrement la célèbre tribu des Oulad MBarek. L’idée selon laquelle les griots maures seraient originaires de l’Andalousie est à prendre avec des pincettes en…bois.

Aussi à l’origine la majorité des griots maures viennent de nobles familles. On peut citer Eli Nbeïtt Ould Haibala, Derdeli Ould Sidahmed Awlil, des patriarches qui nous ont donné des patronymes comme Ehel Ndjartou, Ehel Bowbe Jiddou, Ehel Ahmed Zeidane, Ehel Amar Tichitt etc…. Au Trarza il y a Manou Ould Tangala, ancêtre de Ehel Meidah.

C’est ainsi que de par leur proximité au Mali que les Oulad MBarek et leurs cousins les Oulad Nacer ont “triché” pour avoir leurs griots. Le répertoire musical des princes Oulad Mbarek a subi l’influence de la musique des Soninké du Baghnou, près de Nara, et des Bambara de Ségou. Les princes Oulad Nacer avait de l’influence sur le royaume Bambara du Kaarta dont la capitale était Nioro du Sahel.

Jusqu’en 1960, l’ambassadeur Mohamed Moktar Ould Bakar, représentait les intérêts de sa tribu et surtout de son frère, le chef traditionnel des Oulad Nacer, le prince Ethmane Ould Bakar, auprès des colons français à Nioro.

L’on constate que la notion de griot n’existe que dans les pays limitrophes du Mali, là où cet empire moyenâgeux a jeté ses tentacules. On ne naît pas griot ,on le devient. Mais de nos jours qui ne veut pas être griot? Je vois mal un Bouyagui Ould Nevrou, un Sedoum Ould Abbe ou une Malouma Mint Meïdah cesser de chanter les louanges de qualité pour ainsi amasser le pactole lors d’une seule soirée mondaine, pactole qui équivaudrait au salaire d’un ministre des finances, rien d’une nuit.

Comme quoi, de nos jours, être forgeron( poète) ou griot (musicien) est plus rentable que d’enseigner les sciences humaines ou normatives dans une université à Nouakchott, Dakar ou Bamako.

Enfin, on peut constater ici que les mauritaniens ignorent leur propre Histoire. Que la majorité de nos us et coutumes proviennent de nos voisins les Noirs: Soninké d’abord, ensuite Bambara et Wolofs. Si les Arabes ont apporté l’Islam et la langue Arabe, les Peuls quant à eux ont répandu la parole divine, le plus souvent avec l’écoulement de leur sang, du Fouta mauritanien jusqu’au Nigeria, en pays Haoussa.

Alors, doit-on être griot ou forgeron de père en fils? Non car notre sainte religion ne reconnaît pas cet “héritage” encombrant. Je persiste, de nos jours, ne sont griot, forgeron ou esclave que ceux que cette condition anachronique arrange. L’avènement d’une république islamique a tranché depuis 1960./.

Ely Ould Krombelé, France

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Soutenons et protégeons Samba Thiam, soutenons les principes, par Boubacar Diagana & Ciré Ba

Boubacar Diagana et Ciré Ba – Les clameurs du «discours de Ouadane» se sont évanouies cédant la place aux interrogations.

Qu’adviendra-t-il des mots? Que restera-t-il de cette « invocation rituelle », que sont devenus les appels à l’unité nationale, des exhortations à «dépasser les survivances des injustices», à «rompre définitivement avec les préjugés et les stéréotypes» et à en «apurer les discours et les comportements»? Les mots survivront probablement.

Les actes ne suivront pas. Perdureront les comportements et les pratiques de toujours. On sait à quel point ils sont à rebours des incantations «ouadaniennes».

Les faits sont têtus

Ils demeureront ce qu’ils sont, résisteront et finiront par disqualifier totalement les incantations. C’est qu’ils sont, et de loin, de meilleurs révélateurs de la réalité profonde d’un pays, du pays, et du visage démasqué de ceux qui le régissent : un pouvoir évoluant en circuit fermé, fait d’entre-soi, fondé sur l’exclusion, le racisme, les discriminations, les pratiques éliminationnistes, d’invisibilisation et d’effacement des «indésirables». Des pratiques anciennes et ancrées qui persistent avec une implacable constance à harceler et à frapper toujours les mêmes.

La communauté et le mouvement négro-africains mauritaniens en sont la cible désignée et permanente. Les haalpulaar en ou ful6e sont de cette cible le cœur. Tous sont relégués au rang de parias et sont boudés par l’action et la parole publiques. Le discours de Ouadane ne pouvait faire exception. Il n’a pas fait exception. Le lire attentivement suffit pour s’en persuader. Qui sont donc identifiées à travers ces «franges qui ont permis de venir à bout des conditions naturelles difficiles»? A qui songeait le chef de l’Etat quand il vante ceux sans les « efforts légendaires » desquels « la cité n’aurait pas vu le jour et n’aurait pas survécu et résisté aux aléas du temps » ? Il n’y a d’ailleurs aucun mal à célébrer ceux qui le méritent. Bien au contraire. Encore faut-il les nommer. Ce serait tellement mieux. Comme tout discours, surtout quand il se veut porteur de récit réputé national, celui de Ouadane est situé. Il l’est au sens strict du terme : topographique. C’est tout.

Et c’est ce qu’a compris Samba Thiam écrivant très simplement : « j’ai lu le discours de Ouadane. Il ne me parle pas ; Il ne nous parle pas» et désignant ses vrais destinataires : «il semble s’adresser aux Haratine-Abeid». Nous y voilà. A ce stade, une précision s’impose. Elle est loin d’être superflue car veillent les censeurs sans scrupules et en mal de polémiques intéressées. La précision est typographique. Avez-vous observé que dans le texte de M .Thiam, les mots Haratine et Abeid sont séparés par un tiret , un signe distinctif, censé tout naturellement distinguer? Il n’y avait, à dire vrai, pour qui est honnête, dans le propos aucune équivoque, aucun jugement de valeur, a fortiori péjoratif. Juste l’énoncé d’un fait. Pourquoi alors les réactions qu’il a suscitées? Qui a sonné l’hallali, lancé la chasse à courre et déclenché la curée ciblant nommément un homme, un dirigeant politique?

Indexer clairement le dirigeant politique Samba Thiam, c’est l’exposer dangereusement à la vindicte populaire

Décréter (à tort de surcroît) que cet homme est à lui seul l’ennemi juré d’une communauté qui, comme toutes les communautés humaines, peut receler des extrémistes, des maximalistes, c’est l’exposer et exposer ses proches à des risques. Qu’est-ce qui peut donc bien expliquer ou justifier le départ que l’on dirait concerté de tirs au bazooka dans la même direction? D’où vient la belle synchronisation qui fait se coordonner des acteurs qui, d’ordinaire, ne font pas cause commune? Comment, en clair, expliquer l’alliance de suprémacistes et racistes maures avec un leader autoproclamé, fut-il de seconde zone, de la communauté et de la cause haratines? Précisons à toutes fins utiles que cette communauté, pas plus qu’aucune autre composante nationale, n’est en tant que telle concernée par les présents questionnements. Cela devrait aller sans dire mais au point où nous en sommes, cela ira forcément mieux en le disant. Et c’est triste. A qui la faute? Principalement aux amateurs de débats inutilement incendiaires.

« Droit de réponse aux propos graves du président des FPC». Tel est le titre dramatisant à souhait d’un article surjouant l’indignation et dont le signataire est réputé pour n’avoir ni retenue ni pondération. Son texte d’une violence aussi inutile qu’incompréhensible impute mille et un griefs au dirigeant des Forces Progressistes du Changement (FPC) dont celui et, en fait le seul explicité, d’user d’un « qualificatif irrespectueux à l’adresse de toute la communauté Haratine» et «de traiter toute la communauté Haratine de Abeid». Vous avez bien lu : toute la communauté Haratine! Et de poursuivre, menaçant à l’égard du président Thiam: «Osera-t-il nous sortir qu’il ignorait le sens et la différence entre ces deux noms, dont l’un est le contraire de l’autre». «Haratine veut dire affranchi alors que Abeid veut dire esclave». Nous y revoilà. Aussi curieux que cela puisse paraître, il est donc reproché à Samba Thiam, de la part de celui-là même dont le combat contre cette pratique ignoble est le credo, d’avoir décrit (et non « traité ») d’« esclaves » ceux qui, de manière ignoble, sont considérés et traités (cette fois le mot est approprié) comme tels par certains de nos compatriotes.

Le sens de la stigmatisation est bizarrement inversé. On ignorait que dire d’un dominé que c’est un dominé, d’une victime de discrimination que c’est une victime de discrimination, c’était la « traiter» ou l’insulter. Et pourtant ! «Au nom de quoi Samba Thiam continue de vomir publiquement la communauté Haratine»? Rien évidemment n’accrédite cette accusation absurde dans le texte incriminé. Il suffit de s’y reporter. Une fois encore, curieux raisonnement que celui qui considère que nommer des dominés, des victimes, des exclus, des asservis et par là même dénoncer les dominations, l’exclusion, l’asservissement d’êtres humains, ce serait donc «vomir» les intéressés. Les arguties sémantiques servant de bouées auraient-elles plus d’importance et de pertinence que la réalité de la domination? Faisons abstraction de la distinction établie par M. Thiam lui-même. Devrait-on considérer que le simple fait d’être « affranchi » efface par lui-même ipso facto la domination en tant que rapport, le mépris, les représentations et la chaîne des séquelles générées dérivant du statut antérieur? Dans ce cas, quel est l’objet du combat des différents mouvements haratines d’hier et d’aujourd’hui? N’est-ce pas une tentative de minorer le combat nécessaire mené notamment par nos compatriotes haratines que d’exagérer des nuances renvoyant davantage à des statuts formels, de relativiser la réalité et les mutations du joug subi?

Le combat contre l’esclavage, la chosification de l’homme, ses séquelles, quels qu’en soient les auteurs et à quelque communauté qu’ils appartiennent, doit être mené par et au sein de toutes nos composantes nationales car il est tout simplement le nôtre. Le signataire de l’article au vitriol regrette que, «au lieu de se féliciter», Samba Thiam « exprime clairement son mécontentement vis-à-vis d’un discours du chef de l’Etat qui dénonce la discrimination tribale qui frappe une frange importante de la population mauritanienne». Comme si tel était l’objet des objections de M.Thiam. Qu’elle est curieuse, cette injonction à «se féliciter» et donc à féliciter le puissant de l’instant ! Serait-ce la vraie raison de la colère? L’outrecuidant M. Thiam a osé ne pas « se féliciter» du discours de Ouadane. Crime de lèse-majesté!

Dans quel but et pour quel gain? Le supprimer, le jeter dans la corbeille et vider celle-ci

Retenons au passage que, dans sa verve, le «polémiste » a, sans s’en rendre compte, donné raison à celui qu’il attaque quand il accole le mot « tribal» à discrimination. Est-il besoin de préciser que «tribal» et «national» relèvent de deux échelons différents? Et que si le chef de l’Etat a fait le choix de dénoncer des «discriminations tribales” c’est bien qu’il assume celui de s’adresser prioritairement à un segment de la population à ce sujet. On notera curieusement que Samba Thiam est accusé délibérément et allègrement de glisser vers les «Haalpoulaaren» (c’est l’orthographe choisie par l’intéressé) entendus globalement comme communauté dont les « adages féodaux» ne portent que mépris éternel et irréductible des haratines. Il est également question d’ «excitation brutale ethnicisée » pour qualifier le propos de Samba Thiam (accusé pourtant par ailleurs de ne représenter que lui-même) en réponse au discours de Ouadane. Double globalisation alors même que le texte est signé du seul Samba Thiam. On aurait voulu créer des tensions intercommunautaires qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

La logique de l’amalgame et du mensonge est en branle avec tous les risques de dérives qu’elle comporte et que comporte toute tentative de communautarisation de divergences politiques. Dans quel but et pour quel gain? La fuite en avant atteint sa vitesse de croisière quand sont brandis en guise de menaces à l’égard de Samba Thiam des textes dont une loi réprimant les «pratiques esclavagistes». L’outrance et la démesure atteignent leur comble. Samba Thiam fait figure d’esclavagiste. On touche le fond.

Le débat public mérite mieux. Il doit, il devrait être régi par des règles, s’inscrire dans un cadre et surtout respecter une certaine éthique. Tous les coups ne sont pas permis. On doit «viser» les idées et non la tête de ceux qui les émettent car viser la tête c’est tirer pour tuer. Quant à allumer la mèche de la division et des tensions entre nos communautés, c’est prendre le risque de l’irréparable. Merci d’en prendre conscience alors qu’il est temps.

Boubacar Diagana et Ciré Ba – Paris, le 25/12/2021

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