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Lorsque les oulémas se brûlent au contact du pouvoir : Pugilat d’oulémas, risée d’oumaras, misère ici-bas/ Par Pr ELY Mustapha
Pr ELY Mustapha – La science resta précieuse, jusqu’à ce qu’elle fut portée aux portes des sultans et qu’on ait pris un salaire en échange, Allah a alors enlevé la douceur du cœur (des savants) et les priva de la science à cause (du salaire). Sofiane Ath-Thawrî (Rapporté par Ibn An-Nadjdjar dans son «Târîkh »)
Quand un Alem (savant théologien), image de l’homme de Dieu se fait agresser physiquement par l’un de ses propres disciples à la fin d’une prière dans une mosquée, et cela à cause d’un comportement social et matériel, quand des oulémas se précipitent pour supporter l’insupportable pouvoir de l’injustice en Mauritanie, la question qui se pose est de savoir : avons-nous encore des ulémas qui méritent ce titre et cet honneur ?
Ne se sont-ils pas brûlés au contact du pouvoir et des matérialités de ce monde ? N’ont-ils pas vendu leurs âmes, aux émirs, rois et présidents entrainant dans leurs sillons, ceux qui croient en eux et qui finissent dans l’ignorance, l’erreur, la pauvreté et la tyrannie de ceux qui les gouvernent et qu’ils servent par leur savoir religieux ?
Nos savants ne semblent pas avoir intégré l’enseignement qui, d’El Boukhari à El Ghazali en passant par des milliers d’ulémas et jurisconsultes – et bien avant eux les enseignements du prophète Mohamed et ses compagnons et disciples-, a mis en garde les savants musulmans contre la fréquentation des gens de pouvoir, allant jusqu’à leur retirer toute intégrité morale et dignité !
Le pugilat de nos oulémas d’aujourd’hui, ne fait que le spectacle des oumaras en place. Ils leur ont aliéné leur peuple en usant de la parole d’Allah.
اشْتَرَوْا بِآيَاتِ اللَّهِ ثَمَنًا قَلِيلًا فَصَدُّوا عَنْ سَبِيلِهِ ۚ إِنَّهُمْ سَاءَ مَا كَانُوا يَعْمَلُون
“Ils troquent à vil prix les versets d’Allah (le Coran) et obstruent Son chemin. Ce qu’ils font est très mauvais!”
Et si cela ne te plaît pas, tu es un sultan…
A l’émissaire du Sultan il dit :
«Dis-lui que je ne me permets pas de rabaisser la science ni de la porter devant les portes des sultans. S’il en a quelque besoin, il n’a qu’à venir dans mon oratoire ou chez moi. »
Et au sultan lui-même il dit : “Et, si cela ne te plaît pas, tu es un sultan et tu peux m’interdire de professer. [J’espère] que cela me soit une excuse devant Dieu le jour de la Résurrection” …».
C’est la réponse qu’El Imam Al-Boukhari fit à l’émir Khaled ben Ahmad Azouhaly, le gouverneur de Boukhara (ancienne province de Khorassan, du règne des Omeyyades, actuelle ville d’Ouzbékistan), qui lui avait demandé de se présenter avec ses livres pour être écouté de ses fils.
Le refus d’Al-Boukhari d’aller chez l’émir lui valut une dissension qui le força à l’exil, mais il ne renonça pas à sa conviction que les oulémas ne sont pas au service des émirs mais à la parole de Dieu et au salut des hommes.
Cheikh Azzeddine Ibn Abdessalam que les gouverneurs et autres potentats de son époque sollicitaient pour leur rendre visite disait : « J’ai étudié la science pour être un ambassadeur entre Allah et sa création, penses-tu que je vais me rendre à la porte de ces gens ? »
Ibn Al Hâdjdj dans Al Madkhal a dit : Il convient au savant, il lui incombe même de ne pas se rendre chez les fils de la dounya, car il est plus convenable pour un savant que les gens soient à sa porte que l’inverse.
Ibn An-Nadjdjâr rapporte que Mouflih Ibn Al Aswad raconte que le Calife El Maamoun passant près d’un homme qui guidait la prière d’El icha, pria dans ses rangs et engagea avec lui, après la prière, une discussion sur le fiqh (jurisprudence).
L’homme contredisait le Calife sur les points de fiqh et lui apportait la preuve de ce qu’il avançait. Lorsque l’homme eut exposé de nombreuses contradictions aux avis du Calife, celui-ci lui dit : « Prends l’engagement que lorsque tu rencontreras tes amis, tu leur diras que tu as donné tord à l’émir des croyants ». L’homme ne sachant pas qu’il avait affaire au Calife lui dit : « Par Allah, ô émir des croyants ! J’ai honte que mes amis sachent que je suis venu te voir ». Signifiant par-là qu’en tant que savant ce n’est pas un privilège qu’il l’ait rencontré et que au contraire ce serait une honte qu’il ait rencontré le détenteur du pouvoir !
Alors le Calife El’ Maamoun, comprenant l’humilité de l’homme et la profondeur de sa foi en Dieu pas aux hommes, dit alors : « Grâce à Dieu qui a fait en sorte qu’il y ait parmi mon peuple quelqu’un qui ait honte de me rencontrer » Puis il se prosterna par gratitude envers son Seigneur.
L’Imam derrière lequel il pria n’était autre qu’ Ibrâhîm Ibn IshâqAlHarbî. » Al Bayhaqi dans Chouaib Al Imane rapporte que Bichr Al Hâfî a dit « Qu’il est repoussant de demander après un savant et qu’on réponde qu’il est à la porte de l’émir. »
Foudayl Ibn iyad a dit : «…méfiez-vous des portes des sultans car elles causent la disparition des bienfaits (…) dès que le savant entre les voir et voit ce qu’Allah leur a octroyé comme demeures et servants, il méprisera le bien dans lequel il se trouve et c’est ainsi que les bienfaits disparaîtront.»
Les vrais et respectés oulémas de l’Islam d’autrefois se méfiaient des détenteurs de pouvoirs et ne recommandaient pas leur fréquentation, car cela corrompt l’âme et avilit le rang du savoir.
Aujourd’hui, au contraire, les oulémas sont aux portes des sultans et des émirs et la plupart ont perdu leur âme et la neutralité qu’ils devaient garder pour transmettre le savoir religieux. Ils ont confondu entre le spirituel et le temporel et se sont brûlés aux flammes matérielles du second oubliant les lumières salvatrices du premier.
El Imam El Ghazali conseillait dans son livre « IhyaOuloumEddin » (Revivification des sciences de la foi) le savant à propos de la fréquentation des gens de pouvoir :
« Sache que tu as le choix entre trois situations avec les émirs et les califes injustes : la première qui est la pire est de rentrer chez eux, la deuxième qui est moindre est qu’ils viennent chez toi, la troisième qui est la plus prudente est que tu t’écartes d’eux, que tu ne les vois pas et qu’ils ne te voient pas » Mieux et par-dessus, tout le prophète Mohamed a mis en garde ceux qui prêchent la parole d’Allah en décrivant certains d’entre eux comme suit : «Des prédicateurs aux portes de l’Enfer, dans lequel ils précipiteront ceux qui leur répondent».
Houdhayfa , Compagnon du Prophète, lui demanda:
« Oh Messager d’Allah! Décris-les-nous».
Le Messager d’Allah lui répondit alors :
” Ils sont des nôtres et ils parlent notre langue.” (Mentionné par Al-Boukhari) Le prophète a dit dans un célèbre hadith :
« Allah ne fera pas disparaître la science en l’ôtant aux hommes, mais Il la fera disparaître en faisant périr les savants, si bien que lorsqu’ils auront disparu, les gens prendront pour guides des ignorants qu’ils interrogeront, et qui leur donneront des fatwas sans aucune autorité, ils les égareront en s’égarant eux-mêmes. »
Ce qui explique bien l’injonction de Mouhammad Ibn Sirîne : ” Cette science est une religion, prenez donc garde de qui vous prenez votre religion “ (rapporté par Mouslim)
Il est donc apparu, de nos jours, des porteurs de la parole de Dieu qui l’utilisent pour leur intérêt personnel ou pour leur rayonnement. Ils fréquentent les gens de pouvoir et utilisent les médias pour rayonner. Alors que l’humilité et la discrétion sont les caractéristiques du vrai savant. Son rayonnement nait de sa propre science et la reconnaissance de ses disciples et des croyants et non point forcée par une quelconque autorité au pouvoir ou un média quelconque.
Ces savant qui fréquentent le pouvoir et agissent pour quelques deniers en appliquant sa volonté et souvent son despotisme ce sont les oulémas du pouvoir. L’imam Ibn Taymiyya écrivit :
« Quand le savant abandonne ce qu’il connaît du Coran et de la sounna du messager qu’Allah le bénisse et le Salue, et suit le jugement du gouverneur qui contredit le Coran et la sounna, il est alors un mécréant apostat, qui mérite le châtiment ici-bas et dans l’au-delà. » [Majmoua Al Fatawa 35/372] Nous avions dans un article précédent consacré des développements aux oulémas du pouvoir et aux oulémas de la dignité (voir « de l’obeissance au gouvernant »)
Assassiné sans couteau…
Certains savants de l’Islam, on considéré que la fréquentation des oulémas des couloirs du pouvoir conduit à assimiler leur dégradation morale et spirituelle à leur mort par assassinat sans couteau. Voici ce que dit Abu Bakr al-Aajurri (savant du 4ème siècle de l’hégire) du savant du pouvoir :
« Il est devenu infatué avec l’amour de cette vie, et avec les louanges et sa position auprès des gens dans ce monde. Il utilise la science comme un ornement tout comme une belle femme s’orne elle-même avec les bijoux de ce monde, mais il n’orne pas sa connaissance d’actions qui lui est liée. »
« Alors ces caractéristiques et ressemblances prédominent le cœur de celui qui ne tire pas bénéfice du savoir, et tandis qu’il porte ces caractéristiques son âme va commencer à avoir l’amour de sa notoriété et sa position – de sorte qu’il va aimer s’asseoir avec les rois et les princes de ce monde.
Ainsi il aime partager leur style de vie opulent, partager leurs vêtements prodigieux, leur transport confortable, leurs domestiques, leurs habits fins, leur literie délicate et leur nourriture délicieuse. Il aimera que les gens accourent à sa porte, que ses paroles soient écoutées, qu’il soit obéit – et il ne peut atteindre ce dernier qu’en devenant un juge (Qadhi) – alors il va chercher à en devenir un.
Ainsi il ne sera possible d’en devenir un qu’en propageant sa Religion, donc il va se rabaisser devant le gouverneur et ses ministres, en étant à leur service et en leur donnant sa notoriété comme tribut. Il garde le silence lorsqu’il voit leurs mauvais actes après être entré dans leurs palais et leurs maisons.
Alors sur ce il se peut même qu’il loue leurs mauvais actes et les déclarer bonnes grâce à quelques mauvaises interprétations afin d’améliorer sa position auprès d’eux. Puis lorsqu’il devient habitué à faire ceci durant une longue période et que le faux a complètement pris racine en lui – alors ils le promulguent à la position de juge (qadhi) et l’assassinent ainsi sans couteau. [1]
Ainsi il lui a été accordé une telle faveur qu’il est obligé et doit leur montrer sa gratitude, alors il use de grands efforts pour s’assurer qu’il ne les fâche pas et ne se fasse pas retirer sa position. Mais il ne se soucie pas de ce qui peut attirer sur lui la colère de son Seigneur, le Très-Haut, et ainsi il détourne le bien des orphelins, des veuves, des pauvres et nécessiteux, le bien réservé des waqf (dotations religieuses) pour ceux qui combattent au Jihad et les besoins de la Mecque et de Médine, et le bien qui est supposé profiter à tous les Musulmans – mais à la place il l’utilise pour satisfaire ses commis, chamberlains et domestiques.
Alors il mange ce qui est haram (interdit) et se nourrit de ce qui haram et augmente ce qui lui cause du tort. Ainsi la routine prend celui que la science lui vaut d’avoir ces caractéristiques. Alors qu’au contraire c’est dans la science où le Prophète, – allait chercher refuge et dont il nous ait ordonné d’aller chercher refuge.
C’est à propos de la science que le Prophète, – a dit : « Ceux parmi les gens qui recevront un sévère châtiment le Jour de la Résurrection sont les savants qui n’ont pas tiré bénéfice de leur science auprès d’Allah »[2]
Al Imâm Abû ‘Amr ‘Abdourrahman Al Awza’i, disait quant à lui : « Il n’y a rien de plus détesté par Allah qu’un savant qui rend visite à un calife. » (rapporté par El Imam El Ghazali)
El Imam Ghazali rapporta qu’il entendit dire : « Si vous voyez le savant rendre visite au sultan alors soupçonnez-le au sujet de votre religion. Je ne suis jamais rentré chez ces gens-là sans faire un examen de mon âme à la sortie et je l’examine en profondeur même si je les affronte avec dureté et que je contredis leurs passions ».
Said Ibn Al Moussayib – faisait du commerce d’huile et disait : « Il y a en ceci ce qui nous dispense (d’avoir recours aux) sultans ». Wahb a dit : « Ceux qui rentrent voir les rois sont plus nuisibles à la Oumma (communauté musulmane) que les personnes s’adonnant aux jeux de hasard ». Mohammed ibn Maslama a dit : « Les mouches sur les restes de nourriture sont meilleures qu’un lecteur (de Coran) à la porte de ces gens-là ».
Qaunt à Alî Ibn Al Hassan As-Sandali, il répondit au Sultan qui demandait pourquoi il n’est pas venu lui rendre visite : « J’ai voulu que tu fasses partie des meilleurs rois en rendant visite aux savants et je n’ai pas souhaité faire partie des pire savants en rendant visite aux rois. »[3]
L’histoire des savants musulmans qui refusèrent de rencontrer les sultans, les émirs et les rois de leurs temps est si éloquente qu’il semble bien que nous vivons actuellement une époque où nos oulémas ne semblent jamais avoir appris cette histoire. Pourtant, ils se brûlent au contact du pouvoir et scellent avec lui le sort de populations entières qui croient en eux et qui finissent dans l’ignorance, l’erreur, la pauvreté et la tyrannie de ceux qui les gouvernent et qu’ils servent par leur savoir religieux.
Tout le monde n’est pas satisfait de ton émirat, et je déteste mentir…
Nous sommes loin de l’attitude des oulémas et des hommes saints d’autrefois qui craignaient de rencontrer les détenteurs de pouvoir et quand par la force on les obligeait à les rencontrer savaient leur dire les vérités au risque de leur propre vie.
C’est l’exemple de Tawous ben Qiçan Al Yemeni El Hamdani : A son arrivée en pèlerinage à la Mecque, Hicham Ibn Abdel Mâlik , Calife omeyyade (71-125 de l’hégire ), demanda qu’on fasse venir un homme parmi les compagnons du prophète.
On lui répondit : « Ô émir des croyants, Ils sont tous morts.» « Un parmi les Tabi’in, alors », demanda-t-il. On lui ramena Tawous ben Qiçan Al Yemeni El Hamdani, l’un des disciples du prophète ,
Dès qu’il entra chez le sultan, il se déchaussa au bord du tapis et lui adressa le « salam » sans l’interpeller par son titre « émir des croyants ». Au lieu de cela, il dit : « Assalamoualayka Ya Hicham ».
Il ne l’appela pas non plus par sa kounya( qui est une appellation traditionnelle par référence à la descendance immédiate. Exemple: Abou Ali, Abou Ahmed etc.) – mais plutôt s’assit face lui en demandant : «Comment vas-tu Ô Hicham ? ». Hicham se mit en colère au point qu’il faillit le tuer et lui demanda ce qui le poussait à agir de la sorte.
Tawous ben Qiçan Al Yemeni El Hamdani lui dit alors : « Agir comment ? » Hicham s’énerva de plus belle et lui répondit : « Tu t’es déchaussé au bord de mon tapis, tu n’as pas baisé ma main, tu ne m’as pas salué en m’appelant émir des croyants, tu ne m’as pas non plus appelé par ma kounya et tu t’es assis en face de moi sans m’en demander la permission et tu m’as interpellé en disant ‘ô Hicham’ ». Tawous lui répondit:
– « Concernant le fait de m’être déchaussé au bord de ton tapis, je le fais cinq fois par jour entre les mains de mon Seigneur, il ne me punit pas, ni ne se met en colère contre moi.
– Quant au fait que je n’ai pas baisé ta main, et bien j’ai entendu Ali Ibn AbiTalib dire : « Il n’est permis à personne de baiser la main de quelqu’un si ce n’est sa femme par désir ou son fils par miséricorde. »
– Quant au fait de ne pas t’avoir salué en t’appelant « émir des croyants », c’est parce que tout le monde n’est pas satisfait de ton émirat, et je déteste mentir. – Pour ce qui est de ne pas t’avoir appelé par ta kounya, Allah soubhanahouwata‘âla a appelé ses alliés en disant : « Ô Dawoûd, ô Yahyâ, ô Îssâ » et a appelé ses ennemis par leur kounya:« Périssent les mains d’Abou Lahab » (Sourate 111, Verset 1.)
– Si je me suis assis face à toi, c’est parce que j’ai entendu Ali Ibn AbiTalib dire : « Si tu veux regarder un homme parmi les gens du feu, regarde un homme assis et autour de lui un groupe de gens se tenant debout. »
Hicham lui dit alors : « Conseille-moi ! »
Il lui dit alors : « J’ai entendu Ali Ibn AbiTalib dire : « Il y a dans la géhenne des serpents tels une clôture et des scorpions tels des mules, ils mordent chaque émir qui est injuste envers ses gouvernés.»
Il se leva alors et sortit.
Alors véritablement où se situent dans leur comportements et leurs attitudes face aux gouvernants nos « oulémas » d’aujourd’hui par rapport à Tawous ben Qiçan Al Yemeni El Hamdani ?
Il n y a aucune commune mesure.
Par ta faute, ils ont semé la suspicion au sujet des savants et ont meurtri les cœurs des ignorants.
Les savants digne de ce nom en Islam n’ont pas hésité à prévenir leurs condisciples contemporains sur les dangers spirituels et temporels qu’ils courent en fréquentant les détenteurs du pouvoir, la lettre d’un contemporain au grand érudit AbouBakrAzzahri (vécu de 50 – ou 51 – à 124 de l’hégire) est un chef-d’œuvre en la matière :
« Qu’Allah nous préserve des Fitans (guerres intestines) ainsi que toi ô AbâBakr, tu t’es mis dans une situation où il convient à celui qui te connaît d’invoquer pour toi et d’implorer la miséricorde d’Allah sur toi.
Tu es devenu vieux et les bienfaits d’Allah t’ont alourdi alors qu’Il t’a accordé la compréhension de Son Livre et t’a appris la Sounna de son Prophète . Ceci n’est pas l’engagement que les savants ont pris envers Allah.
Sache que le plus aisé de ce que tu as commis et le moins grave de ce que tu as porté (comme fardeau) est d’avoir tenu compagnie à celui qui est injuste et que tu as facilité la voie de l’égarement, tu as donné de l’importance à celui qui n’a pas rendu aux gouvernés leurs droits, et qui n’a pas délaissé le faux alors qu’il t’a rabaissé.
En effet, il t’a pris comme pôle autour duquel tourne le moulin de leur injustice, un pont à travers lequel ils traversent en direction de leur affliction et une échelle par laquelle ils montent vers leurs égarements. Par ta faute, ils ont semé la suspicion au sujet des savants et ont meurtri les cœurs des ignorants.
Ce qu’ils ont construit pour toi est insignifiant par rapport à ce qu’ils ont ruiné en toi. Comme sont nombreuses les choses dont ils t’ont dépossédé en corrompant ta religion. Qu’est-ce qui te garantit de ne pas faire partie de ceux au sujet desquels Allah a dit :
« Vinrent à leur suite d’autres générations qui délaissèrent la prière et suivirent leurs passions »?
Tu as affaire à quelqu’un qui n’est pas ignorant, et ceux qui ont appris de toi ne sont pas insouciants, soigne donc ta religion car s’y est introduite une maladie et prépare ta provision car va survenir un voyage lointain, et rien n’échappe à Allah dans les cieux et sur Terre, wa as Salâm ».
Notons la clairvoyance de celui qui adressa ce message. Une clairvoyance qui ferait pâlir nos oulémas d’aujourd’hui. C’était quelques années après l’Hégire. Et ce qui renforce encore davantage la suspicion qui doit régner à l’égard des oulémas qui fréquent les émirs ce hadith du prophète Mohamed .
D’après Al-Hassan Ibn Soufian, d’après Ibn Malik, le Prophète Mohamed , a dit : « Les savants sont les garants des Prophètes auprès des serviteurs d’Allah, tant qu’ils ne fréquentent pas les sultans. Car, quand ils fréquenteront les sultans, ils auront trahi les Prophètes. Prends alors garde à eux et ne les approche plus » (Rapporté par l’Imam Souyouti, , dans son livre « les pionniers et leur comportement à l’égard des sultans »)
Au temps où le savant faisait pleurer de piété le Calife
Voici enfin le récit de la lettre que Sufiane Ibn SaidEthawri envoya au Calife HarounaErrachid qui l’invitait à lui rendre visite lorsqu’il devint Calife .HarounaErrachid entretenait une amitié avec Sufiane Ibn SaidEthawri et pourtant celui-ci ne vint pas à son invitation alors que tous les oulémas du Califat sont venus lui rendre hommage.
Le récit de cette lettre est rapporté par l’Imam Ibn Balban et l’Imam el Ghazali. La lettre de HarounaErrachid à Sufiane Ibn Sa’idEthawri :
« Au Nom d’Allah le Clément le Miséricordieux,
De la part du serviteur d’Allah, Haroun, le chef des croyants à son frère en Allah Sufiian Ibn SaidEthawri
Tu sais, qu’Allah subhanawata‘ala a lié les croyants par des liens de fraternité .Quant à moi, je te considère comme mon frère en Allah, et pour cette fraternité, je n’ai pas rompu les liens d’amitié que j’ai pour toi, j’ai en moi une grande amitié pour toi et je suis à ton entière disposition.
S’il n’y avait pas les responsabilités dont Allah subhanawata‘ala m’a chargé, je serais venu à toi, même à quatre pattes, et ce, en raison de l’amour que j’ai pour toi dans mon cœur.
Sache, ô Abou Abdallah ! Qu’il n’y a pas un de nos frères à tous les deux qui ne soit venu me rendre visite et me féliciter pour les fonctions qui m’ont été confiées. J’ai ouvert la trésorerie et je leur ai donné des cadeaux magnifiques, ce qui m’a fait plaisir et qui m’a réjoui. J’ai trouvé que tu as tardé à venir me voir, et c’est pour cette raison que je t’écris cette lettre pour t’informer du désir ardent de te voir que j’éprouve envers toi.
Oh Abou ‘Abdallah ! tu connais les hadiths qui ont été rapportés au sujet du fait de rendre visite au croyant et d’entretenir les liens avec lui, alors dès que ma lettre te parviendra, empresse toi de venir à moi ! »
La réponse de Sufiane Ibn SaidEthawri au Calife HarounaErrachid :
« Au Nom d’Allah le Clément le Miséricordieux
De la part du serviteur et du pécheur Sufiane, à l’attention du serviteur berné par l’espoir de vivre longtemps, Haroun, celui a qui, la douceur de la foi, ainsi que le plaisir de la lecture du Coran ont été enlevés.
Je t’écris afin de t’informer que j’ai coupé les liens avec toi et que j’ai rompu l’amitié que j’avais pour toi. Tu as fait de moi, un témoin contre toi, et ce, car tu as reconnu toi-même, dans ta lettre, que tu as assaillis la trésorerie des musulmans, et que tu as dépensé et gaspillé à tort ; sache que je témoigne contre toi, moi et mes frères qui ont assisté à la lecture de ta lettre, et nous allons nous servir de ce témoignage auprès du Juge Juste ;
Ô Haroun ! Tu as assaillis la trésorerie des musulmans sans leurs consentement ; Les nouveaux venus à l’Islam, ainsi que ceux qui s’occupent d’eux et qui se trouvent sur la terre d’Allah, les combattants pour la cause d’Allah et les orphelins t’ont-ils agrée pour ton acte ?
Ceux qui connaissent le Coran par cœur et les gens de science, c’est-à-dire ceux qui mettent cette dernière en pratique, t’ont-ils agrée pour cet acte ? Les orphelins et les veuves t’ont-ils agrée pour cet acte ? Les gens parmi tes sujets t’ont-ils agrée pour cela ?
Alors ô Haroun ! Sers ta ceinture et prépare les réponses que tu vas donner lors de ton interrogatoire et arme toi de patience pour les malheurs que tu vas subir. Et sache que tu vas te tenir debout entre les mains du Juge Juste, alors crains Allah pour toi-même, et ce, si t’ont été ôtés la douceur de la science et de l’ascétisme, les plaisirs du Coran et le fait de t’asseoir avec les bienfaisants, et que tu as accepté pour toi-même, d’être un tyran et d’être pour les tyrans un chef.
Ô Haroun ! Tu t’es assis sur le trône et tu t’es habillé de moelleux ; tu as baissé les rideaux devant ta porte et tu t’es assimilé au Maître du monde avec ton planton ; ensuite, tu as mis devant ta porte tes soldats tyrans, qui oppriment les gens et qui ne sont pas justes ; ils boivent du vin et ils punissent ceux qui boivent le vin, ils commettent l’adultère et ils punissent celui qui commet l’adultère, ils volent et ils coupent la main du voleur, ils tuent et ils celui qui tue.
Ces jugements devraient tout d’abord s’appliquer à toi et à eux, avant qu’ils ne soient appliqués sur les gens. Ô Haroun ! Quel sera ton état demain lorsque l’on criera auprès d’Allah : « Rassemblez les injustes et leurs épouses » [Coran 37 : 22 ], « Où sont les tyrans et leurs aides ? »
Et que l’on te mettra devant Allah subhanahouwata‘ala alors que tes deux mains seront attachées à ton cou. Seules ta justice et ton équité pourront les détacher. Les tyrans seront autour de toi, et toi tu seras leur chef pour les guider vers l’enfer.
C’est comme si je te voyais, alors que tu es attaché par une courte corde au cou et que tu endures les souffrances. Tu vois tes bonnes actions dans la balance des autres personnes, et les mauvaises actions des autres personnes s’ajoutent aux tiennes dans ta balance, tu vis malheur sur malheur et ténèbres sur ténèbres.
Alors, Ô Haroun ! Crains Allah subhanahouwata‘ala en ce qui concerne tes sujets, et prends soin de la communauté de Mohamed. Sache que ce que tu possèdes ira à autre que toi, et il en est de même pour la vie terrestre qui se déplace d’une personne à l’autre.
Certaines personnes font des provisions qui leurs seront utiles, d’autres personnes perdent leur vie terrestre et perdront leur vie de l’au-delà. Fais attention et prends garde de m’écrire après cette fois, car je ne te répondrai pas et reçois mes salutations. »
Le Calife Haroun Errachid conserva la lettre de Sufiane Ibn SaidEthawri et il ne cessa de la lire après chaque prière et il pleurait, et ce, jusqu’à ce qu’il mourut.[4]
Alors, si aujourd’hui nous sommes soumis à des ulémas de ce bas monde qui œuvrent pour ici-bas et se mettent au service des potentats, ce n’est pas seulement de leur faute, mais aussi de la nôtre, celle d’avoir ignoré notre histoire islamique, celle de ses hommes pieux, de ses savants de lumière, de sa sagesse éternelle en pensant avoir tout inventé, alors que tout existait avant nous jusque les réponses à notre ignorance.
C’est cette ignorance-là que tant et tant de ceux qui pensent détenir le savoir spirituel exploitent pour maintenir des âmes innocentes et des esprits crédules, en sommes l’essence humaine des peuples, dans la domination de leurs maitres temporels.
Maintenant qu’ils se violentent eux-mêmes jusque dans les mosquées à l’heure de la prière, il n’est plus permis de penser autre chose sinon d’invoquer, encore une fois et toujours, les paroles divines:
اشْتَرَوْا بِآيَاتِ اللَّهِ ثَمَنًا قَلِيلًا فَصَدُّوا عَنْ سَبِيلِهِ ۚ إِنَّهُمْ سَاءَ مَا كَانُوا يَعْمَلُون
“Ils troquent à vil prix les versets d’Allah (le Coran) et obstruent Son chemin. Ce qu’ils font est très mauvais!”
Pr ELY Mustapha
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[1] Allusion un hadith du Prophète : «Il est celui qui est promu comme un juge qui a été tué sans couteau » (rapporté dans Sunan AbīDāwud qui est une collection de hadiths par le savant AbūDāwudSulaymān ibn al-Ash‘ath – 817 à 888 de l’Hégire)
[2] Cités par Ibn ‘Abdel-Barr dans Jaami’ Bayaanil-`Ilm al-Aajurriat-Tabaraani dans as-Saghir mais son authenticité est douteuse du fait de l’intégrité contestable de l’un de ses rapporteurs dans la chaine source de transmission des hadiths.
[3] Rapporté par l’ imam as-Souyouti , dans Tabaqât Al Hanafiyya [4] Voir le récit complet sur http://bibliotheque-islamique-coran-sunna.over-blog.com/
cridem
FLAM, et le génocide de l’innocence par Hawa Tall
Je me souviens de ce mot, dans mes jeunes années, un mot en 4 lettre mais qui semblait en contenir des milliards, 4 lettre et l’avenir incréé. 4 lettre qui comme une berceuse a calmé l’angoisse qui engloutissait tout autour de nous. À y réfléchir cette angoisse habitait certainement le ventre de ma mère quand j’y séjournais. La peur… la peur, la démence qui s’est lentement, insidieusement insinuer dans le regards de ceux avec qui j’ai souri à la vie la première fois, levé la poussière sur le chemin de l’école… Puis la peur, le piège qui m’enferme, nous enferme, quand la fuite est la seule issu, et qu’il n’y a aucun endroit où aller.
Les cris, les plaintes, le sang, la colère, les vies qui s’évaporent. La jeunesse brisée. Un millier d’années de frustration, un monstre d’obéissance, la cadence des pas. Identité. Une identité, Mon identité, les murmures, le silence, la nuit, la nuit… les nuits… les portes closes. Les portes fracassées…Les regards impuissants des parents, rien n’est plus inhumain que de rendre un parent incapable de cacher sa défaite.
Puis le mot est arrivé à mes oreilles, comme un prophète, un frein, un mur, une protection, comme la voix, la voie des ancêtres, FLAM…. Comme une brise. Malgré le chaos, on soupire, on respire, non, nous ne sommes pas seuls, non, nous n’avons jamais été seuls, maintenant nous le savons… FLAM… FLAM, il ne m’évoque pas le feu, mais l’apaisement, la sécurité, la détermination qui fortifie notre courage, plus jamais ça. FLAM c’est le sentiment de ne pas être seul face à la folie meurtrière, au despotisme, c la protection contre ce que l’humain a de plus vil: coloniser le bien être des autres, coloniser les esprits, les identités.
Et puis les visages se sont défroissés. Moi j’ai eu peur, depuis toujours, peur d’être dominée, peur de dérivée vers une culture, une langue, un mode de vie qui par essence me méprise et veut me soustraire à moi, à mes racines à ma terre, au Dieu de mes ancêtres. Autant sucer l’encre de ma peau, effacer les mots sur ma langue, détruire l’enclos des vaches, décercler la case, détourner les fleuves, arracher les arbres, autant reverser nos calebasses de lait, manger nos vaches. Oui autant faire tomber le ciel, et détruire la terre. La vie est ce qu’elle est parce que je suis ce que je suis, vous êtes ce que vous êtes parce que je suis ce que je suis. Sans ce que je suis rien ne sera, ni l’arabe, ni l’Arabie ni l’arabité, ni la Mauritanie encore moins Coppolani. Tu es parce que je suis!
Voilà comment sans connaître la portée politique de cet organisation, elle a forgé en moi la conviction et la fierté d’être noire et peulh. Ce pays ne se fera pas sur le cadavre de ce que je suis. Mon militantisme se résumait à refuser de parler, de comprendre d’étudier l’arabe. Je ne voulais même pas avoir une bonne note en Arabe, c la peur qui a planté le rejet. La tentative de viol brutale de ce que je suis.
FLAM a donné une conscience politique à tout les Mauritaniens, et aux bourreaux, la conscience d’avoir franchi la ligne rouge, d’être aller trop loin.
FLAM n’est pas qu’un parti politique, FLAM c la petite flèche planté dans le flan de la bête immonde, dans la flèche la graine, la graine qui germe, et qui germe, et fleurie sur le cadavre de ce que je ne veux pas être, de ce que nous sommes pas sensés être.
Je ne suis pas flamiste, la Flam à juste calmer mes angoisses, la où mes propres parents étaient impuissants. FLAM c le tapi où repose ma force…. C comme un œuf que je couve, c mon espoir, un talisman.
Puis j’ai rencontré Samba Thiam, celui qui a dit “Si tu parle ta langue, je parle ma langue”. C le continuum, de ce que j’attendais d’un combattant de la liberté. On ne peut être un homme politique dans une situation de domination, on est un combattant. Enfin c mon avis. Un combattant ne négocie pas avec son espace vital. Qd je l’ai vu en chair et en os, il est Si modeste, Si peulh, Si foutanke, Si comme moi, Si comme Mon père, Si comme Mon frère, Si comme tout ceux qui sont comme lui, des opprimés. Ce qu’il a de Si spécial c d’avoir compris le système. Ce qu’il a d’intelligent c de mettre son oppresseur au même pied d’égalité que lui. Tu n’es pas mieux que moi, l’arabe n’est pas au-dessus du Poular ou du Soninke ou de toute autre langue. L’arabe n’est pas sacré, les arabes ne sont pas plus sacrés que les autres. FLAM n’est pas un espoir, il est ce qui allume l’espoir. Il est ce qui révolutionne les cœurs, il est ce qui porte le changement, il est la FLAM qui éteint la peur… et fait germer la lutte…
Je tiens à préciser que je ne suis sous influence d’aucune drogue, j’ai pas été payer par Israël, ni aucune organisation sioniste, ou homosexuelo-lesbiano-laïque. Aucun membre de ma famille n’est sous une menace directe de cette organisation raciste et séparationniste, sudiste qui veut soustraire une Mauritanie paisible à son milieu naturel arabe que sont les FLAM… je suis juste racistement, exclue et dominée comme eux…
Hymne national, drapeau et régionalisation : Pour quels desseins inavoués ?/Par le colonel (E/R) Oumar ould Beibacar
Notre devise doit être corrigée pour mieux répondre aux aspirations de notre peuple. Compte tenu de notre diversité, la chose la plus importante pour notre communauté est sans aucun doute son unité. Cette unité ne peut se fonder que sur l’égalité citoyenne. Cette égalité citoyenne ne peut se concrétiser que par une justice forte, consensuelle et indépendante. On peut donc remplacer notre devise actuelle : Honneur-Fraternité-Justice par une nouvelle devise plus constructive et plus citoyenne: Unité-Egalité-Justice. Cette devise doit être le serment de chacun de nous, le fondement de notre République, l’équilibre indispensable à notre survie, l’idéal qu’il faut défendre coûte que coûte.
Notre hymne national
Notre hymne national, est un habile plaidoyer poétique du salafiste (dans le bon sens) Cheikh Baba ould CHEIKH SIDIYE, écrit en 1890, une dizaine d’années avant la colonisation, pour un retour aux sources de l’islam sunnite, consécutif à la montée en puissance des confréries souffistes, soutenues par des entités guerrières laïques et sanguinaires partisanes de la raison du plus fort.
Son choix par les bâtisseurs est doublement significatif. D’abord il permet d’immortaliser le père de la pacification, Baba Ould CHEIKH SIDIYE, le vainqueur. Ensuite il concrétise l’appel à un islam limpide que pratiquaient le prophète Mohamed PSL et les quatre khalifes, et qui consolide la foi en Allah et en lui seul, sans aucun intermédiaire. Un Islam dont on avait beaucoup besoin au moment de l’indépendance, car notre société était dominée par un ordre tribal arabo-berbère et négro-africain séculaire, caractérisé par la violence, la terreur, l’arbitraire et le recul des valeurs islamiques.
Cependant, l’hymne national est un chant patriotique qui doit vanter l’identité du peuple, son unité, ses valeurs, ses gloires, son intégrité territoriale, et inciter au dévouement, au sacrifice et à l’abnégation pour la patrie. Il doit être capable de galvaniser le peuple, tout le peuple sans exception aucune. Aujourd’hui on peut solliciter notre million de poètes, pour nous produire quelques vers pour compléter le poème de Baba. Des vers plus enthousiastes qui font l’éloge de notre diversité, qui immortalisent notre gloire commune et qui prônent l’inviolabilité de notre unité et l’intangibilité de l’intégrité territoriale de notre chère Mauritanie.
Pour obtenir l’adhésion du peuple tout entier, l’hymne national doit nécessairement citer les quatre composantes du peuple mauritanien. A savoir les communautés beidhane, peulh, soninké et ouolof. Il doit être traduit en hassania, en poular, en soninké et en ouolof et récité par tout le peuple sans exception aucune en arabe et dans les quatre langues nationales
Notre hymne doit être vulgarisé, car bien que sa musique soit quasiment connue par tous, très rares sont ceux qui le récitent, or l’hymne doit être récité par tous les citoyens, sans exception aucune. En novembre 1984, nous étions trente-cinq officiers, 24 gendarmes et onze gardes, en stage d’application à l’école des officiers de la gendarmerie de Melun en France, notre commandant de brigade nous avait demandé le texte de notre hymne national. Aucun de nous ne savait un seul mot de ce beau poème. Un officier de la gendarmerie nous proposa : « Ould Daddah gass ndar … Ould Daddah est parti à St Louis …» un autre gendarme lui répliqua : « Non ça c’est l’hymne des enfants ». Donc nous avions deux hymnes l’un pour les adultes et l’autre pour les enfants !
Un autre officier prétendit que c’est : « Sirou vi hima Allahi el Emine Kounou jounda rabi Elalamine … Allez sous la protection d’Allah, Soyez les soldats du Tout Puissant …».Ce chant nous l’avions chanté comme élèves – officiers, pendant deux années consécutives à l’Emia d’Atar. Les sous-lieutenants, Ngaidé Aliou Moctar et Felix Henry Negri nous en donnaient le ton. Paradoxalement, durant toute notre formation on ne nous avait jamais parlé de notre hymne national.
Personnellement, sans connaitre le poète, je croyais que notre hymne était : « Haza akhirou Nomina, Biladouna la Techteki … » « C’est notre dernier sommeil, chère patrie ne te plains pas… » Parce qu’on nous faisait chanter ce poème à l’école primaire. Pendant mon enfance j’avais aussi entendu plusieurs fois les militaires le chanter. Après l’établissement des relations diplomatiques avec le royaume chérifien en 1969, on avait cessé de chanter ce poème puisqu’il dénonçait les revendications marocaines sur notre pays.
Profitant d’un week-end à Paris, j’avais pris contact avec notre ambassadeur Ely ould ALLAF, l’un des bâtisseurs, compagnon du père de la nation, pour lui demander le texte de notre hymne. Il m’avait répondu que l’hymne est un poème de Baba ould Cheikh Sidiye qu’il ne récitait pas ses mots mais qu’il contacterait le ministère des affaires étrangères pour me trouver ce poème. Je l’avais rappelé à plusieurs reprises, et jusqu’à la fin de notre stage en juin 1985, le ministère n’avait donné aucune suite à sa requête. Il faut dire que la révolution de palais du 12-12-1984, nous avait fait oublier cette histoire de texte de l’hymne national.
De retour à Nouakchott, j’avais rencontré le capitaine Mamoye DIARRA, et je lui avais demandé ce qu’il savait sur l’hymne national. Il m’avait répondu : « Je suis moi-même musicien de spécialité, notre hymne national est un poème de Baba ould CHEIKH SIDIYE, chanté et composé par Sidatty ould ABBA dans sa tidinit dans le noir de Vaghou et je l’avais personnellement accompagné à ST louis, en vue de transformer la musique traditionnelle en une musique moderne pour avoir une portée mondiale. Depuis l’indépendance, la musique de la Garde était exclusivement chargée de l’exécution de l’hymne national à toutes les occasions, étant la première musique dans les forces armées et de sécurité nationales.»
En effet, la fanfare des gardes-cercles avait été créée en 1945 à Saint-Louis du Sénégal, avant d’être transférée à Rosso d’où elle animait les rares cérémonies officielles à Nouakchott. Elle sera définitivement installée dans notre capitale en 1962.
Le père de la Nation, avait demandé par note N 114/PR du 27 janvier 1964 de mettre à la disposition du ministère de la Défense, le personnel de la Garde nationale faisant partie de la fanfare, pour être transféré à l’armée nationale afin de constituer le noyau de la musique militaire. Avant de se rétracter dans une lettre N 1519/PR/SGDN/EMN/BP, en date du 8-12-1964, évoquant les multiples avantages que perdraient les éléments transférés, qui n’étant pas volontaires pour servir dans l’armée, risqueraient de démissionner massivement. Et par conséquent, il avait demandé leur maintien dans leur corps d’origine en attendant que l’armée puisse constituer une fanfare avec ses propres moyens.
Conformément aux traditions militaires, c’est donc le droit d’aînesse qui avait attribué le prestige d’exécuter l’hymne national, au corps des gardes-cercles de Mauritanie créé le 30 mai 1912. Malheureusement le pouvoir militaire va nous voler ce prestige avant de s’emparer des instruments et du personnel de notre musique qu’il ne nous rendra qu’en 2005, sur insistance d’un chef d’état-major issu du corps. La musique de la Garde était Initialement habillée aux couleurs nationales, l’armée avait changé la couleur de sa tenue en bleu marine, sans doute pour mieux la camoufler, puis tout dernièrement la musique militaire a choisi le rouge ocre en prélude, peut être, à l’immortalisation du sang des vaincus.
L’hymne est fixé par la loi, après plusieurs recherches dans le journal officiel de 1959 à 1978 je n’ai trouvé aucune trace de cette loi. Il semble qu’elle n’ait jamais été votée, c’est sans doute pour cette raison que les paroles de notre hymne sont quasiment inconnues. L’hymne national étant du domaine de la loi, on n’a pas besoin de consulter le peuple pour le changer. Il suffit de demander aux députés béni oui-oui de le faire, et ils le feront avec beaucoup d’enthousiasme.
Cependant, les détracteurs de la République ne visent pas l’hymne national. Ils visent le poète père de la pacification, le cheikh Baba ould CHEIKH SIDIYE, qu’ils veulent remplacer par le poète des razzieurs, pour l’effacer de notre mémoire. Ce mensonge ne passera pas. Il faut rappeler que le chanteur compositeur, père fondateur de notre hymne national, l’icône de la musique maure, le notable national Sidatti ould Elva ould ABBA attend depuis 56 ans ses droits d’auteur qu’il convient de lui régler immédiatement. Avant les amendements…
Notre Drapeau national
Après l’adoption, à l’unanimité, de notre constitution par l’assemblée constituante, notre très beau drapeau sera hissé pour la première fois le dimanche 22 mars 1959 à Nouakchott. Ce drapeau aurait été inspiré par l’emblème de la République islamique du Pakistan, conçu par Sayed Amiroudine Kedwai en 1904 comme drapeau de la ligue musulmane, groupe politique qui prônait, pendant la période coloniale la création d’une nation musulmane séparée sur le sous-continent indien. Il avait été adopté le 11 août 1947 comme drapeau de la République islamique du Pakistan au moment de l’indépendance.
Le croissant et l’étoile sont des symboles de l’islam. Le croissant représente le progrès et le calendrier musulman notamment le mois du jeûne, le mois du Hadj et les jours de fête ainsi que le début et la fin de l’an musulman entre autres. L’étoile représente le savoir, ces cinq branches symbolisent les cinq piliers de l’islam. On trouve le croissant et l’étoile, ensemble ou séparés, dans les drapeaux de certains pays musulmans comme le Pakistan, la Turquie, le Turkménistan, le Tadjikistan, le Sénégal, la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, la Libye, Djibouti, la Malaisie, la Somalie, l’Irak avant 1989, la Syrie, les îles Maldives, l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan.
D’après le père de la Nation : « l’esquisse de notre drapeau avait été suggérée dans ses grandes lignes, par un comité informel, un soir dans mon logement saint-louisien. Ce soir là, j’étais avec Ely ould Allaf, Ahmed Bezeid ould Ahmed Miske et Mohamedhen ould Babah alors tous trois étudiants… Au cours de notre discussion, je leur demandai leur avis sur notre futur emblème national, tout en donnant mon point de vue sur la question. Après un long échange de vues, nous sommes arrivés au drapeau que tout le monde connait et qui a fait le tour de la planète : vert avec étoile et croissant jaune d’or. »
En ce qui concerne les couleurs, selon le capitaine Mamoye DIARRA, l’un des fondateurs de la République, issu du corps des gardes-cercles, la seule institution paramilitaire qui avait assisté à Nouakchott à la dernière descente du drapeau français symbolisant la fin de la colonisation, le dimanche 27 novembre 1960 à 18h. Ainsi qu’à la première levée des couleurs nationales le lendemain, lundi 28 novembre 1960 à 9h symbolisant le début de l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie. D’après lui, le jaune d’or représente la couleur du désert, où habitent généralement les maures, le vert représente la verdure de la vallée où habitent les négro-mauritaniens. En effet les premiers drapeaux conçus au moment de l’indépendance, visibles dans certains films d’archives, avaient un jaune plus foncé de couleur sable et un vert plus foncé proche de la verdure. Avec le temps les couleurs sont devenues plus vives, dans l’indifférence.
Le drapeau est créé par l’article 5 de la constitution du 22 mars 1959. Il est dimensionné par le décret 59 007 du 1er Avril1959. « La petite dimension du drapeau est égale au deux tiers de la grande dimension, le croissant est placé au centre du drapeau, la convexité tournée vert le bas, l’étoile à cinq branches est placée à l’horizontale des pointes du croissant. » Très rares sont ceux qui respectent ses dimensions. La Gendarmerie nationale avait été chargée par décret présidentiel, que j’avais vu quelque part, d’assurer la confection du drapeau national, de faire respecter ces normes et de veiller à son intégrité. Une mission qu’elle a complètement oubliée.
Notre emblème national doit être traité avec beaucoup plus d’égard, puisqu’il incarne notre identité, notre fierté. Malheureusement les services publics n’ont aucune considération pour lui. On peut le voir flotter, amputé de sa moitié, de son tiers ou des deux tiers sur les différents ministères, sur des établissements scolaires, sur les bâtiments de l’assemblée nationale, de la cour suprême, du sénat, de la communauté urbaine, du conseil constitutionnel pour ne citer que ceux-là, sans susciter la moindre réaction. Seules les casernes militaires respectent encore son intégrité, puisqu’il est hissé tous les matins à 8h et descendu toutes les après-midi à 18h. Cet outrage constant à ce symbole de la République est inacceptable.
Toutefois, ce drapeau doit être vulgarisé, lui aussi, parce que la quasi-totalité des populations nomades ne l’ont jamais vu et ne le connaissent pas. En pèlerinage à la Mecque en 2004, l’un de nos pèlerins, originaire de Bassikounou, s’était égaré pendant deux jours dans la zone de Mina. Lorsqu’il avait été retrouvé au troisième jour, les organisateurs lui avaient reproché de ne pas avoir identifié notre drapeau comme tous les pèlerins, qui, à Mina, s’orientent par les emblèmes de leurs pays hissés au – dessus de leurs campements.
Notre pèlerin leur répondit : « Moi je n’ai jamais vu le drapeau de mon pays. Si vous aviez mis sur votre drapeau la marque des animaux des Oulad Daoud, je vous aurais repérés immédiatement !» Aussi, dans les campements nomades on rencontre souvent des sacs confectionnés à partir du tissu de notre drapeau pour contenir du thé, du riz ou de la viande sèche. Car pour eux, le drapeau est un morceau de tissu qu’on peut utiliser à sa convenance et qui ne veut rien dire.
Ce nouveau drapeau a pour but essentiellement de dénier le sacrifice de nos soldats pendant la guerre du Sahara. Plus de deux mille martyrs, six cents prisonniers et des milliers d’anciens combattants et de nous faire un lavage de cerveau pour nous faire oublier notre histoire récente. Les deux traits rouges mettent entre parenthèses cet inoubliable sacrifice de nos chouhadas. Car pour ces « innovateurs », la bande rouge inférieure immortalise les pilleurs d’avant l’indépendance et la bande rouge supérieure immortalise les futurs martyrs d’une autre patrie qui reste à définir.
Ce qui exclut de facto les vrais résistants, les vrais héros que sont nos 2000 martyrs, ces oubliés de la République, qui avaient fait le don de leur vie, dans leur diversité, pour cette Mauritanie qu’ils avaient vu naître et tant aimée, sous ce drapeau qu’on veut aujourd’hui camoufler, qu’ils avaient tant chéri, et sous lequel ils sont morts pour défendre notre intégrité territoriale, pendant la guerre du Sahara, et qui attendent depuis plus de quarante ans la reconnaissance par cette nation ingrate, de leur noble sacrifice.
De toutes les façons, nous ne respecterons pas les résultats de ces amendements inconstitutionnels et hors-la-loi. Nous ne saluerons jamais ce nouveau drapeau souillé et ne chanterons jamais cet hymne falsifié. Advienne que pourra.
En attendant la sécession
Depuis son deuxième putsch en juillet 2009, le général commandant du BASEP aurait été endoctriné par des nationalistes arabes et des notables majoritairement originaires des régions du Nord qui l’auraient convaincu de la nécessité de privilégier le développement de leurs régions sur la base des richesses de leur sous-sol. Et réussir ainsi cet exploit que ses trois prédécesseurs, originaires comme lui du Nord, n’avaient pas pu réaliser pendant plus d’un quart de siècle de pouvoir absolu.
C’est ainsi qu’ils lui avaient préconisé de s’approprier le flambeau de la «résistance nationale», un rêve séculaire des gens du Nord. Une démarche destinée à falsifier notre histoire, pour immortaliser de faux résistants, qui sont bien identifiés. Des razzieurs qui sont morts pour défendre les intérêts égoïstes des entités tribales laïques, sanguinaires, racistes et esclavagistes, qui avaient déstabilisé notre pays dans des guerres fratricides interminables. Et qu’on ne peut qualifier de héros nationaux, pour la simple raison que leur sacrifice n’avait pas été consenti pour la Mauritanie, dont ils n’avaient jamais entendu parler, ni pour notre drapeau qu’ils n’avaient jamais vu.
Ensuite ils l’auraient amené à changer l’identité des beidhanes, pour mieux les arabiser, en enlevant de leurs noms les mots ould et mint, sans que personne ne dénonce cette tromperie. Puis le général de bataillon avait décapité illégalement notre capitale en trois entités administratives pour la minimiser, au moment où l’un des détracteurs de la république proposait publiquement de délocaliser notre capitale pour l’installer à Chami, un village dans les vents, créé récemment sur la route de Nouadhibou, à coût de milliards d’ouguiyas, dans une zone désertique inhabitée, juste pour répondre aux caprices du général en augmentant les élus du Nord.
Aujourd’hui, ils veulent changer notre drapeau et notre hymne national, pour détruire nos symboles afin de mieux camoufler la Mauritanie qu’ils veulent faire disparaitre. La prochaine étape ce sera le changement du nom de notre pays. L’un de leurs leaders, n’avait –il pas déclaré dans l’une de ses rares sorties à la télévision, l’année passée : « Il y a des gens qui n’aiment pas le nom de la Mauritanie et qui souhaitent le changer – allusion à l’AJD-MR – je vous propose une nouvelle appellation pour notre patrie, la République du grand SAHARA ».
Pour ces détracteurs, puisque c’est Coppolani qui nous avait donné le nom de la Mauritanie, et puisque nous voulons réécrire notre histoire, il faut commencer par changer ce nom qui concrétise le premier acte colonial. Ce grand Sahara auquel ils font allusion englobe le Sahara occidental et toutes nos régions du Nord à savoir : l’Adrar, Dakhlet Nouadhibou, le Tris Zemmour et l’Inchiri et exclut définitivement toutes les autres régions. C’est ce projet qu’avait mentionné l’irréductible sécessionniste dans son livre, “Front Polisario, l’âme d’un peuple” et dont il était, jusqu’à la fin de ses jours, un fervent défenseur.
Par les temps qui courent, on sent déjà les prémisses de l’exécution du projet sécessionniste de la république du grand Sahara, que le général de bataillon est entrain d’organiser sur tous les fronts, en entretenant coûte que coûte des dissensions entre les maures, avec la création de deux nouveaux partis suscités et encouragés par les pouvoirs publics, destinés à embrigader des jeunes extrémistes en cas de besoin, l’un à l’extrême droite des maures blancs, l’autre à l’extrême droite des maures noirs pour diviser et déstabiliser cette communauté.
La communauté négro-mauritanienne, victime de toutes les injustices depuis la discrimination jusqu’au génocide en passant par la spoliation, la déportation, l’exclusion et la négation, est toujours diabolisée, par ce pouvoir usurpateur qui ne vise qu’une seule chose, créer les conditions nécessaires pour mettre en péril notre unité nationale, en entretenant des dissensions sociales intercommunautaires en vue d’un embrasement général interethnique programmé.
C’est pour cette raison qu’il refuse obstinément de régler le problème honteux de l’esclavage qui perdure malgré plus de 56 ans d’indépendance, ainsi que le problème du passif humanitaire dont l’horrible génocide. Il nourrit ainsi volontairement des foyers de tension intercommunautaires qu’il pourra activer en temps opportun, pour déstabiliser le pays et provoquer une guerre civile pouvant lui donner, en cas de besoin, l’occasion de recourir à l’état de siège ou l’état d’exception pour prolonger indéfiniment son pouvoir, à défaut d’un troisième mandat.
Pour ce troisième mandat, un commando suicide portant le nom de «l’association mauritanienne de l’Etat de droit », dirigé par l’inconditionnel du pouvoir militaire le général de corps d’armée Vadili ould RAISS, soutenu par un ancien président du conseil constitutionnel, des anciens présidents de la cour suprême, ainsi que d’éminents professeurs et magistrats, vient d’être mis en œuvre par le général de bataillon pour conduire une opération kamikaze contre notre constitution sur la base de l’article 38.
Ce magistrat kamikaze, magicien de la constitution et de la loi, avait commencé sa carrière au parquet, une institution judiciaire sous ordre depuis l’avènement des militaires, avant d’intégrer le système des pouvoirs d’exception dont il est devenu l’un des plus grands adeptes, j’allais dire le plus grand concepteur. Magistrat, directeur des moukhabaratts, au ministère de l’intérieur pendant les années de braises, actuellement chargé de mission au ministère de la défense nationale, l’unique civil en fonction dans ce département, et conseiller privilégié du chef d’état-major général des armées. C’est lui qui avait convaincu le général de bataillon de recourir à l’article de la discorde pour contrecarrer l’action républicaine et honorable des braves sénateurs.
Pourtant on n’a pas besoin d’aller à l’école pour être convaincu que l’article 38, quelle que soit l’interprétation qu’on peut lui donner, ne peut jamais être utilisé pour imposer des lois constitutionnelles déjà rejetées par le parlement, dans une démocratie respectable, pour la simple raison que cette procédure est incompatible avec le principe même de la séparation des pouvoirs et remet sérieusement en cause l’indépendance du pouvoir législatif.
Les conseils régionaux proposés par le général commandant de bataillon, seront destinés à préparer l’autonomie des régions, ce qui permettra, dans son entendement, à chaque région de gérer ses propres ressources, de quoi conforter la position des riches régions du Nord, au détriment des autres, en attendant la sécession, qui est désormais revendiquée haut et fort par l’émir de l’Adrar au palais des congrès, sous les applaudissements de ses sujets et de l’élite régionale, lequel émir, aurait déjà confectionné le drapeau du futur Emirat. Adieu la République.
le calame
FLAMNET-AGORA: Dix ans déjà : Analyse psychique d’un général (deux fois) putschiste, chef d’Etat | Par le Pr ELY Mustapha
Pr ELY Mustapha – Tout ce qui façonne l’homme, sa force, sa dignité et sa gloire se retrouve dans la dialectique d’un « ego » (la représentation et la conscience que l’on a de soi-même) et d’un « alter ego » (Personne à qui l’on donne toute sa confiance).
Les comportements de chaque individu sont à l’image de ce qu’il veut être et de ce que les autres veulent qu’il soit. Lorsque ces personnes emportent toute la confiance alors l’ego tend vers l’alter ego. Lorsque cette confiance brusquement se rompt, alors l’ego se détache de son alter ego. La crise nait alors de cette rupture. Chez certains elle et passive (repliement sur soi) chez d’autres , elle est réactive (actes violents, physiques ou verbaux).
Depuis les dernières élections de 2007, qui ont conduit à l’élection d’un président de la République, toute la dynamique qui a secoué l’espace politique mauritanien s’explique par la dialectique entre l’ego d’un général et son alter ego, ce président, qu’il a soutenu et auquel il a fait confiance. Et dans cette relation, l’alter ego n’avait pas le choix des armes.
I- Le général bafoué : L’éviction de l’alter ego
Lorsqu’un militaire fait deux coups d’Etat successifs et qu’il monte en grade , l’on ne peut que se réduire à l’évidence : les coups d’Etat sont devenus pour lui un acte normal. Une forme de bonne gouvernance. Mieux, encore un acte hautement gratifiant.
Devenu général après le premier coup d’Etat, il devint chef d’Etat après le second. Il a pris le pli d’un acte qu’il ne juge même pas répréhensible, car le coup d’Etat est devenu dans la pratique politique mauritanienne, un usage au sens où l’entendraient les juristes: une pratique répétée qui entraine la conviction de son caractère obligatoire.
En effet on décompte plus d’une dizaine de coups d’Etat depuis 1978, et tous ceux qui les ont commis sont devenus des chefs d’Etat, des présidents de la République ou au moins député à l’Assemblée nationale. Le seul putschiste qui, avec ses compagnons, fut fusillé, est le colonel Kader, il eût moins de chance que les autres ou plutôt il vînt au mauvais moment, car d’autres ayant raté leurs coups sont aujourd’hui des élus du peuple.
Le général Ould Abdel Aziz, agit donc bien dans la droite ligne de ceux qui l’ont précédé et qui ont fait des coups d’Etat , les voies normales d’accès au pouvoir. Cette légalité dans laquelle il fut pris après l’élection du Président de la République en 2007, se devait de perpétuer son influence et non pas la contrarier. Il avait psychologiquement besoin de continuer à perpétuer une mainmise de l’armée dans le politique qui ne doit pas s’interrompre.
– Les espaces de liberté que le président renversé avait pris sonnaient pour lui comme le glas de sa secondarité. Secondarité qu’il ne pouvait pas admettre de celui qu’il a aidé à accéder au pouvoir et qui lui devait tout. Le personnage, le président, son « alter ego » qui devait refléter en tout et pour tout son propre vouloir, lui échappait. Alors le général bafoué, trahi dans ses espoirs de continuer à asseoir son influence à travers le vieil homme décida alors de le déstabiliser. Le « coup d’Etat » armé fut l’ultime recours après que le « coup d’Etat » légal ait échoué.
– En effet, le coup d’Etat légal fut celui qui allait à travers, tous les mécanismes partisans (fronde parlementaire) et les menaces institutionnelles ( enquêtes sur la fondation, haute cour de justice pour le président ) déstabiliser le président. Mais les efforts s’épuisèrent sans succès. Et ce qui fut certainement le drame psychologique du général, c’est que face à tous ces mécanismes, le Président de la République restait imperturbable. Le Président clamant que la fondation est « sans reproche », les frondeurs c’est des « trouble-fêtes ».
– Et cause donc perdue car le président n’allait pas dissoudre l’Assemblée nationale qui permettrait de renvoyer devant le peuple une majorité qui lui était favorable et recevoir en retour une autre majorité qui le renierait vue son impopularité que les militaires ne manqueraient pas d’amplifier en cas d’élections, le Président n’allait pas accepter non plus une enquête sur la Fondation et il n y aura donc aucun scandale qui l’éclabousserait, le Président confortait son premier ministre qui battait le ralliement de la majorité qui le soutenait…
Le général voyant le « coup d’Etat » légal piétiner, aurait pu patienter encore et d’avoir le Président par l’usure, les députés et les sénateurs de la fronde venaient , en effet, de déterrer l’argument de la Haute Cour de justice pour « juger » le Président. Mais peu habitué à l’argumentaire et bien porté sur une force à la quelle il s’est habitué, le général trouva alors dans le dernier décret du Président de la République, l’occasion inespérée de le renverser. En bon militaire et se considérant toujours l’égal du Président, il considéra que le décret le limogeant était une violence à son égard à laquelle il ne devait répondre que par la violence. Le naturel revenant comme on le sait au galop.
Psychologiquement, le Général est bien en conformité avec sa conscience. Il ne fait que perpétuer une pratique normale dans la passation des pouvoirs en Mauritanie: les coups d’Etat. Il ne fait, en bon militaire, que rendre coup pour coup ce que le Président lui a fait. En somme, il se devait de gagner au duel. Un duel commencé en Avril 2007.
Fort intéressante expérience de politique mauritanienne qui démontre comment se résout la dialectique de la force (militaire) et celle de la Démocratie (civile), lorsque la force qui a établi la démocratie se fait prendre au piège de la légalité.
II- Le général acclamé : le retour de l’ego
Il est fortement probable que le général ayant eu raison de son « alter ego », avait dans les premiers jours de son geste, l’intention de céder le pouvoir , de s’en éloigner ou tout au moins de revenir à une neutralité militaire. Hélas! C’était sans compter sur le pouvoir maléfique du microcosme politique courtisan mauritanien et sur l’hystérie populaire qui réduit souvent les dirigeants de bonne volonté en dieux de l’Olympe.
La caractéristique de la sphère politique mauritanienne est d’être absolument dénaturée par deux phénomènes qui ont un impact éminemment important sur le détenteur du pouvoir.
D’abord les cercles courtisans et laudateurs qui très vite réalisent une approche “déïficatrice” et sacralisante du détenteur du pouvoir et lui font croire de façon sournoise mais habile qu’il est le « nombril du monde ». Ces cercles qui ont acquis leurs lettres de « noblesse » sous les régimes précédents, ont développé leurs armes et les ont fourbies pour tirer le meilleur parti de celui qui prendrait légalement ou de force le pouvoir. De ce point de vue , ils ne font pas de distinction, ce qui compte pour eux ce n’est ni les intérêts de la nation ni ceux de l’Etat, c’est de se servir du pouvoir au mieux de leurs intérêts.
Ces cercles comprennent tous les éventails possibles : les intellectuels qui défendent , tout au long des colonnes de journaux ou d’ondes radio et télé, l’indéfendable et qui pertinemment, savent que leur mauvaise foi, à défaut de les tuer pourrait servir leur désir d’ascension auprès de celui qui les écoute; les chefs de tribus qui habitués au négoce de leur soutien au plus fort, à l’encontre des intérêts de leurs membres, se joignent aux laudateurs ; les groupuscules économiques en difficulté qui veulent profiter de la situation pour améliorer leur situation en attirant les faveurs ; les groupuscules sociaux, déçus ou rabroués durant l’ancien régime qui voudraient leur part du pouvoir etc.
En définitive, toute une mécanique laudatrice et courtisane qui rapidement prend d’assaut le pouvoir et qui finit par acquérir son oreille à son chant mielleux et trompeur. Le général doit certainement être en train d’entendre les fameux « Eddarjeu liman ? » et autres « monsieur le Président si vous ne vous présentez pas aux élections on vous attaquera devant la Cour internationale de justice pour non assistance à peuple en danger… » Etc. etc.
Une formidable machine de dénaturation de l’ego du détenteur du pouvoir, lui renvoyant une image qui très vite lui fait croire que la terre ne tournerait pas sans lui. N’a-t-on pas écrit que « les hommes politiques mesurent leur pouvoir au nombre des faveurs qu’on vient leur demander. »? (Maurice Druon, le pouvoir)
L’élément déterminant sur la psychologie du nouveau détenteur du pouvoir reste sans aucun doute l’acclamation populaire. En Mauritanie, comme pour tous les coups d’Etat, l’acclamation populaire du nouveau venu est une tradition. Un peuple qui applaudit à tout vent, pourvu que celui qui arrive lui promette de changer sa misérable situation.
Mais les effets d’une telle acclamation populaire sont dévastateurs sur l’ego de celui que l’on applaudit. Il finit par croire que c’est lui que le peuple soutien, alors que le peuple ne soutien qu’un espoir indépendamment du personnage. Si celui qui reçoit de telles acclamations sait que le peuple est descendu dans la rue pour soutenir tous les putschistes depuis 1978, il sortirait très vite de son leurre.
Il n’est pas erroné de dire qu’entre le moment ou il a fait son coup d’Etat et celui où ils est allé recevoir les acclamations de la foule, une translation psychologique c’est probablement réalisée chez le général Ould Abdel Aziz. Son « ego » lui dicterait alors qu’il a et qu’il est le pouvoir. « Le peuple est avec lui, il a besoin de lui ». Pourquoi ne resterait-il pas plus longtemps, sinon faire que le pouvoir, directement ou indirectement, ne lui échappe pas? Renvoyer les élections aux calendes grecques et perdurer davantage…
III – Le retour d’un ego amplifié par le pouvoir.
Ainsi, l’alter ego en berne et l’ego au vent, le général deux fois putschiste est pris entre sa conscience de militaire venu rétablir une situation qu’il a jugée déviationniste et un piège qui est en train de se refermer sur lui : la mauvaise conscience des autres.
Et il n’est nul besoin de dire que c’est moins la conscience de ce militaire qui entrainera le pays dans l’impasse que la mauvaise conscience de ceux qui le soutiennent.
Que les gens meurent, se suicident autour de lui….comme le référendum, un pis-aller.
– Un général sans alter ego, face à son ego…. désarmé.
Pr ELY Mustapha
cridem
FLAMNET-AGORA: ELY OULD MOHAMED VALL ECHAPPE A LA JUSTICE DES HOMMES
Depuis l’annonce de la mort d’Ely Ould Mohamed Vall, vendredi 5 mai 2017, nombre de journaux internationaux rivalisent d’ingéniosité sélective pour ne le présenter que comme un démocrate.
Tandis que Saleh Ould Hennena, porte – parole du Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU), faisant écho à cela, déclare ceci à l’AFP : « la disparition du président Ely Ould Mohamed Vall est une grande perte pour la Mauritanie et pour l’opposition démocratique » (Le Monde du 09/05/2017). Il est vrai que ces dernières années le défunt, convaincu d’être l’alternative à son cousin président Mohamed Ould Abdel Aziz, a mené une grande campagne de lobbying auprès d’hommes politiques puissants, de fondations, d’organisations influentes en France et au Sénégal via deux chaines de télévision dans ce dernier pays cité. Cette stratégie de communication a fini par payer. Si Ely Ould Mohamed Vall a le droit de polir son image, il nous revient en tant que citoyens mauritaniens d’interroger tout l’héritage de l’homme qui fut directeur de la sûreté nationale (1986 – 2005) puis président de la République (2005 – 2007).
De sa fonction de directeur général de la sûreté nationale, chacun a en mémoire le génocide perpétré contre une partie de la communauté noire, durant trois longues années (1989-1992). Son nom figure en bonne place sur toutes les listes des bourreaux. Comme tous les grands criminels en liberté qui ont eu une ambition politique, Ely Ould Mohamed Vall a voulu se donner une virginité à travers sa communication en se contentant simplement de nier sa responsabilité pourtant directe et évidente en rapport avec sa fonction de patron de la sureté nationale pendant cette période et même avant. Début octobre 1986 il s’était distingué à notre endroit en nous qualifiant déjà de terroristes, dans son discours radio télévisé, aux allures haineuses et guerrières, en ces termes : « les terroristes en Mauritanie seront poursuivis et arrêtés,…. nous allons les prendre et les châtier avec la plus grande sévérité ».
Ce fut sa réponse autorisée à nos manifestations spontanées et à nos actions clandestines (distributions de nuit de tracts, inscription de graffitis sur des murs et saccages de voitures officielles à Nouakchott) en faveur de nos camarades arrêtés, accusés d’avoir porté atteinte à la sureté de l’Etat pour avoir rédigé et distribué « Le Manifeste du Négro mauritanien opprimé ». Il demanda et mit en conséquence à nos trousses tout l’arsenal répressif (police, armée, gendarmerie et garde nationale). S’installa alors une répression aveugle et disproportionnée contre nos proches, qui deviendra très vite massive et durable avec les conséquences que l’on connait : l’exil forcé pour beaucoup, les mises à mort à petit feu pour certains de nos camarades emprisonnés à Oualata.
Dans la Mauritanie de la deuxième moitié des années quatre – vingt où la dictature militaire était des plus féroces, l’on peine à croire que ce qui se faisait comme exactions (déportations de plusieurs dizaines de milliers de personnes au Sénégal et au Mali, exécutions extra judiciaires, emprisonnements arbitraires, viols collectifs…) n’avaient pas l’assentiment du directeur général de la sûreté de l’Etat. Tout porte à croire que les listes de personnes persécutées étaient sinon dressées à sa demande, du moins validées avec sa bénédiction tant il avait avec Djibril Ould Abdallah alias Gabriel Cimper (ministre de l’intérieur) la haute main sur la police et la police politique qui ont exécuté, fait disparaitre nombre de personnes dans les villes et villages du Sud au vu et au su de tout le monde : ces disparitions ont été maintes fois dénoncées par plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’homme dont Amnesty International.
Comme chef de la junte militaire qui a mis fin le 3 août 2005 au régime de l’autre colonel qui fut son mentor, Maawiya Ould Sid Ahmed Taya, il pesa de tout son poids pour que la question des déportés ne puisse être posée et discutée durant la transition (2005 – 2007) en même temps que tous les points inscrits à l’agenda des journées de concertation nationale. En déplacement à Rosso, il aurait traité les déportés et des militaires noirs, rescapés des exactions venus demander justice et réparation, d’aventuriers. Des propos qu’il nuancera à peine un peu plus tard à l’occasion d’une visite au Sénégal par la négation de l’existence de déportés mauritaniens dans ce pays. Leu retour fut finalement légué au président civil démocratiquement élu le 25 mars 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qui sera renversé le 6 août 2008 par la même junte militaire, cette fois avec un seul chef : son désormais rival et cousin germain Mohamed Ould Abdel Aziz.
Ely Ould Mohamed Vall est donc parti sans être entendu, ni demander pardon aux familles des victimes, alors même que son innocence n’est pas prouvée. Il a toujours nié jusqu’il y a peu l’évidence, sans jamais faiblir. Il est toutefois une Justice à laquelle il ne pourra échapper, celle du Créateur, l’Unique, le Justicier. De là où il nous a précédés, il devra répondre comme chacun d’entre nous à son tour, de ses actes d’ici bas, ordonnés ou accomplis depuis les responsabilités qu’il a occupées, notamment comme détenteur du pouvoir.
En sera-t-il de même pour Maawiya Ould S’d’Ahmed Taya? En sera-t-il de même pour tous les autres génocidaires en vie et en liberté. Certains sont toujours dans les cercles restreints du pouvoir. Conscients de leur responsabilité certainement directe dans les forfaits commis, ces bourreaux font tout pour retarder ou empêcher la manifestation de la vérité. Mais jusqu’à quand ? Maawiya Ould Sid’ Ahmed Taya a fait voter une loi d’Amnistie de ses crimes de génocide, adoptée en 1993 par une assemblée et des députés à ses ordres. La tentation de tracer un trait sur les faits était déjà là. Le temps ne doit pas avoir de prise sur notre détermination et notre volonté à œuvrer, pendant qu’il est encore temps, pour la requalification de l’insultante appellation « passif humanitaire » en génocide. Des vagues réclamant la fin des injustices et leurs réparations déferlent partout en Mauritanie, les autorités devraient savoir qu’ « on n’arrête pas la mer avec ses bras ». Cette formule populaire d’un pays voisin illustre bien l’impérieuse nécessite de construire une autre Mauritanie.
Ciré Ba et Boubacar Diagana – Paris, le 13 mai 2017
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