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FLAMNET-AGORA: VOUS AVEZ DIT INCRIMINATION DE LA DISCRIMINATION EN MAURITANIE?
L’Assemblée Nationale ou la chambre d´enregistrement et d´applaudissement du Système de l´Azizanie a adopté, au cours de sa dernière séance plénière un projet de loi portant ”incrimination de la discrimination” en Mauritanie si l´on en croit la dépêche de la fameuse et fumeuse agence d´information l´AMI. Oui, vous avez bien entendu lutte contre la discrimination, la chose est assez sérieuse de grâce ne souriez pas!
Ce qui est aberrant et hilarant à la fois dans cette loi c´est qu´elle est plutôt dirigée contre ceux qui dénoncent et combattent le racisme d´Etat, la discrimination raciale et l´esclavage en Mauritanie. Désormais toute organisation patriotique qui dénoncerait le racisme sera considérée comme une organisation « identitaire et porteuse de haine ». Nos injustes juges, bras armés du Système n´auront qu´à faire recours à l’article 36 du Code pénal qui permet de priver la personne condamnée de ses droits nationaux, civils , civiques et familiaux pour une période de cinq ans. Cela nous rappelle curieusement encore le procès des rédacteurs du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé » en septembre 1986 et les peines subies par nos camarades qui avaient commis le crime de dénoncer la politique de discrimination raciale érigée en régle de gestion du pays, des chiffres et statistiques à l´appui.
Si hier on pouvait encore parler de marginalisation ou d´exclusion aujourd´hui on assiste à une épuration totale de la composante négro-mauritanienne dans les instances du pouvoir et de décision au sein de l´administration, de l´armée, dans les médias, la diplomatie et le secteur économique. S´il y a un criminel à combattre et à mettre au banc des accusés c´est bien l´Etat raciste et son gardien du temple en l´occurence le président putschiste Mohamed Ould Abdel Aziz.
Toute cette armada juridique n´a en fait qu´un seul but, interdire et incriminer les organisations de défense des droits humains ou mouvements de libération nationale comme les FPC, L´IRA entre autres, qui empêchent toujours de banaliser la discrimination raciale et l´enterrement définitif du dossier du génocide des années de braise.
Si cette loi était vraiment révolutionnaire et devait être appliquée sérieusement elle devait frapper en premier le Général-président et toute son équipe pour pratique de politique de discrimination raciale et d´Apartheid qui ne dit pas son nom mais nous sommes en Mauritanie où les rôles sont toujours inversés. Les bourreaux sont promus en héros et les victimes jugés en coupables.
Encore une fois ce n´est pas par la répression, l´intimidation, la politique de l´autruche qu´on arrivera à évacuer la délicate question de la cohabitation et la politique de discrimination raciale devenue progressivement structurelle dans notre pays.
On ne le dira jamais assez, les FPC ou les mouvements d´obeidience Négro-africaine ou Haratine n´ont ni créé, ni inventé l’esclavage et le racisme. C´est bien l´existence effective de ces problèmes qui explique leur naissance et leur combat. Mais Hélas l´esprit biscornu des soldeurs du crime et partisans du système ne digère pas cette évidence. La lâcheté est ici sans commune mesure.
Il est temps encore de comprendre que l’exclusion est en soi économiquement mauvaise, socialement corrosive et politiquement explosive.
Comprenons qu’une » nation dispersée, battue, humiliée peut (heureusement) toujours se rebeller contre son sort et revenir à la vie ». Tentons dès à présent de sortir de ce cul-de-sac qui, tout le monde le sait, ne mène nulle part. Pour en sortir, il faut, à notre avis une attitude courageuse, d’ouverture sincère et de reconnaissance du problème de fond à savoir la politique assumée de discrimination raciale qui ressemble fort à un apartheid sournois.
Un climat de décrispation sociale grâce à un train de mesures positives à l’endroit de toutes les victimes de cette politique nocive. La sanction des crimes commis pour que justice prévale sur l’abitraire et l’impunité.. Je crois qu’il faut se parler, car ce formidable potentiel de révolte enfouie commence à gronder. Il serait erroné de croire que toutes ces années de calme plat peuvent exclure toute éventualité de soulèvement populaire.
Après avoir passablement plagié notre projet d´autonomie des régions, nous invitons le pouvoir à s´inspirer davantage des principes généraux de notre Charte qui stipule entre autres :
– La république est une et indivisible
– Elle reconnaît et garantit les Autonomies locales
– Elle veille au principe de non-discrimination et au respect de la dignité humaine
– Elle consacre l’égale participation des Communautés à la gestion du pays
– La Mauritanie est un pays multiethnique et pluriculturel, où la République garantit l’égalité de toutes les langues et cultures nationales .
– La Mauritanie est un pays composé de deux communautés racio-culturelles, l’une composée de Noirs (Bamana, Fulbe, H’râtîn, Sooninko, Wolof), l’autre de Blancs (Bîdhân ou arabo-berbères).
– Toutes les Communautés ethniques (Bamana, Bidhân, Fulbe, H’ratin, Soninko, Wolof ) du pays auront intégralement les mêmes droits. Chacune aura le droit de donner son avis sur toute décision qui engagera son avenir.
Hier comme aujourd´hui, conformément à notre CHARTE, nou nous engageons solennellement à ne ménager aucun sacrifice pour la pleine réalisation d’une Mauritanie égalitaire et démocratique, débarrassée définitivement de l’esclavage et du racisme, unie dans sa diversité, riche de toutes ses cultures épanouies, assurant à toutes ses citoyennes et à tous ses citoyens les mêmes droits.
Tous ensemble, nous aurons encore à mener d’autres combats pour que l’égalité, la justice et la démocratie s’enracinent profondément dans notre pays.
La lutte continue!
Kaaw Touré
Porte-parole des Forces Progressistes du Changement (FPC)
FLAMNET-AGORA: Projet de régionalisation du Gouvernement mauritanien; Que faut-il en penser? Par Samba Thiam
Ce projet est , manifestement ,un plagiat grossier de l’Autonomie des FPC, au moins dans sa forme .
En effet il retient :
– 4 grandes zones à vocation économique spécifique,
– Un statut particulier pour Nouakchott et Nouadhibou ,
– 2 organes – législatif et exécutif-, des compétences importantes pour ces régions,
– la dissolution du Sénat (décidée dès 2006 par nos instances ) , tel est le format du projet d’Autonomie des FPC ; repris en copié-collé dans ce projet de régionalisation du gouvernement .
Différences, toutefois, dans le redécoupage précis des zones .
Pour les FPC , l’Assaba – à vocation pastorale – est rattachée aux deux Hodhs , la vallée du fleuve –à vocation agricole- , constituée du Guidimakha , du Fuuta et du Waalo Barack , et dans le même ensemble le Trarza le Brakna et le Tagant, dernière zone, l’Adrar-Tiris pour le Nord . Le Gouvernement en optant pour l’émiettement de la vallée du fleuve , comme il le fait , c’est -à -dire en ne prenant pas en compte les aires culturelles homogènes, existantes , i l se prive , du coup , un bénéfice majeur, entre autres attendus du projet : l’apaisement , voire la réduction complète de la tension ethnique récurrente .
Rappelons le sens du projet des FPC dont le but essentiel vise la résolution d’une double tension : la tension tribale, au travers de la ‘’ compétition ‘’ entre tribus dans la course au pouvoir ( ‘’chacune’’ cherchant à entrer au gouvernement ), et la tension ethnique, traduite dans le ressenti des populations négro- africaines de leur exclusion dans tous les domaines .
Une seconde différence existe entre les deux projets qui se situe dans le contenu , les compétences octroyées , le type de relation entre le centre et la périphérie ; alors que les FPC préconisent de compétences réelles, importantes , une relation plus souple , plus flexible avec le Pouvoir central , le Gouvernement , lui , choisit de reconduire la châpe d’une Tutelle forte sur la région , et de céder sur des attributions résiduelles, des compétences superficielles ; telle la construction de quelques routes, quelques infrastructures scolaires et sanitaires , le creusement de pare-feux etc … D’une vision autonome d’un développement choisi , de l’usage et de la gestion libre de la ressource spécifique du terroir , motus ! Du recrutement et de l’emploi prioritaire de la jeunesse locale, de la police et de la justice locales, de l’usage des langues et cultures du Terroir surtout, rien !
En plus de ces défaillances majeures ,on ne peut, par ailleurs , ne pas noter , ça et là , certaines Aberrations ; telle la reconduction de la pratique de secrétaires généraux , parachutés , ou la possibilité accordée aux Présidents de Conseil de déléguer leurs pouvoirs , ou encore le quota automatique de ‘’*20’’ % de femmes appliqué dans ces conseils , toutes pratiques stupides , prouvées par l’expérience mauvaise ; enfin, dernière absurdité, le statut hybride, sans tête ni queue , de Nouadhibou qui n’est considérée ni comme une région pleine et entière , ni comme un segment de région !!!
Bref avec ces tares grossières on peut dire que nous nous acheminons bien plus vers une Décentralisation, voire une Décentration, que vers ’une véritable Décentralisation, hélas !
Quelle lecture globale ?
Lorsqu’on parcourt ces projets de loi relatifs à cette régionalisation , on en ressort , globalement , avec l’impression que le Gouvernement cherche à mettre en ’œuvre une bonne idée , mais qu’il hésite , comme freiné par une sorte de frilosité , de crainte vague ou de défiance à l’endroit de certaines populations. ..Ce qui, en partie , explique peut-être cela … Le double standard observé pour la vallée du fleuve ; Nos gouvernants admettent pour l’Est l’évidence de sa vocation ‘’pastorale’’ , pour le Nord la vocation ‘’minière’’ , mais dénient à la vallée sa spécificité évidente de région ‘’agricole’’ ! ILs reconnaissent et reconduisent les Identités historiques comme ‘’ Adrar ’’ , ‘’ Trarza ’’ , ‘’ Brakna ’’ , ‘’ Tagant ’’ pour le ‘Trab-el bidhaan’ , mais se refusent à faire de même pour les appellations historiques de ‘’ Fuuta’’ , de ‘’Waalo Barack ’’ ? Pourtant il nous a toujours semblé, qu’un critère choisi ( ici la vocation économique ) demeurait un critère qui devait le rester , c’est –à-dire applicable partout et pour tous, à l’identique . A tout ceci s’ajoute cette tendance que nous avons à perdre de vue qu’ il n’y a pas de majorité en matière d’Identité- ; tout comme ‘’ il n’y a pas de majorité en matière de vérité ‘’…
Au regard de la manière dont ce projet est ficelé, la discrimination à l’égard des populations de la vallée du fleuve , émiettées et diluées à dessein dans des ensembles artificiels , se perçoit , visible, patente …Et cela, au moment même où se votent à l’Assemblée Nationale des lois anti-discrimination !!! Ce qui ,du reste , ne surprend guère plus , au vu de cette idéologie suprémaciste régnante –hier enfouie- , qui , maintenant, ne se cache même plus, pour ne pas dire ouvertement s’affiche et se déclare … Et dont les FPC demeurent la victime, dans leur juste lutte pour une reconnaissance légale , officielle, légitime …Discriminations qui continuent de s’étendre à l’université , dans l’Administration , à l’Ecole , dans les forces armées , dans l’emploi , les examens et concours , les médias , l’enrôlement , partout ! Partout L’injustice !
Toutefois , un coté quand même positif de ce projet – il y en a – ; à trouver , pensons nous , dans la réduction draconienne de cette pléthore de régions , puis dans l’’ amorce en elle même … , avec l’espoir nourri que les errements , les défaillances , les couacs constatés seront rapidement redressés , la mouture remise à l’endroit, si toutefois ces idéologies funestes , dont il faut se déprendre , nous en laissent le loisir …Les militants des FPC se seraient si bien réjouies de ce projet n’eûssent été ses défauts et déviances majeures…Dernière impression qui laisse sourire , ‘’ON ’’ s’inspire de nos idées mais ‘’ ON ‘’ nous accuse malgré tout de ‘’sorcellerie’’ et d’anti-patriotisme…
Paradoxe quand tu nous tiens !
L’entêtement à nier une réalité qui crève les yeux , à fermer les yeux sur le caractère intensément aigu de la Question de l’unité nationale nous amène à nous interroger sur la volonté du régime du Président ould Abdel Aziz ,de la classe politique et de l’élite s arabo-berbères – silencieuse pour l’essentiel-, à construire réellement un Etat juste , égalitaire , démocratique , qui accepte sa diversité , cultive l’équité et la solidarité . Cette élite ne semble , apparemment , pas encore prête à déconstruire ce Système pernicieux qui nous gouverne .
Un volcan est sous nos pieds qui – si rien n’était fait – inévitablement va exploser. Quand éclatera-t-il , c’est la question.
Alors prenons garde …
Samba Thiam
Nouakchott 24 janvier 2018
Notes : * c’est une absurdité que de vouloir appliquer automatiquement ce quota de 20% de femmes avec la moitié d’une population qui sait à peine lire ! en plus de ce que nous rapportait O Omer –qui pour une fois met le doigt dans la plaie –sur nos secrétaires – Gent féminine !
FLAMNET-AGORA : Quelle décentralisation pour la Mauritanie? Par Abou Hamidou Sy
Si la régionalisation imposée par le président Mohamed O. Abdel Aziz lors de son référendum et entérinée par l’assemblée nationale ressemble à s’y méprendre dans sa forme à l’autonomie proposée par les FPC; elle en diffère totalement dans le fond. Pire, elle semble même être une façon subtile de la contrecarrer. Avec cette réforme
on s’achemine sans doute vers une régionalisation simple c’est à dire vers une décentralisation administrative territoriale telle que pratiquée en France et dans
quelques pays de la sous-région. Or, emprunter cette voie équivaut à appliquer un
remède à un mal totalement différent.
Dans ces pays, la décentralisation correspond dans les faits à une déconcentration,
pour ne pas dire un désencombrement de l’Etat.
Celui-ci sous prétexte de se rapprocher de ses administrés, mais en réalité pour rationaliser les ressources devenues rares de l’Etat providence, se leste de ses pouvoirs au profit des collectivités locales. Ces entités ainsi créées, quelque soit leur statut sont fortement sous tutelle de l’administration centrale.
Dans le cas de la France par exemple, bien que disposant d’un exécutif local élu au suffrage universel; les régions ne jouissent d’aucune compétence législative rendant ainsi leur autonomie superflue.
En plus de l’emprise de l’Etat qui inhibe toute initiative locale, la Mauritanie se distingue de ces pays par la nature des rapports inter-communautaires des différentes entités qui la composent.
La proto-nation héritée de la puissance coloniale a vite été enterrée par l’hégémonie arabo-berbère exacerbée par les différents régimes que nous avons connus. Cette volonté de domination jusqu’à la négation de tout ce qui n’est pas arabe a conduit à une cohabitation quasi-impossible.
Faut il rappeler que la Mauritanie pré coloniale, en tout cas dans sa partie sud n’est pas ce “no man’s land” culturel qu’on veut nous faire croire. Des populations l’occupaient; avec leurs histoires, leurs manières de vivre, leur façon de penser; bref y ont forgé leur propre identité.
Cette réalité historique doit être la pierre angulaire de toute tentative de sérieuse de réforme de l’Etat. Les aspirations des ces différentes entités doivent être tenues en compte.
Aspirations en termes de reconnaissance culturelle et de partage de pouvoir politique et économique. En un mot, on doit s’orienter vers un rééquilibrage et non vers une réforme qui maintient le statu quo.
A titre d’exemple, on peut affirmer avec certitude que si les habitants du Guidimakha avaient un réel choix entre la reforme d’Aziz qui les dilue dans le Tagant et l’Assaba et celle des FPC qui les place avec le Futa et le Walo Barack où ils ont plus
d’atomes crochus;
ils choisiraient la seconde. C’est un fait indéniable. Compte tenu des toutes ces spécificités le modèle de décentralisation le plus pertinent pour notre pays serait le modèle italien ou espagnol ( voire celui du Royaume Unis) ou les collectivités locales épousent les contours des aires ethno-culturelles et disposent d’une véritable autonomie dans un cadre unitaire. Autonomie qui ne se résume pas uniquement a un transfert de quelques compétences. Mais un réel pouvoir d’auto-administration qui confère aux régions la possibilité de définir la politique de leur choix en matière
d’éducation, d’agriculture, de sécurité, de justice…l’Etat central se contentant de ses fonctions régaliennes classiques. C’est cette option qu’ont choisi les FPC au sortir de leur congrès constitutif tenu à NKTT en Août 2014, donc bien avant Abdel Aziz. Ce choix découle du constat général, (même si personne ne veut l’admettre) de l’échec patent de l’Etat centralisé en Mauritanie, il faut donc trouver une alternative si l’on veut préserver l’unité nationale tant chérie par tout le monde. Voila pour rappels
ce que proposent les FPC; concrètement il s’agit de créer quatre régions autonomes:
-Une région à vocation agricole regroupant le Futa, le Walo Barack et le Guidimakha.
-Une région à vocation agro-sylvo-pastorale regroupant le Brakna, le Traraza et leTagant.
-Une région pastorale englobant les 2 Hodhs et l’Assaba
-Une région minière comprenant l’Inchiri, l’Adrar et le Tiris Zemour.
– Les villes de NKTT et NDB auront un statut spécial.
Chacune des ces entités régionales disposera de la personnalité morale, d’un exécutif et d’un parlement élus aux suffrages universels.
Des mécanismes de régulations des rapports inter-régionales et avec l’Etat central seront mis en place pour prévenir toutes velléités hégémonistes ou centrifuges.
Quelque soit ce qu’on pense de ce découpage, on doit lui reconnaitre non seulement le mérite d’exister mais surtout d’être cohérent dans sa conception.
La situation que vit notre pays s’illustre mieux par l’expression anglaise “ the elephant in the room”.
Il y a un problème si évident que non seulement personne ne peut prétendre ne pas le voir, mais que cela devient paradoxale de parler de toute autre chose.
Comme le dit bien souvent le président Samba Thiam, interpellant la classe politique : « si tout le monde parle d’unité nationale, c’est qu’il y a réellement un problème d’unité nationale; mais personne ne dit exactement où se situe le problème ». Nul n’a besoin de se perdre en conjectures. Le principal obstacle à l’unité nationale est l’accaparement de toutes les richesses du pays et le control de toutes les leviers du pouvoir par la communauté arabo-berbères et leur corolaire; la marginalisation des negro-mauritaniens toutes ethnies confondues. C’est cela la vérité.
Nous savons sans aucun doute que c’est notre discourt qui nous prive de notre récépissé et fait le lit de notre diabolisation; mais nos détracteurs ne nous dérangent point. Ce qui nous inquiète le plus c’est le silence de la majorité des progressistes arabo-berbères, qui usent de circonvolutions intellectuelles pour ne pas aboutir à ce constat. Comme disait Martin Luther King, Jr: «A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis ».
La lutte continue
Abou Hamidou Sy FPC/ Amerique du Nord.
Et si le Président ould Abdel Aziz était entrain de poser des petits pas vers l’Unité et la réconciliation nationale ? Par Samba Thiam
Suite au fiasco de Kaédi , Il aurait été question ces derniers temps , semble-t-il , à travers un article paru dans le site cridem, de confier la gestion du dossier du ‘’Passif humanitaire’’ au ministre de la défense, qui aurait suggéré, comme voie de résolution, tout juste l’indemnisation des veuves…
Un cheval de Troie , comme on en voit en ces temps de crise morale où l’on préfère les honoraires à l’honneur …
Je crois que pour ne pas , une fois de plus, faire fausse route , il y a lieu de définir d’abord ce que le terme ‘’ Passif humanitaire ‘’ recouvre , mais encore et surtout considérer qu’il dépasse largement le cadre étroit des Veuves, pour constituer une ‘’plaie nationale’’. Car si l’Unité est en mal au travers de composantes nationales aujourd’hui divisées, vivant ensemble mais se tournant le dos, c’est, en partie , à cause de ce Passif ; mais en partie seulement ; il est une partie du problème et non le problème . …Prenons garde à penser ce Passif comme la source du problème de l’Unité et croire que sa résolution supprimerait le problème … Non, Il est l’effet et non la cause première qui, elle , est éminemment politique ! On peut résumer ce Passif par l’ensemble des violations commises entre 1986 et 1991 , qui se traduisirent par des exactions de toutes sortes , des tortures , des viols , des déportations massives de populations, leur spoliation, l’épuration ethnique dans la fonction publique et au sein des Forces armées et de Sécurité , des exécutions extra-judiciaires dans la vallée du fleuve jusqu’aux pendaisons au sein de l’Armée de 28 soldats noirs le 28 novembre 1990 , en guise de célébration festive de notre indépendance… Tel est ce qu’on appelle pudiquement ‘’Passif humanitaire’’ et qui , en réalité, s’apparente bien plus à un génocide qui ne dit pas son nom… Ce chapelet d’évènements tragiques n’ont pas surgi comme ça , ex-nihilo ! Ils ne constituent pas la cause du mal-être de notre Unité nationale, encore une fois, mais la conséquence… Conséquence de certaines politiques désastreuses, funestes, à caractère ethniciste , chauvin et raciste…La cause profonde de notre problème d’Unité est d’ordre politique, et réside dans la rupture de l’équilibre entre nos composantes nationales … En effet , en cherchant à faire naître, au forceps, une Mauritanie post- indépendance exclusivement arabe, on s’est attelé à gommer, quasiment , l’autre Identité –négro-africaine -du pays . Ainsi a-t-on développé des politiques ayant conduit au blanchissement méthodique et appliqué de l’Administration, à l’érection d’une Armée et des forces de sécurité quasi mono-ethniques dans leur corps de commandement, aux Ecoles spéciales mono-ethniques, au monopole et du secteur économique et des médias par une seule composante nationale . (les images récentes de la rencontre des hommes d’affaires à la BCM ou de la fête de l’ Armée , ou celles ,au quotidien, des chaînes de télévision nationales parlent d’elles mêmes !) En somme, on a pensé et conçu, sciemment, le projet et les conditions d’une exclusion systématique des uns afin d’imposer l’hégémonie du seul groupe national arabo-berbère . Dans notre quête de solutions pour ressouder notre Unité gravement menacée -si jamais elle devait se produire- il ne faudrait pas que nous trompions dans la démarche, c’est-à-dire confondre l’arbre et la forêt , prendre les conséquences pour la cause première … La cause première de notre mal-être est politique, fondamentalement, d’où une solution donc nécessairement politique … Voilà pourquoi si un jour on devait prendre le chemin de la Réconciliation nationale,- celle-ci devra , à mon avis , emprunter deux étapes :
– la première –ou phase d’ apaisement – qui s’attèlerait à panser les blessures, à calmer les douleurs en s’attaquant au Passif dans toutes ses dimensions…
– La seconde – ou phase de refondation – qui s’orienterait à poser les bases , solides, d’une Unité nationale durable et viable …
I-Première étape – ou phase d’apaisement… Cette première phase requiert la mise en place d’une commission Vérité/Réconciliation ; une structure civile , indépendante, dotée de pouvoirs autonomes réels ,qui aurait pour mission d’établir une liste exhaustive des violations commises entre 1986 et 1991 , enquêter en profondeur , entendre les Victimes, interroger les Auteurs et accorder peut-être au besoin , à l’issue de ces enquêtes, en fonction des cas, une amnistie pour ceux qui se repentiraient et appliquerait la justice pénale pour les cas contraires … Le travail de cette commission tournerait autour du respect de quatre Devoirs essentiels:
– Le Devoir de Vérité ( faire toute la lumière sur violations et crimes commis et situer les responsabilités )
– Le Devoir de Justice ( Punir les coupables ) ; car ne perdons jamais de vue que ne pas sanctionner un crime revient à encourager d’autres crimes, dit-on
– Le Devoir de Réparation ( pécuniaire et morale à l’endroit des victimes et ayants-droit)
– Le Devoir de Mémoire ( visant à réhabiliter toutes les victimes et la mémoire des morts , à marquer la mémoire de la ‘’Nation’’ par un monument du Souvenir ).
Il faut souligner que l’effet recherché, à travers cette commission, est d’agir comme une catharsis par la vérité établie et les responsabilités situées, et par un repentir, suscité chez les bourreaux… Cette commission définira sa propre méthode d’organisation, son fonctionnement et déterminera la durée nécessaire de son travail qui ne devrait pas excéder 12 mois . Il faudra surtout veiller à ce que cet instrument soit constitué d’hommes intègres, propres, triés sur le volet, à la probité morale et intellectuelle reconnue et éprouvée .
Tous ceux-là qui auraient été mêlés, de près ou de loin, à ces évènements, à leur genèse, devront être écartés. Ce qui m’amène, du reste, à questionner le choix porté sur ce personnage, supposé piloter l’entreprise…
Enfin ce serait une grave erreur de penser que solder le passif tout court -chose souhaitable et même indispensable -, suffirait à gagner la réconciliation des cœurs et des esprits . Non, il faut plus, car le Passif humanitaire n’est qu’une conséquence d’un mal politique, encore une fois …
II-Deuxième étape – ou phase de Refondation de l’Unité nationale , en danger … Si l’Unité est en danger c’est en raison, essentiellement, de la rupture de l’équilibre entre les composantes nationales, peu après l’indépendance. Hier nos communautés se partageaient les mêmes charges publiques , avaient plus ou moins le même niveau de vie , aujourd’hui une oligarchie issue d’une composante nationale s’arroge tous les droits, contrôle quasiment tous les secteurs de la vie publique ; à cause ou par la complicité de l’Etat… Aujourd’hui , la réalité des pouvoirs politique, économique , militaire, diplomatique , culturel et médiatique reste aux mains d’un seul groupe ethnique. Tel est le constat amer…Or l’on ne saurait forger une nation de cette façon ; Il faut refonder notre Unité…et cette refondation de l’Unité passe, nécessairement à mon sens , par ces quatre axes :
– le rappel du fait historique, têtu ( – deux peuples, deux manières de penser distinctes , deux entités politiques historiques, avec chacune son organisation politique et sociale propre , que le colon a rassemblés dans un même espace…),
– l’identification des principes de base, à poser, devant régir tout projet du’’ vivre-ensemble’’ viable, que sont l’Egalité , l’égale dignité , le respect de la diversité culturelle et ethnique dans les faits ,
– l’édiction de principes constitutionnels sur lesquels devra reposer la cohabitation -à consigner dans une Charte- comme la redéfinition de l’Identité du pays, l’Egalité des groupes nationaux , l’Egalité des langues et cultures, l’Equilibre dans la gestion et la distribution du Pouvoir ), Des réformes institutionnelles, à opérer, allant dans le sens d’une plus grande justice et équité, à tous les niveaux ( recomposition administrative et territoriale ,répartition équilibrée du pouvoir entre le parlement , la primature et la Présidence de la république , et dans les grands Postes de la république ; un Tout qui devra déboucher, dans l’application, sur l’organisation des Etats généraux de l’Armée et des forces de Sécurité ,de l’Ecole , des Medias, de la justice , de l’Administration et de l’Economie ). Ces deux phases combinées devront, bien entendu, être accompagnées d’une large et méthodique préparation de l’opinion interne. Ce n’est qu’à l’issue de ce long processus que l’on pourra espérer réussir une véritable réconciliation… L’Unité de notre pays, pour déterminer son existence même, n’a pas de prix ; un pays stable et viable ça vaut tous les sacrifices … Mais l’expérience des choses nous a appris , hélas! Qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne avec un Président, expert dans l’art de mener les gens en bâteau …
10 decembre 2017
Samba Thiam
President des FPC
FLAMNET-AGORA: L’Unité questionnée …Par Samba Thiam
L’arrestation à Dakar, récemment, de l’aide de camp du capitaine Dadis Kamara après sept (7ans) de cavale, va redonner espoir aux victimes guinéennes de voir enfin leurs bourreaux derrière les barreaux.
L’évènement réveille ou relance d’une certaine façon, par effet- miroir, la question du ‘’passif humanitaire’’ et par delà, celle même de notre Unité nationale avec du plomb dans l’aile , bien mal en point…
En effet l’esclavage -par-dessus tout-, la question culturelle et celle du ‘’passif humanitaire’’ constitueront des boulets à nos pieds, un obstacle majeur à notre cohésion et à toute réconciliation nationale, si elles ne sont pas correctement résolues .
La question du passif
L’on se souvient il y a quelques années le Maroc entamait sa réconciliation nationale par la justice transitionnelle…
La Tunisie et la Guinée Conakry , à leur tour , viennent de s’engager dans cette voie .
Si la Tunisie remonte à plus haut dans l’histoire et traite la période comprise entre 1955 à 2016, la Guinée, elle, se limite pour l’instant, à ‘’ l’évènement du 28 septembre ’’, survenu en 2009 sous Dadis Kamara Président de la junte militaire putschiste.
Nous avons encore en mémoire la commission Vérité et Réconciliation de l’Afrique du Sud post- apartheid , puis les cas du Chili et de l’Argentine derrière nous , et pour l’essentiel résolus…
Nous le constatons , ces pays ont tenté , chacun à sa manière, de panser leurs blessures, de trouver la catharsis nécessaire pour ressouder le lien déchiré entre citoyens .
Partout il souffle un vent du changement, de réconciliation, partout sauf chez nous où l’on s’enfonce dans la fuite en avant, à travers dénis, dénégations et négation …
Pendant qu’ailleurs on tente de retracer le cours du passé douloureux , de retrouver les places où sont ensevelies à la sauvette les dépouilles des victimes, notre chef de l’Etat, lui, choisit de rouler des veuves, de barrer la route à toute investigation, d’effacer toutes traces de fosses communes en rasant les repères, d’intimider ou interdire toute manifestation ou acte de souvenir de ces évènements. Aussi croit- il , ainsi , naïvement, gommer des mémoires, ces tragédies de 1986 à 1992 . C’est peine perdue car elles resteront à jamais gravées dans nos mémoires. Si en Guinée on parle de 150 morts dans un stade, de dizaines de femmes violées et de disparues, ce qui s’est produit en Mauritanie pendant cette terrible période est sans commune mesure… Ce fut un véritable génocide, planifié !
La question culturelle
Aujourd’hui chez nos voisins du Maghreb l’élite arabe au pouvoir, après des années de crispation , a décidé de reconnaître l’existence du peuple berbère par l’officialisation de la langue et culture berbère. Le Maroc en fut le pionnier, l’Algérie, pétrie de nationalisme à fleur de peau, après moult hésitations, vient de suivre . Elle s’ouvre même, en ce moment , à un débat entrain de prendre corps qui porte à la fois et sur le rôle et la place de la langue Française dans le système éducatif algérien et sur la nécessité de‘’ découpler la langue arabe du conservatisme religieux ’’( A Dourari) pour lui restituer sa capacité, autrefois, à produire le savoir –aujourd’hui perdue-.
Chez nos voisins tunisiens le débat va plus loin ; il questionne voire remet en cause l’identité arabe du peuple tunisien, à l’origine un melting-pot constitué de grecs, de romains, de Turcs , de Français , de berbères, de Noirs et d’arabes .
Là où, pour baliser l’avenir, nos voisins maghrébins marquent un temps de pause pour évaluer et réfléchir, les mauritaniens, à travers l’aile la plus chauvine,’’ hystérisent’’ le débat dès que les questions sérieuses sont abordées…
Plutôt que de s’attaquer aux problèmes de fond on nous distrait avec des broutilles comme le bricolage du drapeau ou les chansonnettes sur la résistance…
Pendant que d’autres se penchent sur la revalorisation et le développement des langues maternelles en vue de l’apaisement identitaire, notre élite et nos gouvernants se refusent à toute évaluation, à tout examen sérieux et lucide de la situation passée et présente pour, obstinément, poursuivre le projet d’assimilation de la composante non arabe du pays, perçue comme une menace à la pérennité du caractère arabe (décrété) de la Mauritanie !
Les désastreuses et dangereuses pratiques politiques au plus haut niveau de l’Etat, le silence général de l’élite sur ces questions de fond, l’inaction déroutante des plus concernés , tout porte à croire que nous agissons comme si nous ne voulions pas que ce pays change, positivement ; comme si nous refusions d’avancer pour entrer de plain pied dans le concert des nations modernes !
Enfin , un dernier paramètre, sous-jacent, qui entrait en jeu et constituait l’obstacle le plus sérieux à la cohésion nationale et au changement – à la base même de tous les autres facteurs- : le complexe aryen , inavoué, de race supérieure qui sous-tend sournoisement nos rapports inter-communautaires Il nous faut revenir aux fondamentaux du vivre-ensemble qui suppose le respect de la diversité, culturelle , ethnique, religieuse ! ‘’Si l’on ne peut vivre ensemble qu’au prix de l’oppression à l’égard d’une composante, c’est une position pas raisonnable et qui , surtout , n’est pas tenable ‘’.
Pouvons nous continuer dans cette voie sans risquer grandement de mettre en péril notre devenir en commun, si toutefois ce ‘’devenir en commun’’ – ou volonté de vivre ensemble- est partagé ?
C’est toute la question qui interpelle chacun de nous et à laquelle nous sommes tenus de répondre …
Samba Thiam