Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Cinquième édition des cités anciennes à partir de dimanche

altLa cinquième édition du Festival des Villes Anciennes de Mauritanie (FVAM), placée cette année sous le thème « villes anciennes, notre patrimoine à tous » et la culture de l’excellence,  se déroule dans la cité de Chinguetti (623 kilomètres au Nord de Nouakchott) du dimanche 04 janvier au samedi 10 janvier.

Le coup d’envoi  de cette manifestation, organisée par le gouvernement à travers le Ministre de la Culture et de l’Artisanat,  sera donné par le président Mohamed Ould Abdel Aziz.

Plusieurs milliers de participants nationaux et étrangers, notamment les professionnels français du tourisme, sont attendus à cet événement culturel, a expliqué à la PANA une source gouvernementale.

Fortement éprouvée par les alertes au terrorisme dans l’espace sahélo-saharien depuis 2007, le secteur touristique mauritanien entend profiter de cette grande manifestation culturelle pour donner des gages quant à  la sécurité des visiteurs.

L’organisation du Festival des Villes Anciennes de Mauritanie vise à assurer la promotion et le développement durable de ces cités classées patrimoine universel par l’UNESCO.

Ainsi, les éditions précédentes ont permis « de promouvoir et valoriser le patrimoine culturel et la réalisation d’infrastructures économiques et sociales, qui contribuent à sortir ces cités de l’enclavement et de l’oubli », selon le ministre de la culture et de l’artisanat, Vatma Vall Mint Soueina.

Les villes  anciennes classées patrimoine universel par l’UNESCO en Mauritanie, rappelle-t-on, sont Chinguetti, Ouadane, Oualata et  Tichitt.

 

le calame

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La relation de l’autorité religieuse et de l’Etat : Le cas musulman

Résultat de recherche d'images pour Dans son article traitant de la même question dans l’univers de référence chrétien, Gustavo de Aristegui relève à juste titre qu’il est difficile de traiter de la question sans tenir compte, d’abord, de la dimension historique des relations  de l’Eglise et de l’Etat en Occident et, ensuite de la diversité des modèles qui ont vu le jour au nom de la même référence chrétienne, voire même catholique (en Europe, comme aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud). 

 

Ces mêmes précautions méthodologiques sont nécessaires quand on essaie de comprendre la nature des relations effectives, ou possibles, entre l’autorité religieuse musulmane (que l’on se gardera d’appeler « Eglise »[1]) et le pouvoir politique proprement dit. Une étude historique s’impose pour mieux comprendre les évolutions de la pensée musulmane en la matière et surtout la diversité des approches proposées par des savants musulmans (ulémas), des penseurs ou des acteurs de la vie politique. Une telle étude – forcément longue et exhaustive -n’est pourtant point adaptée au présent article dont l’objectif est essentiellement de poser un cadre possible de relation, pour aujourd’hui et pour l’avenir,  entre l’autorité religieuse et l’Etat dans une démocratie régulant une société majoritairement musulmane. 

 

Entrer dans ce débat nécessite que nous mettions en évidence deux phénomènes qui sont implicitement omniprésents dans le débat contemporain : le premier est de l’ordre du malentendu historique, le second relève de la réduction scientifique quant aux références islamiques elles-mêmes. Un individu vivant en Occident ne comprendra rien aux débats sur la sécularisation, la séparation du religieux et du politique, dans les pays musulmans s’il ne les replace pas dans le contexte historique des cent dernières années. Dans les sociétés majoritairement musulmanes, la sécularisation ou la laïcité sont arrivées d’abord avec les colonisations et se sont imposées avec les indépendances. La colonisation est perçue comme une période sombre, de déni de soi, d’aliénation, où les colonisateurs ont essayé d’imposer leur ordre et leur idéologie, où les résistants musulmans et les savants ont été emprisonnés ou tués et où l’islam –  et en particulier l’autorité religieuse – était combattu ou instrumentalisé. La laïcité qui a accompagné l’entreprise coloniale ne résonne pas du tout dans la psyché comme un processus de libération et de paix sociale : contrairement à ce qu’elle a permis en Europe ou en Amérique (la liberté religieuse et le pluralisme), la laïcité est associée à son exact opposé dans l’histoire des sociétés musulmanes contemporaines (l’oppression et l’aliénation). Ce phénomène sera encore amplifié après les indépendances : tous les régimes qui se diront sécularisés et laïques suivront l’exemple de Kamal Atatürk imposant la laïcité à coups de décrets, d’emprisonnement et d’exécution. Ceux qui prôneront la laïcité seront dans les faits des régimes dictatoriaux, de Nasser en Egypte au parti Baas avec Hafez al-Assad en Syrie ou Saddam Hussein en Irak. Rien donc ne permet d’associer la sécularisation et la laïcité à plus de liberté, au respect de la pluralité religieuse et à la démocratie : les histoires sont différentes, les représentations tout à fait opposées. 

 

Le deuxième phénomène dont nous parlions tient à une interprétation des enseignements islamiques qui tend à simplifier et à réduire ces derniers et à affirmer que l’islam, par essence, n’établit aucune différence entre la sphère du religieux et celle du politique. Cette formulation s’est peu à peu imposée tant parmi les orientalistes que les musulmans eux-mêmes alors qu’elle est tout à fait discutable. Cette réduction scientifique est à la base de nombreuses incompréhensions qu’il faut absolument aborder. Il est impossible d’en étudier ici l’ensemble des causes et des conséquences, mais nous pouvons nous en tenir à rappeler que dès l’origine on a établi dans les sciences du droit et de la jurisprudence (fiqh) une distinction entre les méthodologies appliquées aux domaines du credo et de la pratique (pour lesquels les textes sont l’unique référence) et celles appliquées aux affaires sociales pour lesquelles les textes ne fixent que les orientations générales (le cadre éthique) mais au sein desquelles la rationalité individuelle et collective, la créativité intellectuelle et les contextes sociaux, politiques, culturels et économiques sont intégrés et partie prenante de l’élaboration juridique. Dans l’ordre du droit musulman, il existe dès l’origine une distinction entre l’ordre de la dogmatique qui s’impose et l’espace de la rationalité collective, qui débat, négocie et cherche le meilleur modèle d’organisation sociale et politique pour son temps. 

 

L’histoire des sociétés musulmanes témoigne de cette réalité et de la multitude des approches. Si certains courants littéralistes[2] ont confondu, et confondent encore les deux sphères (du culte et du social quant aux méthodologies), la tradition classique des écoles de droit a établi et respecté cette distinction. A l’époque omeyyade comme abbasside, la plupart des ulémas participaient à des conseils qui n’étaient pas intégrés à l’exécutif, certains ont clairement joué un rôle de critiques et de contre-pouvoir et si la religion a pu être souvent instrumentalisée sur le plan politique, il existait un champ ouvert de réflexion juridique critique qui cherchait le renouvellement de la compréhension, de l’application des enseignements religieux et de la cohérence avec les valeurs.  

 

L’époque moderne a bien sûr posé la question de la démocratie aux sociétés majoritairement musulmanes. Y avait-il oui ou non contradiction ? Etait-il possible d’établir une démocratie en terre musulmane ? Qu’en était-il de la relation du pouvoir politique et de l’autorité religieuse ? Certains courants musulmans – littéralistes ou d’opposition strictement politique – ont pu affirmer que le concept de « démocratie » était « occidental » et que les musulmans devaient rester fidèles aux « modèles islamiques » d’organisation politique. Aujourd’hui les membres (opposants mais non violents) de Hizb at-Tahrir (Parti de la Libération) ou les mouvances qui gravitent autour de la rhétorique extrémiste d’al-Qaïda et de son idéologue Ayman al-Zawahrî, promeuvent cette vision du pouvoir islamique global, du retour au Califat mondial, d’une fusion indistincte du pouvoir politique et religieux. 

 

L’immense majorité des savants et des penseurs musulmans n’adhére pas à cette vision réductrice et place le débat non au niveau des modèles d’organisation politique mais sur le plan des principes qui les sous-tendent. Ainsi les enseignements de l’islam ne s’opposent pas – mais au contraire tendraient à promouvoir s’ils sont bien compris et contextualisés – la référence à l’Etat de droit, la citoyenneté égalitaire, le suffrage universel, la responsabilisation des élus (accountability) et la séparation des pouvoirs. Ces cinq principes fondamentaux sont ceux qui forment le socle de l’impératif démocratique et de fait les enseignements islamiques ne s’opposent en rien aux principes de la démocratie. Loin des dérives dictatoriales des pays arabo-musulmans, de nombreuses expériences (Sénégal, Turquie, Indonésie et dans une certaine mesure l’Iran[3], etc.) prouvent que l’expérience démocratique n’est pas par essence étrangère aux sociétés musulmanes. 

 

Ce qui demeure impératif, au cœur de ce débat, c’est de réaffirmer le caractère inaliénable et indiscutable des cinq principes susmentionnés et que les sociétés musulmanes se doivent de respecter. Chacune de ces sociétés – à l’exemple des démocraties européennes ou américaines – devra trouver son modèle d’organisation politique issu de son histoire, de sa culture et de sa psychologie collective. Ainsi les principes seront communs, et dans le fond universels, mais les modèles seront divers, historiques et contextuels. 

 

Ce qui doit également demeurer essentiel c’est la séparation claire de l’ordre de la dogmatique qui s’impose aux croyants au nom de leur foi choisie et personnelle et l’ordre des affaires sociales qui se négocient entre les citoyens dans l’espace de leurs responsabilités et de leurs droits civiques. A l’intérieur et dans le respect de l’ordre constitutionnel d’une société donnée, il est impératif que l’espace public de l’élaboration juridique débattue et négociée soit protégé de toute imposition religieuse de nature théocratique. La longue tradition du droit et des juristes musulmans n’a point connu ni promu cette réduction et l’époque moderne impose aux sociétés majoritairement musulmane de trouver des modèles qui reconnaissent la pluralité religieuse, respectent la liberté de conscience et de culte (ou de non culte) de chacun, protègent les droits des citoyens (musulmans ou non) et encouragent la participation politique critique, voire contestataire.
 
 
Rien de tout cela ne s’oppose aux principes de l’islam et il appartient à la pensée musulmane contemporaine d’affirmer clairement les principes qui sont les siens et de faire preuve d’une énergie et d’une créativité renouvelée pour élaborer des modèles sociaux et politiques fidèles aux principes mais adaptés aux défis de notre époque. Il ne s’agit pas d’importer des modèles d’Occident (ni, pour l’Occident, de vouloir les imposer à l’image de l’horreur et de la déroute de l’expérience irakienne) mais d’exiger de soi d’entrer dans un processus de démocratisation réel et neuf qui reconnaît les principes inaliénables, distingue les pouvoirs et respecte les citoyens. La pensée musulmane a beaucoup évolué ces dernières années au cœur de la crise profonde qui la traverse et il est possible de rester optimiste et d’espérer que le discours critique qui émerge ici et là, dans le monde musulman autant que parmi les musulmans occidentaux, puisse prendre de la densité et proposer des perspectives réellement démocratiques à la fois fidèles à l’éthique musulmane et en phase avec notre époque. 

 

Texte publié sur le site de l’organisation ATMAN en Espagne

 

 

 



 

[1]  Le clergé catholique, et l’ordre clérical proprement dit, n’a pas de pendant dans l’univers musulman,ni dans la tradition sunnite ni dans la tradition chiite. 

 

[2] Les salafis littéralistes parfois – et faussement – appelés  les « wahhabites »

 

[3] L’Iran post-révolution (1979) a établi les principes d’une démocratisation réelle qui a permis par exemple l’élection du courant réformiste en la personne de Khatami. Cette expérience a des limites évidentes avec le rôle dévolu à la « référence religieuse suprême » (l’ayatollah Khomeiny puis Khamenei) et il convient d’en établir une critique claire tout en relevant la réalité de l’alternance contrairement aux pays arabes avoisinants.
 

   http://tariqramadan.com/blog/2007/03/09/la-relation-de-lautorite-religieuse-et-de-letat/ 

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Littérature : L’aventure ambiguë d’«Un Breton chez les Soninkés», de Zakaria Soumaré

Soninkés près de Gouraye. Crédit : DRDans son nouveau livre “Un Breton chez les Soninkés” (éditions Edilivre 2014), l’écrivain mauritanien Zakaria Soumaré plonge son lecteur au cœur de la société soninké.

Face à Kobel, le vieux sage de Toulel, village situé au sud de la Mauritanie, Paul, le Breton découvre avec curiosité ce peuple installé en Mauritanie depuis le XIIIème siècle. Du mythe fondateur de l’empire du Ghana, de la légende de Dingha jusqu’à l’âge d’or du Wagadu, ou encore le récit de l’épopée du pieux Kanka Moussa (1307-1332) tout est scientifiquement exposé dans ce dialogue inter-culturel. Par quel canal les soninkés communiquaient-ils? Aujourd’hui, comment les femmes s’organisent-elles dans ce village avec l’exode rural et l’émigration? Que reste-t-il des traditions et des mœurs de ce peuple? Comment les ressortissants de Toulel en France arrivent-ils à maintenir les liens et contribuer au développement de leur village? Ainsi sont formulées les questions de Paul.

Entre un Breton fier de l’inscription de sa langue maternelle sur les panneaux de signalisation de Brest et un Mauritanien qui s’indigne du manque de la « cohésion sociale digne de ce nom dans son pays », le dialogue ne peut qu’être riche et constructif. Dans un monde où « les identités minoritaires » se banalisent, Zakaria Soumaré nous offre ainsi un roman pédagogique et foisonnant sur la diversité culturelle.

Dans la salle des profs : « C’est où la Mauritanie ? »

C’est la rentrée des classes : avant de rejoindre leurs « difficiles élèves », les enseignants sympathisent et se racontent leurs pérégrinations et villégiatures de vacances. L’auteur, Zakaria, était à Toulel, son village natal. Son collègue Paul revient de Miami. Les premiers échanges sur l’éducation nationale dominent naturellement les discussions. Nos deux professeurs tirent la sonnette d’alarme : « Nous courrons dangereusement vers la catastrophe si réellement nous ne trouvons pas une solution aux problèmes de l’école en France ». Parmi tant d’autres raisons, la détérioration du niveau des élèves, les décrochages scolaires et la démotivation, voire la démission des parents suscitent l’ire des deux enseignants. Une phrase lancée par Paul ne peut laisser personne indifférent : « L’école est un passe-temps ; les enseignants sont des guignols. Et nous les profs, nous avons l’impression d’être dans une garderie où on vient nous confier des enfants qui n’ont rien à faire à la maison ». Voilà qui est dit par un averti.

Au fil de la discussion, d’autres sujets s’invitent. Soudain, à sa grande surprise, Zakaria découvre que son collègue français ignore où se situe la Mauritanie. Il interroge “C’est où la Mauritanie?”. Et d’ajouter « je n’ai jamais entendu parler de ce pays ». L’écrivain s’improvise alors géographe, guide touristique, puis convainc Paul d’effectuer un court séjour en Mauritanie afin de découvrir le peuple qui fonda jadis les plus grandes dynasties de l’Afrique de l’Ouest.

Couverture du livre.
Couverture du livre.

De Paris à Toulel : bienvenue chez les Soninkés

Lorsque Zakaria s’introduit avec Paul chez le sage Kobel, toutes les facettes de la culture soninké s’ouvrent à eux. Courtoisement accueilli, le Breton s’intéresse à l’organisation de cette société qui, selon les propos du vieil homme, est l’une des plus hiérarchisées d’Afrique de l’Ouest. Depuis l’empire du Ghana, ce peuple a toujours conservé son système social pyramidal. Les castes soninkés se subdivisent en trois grands ensembles. Au sommet, les Tunkalemu (nobles) contrôlent l’exercice du pouvoir, les Niahamalu (dépendants) dépendent de ces derniers, tandis que les Komo (esclaves) se retrouvent au bas de la pyramide. On apprend que l’esclavage s’y est institutionnalisé par la capture dans les contextes des guerres, des razzias et l’extrême pauvreté. Kobel le sage s’accorde Paul et son collègue pour marteler qu’: « aujourd’hui, il est inhumain sinon révoltant de continuer à les appeler esclaves ». Il faut combattre les survivances liées à cette pratique « honteuse » afin de les évacuer de la mémoire collective en milieu soninké. Sans ces efforts conjugués, note l’auteur, la gestion symbolique de la représentation sociale ainsi que la politique du Debe (village) et le Jaamane (pays Soninké) resteront inégalitaire et discriminatoire.

Au moment d’évoquer le fonctionnement de cette société au sein de la cellule familiale, Paul est surpris par l’évocation des valeurs en voie de disparition en France. Le sage affirmera que sans le maintien du tissu familial, la réputation du soninké telle que connue aujourd’hui n’existerait pas. La foi et la famille façonnent donc l’équilibre chez un soninké. La preuve en est que lorsque le Kagumé (chef de famille) dit son dernier mot, les propos précédents des membres de la fratrie deviennent nuls et non avenus. Des palabres futiles auxquelles même les cadets de la Kâ (famille) ne donneront aucun crédit. Le droit d’ainesse demeure une valeur sûre chez les Soninkés et structure encore les foyers toulellois. Lorsque Paul demande pourquoi les Soninkés sont des émigrés par excellence, l’ancien convoque la légende selon laquelle leur aïeul Dingha écouta le conseil d’une hyène en émigrant à la recherche de pâturage et d’eau. Il ajoute que, avant de s’installer massivement dans l’Hexagone, les Soninkés étaient des Jula (commerçants) qui sillonnaient les pays limitrophes de la Mauritanie et la sous-région. D’autres encore séjournaient dans le bassin arachidier au Sénégal ou en Gambie pendant la période des Navétanes (hivernage).

Le chemin de l’Occident n’a commencé qu’après les deux guerres mondiales avec la forte demande d’une main-d’œuvre bon marché. Ici, le sage Kobel s’arrête pour déplorer les effets pervers de l’émigration. Le dépeuplement de villages entiers à cause de l’exode, la fuite des cerveaux, le désintéressement des jeunes pour les études et la jalousie que provoquent les nouvelles richesses sont autant de malheurs qui révoltent le vieil homme. D’où le fait qu’aujourd’hui seul “celui qui a migré hors du village” a droit au respect et à la parole, rapporte l’auteur. L’exemple des dépenses faramineuses contractées pour des noces illustre parfaitement ce que Kobel appelle “la perte des valeurs”. Le vieil homme fustige le snobisme extravagant des jeunes émigrés qui rivalisent de faste dans leurs cérémonies de mariage. Constatant que certaines dérives affectent même le baadé (période de deuil), il s’attriste : “de nos jours, dans la société soninké, le deuil est devenu une véritable manifestation d’ostentation, d’orgueil et d’étalage des richesses”. En revanche, la contestation de l’ordre établi et des logiques ancestrales ne le gêne pas. Il admet que les mutations sociales et l’ouverture sur le monde occidental entraînent l’évolution des mentalités. Pour éviter le conflit de générations, il préconise simplement de faire un “tri positif et raisonnable dans les meurs empruntés de l’Occident”.

Zakaria Soumaré. Crédit : DR
Zakaria Soumaré. Crédit : DR

Lorsque le matériel détermine le statut social et devient le centre de l’existence, pourquoi s’étonne-t-on de l’obsession des jeunes à vouloir gagner, morts ou vifs, leur eldorado imaginaire ? La réponse de Paul est sans attente : ” Les jeunes Soninkés devraient comprendre que leur avenir se joue en Afrique. Il n’y a rien maintenant en Occident”. Alors que l’Europe se débat dans son marasme économique, l’écrivain invite les élites africaines à montrer l’exemple. En retournant dans leur pays d’origine, elles aideront les jeunes Africains à construire leur personnalité et contribueront à l’émergence de nouvelles dynamiques sur le continent.

Bâ Sileye

sileye87@gmail.com

Né en 1977 en Mauritanie, Zakaria SOUMARE a étudié à l’université de Nouakchott puis au Sénégal où il a obtenu un DEA en littérature africaine francophone. Il a soutenu en 2010 une thèse de doctorat à l’Université de Limoges. Il est aujourd’hui professeur de lettres modernes à l’Académie de Limoges et chercheur associé à FRED (Francophonie, Éducation et Diversité) à l’université de Limoges. Il est aussi l’auteur de «Le Fils d’un rescapé du génocide des Tutsi, Edilivre, 2013».

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M’Bagne : Baba Maal fait un tabac à Dawalél. (reportage- Photos).

 M’Bagne : Baba Maal fait un tabac à Dawalél. (reportage- Photos).Le fief du député départemental de M’Bagne ,Sy Abdoulaye se souviendra longtemps encore de cet événement culturel grandiose organisé par « Feede Bamtaare Dawalél ».

 Baba Maal, lead vocal du Dade Lenol a été l’hôte des populations du fleuve Sénégal, de Kaédi jusqu’à Dawalél  accueilli à bras ouverts sous des cris de joie, de chants et des salves, au rythme des tambours, escorté de centaines voir même  des milliers de personnes. «  Baba toujours Baba», «Baba jusqu’à la mort», “avec Baba » étaient les refrains entonnés par les jeunes de toutes les générations confondues. 

Le point d’orgue de la manifestation a été l’organisation de ce qu’on appelle”fiifiiré” chez les “soubalbes”(pêcheurs) tenu l’après- midi du 12 Décembre 2014 à Dawalél au bord du fleuve. Il s’agit de mettre en évidence les potentialités culturelles de cette communauté et faire un clin d’œil à leur invité de marque comme quoi la tradition de ses ancêtres est demeurée bien conservée dans cette partie du fouta et se perpétuera de génération en génération.

 

Des artistes d’autres ethnies entre autres des peulhs, des poètes et autres chanteurs ont tenu à apporter leur participation à cette grande manifestation.

Une tribune d’honneur avait été érigée sur laquelle trôneront majestueusement Baba Maal et ses invités d’honneur parmi lesquelles les femmes  Hébiyabes et Yirlabes bien habillées selon les déguisements traditionnels ainsi que les autorités administratives.

Le Hakem départemental de M’Bagne, les autorités administratives, sécuritaires, le lion de Bagodine Mr Ba Bocar Soulé, l’honorable député de M’Bagne, les responsables coutumiers et traditionnels de la société Halpulaar, Méda Diary Dieng, des hommes de la parole  très respectée Demba Senghott, les groupes de Fan’s Baba Maal  étaient tous là assis sur des chaises drapées de l’emblème national. Quelques minutes plus tard on assistera à un défilé de pirogues sous les salves d’applaudissements accompagnant la délégation de l’artiste Baba Maal les mains en l’air en signe de remerciement et de reconnaissance à toutes ces populations qui lui ont réservé cet accueil digne d’un roi avant de retrouver la délégation officielle sur l’estrade aménagée pour l’occasion. 

Ce fut ensuite le défilé des pirogues de SORIMALLE, de WINDINGUE et de M’BAGNE. Une atmosphère riche en couleurs et sons, rythmée de temps en temps par des coups de feu déclenchés par des fusils traditionnels.Une personne d’un âge assez avancé assise derrière nous, ne manquera pas en bon connaisseur sans doute, de dire : « le FIFIRE a bel et bien commencé ».

Pendant deux heures d’horloge, les “soubalbes” tiendront en haleine les milliers de personnes venues des villes et villages environnants pour assister à cette fête que porteront sans nul doute les langues de la postérité.Rappelons que Les deux nuits du 10 et 11 Décembre 2014 à Dawalél c’est Baba Maal, son  orchestre  Dade Lenol et les artiste  des localités qui ont tenu la promesse à chaud et la foule a dansé jusqu’à 4heures du matin.

Diop Mohamedou Abou dit H.Bodiel (Hebdomadaire- Mauritanoix)

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CINÉMA- MAURITANIE : «Donaye», un autre «Timbuktu»

 CINÉMA- MAURITANIE : «Donaye», un autre «Timbuktu»«Donaye», un autre «Timbuktu» Par Siegfried Forster    rfi.fr  

Des femmes dans le village Donaye en Mauritanie. Scène du documentaire « Retour sans cimetière » du réalisateur mauritanien Djibril Diaw. DR

C’est un film primé, réalisé par un Mauritanien en Mauritanie et qui parle de l’occupation, de la liberté et de la résistance d’une population musulmane en Afrique. Surprise, on ne parle pas de « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako, mais du village de Donaye. Dans « Retour sans cimetière », le jeune réalisateur Djibril Diaw filme ce nid de résistants, devenu le symbole d’une injustice qui perdure contre les Noirs depuis les « événements de 1989 » en Mauritanie. Ce documentaire qui vient de recevoir le prix spécial du Jury au Festival Docs Afrique est programmé ce samedi 13 décembre aux Rencontres Afrique en Docs à Lille. Entretien.

RFI : Quand on évoque l’année 1989, vous ne pensez pas à la chute du Mur, mais aux événements de 1989 en Mauritanie. De quoi s’agit-il ?

Djibril Diaw : Un Mauritanien comme moi pense plutôt à la construction d’un autre Mur de Berlin chez nous en Mauritanie, parce que 1989 était vraiment l’année où la Mauritanie a connu les moments les plus sombres de son histoire, c’est-à-dire l’exécution et l’expulsion des Négro-Mauritaniens qui étaient victimes de ces événements.

Retour sans cimetière est en quelque sorte la suite de votre film 1989. A l’époque, un incident frontalier entre des éleveurs mauritaniens et sénégalais s’est terminé par la mort de deux personnes. Selon votre film, le gouvernement mauritanien, dirigé par le colonel Taya, d’origine arabo-berbère, avait pris l’incident comme prétexte pour entretenir une vague de suspicion contre les Négro-Mauritaniens. Dans 1989 vous avez documenté les arrestations, les exécutions, les massacres, la déportation et le déplacement de milliers de Négro-Mauritaniens qui ont suivi aux événements de 1989. Dans ce film sorti en 2009, vous parlez même d’une « épuration ethnique ». Et vous affirmez que le gouvernement mauritanien avait censuré votre film.

C’est quelque chose qui m’a beaucoup marqué, parce que pour moi, c’est une négation de l’histoire. C’est un acte qui m’a montré que la réelle volonté politique de régler ce problème n’est pas toujours là. Censurer un film alors que l’on parle de liberté d’expression, de réconciliation nationale… Et c’étaient des parties de film très essentielles qui ont été coupées, parce qu’elles relataient un peu les événements du mouvement des années 1960, suite à l’apparition du Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé. Le film parle des 19 intellectuels négro-mauritaniens qui avaient fait une analyse de la situation des Noirs en Mauritanie, par rapport aux postes et au rang sociopolitique qu’ils occupaient dans le pays. Sept minutes du film ont été coupées : une partie qui relatait cette lecture du manifeste et aussi quelques passages de l’ex-président ou dictateur Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya qui vit actuellement en exil au Qatar, et des images du déplacement dans le pays, accompagnées de certaines personnalités qui sont encore au pouvoir.

Exilé à Paris, pouvez-vous encore travailler en Mauritanie ?

Actuellement, je ne travaille plus en Mauritanie, mais ce n’est pas parce que je n’y peux plus travailler. C’est parce que j’ai choisi de vivre et travailler en France.

Retour sans cimetières montre que, en 2009, après un accord signé entre le Haut Commissariat pour les Réfugiés et la Mauritanie, le président mauritanien avait demandé aux exilés de revenir. Il avait aussi promis de leur redonner leurs terres qui avaient été redistribuées aux Mauritaniens arabo-berbères. Mais ces derniers ont souvent refusé. Dans le village de Donaye, pratiquement personne n’a récupéré son champ et même le cimetière a été transformé par un propriétaire terrien maure en un vaste champ agricole. La discrimination continue-t-elle encore aujourd’hui ?

La discrimination continue encore et encore. Quatre mois après que j’avais tourné ce film, [des habitants] de ce village et d’autres collectivités négro-mauritaniens, qui sont rentrés de l’exil, ont décidé de faire une marche pacifique : 360 kilomètres à pied, 15 jours de marche, de Boghé jusqu’à la capitale Nouakchott. Et tout cela juste pour réclamer ce qui est leur droit, leurs terres et leurs biens qui ont été spoliés par certains agro-businessmen qui [en] profitent toujours. Malheureusement, arrivés à Nouakchott, au lieu d’être accueillis en tout honneur en tant que fils du pays, ils ont été gazés. Cela montre encore que la tension et la discrimination sont toujours là. Depuis un certain temps, c’est encore accentué par le système d’enrôlement de la population où l’on est confronté au problème de devoir justifier qu’on est des Mauritaniens.

DR

Donaye, le village que vous filmez est devenu un village résistant avec des habitants qui refusent d’accepter de perdre leurs terres et d’être rayés de la carte. Qu’est-ce que symbolise Donaye aujourd’hui pour les Négro-Mauritaniens et les Arabo-Berbères de Mauritanie ?

Aujourd’hui, pour tous les Mauritaniens, c’est devenu un village emblématique et tout le monde a envie de le découvrir, parce que, à ma connaissance, ce qui se passe là-bas ne se passe nullement dans le monde. Tout en sachant que la Mauritanie est un pays à cent pour cent musulman, le fait d’accepter que les Mauritaniens reviennent chez eux, mais de leur interdire de récupérer le cimetière et d’être enterré chez eux, cela montre quand même ô combien il y a une indifférence totale par rapport à ce que se dit et à ce que se fait. Aujourd’hui, grâce à ce film, beaucoup de Mauritaniens ont envie d’aller voir ce village et se sont déplacés pour voir ce village, et ce sont aussi bien des Maures que des Négro-Mauritaniens qui luttent pour une Mauritanie meilleure. 

En France, tout le monde parle cette semaine d’un autre cinéaste mauritanien,Abderrahmane Sissako et de son film Timbuktu. Un film qui parle aussi d’une occupation, de l’injustice, de la liberté. Pourquoi Abderrahmane Sissako n’a pas tourné Donaye ?

 

Je respecte beaucoup Abderrahmane Sissako. C’est son choix. C’est un réalisateur qui a pensé nécessaire de parler du Mali. Moi, je pense à parler plutôt de Donaye. Peut-être aussi que Sissako ne connaît pas Donaye et toutes ces questions. J’ai toujours une démarche documentaire : chercher là où il y a des problèmes, les traiter et trouver une solution. Mais les deux films peuvent être positifs.

Il y a un autre aspect intéressant par rapport au film de Sissako. Il a déclaré plusieurs fois qu’il avait tourné Timbuktu à Oualata, parce que cette ville mauritanienne ressemblerait à Tombouctou, la ville malienne célèbre pour sa tolérance. En tant que cinéaste de documentaires vous connaissez certainement le film Le Cercle des noyés de Pierre-Yves Vandeweerd sur la prison d’Oualata, cet ancien fort colonial où étaient internés les prisonniers politiques noirs en Mauritanie. En tant que cinéaste mauritanien, Oualata représente quoi comme ville pour vous ?

Djibril Diaw, réalisateur mauritanien de « Retour sans cimetière ».DR

Oualata est toujours une ville symbolique par rapport à cette question du passif humanitaire, de ces événements qui se sont passés, où des intellectuels noirs ont croupi dans les geôles d’Oualata. Aujourd’hui, quand je parle d’Oualata, c’est plutôt dans le sens d’un travail de mémoire sur ce qui a été fait, ce qui a été infligé à ces Mauritaniens. Aujourd’hui, je vois Oualata comme une ville qui ne ressemble à aucune autre ville du monde, [en raison de] ce qui a été fait à Oualata comme barbarie humaine ; malheureusement, c’est quelque chose qui aujourd’hui encore fait que les gens n’en parlent pas très souvent. On passe à côté sans se rendre compte de l’importance de la mémoire qui est là, de ces Mauritaniens qui ont été tués dans cette prison d’Oualata qui est aujourd’hui une ville cauchemar pour certains. Quand on parle d’Oualata, ce sont tous les souvenirs, tous les drames humains qui se sont passés là-bas.

Vous avez reçu le prix spécial du Jury du Festival Docs Afrique pour votre documentaireRetour sans cimetière. Quelle sera la suite ?

J’ai l’espoir que le film sera vu dans beaucoup de festivals, ici en France, mais aussi en Afrique pour qu’on se saisisse enfin de cette question de spoliation de terre et d’injustice que vit une certaine communauté négro-mauritanienne. Et cela non pas dans le but de créer des problèmes, mais d’en parler pour enfin réfléchir sur cette question et de trouver une solution durable pour que la Mauritanie se retrouve et se réconcilie enfin en elle-même. 

RFI

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