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De la politique à la poétique ou l’accomplissement d’un engagement total dans Sawru gumdo (bâton d’aveugle) de Kaw Touré.

Par Mamadou Kalidou BA
Groupe de Recherches en Littératures Africaines (GRELAF)
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université de Nouakchott Al Aasriya.
Depuis des temps immémoriaux, le peuple peul a fait de l’oralité le mode d’expression névralgique de sa civilisation. Selon de nombreux historiens, certains intellectuels peuls qui
avaient ressenti le besoin de recourir à l’écriture avaient inventé la transcription de leur langue en caractères ajani très proches de l’arabe classique. Mais de manière générale, de la
Mauritanie au Cameroun, les Peuls sont demeurés un peuple de tradition orale jusqu’au début du XX ème siècle. Aujourd’hui encore, nous pouvons dire avec certitude que dans la région du
Fouta Toro septentrionale et méridionale, l’oralité domine très largement sur la pratique de l’écriture dans l’expression littéraire de l’homopeulanus. Dans des centres d’alphabétisation
qui, dans certains cas, deviennent de véritables écoles de recherche en linguistique, la poésie poulare émerge et renait constamment sous l’impulsion de générations toujours plus conscientes de la nécessité de résister à une acculturation ambiante d’autant plus dangereuse qu’elle est orchestrée par des politiques publiques discriminatoires. A propos de la nécessité absolue de persévérer dans l’expression de sa langue, Amadou Hampâté Ba écrit:
« L’abandon de nos langues nous couperait tôt ou tard de nos traditions et modifierait tôt ou tard la structure même de notre esprit » 1 . Les Peuls instruits en français et/ou en arabe
participent à ce mouvement de renaissance en s’exprimant dans leur langue maternelle parallèlement à l’utilisation des langues étrangères qui leur sont imposées de fait.
Kaaw Tokosel Touré alias Kaaw Eliman Bilbassi Touré est un de ces intellectuels très conscients de la nécessité absolue de participer à cette œuvre sacrée de résistance à l’uniformité, une uniformité qui écrase les langues et cultures minoritaires ou faibles remettant ainsi en cause ce que le monde a de plus beau : sa diversité!
Touré est né en 1967 à Djowol où il apprit ses premiers versets de Coran dans sa famille elle- même, de laquelle était issu l’Imam du village. Il entame sa scolarité moderne à N’Diago et à Djowol avant d’arriver à Kaédi pour le cycle secondaire. C’est à ce niveau que sa vie bascula.
En effet, déjà actif dans les mouvements progressistes des élèves et étudiants, il est arrêté en 1986 pour subversion alors qu’il n’avait que 18 ans. Sorti de prison, il est exfiltré de justesse pour échapper à une nouvelle incarcération dans les geôles du dictateur Mouawiya ould Taya à l’époque président de la Mauritanie. Commence alors pour lui un long exil d’abord à Dakar, puis en Suède où il vit encore aujourd’hui. Membre des Forces de Libération Africaine de
Mauritanie (FLAM) dont il fut pendant longtemps la cheville ouvrière de la communication,
Kaaw Touré est aujourd’hui le porte-parole des Forces Progressistes du Changement (FPC), le parti politique résultant de la mutation des FLAM en 2014.
Il va sans dire que sa poésie est, tout à la fois, la représentation et le plaidoyer de son action politique en faveur de l’égalité et de la justice dans son pays.
Les deux poèmes de K. Touré que nous avons choisis d’étudier dans cette contribution sont extraits de son recueil de poésie inédit intitulé Sawru gumdo, bâton d’aveugle. Nous en avons assuré la traduction. Ainsi, les deux poèmes du corpus sont respectivement titrés Ndimaagu / Dignité et Mbayniingu am / Mes adieux.
Après avoir présenté le corpus, nous verrons comment l’auteur pose les bases idéologiques fondées sur des valeurs et des principes qui ont motivé son combat politique qui l’a forcé à
un exil inattendu alors qu’il sortait à peine de l’adolescence. Ensuite nous plancherons sur le processus de mise à l’index de l’oppression politique par une dénonciation radicale destinée à ébranler les bases d’un racisme d’Etat de plus en plus décrié par les Mauritaniens de toutes les origines. En filigrane, dans cette analyse, nous mettrons en relief l’esthétique des poèmes construite à partir d’éléments discursifs et stylistiques que la traduction française a du mal à prendre en charge.
I. Corpus
Ndimaagu / Dignité
Holi to ngonɗaa? /Où es-tu?
Min naniima min njiɗiima-/ De toi, nous entendîmes parler et t’aimâmes.
Kala to mbaawɗaa won´de ma min ngabbe/ Nous te suivrons où tu iras.
Kala to naatɗaa ma min njaltine/ Te retrouverons partout où tu entreras.
Fooftere e ɗoyli min ngoɗiima sabu innde ma/ Repos et sommeil, nous abandonnâmes pour ton nom.
Leɗɗe min ŋaayiima no ñuuƴi /Sur les arbres nous montâmes tels des fourmis.
Kaaƴe min ŋabbii, tule ceene min ɓafii/ Sur les collines nous montâmes, et les dunes, rampâmes.
Diwooje e degooje e kayooje min njolii /Dans les avions, les voitures et les bateaux, nous voyageâmes.
Dunuuli cukkuɗi min naatii /Dans les forêts touffues, nous pénétrâmes.
Luurooji min corkiima/ Dans les grottes, nous nous engouffrâmes,
Caalli min ndiwii, lugge min mutii/ Sautâmes sur les marigots et nageâmes dans les mares,
Naange min ngelii Affrontâmes/ le soleil ardent,
Jammaaji niɓɓi min taƴii / Traversâmes les nuits sombres.
Kullon ladde e ndiwri min nulii /Les bêtes sauvages, nous envoyâmes.
Ndimaagu min njiɗiima/ Dignité, nous t’adorons!
Pittaali amen min ndokkiima/ Nos vies te furent sacrifiées.
Heewɓe ina paarnoro ma/ Nombreux sont ceux qui, de toi, s’honnorent.
Ndimaagu / Dignité!
Ndimaagu wela innde wela wonde/ Dignité, un beau nom et un bel être.
Woɗɓe ina njuloro ma /D’autres, de toi, font leur gagne-pain.
So yimɓe njeewtii ko haala ma/ Des gens, tu es le principal sujet de
conversation.
So yimɓe cippiraama pellondiraama ko innde ma. /A ton nom des hommes se livrent à des luttes et autres guerres.
So yimɓe ngeƴƴilaamaa leeptaama ko yiɗde ma./ D’autres stigmatisés, torturés pour t’avoir aimé.
Ndimaagu heɗo mi yiman ma/ Dignité, reste donc que je chante ta gloire.
Waraaɓe sabu yiɗde ma/ Les martyres pour ton amour:
Patris Lummumba to Konngo ma/ Patrice Lumumba au Congo
Tomaas Sankara to e Burkina /Thomas Sankara au Burkina
Abdul Bokar ɗaa e Fuuta ma/ Abdoul Bocar ici au Fouta
Steve Biko to leydi Mandelaa/ Steve Biko au pays de Mandela.
Saydu en tokoraaɓe e Saar Aamadu to Muritani ma./Saidou, les homonymes et Sarr Amadou en Mauritanie.
ɓee fof momtaama sabu innde ma. /Tous furent assassinés pour ta cause.
Ndimaagu. Dignité!
Ko aan woni faabu pittaali/ C’est toi le sauveur des âmes.
Laamuuji njaanndu tampinii winndere/ Les pouvoirs iniques oppriment le monde.
Heege, ɗomka, ñabbuuli mobbii tagoore/ La faim, la soif, les endémies assaillent l’humain.
Ndimaagu a hoɗii ɓerɗe /Dignité, tu règnes sur bien des coeurs.
Fijirde min cali doorde so wonaa ngaraa/ De ta venue, nous fîmes la condition de toute distraction.
Ndimaagu bismilla ma/ Dignité, sois la bienvenue.
Feeñ, suppito, lewñu! /Apparaîs, émerge et brille!
Min njaɓɓoro ma ko ɓuri welde e jimɗi /Nous t’accueillerons avec les plus belles de nos chansons.
So Haayyooy ma giɗo koɗo belo./ Bienvenue, l’amie, honorable visiteuse.
Ndimaagu holi to ngonɗaa min ngabboma?/ Dignité, où es-tu, que nous te suivions?
Ndakaaru 08/08/1988 Dakar le 08/08/1988.
Mbayniingu am / Mes adieux
Sellii laaɓii ko mbayniigu muusi/ Soit dit et confirmé que douloureux sont les adieux
Ko yahdu muusi fof ko ndu waynaaka ɓuri/ Si l’aventure est douloureuse, celle sans adieux l’est davantage
Ko, o ñalawma e nder leydi am laatii mi arani. /Ce jour-là, dans ma patrie, je devins étranger
Leydi am wontii gooski am/ Ma patrie devenue mon cercueil
Leydi am wontii buruuti am/ Ma patrie métamorphosée en parasite
de mon corps
Leydi am raddi kam/ Ma patrie me pourchasse
Jahdiiɗo am ko jahdigel kala sahaa e nde hare/ Mon compagnon est celui qui épousa la lutte.
Jahdigel am ko Muusaa Kummba Maabo/Mon compagnon est Mousa Koumba, le tisserand.
Kono baaba makko wiyi mo ko Alasan taan Jarno./Mais son père le nomma Alassane
jarno.
Ko nder lewru bowte haa jooni mi yejjitaani/ C’est au mois de decembre que je n’ai point oublié.
Amin ngoya tato sahodinɓe Jereyda min ngaynaani/ Nous pleurions, les trois martyrs de Jréyda que nous n’avions fini de
plaindre,
Haa laatii mi kulel baañateengel mi tinaani/ Quand je devins une proie chassée, à mon insu.
moolɗo-mi ko ɓe morooɓe no ndamndi/ Qui me portait secours devenait cible de castration
ñooltuɗo mi ko ñoloowo e nder kasooji/ Qui me tendait la perche pourrirait dans les cachots
Sukuño ko pinnuɗo so wonaa teew ɓaleejo alaa ko yiɗi/ L’ogre est décidé à se nourrir de chair noire.
Nguru am o hufta o tira Ma peau, à dépecer, tanner et confectionner.
Mbaggu o tunnga Zaguwaar o serkita/ Le tam-tam pour jouer au Zagwar effrené.
Kaaw am Abdul tokara kaaw mum Abdul Ngayde/Mon oncle Abdoul, homonyme d’Abdoul Ngaydé
banndu neene am ɓe ndummbi/ Frère de ma mère, ils emprisonnèrent
So ɓe nanngaani mi ɓe ngoondi ɓe njaltinaani/ Ils firent de lui l’otage, rançon de ma capture,
Kono ɓe ngonaa jomiraaɗo ɓe njejjitii./Mais oublièrent-ils qu’ils ne sont pas Dieu.
Ganndo Alla e binndi ɓe ngoppiti tawa ɓe tinaani./ Ils libérèrent le savant d’Allah sans savoir comment.
Kono nguutu maɓɓe e am Geno jaɓaani/Mais leur rancune à mon endroit ne fut agréée de Dieu.
Firti peeje maɓɓe ɓe tinaani./ Qui détruisit leur complot à leur insu.
Leydi am faaɗiri kam /Ma patrie me devint exiguë.
Leydi am sukkiriikam/ Ma patrie me parut encombrée.
Leydi am toowirikam/ Ma patrie me parut hautement inaccessible.
Dimmbe ngonno mi uddiraama haangaaɓe yaltotaako/Dimbé où je résidais, fut close par des fous.
No coɓɓuli galle ɓe ñiiɓaama e kala boli/ Tels des recoins de maison, ils furent fixés sur toutes les rues.
Yahdu yontii etee jonnde woodaani /Au moment du départ, on ne s’assied point.
Yahdu yontii wonaa neene wonaa baaba mi waynaaki/ L’heure du départ sonna et je ne fis mes adieux ni à Maman, ni à Papa.
Giɗo maa njaafoɗaa mi heblaaki / Bien aimée, pardonne-moi car ce fut précipité.
Wuro am, saare Taano ɗo nganndumi ngoowaami/ Mon village, terroir de grand-père, que je connais et où je suis reconnu.
Mi waynaaki mi juuraaki/ Pas d’adieux, ni de commémoration.
Gomu am e fedde am e kala yahdiiɓe tintaani/ Camarades, classe d’âge et compagnons ne furent informés
Galle Baaba e welde ko ƴaaqtel mbaɗmi/ Même l’agréable maison paternelle ne fut qu’une escale
Miñiraaɓe e mawniraaɓe mi yeewtidaani/ Pas de concertations avec cadets ni aînés
Yahdu yontii jonnde woodaani /A l’heure du départ, on ne s’assied pas.
Leydi am waɗiikam ko mi sikkaano /Ma patrie me traita comme je ne l’espérais.
Leydi am holliriikam ko waawno/ Ma patrie m’exposa son animosité.
Mi wiyaani mi naamnaaki so wonaa fotde am/ Et pourtant je n’ai dit, ni réclamé que mes droits
Fotde am e nder ngenndi am./Mes droits dans ma nation.
Fotde am wonti mbaroodi am e nder leydi am/ Mes droits métamorphosés en prédateur dans ma patrie.
Ko tokora am, baaba Gorel, sehil baaba am/ C’est mon homonyme, père Gorel, ami de mon papa,
awƴimi ngal jaaltaaɓe e nder majal /qui me transporta (en pirogue) en un éclair.
Worgo maayo min keeɗti e ciirtal./ Au sud du fleuve nous fîmes en un clin d’oeil.
Njeccitii-mi caggal jamma ko niɓɓo haydara mi heptinaani./Je me retournai, la nuit sombre, je ne reconnaissais rien.
Gite am toɓi mi teyaani, koyɗe keli ndiccii-mi/ Je ne pus retenir mes larmes, mes jambes s’affaissèrent et me mirent à genou.
E ceenal Bilbasi kofii mi, mabbu mi leydi ɓuucii-mi/ Agenouillé sur le sable de Bilbassi, j’en ramassai et l’embrassai.
Ko Jowol worgo hotti mi jaɓɓii mi, bismii mi./ C’est Djowol-sud qui m’accueillit, m’honora par la bienvenue.
Ko ñande heen ngooŋɗin-mi ko nde rewo ronnka nde worgo
hoɗaa./ Ce jour, je fus persuadé que c’est l’hostilité du nord qui induisit l’occupation du sud.
Leydi am mi ferii mi yontaani /De ma patrie, je m’exilai avant l’heure.
E teppe Sayku Umar mi rewii / Sur les pas de Cheikh Oumar, je marchai.
E nder ladde mi ulliima/ Pour l’aventure, je m’en allai,
Mboɗo yiiloyo ko mi mooftaani / A la recherche de ce que je ne
possédais:
Ndimaagu leñol am / La dignité de mon peuple.
Ko jam tan njiili-mi/ Je ne veux que la paix.
Ko duwaaw jinnaaɓe tan njooɓii mi./ Que la bénédiction des parents comme viatique.
II. Bases idéologiques : valeurs et principes de l’engagement.
Formidable prosateur, redoutable communicant politique, Kaaw Touré ne s’exprime cependant en poésie que dans sa langue maternelle, en poular. Sans doute est-elle plus à même de permettre le jaillissement des larmes de douleur que la pudeur a longuement retenue dans les replis d’une âme blessée. Il est établi que c’est dans sa langue maternelle que l’on pleure et rit le mieux. Si quelques-uns de ses vers traduisent un sentiment personnel,
l’essentiel de sa poésie porte sur son engagement politique. Les choses se passent comme si dans sa traversée du désert, dans son parcours jonché d’écueils, parsemé d’oppressions multiformes, l’homme politique appelait le poète à sa rescousse. Face à une réalité accablante, à l’immobilisme qui semble plomber une situation d’injustice intenable, l’homme politique se transmute en poète pour lever le verrou de la parole. Une parole qui endosse alors cette fonction exutoire par laquelle l’expression des mots soulage une âme meurtrie par les affres d’une humaine condition. Une forme de catharsis aurait dit Aristote.
Qu’est-ce qui afflige le poète au point que sa vie devienne un enfer ?
Quel malheur empoisonne son existence à telle enseigne que devenir combattant lui apparait comme la seule alternative possible? La réponse à ces interrogations est sans ambages. L’homme, alors qu’il n’était qu’au lycée, a pris conscience que sa dignité qui lui était aussi chère que sa vie, est dangereusement menacée par un nouvel ordre politique. Oui, la DIGNITE! Un concept? Une représentation? En tout cas une abstraction qui, de par sa valeur chez les hommes, pèse plus lourd que toutes les montagnes sur la terre. La dignité est donc cette valeur au travers de la laquelle l’être humain a le sentiment d’appartenir pleinement à son espèce qui, au fil de l’histoire s’est distinguée par la raison, formidablement traduite par sa capacité à user de la parole. Elle consacre fondamentalement une certaine égalité entre les individus qui composent un groupe humain. C’est pourquoi, si la dignité est la conséquence de l’égalité, cette dernière est la garante de l’acquisition et de la conservation de toute dignité pleine et entière.
Constatant l’arabisation à pas forcés à laquelle lui et ses camarades négro-africains (Peuls, Soninkés, Wolofs) étaient soumis par le pouvoir militaire qualifié d’inique (« Laamuuji njaanndu tampinii winndere/ les pouvoirs iniques oppriment le monde ») alors dominé par les lobbies de nationalistes arabes étroits, le jeune lycéen prend conscience des enjeux qui menacent son identité. Avec ses camarades, ils expriment leur révolte par un mouvement de grève et exigent que la réforme de l’éducation prenne en compte leur identité matérialisée par leurs langues et cultures négro-africaines. Comme leurs aînés du mouvement de la négritude, ils refusent toute assimilation, ici à une arabité qu’ils respectent, mais qui reste distincte de leur culture.
Aussi, alors qu’ils espéraient qu’on les écoutât, que l’on discutât avec eux de leurs doléances légitimes, le régime dictatorial de l’époque, décidé à imposer une uniformité arabe aux composantes négro-africaines de Mauritanie, s’engagea dans une répression féroce des grévistes. Répression par laquelle on leur signifiait qu’il n’y aurait pas d’égalité pour eux dans le pays de leurs ancêtres. Certains plient, mus par leur instinct de survie alors que d’autres
assument la révolte en s’engageant dans une lutte totale de résistance. Kaaw Touré est de ceux-là car depuis sa première arrestation en 1986, jamais il n’a suspendu son combat pour
l’avènement d’un ordre social et politique dans lequel toutes les communautés mauritaniennes seraient également traitées par le pouvoir central.
Eprouvant le besoin de mettre les mots à sa douleur, d’expliquer le sens de son combat à partir de son point de départ, le poète fait preuve de pédagogie en démontrant ce que représente pour lui la « dignité », titre éponyme du poème.
Ndimaagu! Holi to ngonɗaa? / Dignité! Où es-tu?
Min naniima min njiɗiima/ De toi, nous entendîmes parler et t’aimâmes
Kala to mbaawɗaa won´de ma min ngabbe Nous te suivrons où tu iras. Kala to naatɗaa ma min njaltine Te retrouverons partout où tu
entreras.
Fooftere e ɗoyli min ngoɗiima sabu innde ma/ Repos et sommeil, nous abandonnâmes pour ton nom.
Au plan énonciatif, la communication du poète procède par un rapport dialogique à travers lequel la « dignité » est interpellée comme un interlocuteur. Une telle interpellation confère au
valeureux concept (ou concept de valeur) un souffle de vie. La « dignité », notion abstraite, est ainsi personnifiée et élevée au rang de protagoniste du poète. Un protagoniste objet d’un amour absolu pour lequel Kaaw Touré est prêt à tous les sacrifices: perdre le repos et le sommeil réparateurs, voyager par tous les chantiers, avec tous les moyens de déplacement au risque de perdre la vie: « Pittaali amen min ndokkiima / No vie te furent sacrifiées ». Le poète reprend ici cet apophtegme du guerrier peul qui affirme qu’à certaine étape de la vie, l’enjeu cesse d’être : « est-ce que je veux vivre? Pour devenir : voudrais-je vivre à tout prix? ».
A partir de cet instant, le poète fait un choix : celui des principes et des valeurs. Vivre sans dignité devient à ses yeux, synonyme de « vie dépourvue de sens », donc d’une sorte de néant de la vie puisque la dignité, elle seule, fonde intrinsèquement la valeur humaine. Ce choix d’ordre existentiel (au sens où l’employait Jean-Paul Sartre) induit, presque inéluctablement, l’enfermement dans un état psychologique lourd de précarité. Le poète, comme pour se punir de n’avoir pas réussi tout de suite à vaincre les forces rétrogrades, se fait à lui-même un serment: ne plus se distraire tant qu’il ne reconquérât pas sa dignité. « Fijirde min cali doorde
so wonaa ngaraa / De ta venue nous fîmes la condition de toute distraction ». Le poète s’isole délibérément pour se consacrer à l’essentiel. Le refus de la distraction se justifie aussi par son
désir de se solidariser d’avec les martyrs que l’amour de la dignité a perdus. Des hommes avec lesquels il partage les principes et les valeurs fondateurs d’un destin commun. A ce titre, il délare :
Waraaɓe sabu yiɗde ma/ Les martyrs pour ton amour:
Patris Lummumba to Konngo ma/ Patrice Lumumba au Congo
Tomaas Sankara to e Burkina/ Thomas Sankara au Burkina
Abdul Bokar ɗaa e Fuuta ma/ Abdoul Bocar ici au Fouta
Steve Biko to leydi Mandelaa/ Steve Biko au pays de Mandela.
Saydu en tokoraaɓe e Saar Aamadu to Muritani ma./ Saidou, les homonymes et Sarr Amadou en Mauritanie.
ɓee fof momtaama sabu innde ma./ Tous furent assassinés pour ta
cause.
A l’écho engendré par la résonnance d’un grand nom de l’histoire du Fouta tel que Abdoul Bokar Kane, répond celui d’autres comme Lumumba (Congo), Sankara (Burkina); sur le même paradigme, la légende de Steve Biko et Mandela tutoie en hauts faits les noms de Ba Saidou, Sy Saidou et Sarr Amadou 2 assassinés par le régime de Ould Taya à la suite d’une intention de coup d’Etat. Le poète indexe les deux premiers noms (saidou) par la formule de mise en facteur « saydu en tokoraabé /saidou les homonymes ». Il va sans dire que seuls ceux qui sont imprégnés de l’histoire politique de la Mauritanie peuvent déchiffrer cette figure de suggestion. En effet, en 1987 une intention de coup d’Etat attribuée à des officiers négro-africains qui souhaitaient renverser le pouvoir dictatorial et raciste de Mouawiya ould Taya sont arrêtés; trois d’entre eux (les trois noms cités plus haut) sont exécutés à la suite d’un
simulacre de procès et un verdict rendu dans l’opacité d’une caserne militaire.
Selon le poète, tous ces leaders de l’Afrique contemporaine ont perdu la vie parce qu’ils recherchaient la « dignité », valeur cardinale sans laquelle il n’y avait pas de vie possible pour
eux. A l’instar de ces martyrs des causes justes, Kaaw Touré entend, contre vents et marrées, poursuivre son combat. Il s’agit de vaincre ou périr les armes de l’intellectuel entre les mains.
III. Mise à l’index de l’oppression.
Après avoir expliqué les raisons de son engagement par une mise en exergue des valeurs et principes qui motivent son combat, Kaaw Touré s’attèle, dans le second poème de notre corpus (Mbayniingu am / Mes adieux), à indexer l’oppression que lui et les siens
subissent dans une Mauritanie minée par les tares de l’injustice raciale et ethnique.
Contrairement au poème précédent, celui-ci procède par la narration d’un évènement marquant le départ du poète de son pays pour une aventure dont il ne pouvait imaginer qu’elle durerait plus de deux décennies. En effet, considéré comme un des membres actifs d’un mouvement de contestation, les éléments de la sureté d’Etat entamèrent une vaste recherche pour retrouver Touré et quelques-uns de ses camarades. Ayant déjà subi une
première arrestation et se sachant particulièrement en danger (« Sukuño ko pinnuɗo so wonaa teew ɓaleejo alaa ko yiɗi / L’ogre est décidé à se nourrir de chair noire »), l’activiste politique, conseillé par ses proches, décida de prendre le chemin de l’exil.
De Kaédi, surnommée dans le poème « Dimbé », il devait traverser le fleuve Sénégal pour aller se réfugier sur la rive gauche. L’urgence de la situation impose un départ précipité pour échapper aux poursuivants d’autant plus redoutables qu’ils ont des alliés (agents secrets) dissimulés aux coins des rues déguisés en fou! Point de temps pour faire ses adieux à qui que ce soit, ce qui ajoute à la douleur de l’exil.
En assimilant sa « patrie » à l’Etat ou plutôt les représentants de celui-ci qui le pourchassent, le poète file une longue métonymie qui s’étend sur quatre vers. « Ko o ñalawma e nder leydi am laatii mi arani / Ce jour là, dans ma patrie, je devins étranger … Leydi am raddii kam / Ma patrie me pourchasse ». Cette figure de style lui permet de souligner tout le poids de l’oppression qu’il subit en ce moment précis où il est poussé à l’exil. Etymologiquement la
« patrie » renvoie au pays paternel, mais par extension elle représente la matrice protectrice de l’enfant contre tous les dangers. Il en appert que lorsque c’est ce giron protecteur qui se
métamorphose en prédateur, l’injustice subie se revête de toute la hideur de son intensité.
A peine le sol du pays hôte foulé, l’exilé réalise qu’il vient de quitter la maison paternelle pour longtemps. Là, alors qu’il aperçoit encore les lueurs de Djeol, il fléchit sous le poids d’une douleur où se mêlent déjà la nostalgie et la sidération. Lorsqu’il prend dans ses mains du sable de Bilbassi qu’il embrasse, c’est pour conserver de sa terre natale cette odeur qu’il envisage d’imprimer sur sa mémoire. Seul viatique d’un combattant pour l’égalité en exil.
L’intensité des souvenirs conserve le lien sentimental avec le pays et maintient par conséquent la tension de la lutte. Lorsque les forces de l’oppression comprirent que leur proie leur a échappé, ce fut sur son entourage que la vengeance s’abattît.
« Kaaw am Abdul tokara tokoro mum Abdul Ngayde /Mon oncle Abdoul, homonyme d’Abdoul Ngaydé / banndu neene am ɓe ndummbi / Frère de ma mère, ils emprisonnèrent / So ɓe nanngaani mi ɓe ngoondi ɓe njaltinaani / Ils firent de lui l’otage, rançon de ma capture ».
On est bien loin de toute notion de justice puisque le crime – si crime il y a – imputé au neveu devait être endossé par l’oncle. Les représentants de l’Etat républicain adoptent alors des pratiques aussi ridicules que la prise d’otage et la demande de rançon… En soulignant ce fait inique, le poète montre toute l’absurdité des arrestations qui étaient perpétrées par des forces de sécurité mauritanienne au sud du pays pendant les années de braise; Forces aux ordres d’une oligarchie aveuglée par la haine raciste. C’est « le franc-parler toucouleur » style d’élocution tel que Oumar BA le décrivait dans son ouvrage intitulé Le Fouta Tôro au
carrefour des cultures (3) . La prise de conscience de sa situation d’exilé est traduite par le poète par ce vers où il reprend ce propos proverbial connu de la majorité des locuteurs du poular : « Ko ñande heen ngooŋɗin-mi ko nde rewo ronnka nde worgo hoɗaa / Ce jour, je fus persuadé que c’est l’hostilité du nord qui induisit l’occupation du sud ». Mais au lieu de ramolir ses ardeurs, de
l’anéantir psychologiquement, cette synergie de douleurs semble plus que jamais conforter Kaaw Touré dans sa résolution de poursuivre son épopée politique tel cet autre ancêtre du
Fouta qu’il nomme et sans doute auquel il souhaite emboiter le pas. Elhadj Oumar Tall, puisqu’il s’agit de lui, est le résistant à l’occupation coloniale le plus célèbre de l’Afrique de l’Ouest. Lui qui dans sa chevauchée mémorable fit preuve d’un courage et d’une abnégation à toute épreuve, s’était aussi battu pour la « dignité de [son] son peuple ». Une similarité des luttes qui honore le poète, au-delà sa personne, tous les combattants des causes justes.
Conclusion
C’est sur le réseau social Facebook que, nous avons découvert presque par hasard la poésie en poular de Kaaw Touré. Suivi par des milliers d’internautes, il est aujourd’hui encore considéré comme une des plus grandes figures influentes de la toile mauritanienne, au grand dam de ses adversaires politiques. De temps en temps il publiait une vidéo ou faisait un « direct » (live) où il déclamait, souvent sur fond musical, quelques-unes de ses productions
poétiques. A chaque fois que j’avais l’opportunité de l’écouter, j’étais séduit par la beauté de ses vers dont la forme s’harmonise avec le contenu dans un continuim saisissant. Ayant depuis lontemps le projet de travailler sur les littératures et traditions orales de langue poulare, je proposais à Kaaw Touré de traduire en français sa poésie pour permettre à ses auditeurs/lecteurs non poularophones d’apprécier le sens de son engagement traduit dans ses poèmes (jime).
La traduction est un domaine de recherche qui s’est, de jour en jour, avéré particulièrement intéressant pour nous. On le sait, même lorsque le texte à traduire est en prose, la traduction pose d’énormes difficultés liées à l’inadéquation du lexique, de la syntaxe, de la grammaire et certainement de la conjugaison en vigueur dans les deux systèmes linguistiques concernés. Losqu’il s’agit de texte poétique ces difficultés sont majorées par la
nécessité de prendre en compte les dimentions métrique et prosodique qui incarnent la plus value de la poésie sur la prose. A ce propos, Abdoul Aziz Sow fait d’ailleurs une remarque bien similaire lorsqu’il écrit « Malheureusement, la transcription et la traduction (…) n’aboutissent qu’à (…) donner un livre muet et à en effacer la signature vocale et instrumentale » 4 .
Aussi, nous avons été particulièrement confronté au choix qu’il a fallu faire, ça et là, quand au temps verbal – pour le passé, fallait-il choisir l’imparfait, le passé composé ou le passé simple? – ou l’articulation syntaxique pour rendre compte de la meilleure manière possible du sens et de la poéticité du vers dans le poème.
L’analyse du premier poème (dignité) a permis de montrer comment l’auteur entreprend d’expliquer les bases idéologiques qui fondent son combat politique. Surfant sur un souffle poétique à intensité croissante, il s’efforce de démontrer la justesse de la lutte que lui a imposée la situation d’oppression à laquelle il est confronté. En effet, comment s’accommoder d’une vie sans dignité? Comment accepter d’être traité en inférieur simplement parce que l’on est différent et que l’on tient à conserver cette différence caractéristique de notre personnalité? L’analyse stylistique souligne l’ampleur des figures rhétoriques mises en branle pour donner aux mots une forme de canif.
Enfin le second poème de notre corpus (Mes adieux) présente une approche plus personnelle de l’objet. L’oppression politique y est dénoncée à travers le récit du départ d’exil du poète. Il est marqué par la construction d’images fortes rigoureusement schématisées – le combattant pourchassé et obligé d’entrer dans la clandestinité, agenouillé sur le sable de Bilbasssi pour embrasser une dernière fois la terre de ses ancêtres – par une description
méticuleuse. Le parallélisme opéré vers la fin du poème avec les personnages historiques (Lumumba, Sankara, Mandéla, Ba, Sy, Sarr) confère au combat une dimension internationale, voire universelle. Il établit que tous les combats pour l’égalité et la liberté ont un
dénominateur commun: la conquête ou la reconquête de la dignité humaine.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I – Corpus: inédit.
II- OUVRAGES ÉDITES :
BA Amadou Hampâté, Aspects de la civilisation africaine, Paris, Présence Africaine, 1972.
BA Oumar, Le Fouta Tôro au carrefour des cultures, Paris, L’Harmattan, Paris, 1977.
BOYE Alassane Harouna, J’étais à Walata ou le racisme d’Etat en Mauritanie, Paris, L’Harmattan,1999.
SOW Abdoul Aziz, La Poésie orale peule. Mauritanie-Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2009.
LA CHARTE DE L’UNITE NATIONALE DES FPC

– Déterminées à construire une autre Mauritanie qui appartienne à toutes ses communautes dans l’égal respect de leurs diversités ;
– Intimement convaincues que la Mauritanie ne sera jamais ni stable, ni viable tant que demeureront les politiques visant à faire assimiler une Communauté par une autre;
– Persuadées que seul un Etat de droit conforme aux aspirations des Communautés peut instaurer la fraternité, garantir la Liberté, l’Egalité, et conjurer les périls du futur;
– Conscientes du fait qu’il revient, en dernier ressort, aux Communautés de décider du cadre de leur coexistence et du type d’Etat ¨qui assure leur plein épanouissement;
– Convaincues que seule une structure étatique qui donne à chaque communauté la responsabilité et les moyens de son développement intégral pourrait garantir l’unité de notre pays,
Nous, Forces Progressistes du Changement (FPC)
adoptons, en conséquence, la présente charte, et nous engageons solennellement à ne ménager aucun sacrifice pour la pleine réalisation d’une Mauritanie égalitaire et démocratique, débarrassée définitivement de l’esclavage et du racisme, unie dans sa diversité, riche de toutes ses cultures épanouies, assurant à toutes ses citoyennes et à tous ses citoyens les mêmes droits.
TITRE I : DES PRINCIPES GENERAUX
1.1- La république est une et indivisible
1.2- Elle reconnaît et garantit les Autonomies locales
1.3- Elle veille au principe de non-discrimination et au respect de la dignité humaine
1.4- Elle consacre l’égale participation des groupes nationaux à la gestion du pays
1.5- La Mauritanie est un pays multiethnique et pluriculturel, où la République garantit l’égalité de toutes les langues et cultures nationales .
1.6- La Mauritanie est un pays composé de deux (2) Communautés raciales, l’une composée de Noirs (Bamana, Fulbe, H’râtîn, Sooninko, Wolof), l’autre de Blancs (Bîdân)
1.7- Tous les groupes ethniques du pays auront intégralement les mêmes droits. Chacun aura le droit de donner son avis sur toute décision qui engagera son avenir.
TITRE II : DU PRINCIPE DE GOUVERNANCE
2.1- Tous les citoyens, sans distinction d’origine raciale , ethnique ou culturelle, auront les mêmes droits et les mêmes devoirs.
2.2- Tous les citoyens, sans distinction d’origine raciale , ethnique ou culturelle, auront des droits égaux à participer à la gestion de l’Etat et de ses institutions.
2.3- Toutes les entités nationales auront les mêmes droits dans les organes de l’Etat. Il n’y aura aucune prévalence d’une entité nationale sur l’autre.
2.4- Chaque entité nationale aura droit à utiliser dans son terroir naturel et dans son espace administratif sa propre langue et à développer sa propre culture, dans l’intérêt et pour l’enrichissement de la diversité culturelle du pays.
2.5- Les Communautés, solidaires, auront des droits égaux.
2.6- Il sera institué soit une direction collégiale à présidence tournante à la tête du pouvoir central, soit un Président élu au suffrage universel, et qui serait, alors , assisté de deux vice-Présidents tournant, issus d’ethnies différentes.
TITRE III : DU DROIT AUX RICHESSES NATIONALES
3.1- Les richesses de la Mauritanie sont un patrimoine naturel national. Elles doivent contribuer à l’émancipation sociale et économique de tous ses groupes ethniques.
3.2- Chaque citoyen aura droit aux richesses nationales, grâce à une redistribution équitable de ces richesses.
3.3- Le partage de la terre exploitable se fera sur la base d’un équilibre à trouver entre le droit naturel et inaliénable des autochtones, celui légitime des autres nationaux, et les exigences de l’ouverture à la modernité .
3.4- Les provinces (ou Régions autonomes) appliqueront le principe de complémentarité et de solidarité.
TITRE IV: DU ROLE DU POUVOIR CENTRAL
4.1- Il assure un rôle d’arbitre dans les conflits d’intérêts de tous ordres entre les provinces ou régions autonomes .
4.2- Il exerce un rôle de régulation et de compensation dans les échanges entre les régions autonomes .
4.3- Il veille à l’équilibre entre le marché, l’Etat et la société
4.4- L’Etat central dispose des attributs régaliens de souveraineté.
4.5- L’Etat central définit et conduit la politique étrangère, à équidistance du monde arabe , de l’Afrique noire et du monde arabo-musulman.
TITRE V : DU RÔLE DE L’ARMÉE
5.1- Elle est une armée au service du développement, de la sécurité, garante de la souveraineté nationale.
5.2- Elle est une armée républicaine et neutre face aux partis politiques.
5.3- Elle devra refléter les équilibres raciaux et ethniques nationaux en son sein et plus particulièrement dans le corps du commandement.
5.4- Elle devra appliquer le principe de conscription, sans discrimination, à partir de 18ans.
TITRE VI : DISPOSITION COMPLEMENTAIRES
6.1 La nouvelle constitution doit nécessairement refléter le consensus national.
6.2 La constitution ne pourra être modifiée que par une majorité spéciale.
6.3- Il sera créé un observatoire national pour les libertés et la Cohabitation.
6.4- Toute pratique avérée d’esclavage et tout acte ou propagande à caractère discriminatoire, raciste ou de mépris national, seront considérés comme crimes et punis comme tels.
6-5 Il sera crée un organisme paritaire chargé de veiller au respect des présentes dispositions .
Forces Progressistes du Changement ( FPC)
Sommet Afrique-France: retour sur le débat épique entre Macron et les jeunes Africains

RFI Afrique – Le sommet Afrique-France se déroulait vendredi 8 octobre à Montpellier dans le sud de la France. Une 28ème édition sans chefs d’État africains. L’Élysée avait décidé de repenser l’exercice et d’en faire un rendez-vous exclusivement dédié à la jeunesse et à la société civile.
Entre 2 000 et 3 000 personnes ont participé à l’évènement et dans une ambiance de show à l’américaine, Emmanuel Macron n’a pas été ménagé par de jeunes africains qui l’ont interpellé de manière très vive lors d’une séance de questions réponses.
Cet échange avec de jeunes Africains, Emmanuel Macron était venu pour ça à Montpellier : faire un exercice de vérité selon l’Élysée et pour ça, il fallait qu’il soit bousculé par ses interlocuteurs.
Dès son arrivée au sommet, le ton a été donné : Emmanuel Macron est quelque peu pris à partie par Koyo Kouoh, la directrice camerounaise du Zeitz museum of contemporary art en Afrique du sud. « Combien d’artistes africains ont été montrés ne serait-ce que ces dix dernières années en France ? » lui lance-t-elle. Ce à quoi le président français lui répond qu’il n’est pas en fonction depuis si longtemps et que différents projets culturels ont été engagés depuis 2017.
Ce n’était là qu’un avant de goût de ce qui allait suivre, car lors de la séance de questions réponses, Emmanuel Macron est bousculé par de jeunes Africains. De jeunes intervenants très à l’aise qui vont fustiger tour à tour le « colonialisme », « l’arrogance » ou le « paternalisme français ».
Autre exemple, l’intervention d’Eldaa Koama du Burkina, qui a comparé la relation entre la France et l’Afrique à une « marmite sale » et qui a demandé au président de la République de la récurer, sinon elle ne mangerait pas dedans.
Une manière de tester la détermination d’Emmanuel Macron à changer les bases de la relation avec l’Afrique. Le président de la République n’a pas esquivé en disant qu’il fallait « laver la marmite, mais qu’il y aurait forcément des traces », autrement dit, on ne peut pas effacer l’Histoire.
Pas de demande de pardon mais une politique de reconnaissance
Le blogueur sénégalais Cheikh Fall appelle le président français à « demander pardon au continent africain » pour les crimes de la colonisation. Emmanuel Macron, qui apprécie visiblement l’exercice, répond à chacune des interventions. « Je ne crois pas à une politique de pardon mais de reconnaissance, rétorque-t-il. Mais à une politique qui doit mettre en place un processus de mémoire et d’histoire commune ».
Autre prise de parole qui a marqué cette rencontre, celle d’Aliou Bah, jeune Guinéen qui a interpelé le président Macron sur les ambiguïtés de Paris vis a vis des troisièmes mandats présidentiels.
Vous devez refuser de collaborer et de considérer comme des interlocuteurs, des partenaires, des responsables politiques qui utilisent des « tripatouillages constitutionnels pour rester au pouvoir », a conclu le jeune Guinéen.
Sur la Guinée Conakry, Emmanuel Macron a répondu -sans jamais prononcer le nom d’Alpha Condé- qu’il a toujours condamné le tripatouillage constitutionnel avant, pendant et après la présidentielle d’il y a un an. Et c’est vrai, on se souvient dans une interview à Jeune Afrique de ses mots très sévères contre son homologue guinéen.
Sur la Côte d’Ivoire, Emmanuel Macron a répliqué que, suite au décès du candidat RHDP Amadou Gon Coulibaly, il y avait eu « une circonstance exceptionnelle », qui avait conduit le président Alassane Ouattara à solliciter un 3e mandat, mais que la France souhaitait à présent « un renouvellement de génération ».
Enfin, sur le Tchad, le président français a tenté de justifier la succession actuelle du père par le fils de deux façons. D’abord, il s’est abrité derrière la décision du président de l’Assemblée, Haroun Kabadi, de renoncer à présider la transition. Un argument qui fait beaucoup sourire à Ndjamena. Ensuite, il s’est réfugié derrière le fait que le Tchad est perclus de risque terroriste que même l’Union Africaine est compréhensive. « Transition ne veut pas dire transmission », a-t-il ajouté. Réaction de l’un de ses interlocuteurs après la plénière, « Je n’ai pas été convaincu ».
Le vocabulaire questionné
Il y a eu aussi des débats sur le vocabulaire. Le mot « aide » a été contesté, Emmanuel Macron s’est engagé à parler d’investissement solidaire. Certaines choses étaient de l’ordre du symbolique, d’autres très concrètes. Le président français a annoncé durant ces échanges la création d’un fonds d’innovation pour la démocratie. Objectif : soutenir les acteurs du changement, notamment sur les questions de gouvernance et de démocratie.
Autre annonce : la restitution des 26 œuvres d’art au Bénin se fera à la fin du mois à Paris en présence de Patrice Talon, alors qu’une autre œuvre, le tambour parleur du peuple Ebrié, sera lui bientôt rendue à la Côte d’Ivoire.
Une campagne électorale vers la «diaspora» africaine ?
Un bilan et un projet. Tous les ingrédients d’une campagne étaient réunis. A Montpellier Emmanuel Macron a d’abord voulu montrer qu’il tenait les engagements pris lors de son discours de Ouagadougou au début du quinquennat et notamment celui de donner à la société civile une attention plus importante.
Mais il s’est aussi projeté dans les années à venir au cours desquelles il espère poser les bases d’une nouvelle relation avec l’Afrique en faisant miroiter des promesses qui ne tiendront que s’il est toujours président. Même si Emmanuel Macron n’est pas officiellement candidat à sa réélection, il était bel et bien en mode conquête sur la forme en se mettant en scène dans un échange sans tabou et sur le fond.
Il a défendu une vision des relations franco-africaines et continué à creuser le sillon d’un président qui « regarde l’histoire en face », qui reconnait certaines responsabilités de la France mais en même temps veut tourner la page des souvenirs historiques douloureux. Une manière aussi d’essayer de séduire, de convaincre la « diaspora », ces 7 millions de Français d’origine africaine qu’il veut placer au cœur de son action. Un électorat potentiel parfois stigmatisé dans le débat national sur l’immigration.
Avec nos envoyés spéciaux,
RFI
Sommet Afrique-France : Macron face à la jeunesse africaine – Avec Cridem, comme si vous y étiez….

Ce vendredi 8 Octobre, au Sud France Arena de Montpellier dans le sud de la France, le président français Emmanuel Macron s’est fait l’apôtre d’une nouvelle relation entre l’Afrique et la France, face à plus de 3000 jeunes venus du continent africain et de sa diaspora.
De jeunes mauritaniens étaient conviés à ce rendez-vous, aux côtés de l’ambassadeur de France en Mauritanie, Robert Moulié et de l’ambassadeur mauritanien en France, Ahmed Ould Bahya.
Le président français voulait que ce Sommet Afrique-France, le premier du genre, soit le lieu d’un débat ouvert et sans filtre entre lui et la jeunesse africaine. Et surtout entendre les jeunes africains, même les critiques les plus acerbes.
Ce fut un moment de liberté de ton notamment sur l’histoire du passé colonialiste et esclavagiste de la France, la Françafrique, les droits de l’Homme, la relation déséquilibrée entre la France et l’Afrique, la corruption, l’aide au développement, la présence militaire française en Afrique, les migrations, le Franc CFA ou encore le soutien des dictatures.
Sur certains sujets, le président français a botté en touche les accusations des jeunes africains, tout en laissant entendre que les échecs des dirigeants africains ne devaient pas être mis sur le dos de la France. « On va relever la manche et récurer la marmite même s’il en restera toujours des tâches », a néanmoins affirmé Emmanuel Macron pour dire que la France assumera sa part de responsabilité dans la construction d’un « aller au-delà » entre la France et l’Afrique dans le domaine de la coopération.
Répondant aux griefs d’une « France partenaire du syndicat des chefs d’Etat africains et non partenaire des peuples africains », Emmanuel Macron a rassuré les jeunes africains en annonçant un « Fonds de financement de la démocratie » qui sera dirigé par un comité d’experts africains, « une révolution en terme de méthode pour faire aboutir à des alternatives démocratiques » tant souhaitées par la jeunesse africaine.
Il s’agit, pour le président français, de promouvoir davantage une « coopération de gouvernement à ONG » en vue d’appuyer l’investissement solidaire entre la France et la jeunesse et la société civile africaines.
Comme l’a rappelé un des jeunes choisi pour débattre avec le président français, « les relations entre la France et l’Afrique doivent changer. Nous n’avons pas le choix. Nous ne devons pas encore attendre pour agir ». Emmanuel Macron dit avoir bien entendu les appels à la rupture de ce qui se faisait jusqu’ici et surtout saisi la colère et l’indignation de la jeunesse africaine vis-à-vis de la France.
Un débat électrique au cours duquel les jeunes africains n’ont pas ménagé le président français dans leurs interventions….
Outre ce débat sans concession, ce sommet a été également marqué par des tables rondes sur l’innovation, le sport, la culture, l’engagement citoyen, les industries culturelles.
Plusieurs artistes et opérateurs culturels ont pris part à ce Sommet France-Afrique.
Parmi eux, le mauritanien Kane Limam dit Monza, fondateur du Festival Assalamalekoum et vice-président d’Arterial Network, un réseau dynamique composé d’ONG, d’institutions, d’entreprises du domaine de l’économie créative, de festivals, ainsi que d’artistes individuels et d’acteurs et actrices du secteur culturel africain.
Dans son intervention, il insiste sur la nécessité de conduire une réflexion et des actions nouvelles non pas pour parler d’industries culturelles créatives qu’il conçoit comme étant un rêve mais de partir d’un constat réel des priorités africaines et spécifiquement de la Mauritanie à savoir de régler les problèmes de base.
Selon lui, investir dans la culture, c’est agir pour la cohésion sociale.
“Je pense qu’il faut s’attaquer aux obstacles qui empêchent les acteurs culturels d’accéder aux libertés et opportunités d’affaires, y compris les normes sociales, la sécurité et la protection de la vie, les compétences et le leadership, en vue de combler les disparités entre les opérateurs eux-memes au delà du fossé qui se creuse entre opérateurs, Etats et collectivité. […] Il y’a urgence d’accompagner les programme focalisés sur la jeunesse et la culture et le sport, dont doit se saisir l’Agence pour la Promotion de l’Investissement en Mauritanie en ce sens que la porte d’entrée de toute stabilité économique et sociale commence par investir dans la culture pour garantir une communauté homogène et unie de destin”, a indiqué Kane Limam Monza.
Par Babacar BAYE NDIAYE, à Montpellier
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Avec Cridem, comme si vous y étiez…
LA REPONSE DU PRESIDENT SAMBA THIAM AU MAIRE D’AOUJEFT

Il y a un peu plus de deux ans, en fin de matinée, je croisais, juste au rond-point de la BMD, un Monsieur que je ne connaissais pas , qui me fixa avec intérêt et dans un élan de franche sympathie me tendit la main, comme enchanté de me rencontrer . De taille courte, moustache poivre-sel, il se présenta comme étant le maire d’Aoujeft . Il engagea la conversation et par glissement évoqua les pendaisons survenues au nord du pays pendant les années de plomb (aspect du Passif humanitaire) sur lesquelles, affirma-t-il , il était prêt à témoigner… je répondis pour dire que je prenais note , et que ce moment viendrait certainement un jour. Puis nous nous quittâmes…
Je rappelle à cet individu, ici, que c’est toujours le même Samba Thiam, avec les mêmes convictions et les mêmes positions de principe d’alors …Qu’est- ce qui a donc changé à ses yeux , aujourd’hui, pour me valoir d’être subitement catalogué comme ennemi de la ‘’nation ‘’ et voué aux gémonies, serais-je tenté de lui demander ?
Ce Monsieur dit disposer de mes audios où j’incitais les populations de Lexeiba à protéger leurs terres ; je l’invite donc à les publier sans tarder sur la toile …J’affirme que depuis la fin de la désastreuse élection présidentielle de 2019 , je ne me suis rendu nulle part dans la vallée du fleuve, ni rencontré aucune population , sauf à Mbagne ,récemment , pour des motifs de condoléances . Publiez donc Monsieur ces Audios, s’il vous plaît !
Pour quelles motivations cet individu se dresse aujourd’hui pour développer un discours truffé de mensonges, fabriqué sur la base d’un ramassis de ragots, si ce n’est à des fins de dénigrement, pour monter les uns contre les autres ? Le Système a ses tentacules et l’appât du gain facile ne cesse de pervertir les âmes, hélas ! Les retournements de veste dans notre pays ne surprennent guère plus, pour constituer presque la norme dans les comportements au quotidien…
J’aimerais, maintenant, toucher, de biais ,un mot sur ces ‘’ terres de Lexeiba’’ , en guise de réponse à son propos …Je rappelle ce que j’avais écrit il y a quelques temps – et qui demeure- à propos de l’article de Ahmed Sidy Baba, paru en novembre 2019 ; voilà ce que je disais « ( Si) les terres d’Atar , des Hodhs, du Tiris ,relèvent du Trab –el bidhaans, comme le terroir de Sangrava appartient aux El- Maali et affiliés – refusé aux Meshdoufs- et LEMDEN à la parentèle du Président (feu) Sidy O cheikh Abdallah { ….}», pourquoi donc les habitants de Lexeiba ,à leur tour, devraient –ils se priver d’ exercer le même droit sur leurs terres ancestrales ? Ces mêmes Meshdoufs – ironie de circonstances – s’installent aujoud’hui , de force et non sans tension, sur certaines portions du terroir des parents de Messoud Ould Bulkheir dans le Hodh … Encore une fois, si les terres d’Atar appartiennent aux Atarois ( aux gens du nord comme le laisse entendre un audio qui circule en ce moment sur la Toile ) pourquoi celles de la vallée ne seraient -elles pas aux autochtones de la vallée du fleuve ? La question est là !
Pour ma part, je suis un habitué des cabales contre ma personne … Hier Nous étions quelques-uns à subir, conjointement, les fourches caudines du Système et des groupes à sa solde….Je demeure le pestiféré , mais cela ne m’intimide pas outre mesure…Seul Dieu protège ! Je ne me tairai pas, je ne me coucherai pas .
Je salue, au passage, ces compatriotes arabo-berbères qui font preuve de courage…Le courage, disait Jaures, c’est de chercher la vérité et de la dire, c’est de ne pas céder à la loi du mensonge triomphant ‘’.
Enfin je ne terminerai pas sans dire aux champions de l’amalgame et du renvoi dos-à-dos qu’il n’y a qu’un extrémisme et on sait où il se trouve … tout le reste est démagogie !
Samba Thiam
03 Octobre 2021