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L’Assemblée nationale approuve la loi sur la protection des symboles de l’Etat
AMI – L’Assemblée nationale a approuvé, lors d’une séance publique tenue hier mardi, présidée par M. Cheikh Ould Baya, président de l’Assemblée, un projet de loi relatif à la protection des symboles nationaux et à la criminalisation de préjudice au prestige de l’État et à l’honneur du citoyen.
Le projet de loi se compose de huit articles qui précisent son objectif – sans préjudice des dispositions stipulées dans d’autres lois – d’incriminer et de punir les actes commis intentionnellement à l’aide des médias et des technologies de communication numérique et des plateformes de médias sociaux.
Il incrimine les actes associés à la violation des principes et du caractère sacré de la religion islamique, le prestige de l’État et de ses symboles, la sécurité nationale, la paix civile, la cohésion sociale, la vie personnelle et l’honneur des citoyens.
Les articles du projet de loi expliquent en détail les différentes sanctions pour la commission des infractions qui y sont spécifiées.
Le ministre de la Justice, M. Mohamed Mahmoud Ould Cheikh Abdallahi Ould Boya a précisé dans sa présentation à la Chambre des représentants, qu’il est devenu nécessaire aujourd’hui de lutter contre tout ce qui affecterait l’unité du peuple et le prestige et la souveraineté de l’État, qui se reflètent dans ses symboles de référence. Il s’agit, a-t-il dit, de mettre fin à la mauvaise utilisation des plateformes de médias sociaux, sans préjudice des libertés garanties par la constitution et les accords internationaux ratifiés par la Mauritanie.
Il a souligné que le projet de loi vient à point nommé pour combler les lacunes qui ont été constatées dans notre système pénal afin de donner aux praticiens, juges et enquêteurs les moyens de disposer de mécanismes juridiques clairs pour imposer l’État de droit et le respect des valeurs de la République, en identifiant les actes qui constituent une atteinte aux symboles nationaux et portent atteinte au prestige de l’État, ainsi que les sanctions appropriées pour faire face au phénomène d’atteinte aux principes de la société et de propagation de la haine au sein de ses composantes.
Il a ajouté que le projet de loi permet au ministère public de diligenter automatiquement ou sur demande une action en justice contre ceux qui commettent l’un des actes stipulés dans les dispositions du projet de loi.
Le ministre a déclaré que la protection des symboles est indispensable au renforcement des institutions qui ont en charge les affaires publiques pet qui doivent jouir de la protection et du prestige qui leur permettent d’accomplir les tâches qui leur sont confiées, loin d’interférences de personnes qui consacrent toutes leurs énergies au découragement et à l’incitation à la sédition et à la dénonciation des forces armées et des forces de sécurité.
Il a insisté sur le fait que la liberté d’opinion est préservée et défendue, et que le projet de loi vise à mettre fin au chaos observé et à l’incitation à la violence et à la haine, soulignant qu’il est de la responsabilité des pouvoirs d’affronter cette situation pour éviter toute dérive préjudiciable.
Dans leurs interventions, les députés ont indiqué que le projet de loi était attendu depuis longtemps afin de mettre terme à l’anarchie qui caractérise l’espace virtuel, en violation totale des valeurs et principes sacrés, menaçant la paix et la stabilité civiles, et méprisant les symboles de l’État et l’honneur des citoyens et portant gravement atteinte à la quiétude publique.
Ils ont fait savoir que le moment est venu pour les usagers des réseaux sociaux de se rendre compte qu’il existe des limites et des règles juridiques dissuasives, et qu’il existe une grande différence entre, d’une part, la critique constructive et, d’autre part, la volonté de sape, de calomnie, d’insulte et de mépris. Ils ont indiqué que le projet de loi répond à un besoin de protection des entités publiques et des citoyens, et de respect de la vie privée.
Les députés se sont interrogés sur l’alternative à l’état actuel de chaos en termes l’utilisation des réseaux sociaux. Faudrait-il rester passif, laissant la voie grande ouverte à toutes sortes d’abus, aux rumeurs et aux incitations à la haine, ou plutôt de rejoindre d’autres pays qui ont mis en place les mécanismes de contrôle de l’espace virtuel pour éviter de sombrer dans des dérives préjudiciables à la communauté.
Le choix est vite fait ont-ils fait remarquer, et saluant les dispositions du projet de loi car il permettra de protéger les acquis démocratiques, d’assurer l’unité nationale et de préserver les valeurs de la société mauritanienne inspirées de l’Islam authentique.
Certains parlementaires ont estimé que la nature sensible du projet de loi nécessite l’implication d’experts et de la société civile dans sa préparation et de laisser aux députés suffisamment de temps pour l’étudier.
Ils ont précisé que ce ne sont pas les textes de lois qui font le plus défaut mais plutôt dans leur activation et leur application, exprimant leurs craintes que le projet de loi ne soit utilisé comme un obstacle à la critique et l’éclairage de l’opinion publique.
L’Assemblée nationale a, également, approuvé les modifications apportées par la Commission de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense aux articles 2, 3, 5 et 7 du projet de loi, qui, dans leur ensemble, visent à clarifier le contenu de ces articles.
AMI
Percée djihadiste au Mali : Le Sénégal doit se réveiller avant qu’il ne soit trop tard (Par Hussein Bâ)
Dans le cadre d’un dossier qu’il a consacré au Mali, le journaliste sénégalais Hussein Bâ revient une fois de plus sur les dangers sécuritaires qui guettent le Sénégal, frontalier du Mali. Dans le troisième numéro de ce dossier que Seneweb publie en quatre parties, l’ancien collaborateur de « Sud Hebdo », qui a collaboré respectivement au dispositif électoral sous en ATT et IBK en 2002 et 2013 au Mali, appelle le Sénégal à être davantage regardant sur la situation du Mali, avec la volonté des djihadistes de perturber le trafic vers Bamako afin de couper le pays. Il rappelle également l’objectif final visé par ces djihadistes du GSIM est de bâtir un « Emirat islamique du Mali », avant de s’ouvrir vers l’Atlantique, donc, une menace ouverte sur le Sénégal.
« Cap vers le Sud ! », telle est la substance du message posté par Iyad Ag Ghali, patron de la nébuleuse « djihadiste » Ansar Dine devenue GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans), affilié à al Qaïda, au lendemain de la prise de Kaboul par les Talibans. Depuis cette sentence, la situation sécuritaire s’est considérablement dégradée au Centre et à l’Ouest du Mali.
La région de Ségou est désormais aux prises avec des attaques terroristes quotidiennes. Le regain d’intérêt pour cette région et son ciblage persistant par les « djihadistes » rappelle un autre épisode, tout en clarifiant une question récurrente : en janvier 2013, le même Iyad Ag Ghali avait ordonné la descente vers le Sud en attaquant simultanément deux axes, à savoir le corridor Konna -Sévaré – Mopti et Diabali qui mène vers Ségou. Par cette opération simultanée, on se demandait si le chef des « djihadistes » voulait conquérir deux voies qui mènent à Bamako, ou simplement mettre la main sur l’aéroport Ham Bodédio de Mopti.
Au vu du déroulement actuel des opérations des « djihadistes », le doute n’est plus permis. Al Qaïda veut conquérir la capitale malienne où il dispose de nombreux sympathisants « dormants », pour y proclamer l’avènement de « l’émirat islamique du Mali ». Pour y parvenir, il mise sur deux approches redoutables : la conquête et l’administration rigoureuse des territoires du monde rural (en évitant le combat frontal dans les grandes villes) et la perturbation totale des corridors d’approvisionnement pour asphyxier le pays et la capitale.
C’est sous cet angle qu’il convient d’interpréter les attaques menées récemment dans le corridor Ouest, précisément dans les régions de Kayes et de Koulikoro, et qui concernent directement le Sénégal. Le 11 septembre 2021 (les « djihadistes sont avides de symboles), deux camionneurs marocains ont été tués à Didiéni dans la région de Koulikoro, à 300 km de Bamako, par des éléments encagoulés. Chose étrange mais logique : les assaillants n’ont pas touché à la marchandise. L’acte était plus politique que crapuleux. C’était un message sanglant.
Cette région de Koulikoro, que les « djihadistes » semblent choisir pour perturber le trafic vers Bamako, est une zone idéale pour atteindre un tel objectif. À partir de la Commune de Diéma en amont, les deux grands corridors internationaux (Dakar – Bamako et Casablanca – Nouakchott – Bamako) convergent pour aller vers la capitale malienne, en passant par cette région de Koulikoro.
En vérité, l’objectif des assaillants est de faire peur. Ils n’ont pas besoin de « check-points » armés, impossibles à tenir. Lorsque les chauffeurs, les propriétaires des camions et des marchandises auront suffisamment peur pour leur vie et pour leurs biens, la fonctionnalité des corridors sera compromise.
Pour le Sénégal, ce qui est désormais en question, c’est son ouverture vers l’Afrique. En dehors du Mali, il n’a aucun corridor viable vers le marché communautaire de la CEDEAO. Le Mali est aussi son premier marché. C’est le pays tampon avec le terrorisme au Sahel. S’il cède, le Sénégal sera en première ligne. L’approche religieuse des « djihadistes » qui y prennent un essor inquiétant est en totale contradiction avec la pratique islamique majoritaire au Sénégal qui est de tendance confrérique soufie.
Ces « djihadistes » n’aiment ni les mausolées, ni les marabouts, encore moins les Khalifes généraux. Certains rêvent de voir détruire des tombes à Kaolack, à Touba et Tivaouane, comme cela s’était passé à Tombouctou. Leur objectif final, après un « émirat islamique du Mali », c’est de s’ouvrir vers l’Atlantique.
Pour le Sénégal, la question se pose désormais en termes de sécurité nationale directe. Certes, le renforcement des dispositions sécuritaires à la frontière décidé par le président de la République est à saluer, mais cela est insuffisant. Le Sénégal doit être plus actif et pro-actif sur la scène malienne elle-même, en l’aidant de manière plus conséquente à surmonter les équations politiques et sécuritaires.
Par loyauté diplomatique, le Sénégal s’aligne derrière la CEDEAO, alors qu’il a au Mali des intérêts spécifiques qui ne sont pas ceux du Nigeria, du Ghana ou du Togo, par exemple.
Toutes les projections d’émergence vantées ici risquent d’être pulvérisées si l’immense voisin malien devait s’effondrer. Qu’à Dieu ne plaise ! Le président de la République du Sénégal doit créer un nouveau cadre dédié au Sahel directement rattaché à lui avec un agenda créatif, basé sur des compétences pointues. Ce nouveau cadre devra disposer d’un monitoring permanent des évènements, des enchaînements significatifs qui dégagent les tendances lourdes.
Tous les scénarii doivent être envisagés. Qu’est-ce qui empêcherait donc le chef de l’État du Sénégal à effectuer une visite de travail au Mali à la rencontre de la nation malienne, ne serait-ce que pour la soutenir moralement ? Ou d’inviter les acteurs maliens à Dakar comme le président Wade l’avait fait avec la Mauritanie après le coup d’État.
Certes, il y a la susceptibilité de la CEDEAO à gérer. Il faut juste faire en sorte que les partenaires de l’espace communautaire acceptent des initiatives positives complémentaires. Un nouvel agenda du Sénégal sur le Sahel et le Mali peut impulser une perspective dynamique avec des objectifs structurants :
– aider à une réévaluation du schéma politico-diplomatique de sortie de crise plus englobant que l’accord de paix et de réconciliation ;
– proposer une ingénierie politique plus adaptée afin d’aider à la stabilité institutionnelle ;
– engager une relecture audacieuse et substantielle de la doctrine de lutte anti-terroriste ;
– plaider pour un engagement plus volontariste du leadership africain dans la prise en charge des dossiers de crise ;
– promouvoir l’autonomisation de la réflexion stratégique en dotant la CEDEAO d’un véritable centre d’excellence axé sur les questions sécuritaires et menaces fondamentales.
Plus généralement, sur la question du Mali, Dakar et Abidjan doivent parler d’une même voix. Le Sénégal dispose aussi d’un point d’entrée culturel au Nigeria (grâce à Sheikh al Islam Baye Niass) qui peut aider à fluidifier cet axe indispensable. Une nouvelle posture du Sénégal plus présente peut engendrer une plus value politique et diplomatique pouvant encourager un dialogue constructif avec des acteurs non régionaux aux tendances autocratiques, qui offrent aux aventuriers de l’espace communautaire des alternatives dangereuses.
Un sursaut de dignité fondé sur le volontarisme, l’exemplarité dans la prise en charge des besoins et l’autonomisation de la réflexion stratégique, peut créer de nouveaux paramètres dans le sens du repositionnement des puissances étrangères aujourd’hui dans l’impasse.
Hussein BA
Seneweb / Le Témoin
Mauritanie : le retour par la petite porte à Nouakchott du colonel Ely Zayed Ould Mbarek
Les Nations-Unies ont finalement cédé à la pression des organisations nationales et internationales des droits de l’homme et des témoignages des rescapés de la prison mouroir de Oualata en retirant la nomination du colonel Ely Zayed Ould Mbarek à la tête de la MINUSCA à Bangui en RCA.
C’est une mauvaise nouvelle pour la Mauritanie et pour Ould Ghazouani qui avait pris la responsabilité de proposer un présumé tortionnaire de l’armée des années braise de 86 à 92 à occuper de hautes fonctions comme émissaire des Nations-Unies à la MINUSCA à Bangui en RCA. Quelques mois auront suffi aux Nations-Unies pour retirer la nomination du colonel Ely Zayed Ould Mbarek.
C’est une première bataille politique gagnée par les rescapés de Oualata et toutes les victimes négro-mauritaniennes de la vallée sous le régime du génocidaire Ould Taya et en particulier les FPC qui ont contribué à un véritable travail de mémoire et de diffusion du génocide mauritanien. C’est une victoire morale pour tous les combattants mauritaniens de la liberté qui n’ont de cesse dénoncer les exactions ou les tortures commises par les éléments de l’armée contre les dirigeants du premier mouvement de libération africaine de Mauritanie pour avoir publié le « Manifeste du négro-mauritanien ».
Pour la première fois les Nations-Unies ont cédé à la pression des victimes mauritaniennes et ouvrent ainsi la voie à l’aboutissement de plaintes internationales contre l’ancien président Ould Taya, exilé au Qatar et les nombreux tortionnaires militaires en liberté comme le boucher de Oualata le capitaine Ghaly Ould Souvy qui vient d’adresser une lettre de soutien au colonel Mbarek et d’autres hauts gradés de l’armée toujours en activité et soupçonné de génocidaire comme le chef des armées Ould Meguett.
L’émissaire des Nations-Unies rentre ainsi par la petite porte à Nouakchott et laisse derrière lui des traces indélébiles de l’horreur des camps de Oualata.
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
Crise algéro-marocaine : le Sahara occidental «n’est pas à négocier», met en garde le roi du Maroc
Le Figaro – Le discours de Mohammed VI était très attendu dans un contexte très tendu entre le royaume marocain et l’État algérien.
Le Sahara occidental, territoire disputé entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis soutenus par l’Algérie, «n’est pas à négocier», a affirmé ce samedi soir le roi du Maroc, Mohammed VI, dans un discours retransmis par la télévision nationale.
«Aujourd’hui comme par le passé, la ‘Marocanité’ du Sahara ne sera jamais à l’ordre du jour d’une quelconque tractation», a souligné le monarque marocain, dans un contexte de vives tensions avec l’Algérie à propos de cette ancienne colonie espagnole.
«En fait, si nous engageons des négociations, c’est essentiellement pour parvenir à un règlement pacifique de ce conflit régional artificiel», a souligné Mohammed VI dans un discours prononcé à l’occasion du 46e anniversaire de la «Marche Verte» vers le Sahara occidental.
En novembre 1975, une «Marche verte», à l’appel du roi Hassan II, mobilise 350.000 Marocains qui franchissent la frontière du Sahara occidental, alors colonie espagnole, au nom de «l’appartenance» du territoire au royaume. Le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé il y a une semaine «les parties» au conflit du Sahara occidental à reprendre les négociations «sans conditions préalables et de bonne foi».
Bombardement ?
Ces négociations sont à reprendre, sous l’égide du nouvel émissaire de l’ONU, l’Italo-Suédois Staffan de Mistura, «en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable» dans la perspective d’une «auto-détermination du peuple du Sahara occidental», précise l’ONU, dans une résolution qui prolonge d’un an la mission onusienne (Minurso) dans la région. Le discours du souverain marocain, très attendu, survient au moment où les relations entre les deux frères ennemis du Maghreb sont au plus bas.
En août dernier, après des mois de frictions, Alger a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, l’accusant «d’actions hostiles». Rabat a regretté une décision «complètement injustifiée».
La tension est encore montée d’un cran ces derniers jours après que l’Algérie a fait état d’un bombardement ayant causé la mort de trois camionneurs algériens au Sahara occidental, territoire disputé entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, qu’Alger a attribué à Rabat.
Le Figaro avec AFP
M. Dia Alassane, président de la Coalition Vivre Ensemble/Vérité Réconciliation (CVE/VR) : ‘’Il faut que le Président arrête de crier sur tous les toits que le pays n’est pas en crise’’
Le Calame : Votre coalition a décidé d’aller au dialogue en gestation. Qu’en attendez- vous ? Pensez-vous que les conditions sont suffisamment réunies pour un véritable dialogue politique ?
M. Dia Alassane : Nous avons décidé d’aller au dialogue parce que par principe nous ne fermons jamais la porte aux discussions. Les crises les plus graves, même celles qui dégénèrent en guerres, finissent toujours par être résolues autour d’une table. Et Dieu sait, malgré les dénégations du Président Ghazwani, que la crise, dans notre pays, est non seulement très profonde mais multiforme et qu’elle peut à tout moment nous faire sombrer dans le chaos. Si nous pouvons nous éviter cette menace en nous mettant tous autour d’une table, c’est tant mieux.
La Mauritanie n’a jamais été autant divisée que ces dernières années ; le repli communautaire et les velléités indépendantistes, aussi bien au nord qu’au sud du pays, n’ont jamais été aussi prononcés. Alors nous attendons que ce dialogue soit l’occasion de rediscuter du contrat national. Avons-nous véritablement la volonté de vivre ensemble ? Si oui, dans quelles conditions ? Répondre à ces questions est primordial par rapport à tout le reste puisque c’est la base pour asseoir une véritable unité nationale toujours chantée mais jamais réalisée. Bref, c’est d’un deuxième Aleg que nous avons besoin, qui aura l’avantage d’impliquer, cette fois-ci, l’ensemble des composantes nationales de notre peuple.
Je doute cependant que l’Etat soit dans les mêmes prédispositions vis-à-vis de ce dialogue puisque le président de la République persiste à dire que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » qu’est la Mauritanie.
Que vous a inspiré le premier tour de table organisé, il y a quelques jours par les acteurs politiques pour la mise en place d’une commission de préparation, voire de supervision ?
Je pense qu’il est effectivement très important d’impliquer l’ensemble des parties prenantes dans la préparation, la supervision du dialogue et plus tard le suivi de la mise en œuvre des décisions consensuelles qui en sortiront. Mon inquiétude réside plutôt dans le manque d’implication de l’Etat dans ce qui se prépare. On a entendu le Président Ghazwani dire dans une de ses dernières sorties qu’il se positionnait en arbitre entre les différents bords politiques qui croiseront le fer au dialogue. Or l’Etat est à la base et du génocide des années 1990 et de toutes les politiques de discrimination et d’exclusion qui ont suivi et qui minent l’unité nationale. Il doit donc être impliqué au premier chef dans la recherche de solutions aux problèmes qu’il a lui-même créés et ce sera à lui de les mettre en œuvre. Mais l’impression que l’on a jusque-là, c’est que l’exécutif ne veut pas du dialogue, il y va un peu à marche forcée.
Pensez-vous que la feuille de route élaborée par les partis politiques tient compte des problèmes qui préoccupent la CVE/VR ? Et quelles sont les propositions de solutions que préconise votre coalition ? Les engagements du président Ghazwani de mettre en œuvre les recommandations consensuelles des acteurs politiques vous rassurent-t-il ?
Pour la feuille de route qui avait été élaborée par les partis représentés à l’assemblée, non seulement elle ne nous engage pas, nous et nos partenaires de la Coordination des coalitions et partis politiques de l’opposition démocratique (CCPOD), mais elle est caduque. Nous considérons que la réunion qui s’est tenue en vue de mettre sur pied une commission de préparation est le véritable point de départ des assises qui s’annoncent et que l’ordre du jour sera discuté dans le cadre de cette préparation. La CVE/VR veillera à ce que ces préoccupations prioritaires y figurent en bonne place.
Quant au Président, il faut déjà qu’il arrête de crier sur tous les toits que le pays n’est pas en crise et qu’il n’a pas par conséquent besoin de dialogue. Le gouvernent devra, comme je l’avais dit plus haut, être partie prenante du dialogue et l’engagement du Chef de l’Etat à mettre en œuvre les recommandations consensuelles qui en seront issues devra prendre une forme beaucoup plus solennelle.
Depuis son arrivée au pouvoir, le président Ghazwani prône la création d’une école républicaine. Quel contenu attendez-vous de ce projet ? Les concertations engagées récemment par le ministère de l’Éducation nationale, de la Réforme et de la formation professionnelle ont-elles constitué, selon vous, un important point de départ pour ce projet ?
Une école républicaine suppose une école qui tienne compte de la diversité nationale mais surtout qui instaure l’équité pour tous les enfants du pays à travers le recours à l’ensemble de nos langues nationales comme médium d’enseignement. Le timing des journées de concertation autour de la réforme du système éducatif et les débats que cela a provoqués ne semblent pas indiquer que l’on en prenne véritablement le chemin. Il aurait été plus logique d’attendre les conclusions du dialogue annoncé en ce qui concerne le statut des langues et le type de citoyen nouveau que nous voulons pour notre pays pour réunir la famille scolaire qui ne doit se préoccuper que de l’aspect technique et de la mise en œuvre de la réforme dans le respect de l’orientation globale imprimée par les politiques.
Quelle place pourrait occuper l’officialisation puis l’enseignement des langues nationales dans ce dispositif de réforme ? Que vous inspire ce débat sur la transcription des langues nationales Pulaar, Soninké, Wolof en caractère arabe ?
L’officialisation des langues nationales pulaar, soninké et wolof relève d’une exigence de justice, d’équité et de reconnaissance vis-à-vis de l’ensemble de nos composantes nationales. Cela va créer une administration de proximité, en rupture avec celle de type colonial qui sévit dans la vallée, et aidera à une meilleure inclusion des locuteurs de ces langues de la part des pouvoirs publics, des locuteurs revigorés qui s’impliqueront davantage dans les politiques de développement. Cette officialisation permettra une plus grande visibilité à notre belle diversité en offrant un égal accès aux médias à toutes nos langues et cultures. C’est encore cette officialisation qui permettra de corriger l’inégalité structurelle de notre système éducatif en généralisant l’enseignement des et en langues nationales pour que nous en finissions avec les écoles d’élites et les concours de recrutement où ne sont généralement admis que les éléments de la composante arabe qui ne sont ni plus ni moins intelligents que les autres mais qui ont le privilège d’étudier dans leur langue. Bref, l’unité nationale, la quiétude et la cohésion sociale qui n’ont pas de prix passent nécessairement par l’officialisation de toutes nos langues nationales.
Pour ce qui est de la transcription des langues nationales, il n’y a pas plus méprisant pour une communauté linguistique que de vouloir lui imposer un alphabet. La transcription des langues négro-africaines n’est pas un sujet de discussion, surtout pas pour de petits chauvins haineux aux idéologies panarabistes importées du Moyen Orient.
La HAPA a relevé le non-respect de la diversité par les médias publics et privés voire même dans l’administration. Elle a invité ces institutions à se conformer à la Constitution. Que vous inspire cette réaction du nouveau président du gendarme des médias ?
C’est tout à l’honneur de la Hapa et surtout de son nouveau président parce que cette situation n’est pas nouvelle et le supposé gendarme de l’audiovisuel ne l’avait jamais dénoncée auparavant. Cela dit, tout reste à faire dans le sens du rééquilibrage de nos différentes langues et cultures dans nos médias publics et privés. Comment peut-on comprendre que des antennes locales de Radio Mauritanie comme celles de Kaédi, Maghama ou encore Sélibaby émettent entre 60% et 80% de leur programme en arabe ; Cela ressemble à s’y méprendre au modèle centralisateur et assimilationniste du jacobinisme par lequel la France coloniale nous avait imposé sa langue. L’officialisation de toutes nos langues nationales serait une panacée pour corriger de tels déséquilibres
Quelques années après l’assassinat de Lamine Mangane, membre de TPMN, une structure que vous présidez par ailleurs, où en est l’enquête ?
L’enquête en est toujours au point zéro. Bala Mangane, le père du jeune garçon, avait déposé plainte, dès le lendemain de l’affaire, par l’intermédiaire de son avocate Me Fatimata Mbaye. Mais selon celle-ci, il n’y a jamais le moindre début de l’exécution d’une quelconque instruction. Interpellée sur l’affaire à l’Examen Périodique Universel (EPU) de Novembre 2015, la Mauritanie avait répondu qu’une enquête avait été diligentée et qu’elle avait conclu à un non-lieu, ce qui est évidemment faux. La famille et TPMN courent toujours pour que justice soit rendue à ce jeune martyr de la citoyenneté pour tous.
TPMN a été un fer de lance dans la dénonciation du recensement biométrique des populations. Quelle appréciation vous en faites quelques dizaines d’années après ?
Le temps nous a donné raison. L’Etat, à travers les commissions mises en place dans les régions dans les départements et communes de la vallée du fleuve, reconnait implicitement le tort fait à ces populations, Mais dix ans après, il faut avouer que l’exclusion de l’état-civil continue de plus belle pour bon nombre de Noirs de Mauritanie. De fait, le combat de TPMN reste plus que jamais d’actualité jusqu’à ce que chaque Mauritanienne et chaque Mauritanien puissent obtenir ses papiers d’état-civil sans entraves dues à son appartenance ethnique et/ou statut social.
Quelle évaluation faites-vous des deux ans du président Ghazwani ?
Ce sont deux années perdues durant lesquelles le Président a bénéficié non seulement d’un état de grâce de la part de l’opposition mais également d’un immense espoir de changement de la part des populations. Mais il ne les a pas malheureusement mises à profit pour travailler mais à nous distraire avec l’affaire Aziz. Pour ne rien arranger la pandémie du covid 19 est arrivée avec la gestion opaque, calamiteuse et clientélistes des immenses fonds dédiés à la lutte contre la maladie. Puis il y a les concours, les nominations et les mouvements au sein des administrations des forces armées et de sécurité qui renforcent chaque jour que Dieu fait l’exclusion sur la base de l’appartenance ethnique et raciale. L’inflation continue de frapper de plein fouet le pouvoir d’achat de nos compatriotes qui sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir assurer leur pitance quotidienne. On me rétorquera que le climat politique est apaisé avec l’opposition mais cela n’a malheureusement aucune incidence sur le panier de la ménagère.
Quels rapports entretiennent aujourd’hui les deux CVE ? Sont-elles parvenues à concocter une contribution commune pour le dialogue politique en vue ?
Nous entretenons des rapports de cordiale fraternité et nous essayons autant faire se peut d’accorder nos violons pour l’essentiel. Nous travaillons ensemble mais également avec nos autres partenaires de la CCPOD à l’élaboration d’une plateforme commune de l’opposition.
Propos recueillis par Dalay Lam