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Pourquoi nous étions des Flamistes sans le savoir ? par Ba Mamadou Kalidou Président de l’IMEJ
A l’occasion de l’anniversaire des 27 ans des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), il me plait de féliciter les militantes et les militants de cette organisation politique. C’est surtout l’occasion pour moi de rendre un hommage appuyé à ces femmes et ces hommes qui, un jour de Mars 1983, ont osé prendre leur responsabilité devant l’Histoire et leur patrie en s’efforçant de barrer la route à l’injustice sous toute ses facettes. En écrivant le manifeste du négro-mauritanien opprimé, peut être sans le savoir, les FLAM venaient de se positionner comme les pionniers, l’Avant-garde, le rempart contre toutes les injustices en générale, et l’injustice raciale en particulier ! Dans ce document historique, contrairement à ce que bien des hommes de mauvaise foi en ont dit, n’a jamais appelé à chasser de la Mauritanie sa composante arabe. Dans une approche, on ne peut plus scientifique, et après avoir démontré que la Mauritanie s’orientait vers une politique raciste qui excluait sa composante noire, il réclamait juste un débat franc et honnête pour juguler un fléau naissant.
La réaction de l’autorité fut à la fois brutale, injustifiée et disproportionnée : ces « bouches des malheurs qui n’ont point de bouches » furent arrêtées et envoyées au bagne de walata après une mascarade de procès. En cette année 1986 où je n’avais que 12 ans, mon sort comme celui de milliers de jeune négro-mauritaniens fut scellé à celui de cette organisation politique dont j’ignorais encore tout, car c’est quelques années plus tard que la maturité de l’âge, je finis par comprendre ce que c’était que ce sigle. La répression du régime raciste de Ould Taya faisait que ce sigle sonnait aux oreilles de tout Noir de Mauritanie comme « une accusation de crime ». A cette époque, Flam signifiait danger terrible !
Plus tard, à l’occasion des grèves, au Lycée et à l’Université, tous les meneurs Négro-mauritaniens, étaient systématiquement qualifiés de Flamistes ! De même, toujours à l’Université de Nouakchott où je me suis inscrit après le Bac, dans les débats politiques qui nous opposaient (mes camarades du Mouvement jeune de l’AMN) à des étudiants d’autres obédiences (MND, Nasseristes, Bathistes), à chaque fois que nous osions affirmer certaines vérités irréfutables (l’injustice contre les étudiants bilingues, la marginalisation des Noirs dans l’administration, le passif humanitaire, les déportés au sénégal et au Mali) mais gênantes, nous étions traités de racistes. Aussi, vers la fin, nous n’avions l’impression d’avoir été conséquent et courageux dans les débats que lorsque nos adversaires nous traitaient de Flamistes ! J’avais alors entre 20 et 24 ans. Les Flam signifiaient pour moi, comme pour la plus part de mes proches camarades la capacité à défendre ses convictions à travers un argumentaire rigoureux, mais surtout le courage d’assumer ses opinions ! Ainsi, sans le savoir, nos adversaires politiques, comme l’appareil répressif de Ould Taya, en nous traitant à tord et à travers de Flamistes, avaient finis par exciter notre curiosité à l’endroit de cette organisation toute à la fois aussi présente dans les esprits qu’elle était absente physiquement. Aussi nous lisions avec un grand intérêt les numéros du Flambeau (journal des Flam) qui alors entraient clandestinement dans le pays. Et c’est là que nous compriment pourquoi nous étions des Flamistes sans le savoir : le discours que nous lisions dans le flambeau correspondait exactement à ce que nous ressentions. Le génocide contre les Négro-mauritaniens en 1989 (civiles et militaires), les expropriations des terres de la vallée, le siège des régions du sud par l’armée qui se compote comme une armée coloniales, la répression contre les étudiants que nous étions à l’occasion des grèves, la vie de misère que menaient les déportés dans les camps de réfugiers au Sénégal et au Mali, toutes ces questions étaient très clairement analysées et dénoncés sans hypocrisie !
Nous comprîmes qu’être flamiste, c’était aussi être direct, franc et objectif !
Aujourd’hui où j’ai la possibilité d’apprécier l’histoire politique de la Mauritanie avec plus de plénitude, je puis ajouter ceci : être Flamiste c’est aussi la capacité lucide de sacrifice total de sa vie pour l’idéal d’une Mauritanie égalitaire et juste. C’est certainement l’occasion pour moi de rendre un hommage vibrant à tous ces hommes et ces femmes qui ont sacrifié leur bonheur et celui de leur famille, au péril de leurs vies pour qu’un jour- hélas que certains ne verrons déjà plus – les Mauritaniens noirs et blancs, peuls, soninkés, wolofs, bizanes ou Haratines, puissent cohabiter justement égalitairement et fraternellement ! A tous disais-je, vivants ou Martyrs, je voudrais exprimer, à mon nom propre comme à celui du Mouvement que je préside (IMEJ), l’expression de ma profonde gratitude !
La lutte continue!
14 Mars 2010
Ba Mamadou Kalidou Président de l’Initiative Mauritanienne pour l’Egalité et la Justice (IMEJ)
Les FLAM, un nationalisme de progrès et d’ouverture
Les 14-15-et 16 Mars 1983 naissaient les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) à Nouakchott . Cette naissance fut importante et historique à plus d’un titre : 1- Elle constituait un bond qualitatif au niveau organisationnel, en ce que les FLAM offraient pour la première fois un cadre unitaire de lutte contre le racisme d’Etat.
2- Elle était le couronnement d’une prise de conscience de la nature structurelle de l’oppression raciale, et de l’intelligence des mécanismes à travers lesquels celle-ci se manifeste et se met à l’oeuvre.
Il fallait non plus réagir en ordre dispersé et de manière sporadique, mais opposer une résistance de tous les instants à une oppression de tous les instants.
A oppression totale, lutte totale.
Beaucoup d’eau a coulé sous le pont depuis cette date mémorable.
Les arrestations, le bagnes, les meurtres, l’exil et j’en passe. Années de braises dit-on pudiquement.
Et pourtant ! Les FLAM concluaient leur manifeste fondateur par un appel au dialogue, qui, s’il avait été entendu aurait sans aucun doute épargné à notre pays le terrible cauchemar qu’il vit à l’heure actuelle ainsi que l’hypothèque qui pèse sur son existence. Nous aurions fait l’économie des années de braises et désamorcé la bombe sur laquelle nous sommes assis, les yeux fermés et les oreilles bouchées, faisant comme si…
Mais enfin ! L’histoire ne se fait pas à rebours, me rétorquerait-on, à juste titre. Des esprits souvent malintentionnés, parfois mal informés ou simplement calculateurs se plaisent à renvoyer dos à dos ,les Nationalistes chauvins arabes et les Négro-africains. Imposture théorique assurément mais attitude bien commode quant on veut son carton d’invitation au festin des bien-pensants ! Le nationalisme arabe et le nationalisme africain ne sont pas antinomiques par essence mais par nature.
Le national chauvinisme baathiste et nassérien version locale est raciste, purificateur et exclusiviste.
Les FLAM pour leur part se situent dans la perspective d’une Mauritanie qui assumerait et vivrait sereinement ses identités multiples, sous ce rapport le nationalisme dont les FLAM s’inspirent, est un nationalisme de progrès et d’ouverture.
Nous nous situons à mille lieux du national chauvinisme dont le but affiché et partiellement atteint est de jeter une partie de la communauté nationale de l’autre côté du fleuve.
Notre choix stratégique c’est celui d’une Mauritanie négro-africaine et arabe, arabe et négro-africaine.Nous ne croyons pas à l’opposition irréductible entre les exigences légitimes en termes d’identités des différentes composantes de notre pays.
Les exigences de justice et d’égalité de la communauté négro-africaine, sont des revendications justes qui méritent d’être soutenues avec plus de vigueur et surtout plus de constance par ceux de nos compatriotes arabes qui croient encore à la possibilité d’un projet collectif.
La lutte continue.
Abdoulaye Thiongane
FLAM-EUROPE DU NORD
SPÉCIAL ANNIVERSAIRE DES FLAM par Kaaw Touré
FLAM: LE FLAMBEAU TOUJOURS PLUS HAUT
Par Kaaw Touré- Porte-parole des Forces de Libération Africaines de Mauritanie
Mars 1983 – mars 2010 : Les FLAM ont 27 ans !
27 ans de lutte opiniâtre pour l’égalité et la justice .
27 ans de résistance à la campagne de répression la plus longue, la plus féroce et la plus haineuse de l’histoire politique de la Mauritanie.
C’est le lieu et le moment de rendre un vibrant hommage aux pionniers, aux précurseurs, aux militants de la première heure, mais aussi aux milliers de militants anonymes, qui, de Djeol à Jacksonville, de Kalinioro à Stockholm, de Gourel Falli à Paris continuent de porter, sans relâche, le flambeau de la lutte de libération nationale .
Nous avons été sur le terrain au moment où d´autres rasaient les murs. Nous avons pris la parole avant qu´elle ne soit libérée. Nous avons réclamé la démocratie au moment où certains croyaient que c´était une utopie. Nous avons affronté le régime sur place au moment où d´autres gardaient les meubles et sauvaient leurs carrières. Nous avons soulevé les grandes questions au moment où certains se focalisaient sur des questions périphériques. Nous avons sauvé des vies humaines dans les prisons, nous avons laissé nos vies dans les geôles. Nous avons porté haut la voix des opprimés à l´extérieur au moment où elle était inaudible à l´intérieur. Nous avons rendu célèbres des anonymes et illustres inconnus, nous avons conscientisé des esprits endormis. Nous avons été la mauvaise conscience des tenants du Système. Aujourd´hui aucun individu, aucune force politique ne saurait poser correctement la question nationale, sans emprunter ou retomber dans le discours des FLAM. C´est normal du reste car les FLAM constituent la première conscience politique organisée des Négro-africains de Mauritanie; le discours développé sur la discrimination raciale, la déchirure entre les communautés, l´identité du pays, les déportés, l´esclavage et la démocratie bouchée, les voies de sortie de l’ornière, tout demeure actuel. Nous ne parlerons pas comme Fukuyama de fin de l´histoire mais de fin du discours sur cette question. Que les évènements, plus douloureux les uns que les autres, qui se sont succédés dans notre pays depuis 1986, aient cruellement confirmé nos analyses, ne saurait être pour nous l´occasion d´une quelconque délectation. L´important est ailleurs : Il est dans la reconnaissance par tous de la nature raciste de la politique conduite par l´Etat mauritanien.
Les événements des derniers jours ( propos racistes et fascistes du premier ministre et de la ministre de la culture) montrent , avec une éblouissante clarté , que le mythe fondateur de l’Etat raciste « mauritanien », à savoir l’illusion de l’arabité exclusive de la Mauritanie, est plus que jamais intact d’où l’urgente nécessité de poursuivre la lutte jusqu’à l’effondrement du Système, qui ne peut, à minima, reconnaître le caractère multi-ethnique et multi-culturel de notre Pays.
Les FLAM qui ont fait de l´unité nationale leur combat de toujours, leur cheval de bataille ne peuvent que condamner et s´indigner de ces propos mal à propos du premier ministre de la « rectification » qu´il faut rectifier à juste titre. L´arrestation dans la vallée de certains responsables des déportés rapatriés suite aux revendications de leurs terres de cultures et les comportements indignes des autorités policières et administratives locales, les nominations sélectives du conseil hebdomadaire des ministres, la promotion des tortionnaires prouvent encore une fois que les adeptes de la « dénégrification » et de l´exclusion ne sont pas prêts pour la réconciliation nationale.
Si tous les mauritaniens sont officiellement musulmans, ils ne sont pas tous arabes. Le droit d´exister et de vivre en tant que Mauritaniens ne peut passer avant celui d´être Soninké, Wolof, Haratine, Haal-pulaar, Arabe, Berbère, Bambara. Et tout ce qui concerne cette question doit-être constitutionnellement reconnu. La Mauritanie n´est pas un Etat arabe à moins qu’elle ne veuille être un Etat raciste. La Mauritanie est arabo-berbère et négro-africaine voilà la réalité historique, politique, géographique et sociologique du pays. Que ceux qui ont une mémoire courte sachent que La Mauritanie actuelle se situe sur les ruines du berceau impérial du Ghana et du Tekrour. Nos adeptes tropicaux de l´excroissance moyen-orientale du national socialisme nazi doivent réviser leurs doctrines et tirer des leçons sur la défaite de leur héros Saddam Hussein.
La Mauritanie de nos rêves c´est ce pays arc en ciel. La Mauritanie de nos rêves est cette cohabitation du « noir et du blanc de l´oeil » comme le disait bien le sage Deyloul. La Mauritanie de nos rêves, on ne le dira jamais assez , est un pays où le fait d´être arabe, noir, haratine, znega ne serait ipso-facto une condition rédhibitoire. C´est ce combat qui est le sens de la lutte des FLAM. C´est ce rêve qui explique la longévité des FLAM. Le chemin sera long et tortueux mais il ne fait aucun doute que les FLAM vaincront.
C´est l´occasion encore pour appeler à l´unité des opprimés, des exclus du système, des militants progressistes arabo-berbères et négro-mauritaniens pour sauver la Mauritanie du démembrement et de l´aventure des identités meurtrières. Il faut encore se surpasser pour outrepasser l´impasse.
Nous profitons de cet anniversaire pour donner la parole à l´Autre, le militant, le sympathisant, l´adversaire, le partenaire, l´observateur, le compagnon pour partager avec nous, avec vous notre petite histoire et notre aventure militante.
Joyeux anniversaire camarades !
La lutte continue.
Kaaw Touré- Porte-parole des Forces de libération africaines de Mauritanie(FLAM)
Mars 2010.
Dossiers:
Hommage aux FLAM: Des membres fondateurs à la jeunesse militante et vaillante