Kadhafi ne reposa pas au panthéon des héros arabes par Cheikh Tidiane DIA
Face à la mort, la vie devient encore plus éphémère, le courage se noie dans le sanglot de la peur.Les faibles se rendent comptent de la précarité de leur condition humaine et les « forts » plongent dans l’angoisse d’une épreuve inéluctable. Nul n’a les moyens de fausser le rendez-vous du voyage vers l’éternité.Quand un homme célèbre s’en va comme il était venu au pouvoir, par la violence, sa mort devient étrangement tragique que l’aventure de son règne.Tel est le destin fatal de Mouammar Kadhafi. Il aura fallu quelques minutes pour que, 42 ans de terreur se perdent dans un silence noir de sang, le corps livré en pâture au peuple. L’image est bien réelle mais elle revêt une dimension théâtrale. Elle ressemble à la fin d’une de ces tragédies du VII ème siècle, à la seule différence que les aventures étaient plus héroïques, les motifs de l’intrigue plus adaptées à la conscience du public. Il y a encore quelques jours, Kadhafi se présentait égal à lui-même, au monde entier comme l’invincible, l’immortel, le guide suprême. Lui-même le disait sans y croire car il n’en avait pas la moindre force. Mais par le mensonge du pouvoir et les fausses incarnations d’un mythe grandeur nature, il s’enveloppait dans ses habits mégalomaniaques avec un corps mourant mais masqué par les fausses apparences. Mais tant qu’il serait en vie , quelque soit le lieu où il se trouverait, Kadhafi resterait vivant dans les consciences des libyens. Il troublerait leur sommeil. La guerre ne serait pas finie. Gagnée : non. Il aurait pu mourir de sa belle mort si le dictateur ne s’était pas transformé en rat capturé dans des égouts par une foule de chats enragés. Kadhafi avait –il tant peur de la mort qu’il n’a pas eu le courage de l’affronter de façon digne. Pour un homme qui régna aussi longtemps, qui résista aux bombardements américains, qui défia l’occident et fit trembler le monde arabe mérite-t-il d’être étrenné avec une telle facilité comme un petit malfrat tombé entre les mains de ses poursuivants.
Le « Grand » Kadhafi a livré son cadavre non pas aux canons dans une farouche résistance, mais au pistolet d’un rebelle. Son corps n’a pas été emporté par le mystère d’une disparition mais exposé à la vindicte populaire, à la poussière révolutionnaire. Le mythe Kadhafi a été trahi par les circonstances peu héroïques, mieux, plus glorieuses de sa mort. Ceux qui le voyaient élevé au panthéon des résistants arabes ont vite décroché. Kadhafi avait pourtant promis de mourir en Libye, et d’une belle mort ! Il la fait mais personne ne pensait que ce serait de cette façon, à cet endroit réservé aux bêtes errantes. Fuir serait –il donc plus courageux quand on a peur de mourir en héros. Les tyrans les plus sanguinaires peuvent mourir en héros. L’histoire a donné des exemples de ces hommes. Pourquoi avoir « choisi » cette capture aussi honteuse plutôt que de s’embourber dans les bombardements de l’OTAN comme l’ont fait beaucoup de ses hommes qui croyaient en sa bravoure. Triste sort que celui d’un homme qui régna d’une main de fer et qui se fondit en larmes à sa mort. Le destin est donc le seul maitre quelque soit la volonté des tyrans. Le peuple libyen, arabe, et le monde entier est resté interloqué par la fin tragique d’un Kadhafi venu au pouvoir par une révolution et sorti par la petite porte. L’image d’un cadavre des plus ordinaires pitoyablement maltraité : c’est la fin d’un combat simulé qui a révélé le vrai visage du despote Kadhafi…
Cheikh Tidiane Dia – Directeur de publication du RÉNOVATEUR