Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Pouvoir – Opposition : Quand le dialogue débouche sur le partage du pouvoir

altLes résultats du dialogue politique, tel que connus actuellement, sont à la hauteur des espérances, si on les juge en fonction des préjugés qui donnaient ce dialogue pour mal parti. Certes, ce qui a été convenu entre la Majorité et l’Opposition est loin de l’Idéal, à l’aune de ce que veulent les vrais démocrates et de ce que réclame l’opposition qui n’a pas pris part au dialogue, mais on espère bien que ce qui a été convenu puisse servir de base à d’autres avancées vers une gestion plus rigoureuse des affaires de l’Etat. A moins qu’il ne s’agisse, comme cela se chuchote déjà au sein des officines politiques, d’un arrangement entre hommes politiques des deux bords pour une autre forme de partage du pouvoir.

Tout porte à le croire. La plupart des points de l’accord portent sur les aménagements à apporter au niveau de la chambre basse du parlement (Assemblée nationale) et de l’organisation des futures élections. Car, finalement, les autres points relatifs à la limitation des pouvoirs du président de la République – et donc à l’élargissement des prérogatives du Premier ministre – ainsi qu’à la place de l’armée continuent à se couvrir du voile de l’opacité. Certes, l’Accord fait la part belle au Premier ministre, rééquilibre les rapports entre le pouvoir Exécutif et le pouvoir Législatif, mais il ne touche pas au fond des questions qui fâchent. Le Basep (sécurité présidentielle) acquiert même une sorte de justification « existentielle » à moyen et long termes en sortant du cadre de l’armée pour entrer dans celui, reconnu de fait, de « forces spéciales).  

D’un autre point de vue, le package de « résolutions », dont l’élargissement des prérogatives du Premier ministre, qui devient de ce fait chef du gouvernement et engage sa responsabilité devant le parlement, ne comporte aucune garantie quant à leur application stricte. D’aucuns pensent même que c’est un peu le même « style » de l’accord de Dakar, rondement mené mais dont l’application des termes fût l’objet des prémices de la crise actuelle. Que le Premier ministre soit responsable devant le Parlement est une idée de génie, une avancée démocratique considérable qui soustrait le Gouvernement à la pression des cercles obscures du Pouvoir, mais qu’est-ce qui garantit, réellement, que le mécanisme de désignation et de « validation » par le président ne va pas engendrer une « fronde » de la même nature que celle qui a emporté le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ? Cela peut ne pas arriver avec un Ould Abdel Aziz (qui a réussi à « sauver » le Basep des réformes du dialogue), réputé homme de poigne auquel la Majorité obéit au doigt et à l’œil, mais, sur le long terme, le régime semi-présidentiel qu’on propose aux mauritaniens peut être l’origine d’une instabilité et d’un désordre pires que les blocages dus à une incompatibilité d’humeur entre toute majorité et son opposition.

Un accord qui alourdit les charges

Avec 95 députés, les mauritaniens avaient bien l’impression – déjà – de supporter les lourdes charges d’une Assemblée dont le rendement reste sujet à caution. L’écrasante majorité des élus de la chambre basse du Parlement étant rangé du côté du pouvoir, on a souvent assisté à une sorte de confirmation de la volonté de l’Exécutif, même si, dans certains cas, l’accord en question va dans le sens de l’intérêt des populations. L’élargissement du spectre de la représentativité parlementaire doit répondre à une exigence de rapport adéquat entre le rendement (du parlement) et les ressources du pays. Porter la représentativité de certains départements de 1 député à 2 ou 3 députés, voire 4, c’est doubler les charges de l’Assemblée sans être sûr que la mesure se traduira, dans les faits, par une efficacité dans la défense des intérêts des citoyens. La seule décision dont l’intérêt peut ne pas être remis en cause, c’est celle de créer une liste spécifique aux femmes pour que le quota qui est consacré à la gent féminine trouve une réelle application sur le terrain de la politique.

 

Sneiba Mohamed

 

Voici les principaux points de l’accord auquel la majorité et l’opposition participant au dialogue sont parvenus :

 – Le préambule de l’Accord comporte la reconnaissance de la diversité culturelle, le droit à la différence et le refus de l’esclavage.

Le Premier ministre devient chef du Gouvernement qui est responsable devant le Parlement. A ce dernier le droit de lui accorder ou de lui refuser sa confiance ;

– Le Premier ministre nomme aux hautes fonctions civiles et militaires après accord du président de la République ;

– Les 9 membres du Conseil constitutionnel sont nommés, à égalité, par le président de la République et les deux présidents de l’Assemblée et du Sénat ;

L’avis de la HAPA est requis pour la désignation par le gouvernement des directeurs des médias publics ;

– L’Institution de l’Opposition reste sans changement ;

 – Mise en place d’un instrument adéquat qui permet à l’opposition d’accéder aux informations à caractère financier, économique ou social ;

– création d’une agence générale permanente chargée de l’organisation des élections du début à la fin. Cette agence comporte deux chambres, l’une technique et l’autre juridique ;

– Le maire d’une commune sera obligatoirement la tête de la liste ayant obtenu la majorité des suffrages ;

– Le quota réservé aux femmes reste tel quel ;

Les élections législatives :

Relèvement de la liste nationale à 20 sièges ;

Création d’une liste nationale spécifique aux femmes de 20 sièges ;

Relèvement de la liste de Nouakchott à 20 sièges ;

Relèvement du nombre des élus de l’Assemblée nationale de 95 députés à 150 selon le découpage suivant :

Moins de 31.000 habitants = 1 député ;

De 31.000 habitants à 90.000 habitants = 2 députés ;

De 90.000 habitants à 120.000 habitants : 3 députés ;

Plus de 120.000 habitants = 4 députés ;

Interdiction des candidatures indépendantes ;

Interdiction du nomadisme politique : Le député perd de facto son siège quand il quitte son parti ; il est remplacé par son suppléant ;

La possibilité pour le député de revenir à son siège s’il est nommé au gouvernement ou à un poste avec rang de ministre ;

La session parlementaire est ouverte toute l’année à l’exception de 3 mois de vacances ;

Chaque député ou sénateur a droit à un assistance titulaire d’un bac + 3 et membre de son parti ;

 Retrait du récépissé d’un parti ayant pas obtenu moins de 1% aux élections municipales et législatives ;

Participation de l’Etat au financement des campagnes électorales des partis politiques ;

L’Etat rembourse à tout candidat à l’élection présidentielle les frais de sa campagne s’il obtient 5% ou plus des suffrages ;

Criminalisation de la corruption électorale et le recours au financement extérieur par les partis ou les candidats ;

Place de l’armée et alternance politique sur le pouvoir

La Constitution doit criminaliser les changements anticonstitutionnels, leurs exécuteurs ainsi que les personnalités et partis politiques qui les soutiennent ;

Adoption d’une loi organique interdisant aux militaires et responsables des services de sécurité de mener une activité à caractère politique ;

Interdiction à l’armée d’assurer la sécurité des autorités ou des services publics. Cette mission doit revenir aux services chargés de la sécurité intérieure (police, garde, gendarmerie) ou à un corps spécial constitué à cet effet (Garde présidentielle) ;

Les deux parties ont convenu de mener une campagne de sensibilisation, au niveau de Nouakchott et des capitales régionales, durant les mois d’octobre et de novembre 2011, pour expliquer les points d’accord du dialogue. Parallèlement à cela, il faut commencer la préparation des amendements constitutionnels proposés et l’élaboration des projets de loi issus du dialogue. Durant la même période, le comité exécutif de l’Agence indépendante des élections doit être constitué. De même, la date des élections doit être fixée.

Enfin, un comité de suivi de l’application de l’accord, présidé par les deux chefs des négociateurs (le ministre d’Etat Ahmed Ould Bahiya et Boidiel Ould Houmeid) et comprenant 4 représentants de chaque pool, doit être mis en place.

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