Recensement: Déclaration des personnalités de la societé civile
Le 16 décembre 2010, les organisations de la société civile, pressentant déjà les événements qui ont eu lieu en septembre 2011 dans les villes de Kaédi, Maghama et Nouakchott, avaient demandé aux autorités publiques compétentes de prendre les mesures adéquates en vue d’obvier aux dangers des malentendus possibles concernant l’enrôlement national actuellement en cours. Le 23 juin 2011, nos organisations ont, au cours d’une audience qui leur a été accordée par M. le Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, souhaité la prise de mesures de nature à apaiser les esprits et à rassurer certains pans de la société et certaines régions qui se sentent menacées par l’exclusion à l’occasion de l’opération de cet enrôlement.
Mais à notre grande surprise, aucune mesure n’a été prise pour dissiper les soupçons de nos compatriotes négro-mauritaniens dont de nombreux groupes n’ont pas encore récupéré leurs pièces d’état-civil et portent les séquelles de la déportation.
L’absence de prévention et de prise en compte du contexte national et de la pluralité de notre société dans la définition de l‘approche envisagée pour ledit enrôlement, a donné lieu à des marches pacifiques des jeunes qui ont été réprimées sauvagement par les forces de l’ordre et provoqué la mort d’un jeune à la fleur de l’âge, Lamine Mangane, et des blessures à des dizaines d’autres.
Ces marches pacifiques, infiltrées par des groupes marginaux, ont été l’occasion pour les forces animées d’une intention malsaine envers notre pays, de propager les rumeurs les plus folles faisant état d’un soi-disant complot racial ourdi par les Noirs contre leurs compatriotes Maures avec le soutien d’Israël et d’autres forces occultes. Croyant naïvement que notre peuple peut encore être influencé par ses fariboles qui ont déjà fait tant de victimes en 1989. 1990 et 1991, ces milieux bien connus pour leur racisme, ont essayé de profiter du mouvement des jeunes pour semer la haine, diviser notre peuple et l’amener à s’entredéchirer.
Mais notre peuple a fait appel à ses réserves inépuisables de sagesse et compris les vrais enjeux de cette crise. Aucun Mauritanien n’ignore l’importance de la sécurité et de la fiabilité des pièces d’état-civil, surtout dans un pays comme le nôtre entouré de foyers de tension et ayant des racines ethniques communes avec tout son contexte sous-régional. Aucun Mauritanien ne s’oppose à ce que les précautions les plus sûres soient assurées pour lui préserver la source de ses droits et de sa fierté, c’est-à-dire sa nationalité. Mais ce que les jeunes manifestants ont exprimé aurait pu être compris facilement pour que tant de peine soit évité. Ces jeunes, comme d’ailleurs tous les autres Mauritaniens, ont besoin d’explication sur les objectifs, les méthodes, la durée et les ressources de cet enrôlement, comme ce qui a été fait à l’occasion de tous les recensements qui ont eu lieu en Mauritanie en 1961, 1976, 1988 et 1998.
Malheureusement, notre administration tant centrale que territoriale n’a pris aucunement acte du fait indéniable que l’ère de la terreur et des démarches unilatérales a laissé place à celle de la démocratie, du dialogue et de la communication. Pour qu’une telle réalité soit saisie, il faut que les responsables des répressions soient connus et sanctionnés. Sans cela, l’impunité conduira aux mêmes actes comme elle l’a fait en ce qui concerne les événements de 1989 à 1991.
Les personnalités indépendantes et les organisations de la société civile soussignées :
1° Condamnent systématiquement toute manifestation de violence quels qu’en soient l’auteur, le mobile ou la forme.
2° Dénoncent les milieux racistes qui tentent aujourd’hui de conduire le régime en place à commettre les mêmes erreurs qu’en 1989 pour répondre à des motivations idéologiques macabres.
3° Condamnent les actions enregistrées lors desdits événements et commises contre des bien privés et des personnes innocentes. L’accent doit être mis sur le danger de tels agissements qui peuvent dénaturer les actions légitimes et provoquer des conflits interethniques dangereux.
4° Recommandent au Gouvernement de mener une campagne systématique pour expliquer aux populations dans tout le pays les objectifs, les méthodes et le calendrier du recensement en cours.
5° Demandent au Gouvernement de réviser la composition des structures de recensement pour permettre à tous les Mauritaniens de se rassurer sur leurs droits à la nationalité.
6° Exigent des autorités politiques au plus haut niveau d’ordonner une enquête pour connaître les coupables du meurtre du jeune Lamine Mangane et des blessures causées aux autres manifestants.
7°Appellent le peuple mauritanien dans toute sa riche diversité à resserrer les rangs pour se prémunir contre la propagande raciste et les tentatives de division de tout bord, visant à enterrer encore une fois de plus les mauvais souvenirs des années 1989.
8° Engagent les organisations de la société civiles, les partis politiques et les personnalités traditionnelles et religieuses à mener une action énergique en vue de renforcer encore davantage les liens de fraternité unissant les composantes de notre peuple.
Nouakchott, le 07 Octobre 2011-
Les signataires
– Mamadou Moctar Sarr (FONADH),
– Aminetou Mint Ely (AFCF),
– Fatimata M’Baye (AMDH),
– Cheikh Sidiya Tandia (AMPLCS),
– Amadou oumar Dia (ARPRIM),
– Lalla Aicha Sy (CSVVDHM),
– Maroufa Diabira (GERRDES),
– Moussa Diallo (Section Mauritanie),
– Mine Ould Abdoullah (LMDH),
– Souleymane Lo (REVE),
– Houleye Sall (Collectif des Veuves),
– Abdoulaye Diop (CO RE MI)
– Boubacar Messaoud (SOS – Esclaves),
– Aïchetou Camara (SOS-Exclus)
– Isselmou Ould abdel Kader (Administrateur Civil),
– Sidi’Ahmed Ould Habott (RADDHO- Mauritanie),
– Brahim Ould Ebety (GERDDES),
– N’Diawar Kane (GERDDES)
– Yeslem Weddad (AMSSD),
– Seyde Mint Yengé (ASPROM),
– Amadou Seïdy Djigo,
– Maître Moctar Diallo,
– Baba Ould Cheikh (ONET),
– Tahra Mint Hembara (MAMIYA -ARTISTE),
– Aminetou Mint Laweissy (EL HANANE),
– Demba Malal Sy (LADH) Section Mauritanie,
– Ahmed Salem (ONET),
– Salimata Lam (CSVVDH/SOS-ESCLAVES),
– Brahim Sylla (AMPLCS),
– Khadijetou Mint Mohamdy (AFCF),
– Salimata Sy (AFCF),
– Amadou M’Bow (AMDH),
– Maimouna Alpha Sy (Collectif des Veuves)
– Mouna Mint Ahmed (PDFE),
– Brahim Ould Mohamed Lemine (SENA BOU EL KHAIR),
– Sidy El KHair (AAD),
– Fatimata Ba (AFP),
– Hawa Sidié (PFT),
– Abdoul Karim Ciré (PDH),
– Marième Mint Yahya,
– Bedy ould Bedy,
– Moina Mint Bah,
– Abou Gueladio,
– Zein Ould Abdallahi,
– Aichettou mint Amar,
– Bouknane Jiyed,
– Khalil Ould Ahmed,
– Aicha Mint Amar,
– Méga Mint Moulaye,
– Mohamed Ould Fadel,
– Zeidane Ould Mohamed,
– Toutou Mint Ahmed,
– Brahim Vall SY,
– Zeina mint Malik,
– Mekloufa Mint Sidi,
– Savia Mint Mohamed,
– Aminetou Mint Sidi Mohamed.