Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Taisez-vous, vous n´avez aucune leçon de patriotisme ou de civisme à donner !

altDepuis quelques jours, la presse écrite, électronique et audio – visuelle ne cesse de transmettre des messages, avis et commentaires, relatifs aux manifestations des jeunes Négro-Africains, qui protestent contre l’enrôlement, organisé depuis mai 2011 par les nouvelles autorités mauritaniennes. Le plus souvent, les auteurs se présentent en donneurs de leçons de civisme et / ou de patriotisme. Presque personne ne se pose la question de la cause profonde. Pourquoi ces jeunes gens, au risque de leur vie –on compte déjà des morts -, s’en prennent – ils à cette opération ? Tous ces donneurs de leçons sont – ils frappés d’amnésie ou bien ont – ils décidé d’enterrer définitivement les évènements de 1989, avec tous les drames qui continuent de persécuter les familles de milliers de Négro-Africains, en Mauritanie même et à travers le monde ?

Si l’opération vise à fournir au pays un état civil fiable et donc à extirper des registres les noms de tous ceux qui ont « frauduleusement acquis la nationalité mauritanienne » (citation d’un ministre d’Ould Taya en 1989), on comprend aisément la crainte des milliers de Négro – Africains, brutalement expulsés de leur pays en 1989, sous le fallacieux prétexte de « nationalité frauduleusement acquise ». Or donc, « chat échaudé craint l’eau froide ». Pourquoi ces personnes, leurs enfants et petits enfants feraient-ils confiance à un Etat, qui tout en faisant semblant de reconnaitre la faute, n’en continue pas moins de sévir.

On a écrit ici et là qu’il ne faut pas réveiller le démon de 1989. La vraie question est : est-il endormi ? Je soutiens que non ! En effet, si les « Journées Nationales de Concertation et de Mobilisation pour le Retour des Réfugiés et le Règlement du Passif Humanitaire » de novembre 2007 avaient suscité de l’espoir et un certain enthousiasme, force est de noter qu’elles n’ont pas été l’occasion d’une véritable catharsis, qui aurait permis une meilleure compréhension des véritables causes de ces douloureux évènements.

Qui, en effet, peut dire pourquoi des citoyens ont été déportés ? Qui en est le donneur d’ordre ? En outre, si l’opération de rapatriement des réfugiés s’est poursuivie, avec des interruptions, depuis 2008, personne n’ignore que nulle part un rapatrié n’a récupéré un champ de culture, ni même une maison en ruine…

D’ailleurs, le fait même qu’une structure aussi importante que la « Commission Nationale d’Orientation et de concertation » créée en même temps que les commissions d’identification (locales, départementales, régionales et nationale) –véritables tamis-, n’ait jamais fonctionné, depuis 2008est assez éloquent pour montrer l’état d’esprit des représentants de l’Autorité…

Depuis bientôt 22 ans, aucun des auteurs des crimes de faciès et des déportations n’a exprimé ne serait-ce qu’un regret. Hormis le discours du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, du 29 juin 2007 et la prière à Kaédi, le 25 mars 2009, de l’actuel Président, M. Mohamed Ould Abdel Aziz, aucune voix de repentance n’est audible.

Or, les auteurs de ces crimes sont connus et circulent librement à côté de leurs victimes encore vivantes et des ayants droit de celles qui ne sont plus de ce monde. Cela ne permet pas à tous ceux qui prétendaient ignorer l’ampleur des violations des droits humains des années dites de braise, de se débarrasser de leurs préjugés. Il n’est pas rare d’entendre dire des rapatriés, que ce sont des Sénégalais, y compris par des représentants de l’Autorité.

En fait, aux yeux de beaucoup de compatriotes arabes, tous les Négro – Africains seraient des Sénégalais. Il est banal d’affirmer que tous les originaires de la vallée du fleuve (des deux rives) sont effectivement un même peuple : chaque famille d’une rive a effectivement une parentèle sur l’autre rive. Est-ce leur faute si le colonialisme a décidé de les séparer ?

Le Waalo, le Fuuta Tooro et le Guidimakha / Gadiaga, ont constitué des états souverains bien avant que ne se constituent les colonies françaises érigées en Etas indépendants aujourd’hui. Ces préjugés sont renforcés par une propagande exclusiviste véhiculée jusqu’au sein de la jeunesse, qu’une « école à deux vitesses » a contribué à entretenir.

C’est pourquoi depuis au moins trois décennies, le Négro-Africain est « translucide » -selon l’expression d’un chercheur mauritanien- au sein d’une communauté nationale, qui se « hassanise » de plus en plus : ne pas parler hassania, s’habiller autrement qu’en boubou à la manière maure, etc. constituent des signes extérieurs de non appartenance nationale…L’affirmation de la multi ethnicité de la Mauritanie dans des discours officiels n’annihile en rien cet état de fait.

Ce sont toutes ces brimades réprimées, toutes ces frustrations bues et cette marginalisation sans retenue, entre autres, qui expliquent la colère des jeunes Négro-Africains. C’est dire que la Mauritanie ne peut pas faire l’économie d’un débat national, franc et sérieux, sur la coexistence nationale. En attendant, que ceux qui se sont tus pendant les années de braise, par opportunisme ou par peur se taisent! Ils n’ont aucune leçon de patriotisme ou de civisme à donner !

Balla Thierno Cissé.

Partagez