Du dialogue « national » à la résistance populaire ou quand le principe de réalité rattrape les illusionnistes.
Il y a quelques jours, s’est déroulée à Nouakchott une rencontre des partis politiques de la majorité et de certains partis dits de l’opposition, des assises dénommées « dialogue national ». Il y a lieu de rappeler que le principe du dialogue national , en dépit de ce que le pouvoir veut en faire croire, s’inscrit dans sa lettre et dans son esprit dans les accords dits de Dakar qui mirent en œuvre le processus ayant abouti à la légitimation du putsch azizien.
Ces rencontres avaient pour objet, nous dit-on, d’approfondir la démocratie et de résoudre, de manière consensuelle, les graves problèmes qui se posent au pays.
Même si dans l’absolu, on ne peut rejeter le principe du dialogue pour faire évoluer la démocratie, instaurer la bonne gouvernance et s’orienter vers la résolution des graves questions qui se posent au pays ; on est cependant en droit de s’interroger légitimement sur la forme et sur le fond de ces assises.
Aussi bien dans leur forme( choix des participants, modalités d’exécution, délai etc.…) que dans leur objet et finalité (trouver des solutions largement acceptées aux questions qui empoisonnent la vie du pays et menacent sa stabilité, définition des questions majeures…) ces assises ont été conçues, organisées, mise à exécution et pilotées de manière unilatérale voire arbitraire par le pouvoir en place, sans consultation d’aucune sorte avec les protagonistes réelles et potentiels de l’autre camp.
Le dialogue « national » a exclu superbement certaines formations politiques, les organisations humanitaires et de la société civile pourtant actrices majeures et actives du politique et éléments incontournables dans tout processus démocratique digne de ce nom.
L’absence d’un processus concerté et d’une dynamique d’ inclusion réelle est , à n’en pas douter un élément qui risque d’ôter aux éventuelles conclusions de ces assises une large adhésion populaire qui leur est pourtant essentielle pour ne pas dire nécessaire au sens philosophique du terme. L’histoire nous apprend qu’en politique, Le déficit de représentativité peut équivaloir au péché originel en religion !
Autre objection majeure quant à ce « dialogue national » est l’élucidation des questions brûlantes que sont la question de l’unité nationale et celle de l’esclavage. Il est vrai qu’en Mauritanie, l’identification des questions brûlantes est en soi une question brûlante mais il est illusoire de vouloir concevoir une Mauritanie stable et en paix avec elle-même en fermant les yeux sur les constantes sources de frictions.
La question nationale et sociale constitue la contradiction principale du pays, en ce sens que de sa résolution dépend la résolution des autres problèmes de la nation. La survie, à terme, de la Mauritanie est liée intrinsèquement à la volonté et à la capacité des acteurs de lui trouver une solution fondée sur un large consensus national.
La question de l’unité nationale n’est pas un concept fumeux ou intellectualiste ! Pour les Négros- Africains menacés dans leur présence culturelle et physique sur le sol mauritanien, discriminés dans tous les rouages de l’appareil politico-administratif d’Etat et dans le processus de prise de décisions relatives à la vie du pays, la question nationale est réalité palpable, quotidienne, constamment vécue.
En témoignent les manifestations contre l’enrôlement discriminatoire observées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Mauritanie depuis quelques mois ; ces manifestations ont atteint leur paroxysme avec les violentes répressions enregistrées à Maghama, Kaëdi et Nouakchott ; Ce tournant est venu rappeler, si besoin en était, aux dialoguistes et nihilistes de tous bords, les préoccupations de la Mauritanie réelle. Ces manifestations organisées par une jeunesse noire courageuse, consciente et déterminée mais politiquement orpheline méritent notre respect et notre admiration.
Ces actes de résistance légitime s’inscrivent dans la foulée de celles initiées par nos vaillants étudiants l’année dernière. Il est heureux de voir que la jeunesse négro-mauritanienne a décidé de prendre en charge son propre destin et celui de la communauté toute entière.
Il serait cependant souhaitable, pour ne pas dire vital, que ces différentes actions courageuses se conjuguent et se rejoignent dans un vaste projet politique global et cohérent qui prenne en charge et combatte à la racine la question principale du racisme d’Etat dont le recensement discriminatoire et raciste n’en est que la dernière manifestation.
Il y a certes des organisations politiques et des personnalités de la majorité présidentielle qui se battent pour faire bouger les lignes dans le bon sens, mais les faits sont têtus. Il faudra d’avantage de clarté et de cohérence entre le discours et les actes , de plus de constance dans la lutte, de plus d’engagement et de détermination pour faire comprendre au pouvoir en place que la persistance de la discrimination et de l’exclusion des Noirs constitue le facteur principal d’une éventuelle implosion de la Mauritanie.
Sous cet angle, il ya manifestement place pour et besoin d’une organisation politique négro-africaine ouverte au dialogue mais ferme sur les principes, radicale mais non violente, autonomiste mais non sécessionniste.
Certains esprits bien intentionnés mais naïfs ont attendu, les résultats de ces rencontres avec un grain d’espoir. Hélas, Comme craint ou prévu, le dialogue national a accouché d’une souris et ses conclusions iront gésir au panthéon des résolutions et autres décisions sans effets qui se bousculent, pour ainsi dire, dans les archives de notre jeune république.
La lutte continue !
Abdoulaye Thiongane- Copenhague-Danemark. FLAM-Europe du Nord.
octobre 2011.