Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Interview du président des FLAM Samba Thiam au magazine panafricain Intégration

altIntégration: Votre Organisation, les  FLAM ont tenu au cours du mois de mai dernier un congrès à Paris. Dites-nous monsieur Samba Thiam pourquoi le sol français au lieu de la Mauritanie d’où vous êtes originaire?

 

Samba Thiam: Essentiellement à cause de notre statut particulier d’exilés politiques, combiné aux conditions internes de la Mauritanie impropres à la tenue d’une telle rencontre. Par la force des choses,  l’extérieur s’offrait  donc comme seule alternative; et notre Section de France s’étant portée volontaire pour abriter nos assises, ce privilège lui fut donc accordé, qu’elle honora, du reste, de  belle manière !

 

Intégration: Organiser un tel évènement regroupant des immigrés mauritaniens noirs arrivés aux quatre coins du monde n’a certainement pas été aisé. Peut-on savoir comment vous vous êtes organisés et combien de temps cela vous a t-il pris de vous préparer?

 

Samba Thiam:  Je précise qu’il ne s’agit pas d’immigrés, mais de militants politiques qui furent contraints à l’exil par un  régime arabo-berbère despotique, voilà 25 ans. Cela dit,  préparer un congrès n’est pas une chose compliquée, lorsqu’on a acquis une certaine  expérience comme dans notre cas.  Paris fut donc choisi, où  les  délégués de Sections convergèrent. Concernant notre distribution géographique, je dirai que nous sommes représentés en Amérique du nord ( USA, Canada ), en  Europe de l’ouest et du Nord,  en Afrique . 

 

Intégration: Comment était l’ambiance au cours des travaux de ce congrès entre des gens qui, pour la plupart, ne se connaissaient pas ou s’étaient perdu de vu dépuis de très longues années?

 

Samba Thiam:   Ambiance amicale, chaleureuse de retrouvailles tant souhaitées, naturellement, par des camarades qui s’étaient  perdu de vue depuis l’exode. La présence des ces nombreux camarades  avait quelque chose dapaisant  et de vivifiant, qui  rappelait  à chacun  qu’il n’était pas seul, en première ligne,  dans ce noble combat, et qu’il pouvait compter sur des alliés sûrs! Bref chacun se sentait regonflé à bloc !

 

Intégration: Des hommes politiques français sont-ils venus assister à votre congrès? Et c’est aussi l’occasion de vous demander les rapports de votre Organisation avec le gouvernement français actuel.

 

Samba Thiam:   Non , personne n’avait été invité, bien que nous comptons de grands  amis parmi les partis politiques français; mais là, nous avions souhaité  rester entre nous pendant ce  congrès qui devrait traiter de questions sensibles et décisives. Nous n’avons pas de rapport particulier avec le Gouvernement Français; ni avec celui-là, ni avec les précédents.

Il faut signaler quand même, pour leur rendre un hommage mérité, que des amis, des sympathisants et des partenaires politiques mauritaniens, africains et français ont eu l’élégance de nous honorer de leur solidarité par leur présence effective à la cérémonie d’ouverture de nos assises.

 

Intégration: De nombreux négro-mauritaniens accusent depuis toujours les différents gouvernements français de défendre exclusivement les intérêts des arabo-berbères mauritaniens. Croyez-vous qu’ils ont raison?

 

Samba Thiam: Je ne dirai pas que ces gens  ont tort sur toute la ligne dans leurs  griefs  à l’endroit  des gouvernements français respectifs. Mais  je ne puis, non plus, apprécier la position des gouvernement Français en terme de  « défendre les intérêts des Arabo-berbères ». Je note toutefois cette politique de deux poids et deux mesures de la France, initiée et appliquée  depuis la colonisation du territoire à travers des  Administrateurs coloniaux,  comme Coppolani,  Mesmer, Faidherbe, dans leur pratique et leur positionnement. Cette espèce de parti pris, manifeste, ou de «  faiblesse sentimentale » des représentants de la France coloniale pour la Mauritanie blanche ou Bidhaan était à mettre, je crois,  sur le compte  d’une sorte de « mythe du désert », par association d’idées ;  mythe de « l’homme-bleu »,  profondément  imprimé  dans l’inconscient  collectif  de  bien des Européens, colporté et enjolivé  par les explorateurs et voyageurs du continent. Mais il n’y avait pas que du « romantisme », car des preuves existent – archives coloniales – qui attestent que la France, avant de se retirer, avait fermement décidé  que la Mauritanie devait être contrôlée et dirigée par la communauté arabo-Berbère. Depuis, rien ne semble avoir varié, dans le fond .

Intégration: Au fait SambaThiam, que se passe t-il en Mauritanie entre les populations noires et les populations arabo-berbères?

 

Samba Thiam: Entre les  populations arabo-berbères et négro africaines elles –mêmes, il ne se passe  vraiment rien de  particulier;  il  n’y a pas plus de problèmes entre ces populations qu’entre Sonraïs  et Touaregs au Mali, qu’entre Joolas et Wolofs au Sénégal, qu’entre  Malinkés et Peulhs en Guinée Conakry. Les contradictions qui existent résultent des effets, naturels, de la «  loi de proximité » entre groupes humains aux habitudes mentales et culturelles différentes, vivant côte à côte.

On ne peut nier, cependant,  l’existence  d’un  problème de cohabitation; problème qui se traduit par une discrimination raciale, un racisme d’Etat que vit la composante négro-africaine du pays .

Ce  problème résulte non pas d’un antagonisme entre ces populations, mais  plutôt  des  politiques discriminatoires préconçues, mises en œuvre  par les gouvernements arabo-berbères, qui  veulent faire de la Mauritanie un pays exclusivement arabe, dans la négation totale de l’identité de la composante négro-africaine du pays. Ladministration, la justice, l’armée, les forces de police, tout est contrôlé par les Arabo-berbères! L’école, la diplomatie, les médias, sont mis au service de la construction d’une Mauritanie exclusivement arabe !

Bien évidemment,  consciemment ou inconciemment, ces populations arabo –berbères en général, la classe politique et intellectuelle arabo-berbère en particulier, bénéficient  des retombées de ces politiques discriminatoires à caractère raciste !

L’esclavage, profondément enraciné dans certaines mœurs sociales du pays, continue de frapper une autre frange importante de la population noire du pays ( les Haratines ). Et lorsque des groupes anti-esclavagistes  s’élèvaient contre cette tare inhumaine, ils étaient arrêtés, torturés et jetés en prison !

 

Intégration: Certaines sources indiquent que, tandis que les autorités de Nouakchott exproprient des citoyens mauritaniens noirs, elles  accueillent une masse de populations arabes venues des pays asiatiques. Vous pouvez le confirmer? Et si oui, quel est votre sentiment?

 

Samba Thiam: Accueillir en masse, je ne sais, mais ce que je sais c’est que l’immigration en provenance du Maghreb arabe jouit de  beaucoup  plus de sympathie que celle issue des pays du Sud. On ne choisit pas ses voisins, disait quelqu’un !  Nos gouvernants et une bonne partie de la  classe politique et intellectuelle arabo-berbère donnent l’impression d’étouffer de voir  la Mauritanie coincée entre le Mali et le Sénégal !  

 

Intégration: L’on a aussi souvent entendu des personnalités du gouvernement prévenir de la “soudanisation” de la Mauritanie. A votre avis cela est-il nécessaire et possible?

 

Samba Thiam: Le mot est lâché !

D’abord,  il me semble peu probable que ce terme soit sorti de la bouche d’un Ministre du Gouvernement! Mais, si c’était le cas, ce serait heureux car cela  traduirait un début de prise de conscience, de la part de ceux qui nous gouvernent, du danger qui nous guette : la soudanisation !

 

Intégration : Que recouvre ce terme ?

 

L’intolérance, rien  que  l’intolérance poussée! Le régime du Général Al Bashir, soutenu par le parti islamique de Sadek El Mahdi, tenta de convertir à l’Islam, de force, les Sud-soudanais Noirs et leur imposer, de surcroît, la charia islamique, au mépris de leur culture. Cette intolérance a conduit, hélas, à la partition du Soudan,

Intolérance également  en Mauritanie où l’on cherche, obstinément, à assimiler  les Négro-africains, à en faire des Arabes, de force ! Et là encore, au mépris de leur identité ! Ici et là donc, on a voulu niveler, unifier et non pas unir, en  rejetant la diversité culturelle. Ici et là, un fort préjugé  reposant sur une prétendue inégalité des races, leur  hiérarchisation.

 

Intégration : Soudanisation de la Mauritanie ?

 

Oui, le risque existe bel et bien;  si l’oppression et l’humiliation, au quotidien, se poursuivent, la Mauritanie risque de connaître le même sort que le Soudan. Lorsque des jeunes, sans  peur, forgés dans l’acier, surgiront et  se redresseront  pour reconquérir leur dignité et changer l’ordre inique actuel des choses!

 

Intégration: Qui était Tène Youssouf Guèye?

 

Samba Thiam: Un diplomate et un homme de culture, fin connaisseur des hommes et des choses; un homme  qui a servi honnêtement et loyalement son pays et que l’on a laissé mourir en détention comme un chien, et qui fut  enterré à la sauvette dans les faubourgs de Néma ! Triste fin  que celle de Tène qui  avait  été, simplement , soupçonné d’avoir participé à la rédaction  d’un document  qui dénonçait le racisme d’Etat en Mauritanie !

 

Intégration: Le drame des Noirs de Mauritanie ne bénéficie pas de l’attention et de la médiatisation qui sont accordés au Sud-Soudan et au Darfour qui sont pourtant des crises similaires et émergent bien après celui de Mauritanie. Frustrant?

 

Samba Thiam:  Hélas oui ! Assez frustrant, c’est vrai, mais explicable !Cela tient, à mon avis, à trois raisons.

Au cours de mes pérégrinations diplomatiques, quand, pour expliquer les évènements internes, survenus entre 1986 et 1990, dans leurs excès, j’approchais certaines chancelleries africaines ou d’ailleurs, je m’entendais, invariablement, répondre ceci : « Si ce que vous dites là était vrai, le Sénégal et le Mali ne sauraient rester silencieux et inactifs devant la gravité de ces évènements que vous décrivez! »

Mes interlocuteurs ne comprenaient pas ou ne voulaient pas  comprendre que ces deux pays avaient, eux aussi, chacun, un « linge sale » à laver. Le Gouvernement du Colonel Ould Taya les tenait en laisse par cela même !

La force du lobbying des Gouvernements mauritaniens, qui ne lésinent pas sur les moyens, matériels et humains, pour masquer ces problèmes,  participe également de ce manque d’attention sur notre drame.

 le Régime du Colonel Ould Taya, en plus d’investir massivement de l’argent pour étouffer notre voix,  envoyait, systématiquement, dans les fora étrangers où nous tentions de plaider notre cause, des Noirs mauritaniens qui avaient pour mission de discréditer notre version des choses, de susciter  doute et confusion dans l’esprit  des participants, mal informés de notre  situation interne  !

Le régime du Président Abdoul Aziz est entrain de reconduire la même tactique, en s’appuyant, lui aussi,  sur les mêmes personnes !

Je ne saurai bien sûr – troisième niveau d’explication – passer sous silence notre rôle, ou notre faiblesse, d’avoir manqué de nous hausser à la  dimension des Sud Soudanais, même si les contextes et les conditions étaient sans commune mesure !

 

Intégration: Avez-vous jamais fait des démarches auprès des chefs d’Etat de l’Union Africaine pour plaider votre cause?

Samba Thiam: Je crois avoir déjà, incidemment,  répondu, à cette question.

 

Intégration: Les FLAM n’est certainement pas le seul parti d’opposition formé par des négro- mauritaniens. Et à côté l’on note un foisonnement d’organismes humanitaires s’activant sur le terrain. Croyez-vous qu’il règne une harmonie entre toutes ces forces politiques et d’organismes non gouvernementaux?

 

Samba Thiam: Je dois, hélas, avouer que ça n’est pas la grande harmonie !

Lorsque chacun veut jouer au leader, forcément, il y a cacophonie !

Mais  nous ne désespérons pas. Nous continuons de travailler, inlassablement,  au rassemblement des forces démocratiques et progressistes.

 

Intégration: Et peut-on aussi craindre les méfaits du tribalisme, lorsque l’on tient en compte que parmi les Noirs de Mauritanie il y a des Bambara, des Soninké, des Peuls, des Haratines ? …

 

Samba Thiam : C’est vrai que, quelque part, ce  sont là des facteurs qui pourraient s’avérer  bloquant pour la lutte … Il est encourageant de constater cependant que la conscience de notre commune condition d’opprimés est en train de  prévaloir!

 

Intégration: Croyez-vous que les Résolutions que vous avez arrêtées au dernier congrès de Paris sont dans l’intérêt de tout le peuple mauritanien? Pouvez-vous d’ailleurs nous présenter les plus importantes de ces résolutions?

 

Samba Thiam: Bien entendu! si nos résolutions n’allaient pas dans le sens de l’intérêt du peuple, nous n’en  produirions pas !

Je vous en citerai certaines, qui sont de sérieuses contributions à la résolution des problèmes qui minent notre unité nationale, comme  la Charte des Flam, publiée récemment, ou le projet d’Autonomie, comme moyen de gestion des spécificités ethniques et tribales dans un cadre unitaire ( pour justement prévenir le scénario soudanais ) ;  ou encore notre décision  de rentrer en Mauritanie,  pour  appuyer et encadrer notre peuple dans sa lutte pour la reconnaissance de sa citoyenneté pleine et entière .

 

Intégration: Sérieusement pouvez-vous mettre en marche ces résolutions alors que vous vivez hors des frontières de la Mauritanie?

 

Samba  Thiam: Pourquo pas ? J’ai dejà dit que nous comptons mettre fin à un exil que nous n’avons pas choisi. Concernant maintenant la Charte, elle concentre de grands principes qui pourraient bien servir de guide à la résolution de nos problèmes  internes , en particulier celui de la cohabitation de nos communatés nationales,  si la raison prévalait  un jour , bien entendu ! Ce qui n’a rien  à voir avec « être à l’intérieur ou à l’extérieur du pays » !

 

Intégration: Croyez-vous que c’est pour faire de la réplique à vos résolutions que le gouvernement de Noukchott vient de lancer cette opération de recensement des populations qui a poussé dans la rue des Mauritaniens noirs pour dénoncer racisme, exclusion etc?

 

Samba Thiam: Non ! honnêtement je ne le crois pas, pour la bonne et simple raison que  cette opération d’enrôlement des populations a  été conçue bien avant la tenue de notre Congrès.

Comme je l’ai dit  dans une autre interview, le poids démographique ( croissant ) des Négro-mauritaniens, a toujours constitué une obsession pour les régimes arabo-berbères : comment agir dessus, comment réduire ou contenir le nombre a  toujours été une préoccupation centrale, permanente, de ces régimes. Le recensement actuel est à replacer  dans ce contexte, à situer dans le même  sillage !,

Moctar ould Daddah- premier président de la Mauritanie-, avait institué, arbitrairement, la régle du quart  pour le contenir; Ould Taya lui emboitera le pas, mais  en assassinant, et en  déportant  massivement des populations noires authentiquement mauritaniennes au Sénégal et au Mali..

Avec le régime actuel, l’objectif n’a pas changé, mais la méthode va changer ! il va  recourir à une méthode soupoudrée, plus originale, plus sophistiquée, en  posant les fondements légaux  qui limiterait la citoyenneté des Noirsmauritaniens.

Pour être assuré de ne pas manquer cet objectif, toutes les commissions chargées de l’opération de recensement, à quelque niveau que ça soit, seront mono-colores, constituées à  99% d’Arabo-berbères ( Maures blancs ).

Voilà pourquoi nous disons que cette opération a un soubassement raciste.

Voilà pourquoi nous pensons  que ce recensement est dirigé contre les Noirs mauritaniens. S’il se poursuit, des milliers de Mauritaniens noirs se verront, à moyen et long terme, apatrides dans leur propre pays ! Il n’y a plus aucun doute là- dessus !

C’est pourquoi j’appelle  la jeunesse du mouvement de protestation interne à continuer de se battre, et j’invite la Diaspora mauritanienne à  relayer ce mouvement et à soutenir ces jeunes dans leur lutte légitime.

Septembre 2011 

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