Vous avez dit déserteurs ?
Dans le jargon de l’armée le déserteur est un soldat qui a quitté son poste sans se référer à sa hiérarchie. Le plus souvent en cachette dans l’intention d’abandonner pour une raison ou une autre l’uniforme.En temps de guerre, la désertion est l’acte le plus perfide commis par un militaire sous le drapeau. Qu’en est-il des militaires noirs victimes des pires tragédies subies entre 1987 et 1991 ? Cette notion de « déserteur » s’applique-t-elle réellement à ces anciens serviteurs du pays contre lesquels toutes sortes de faux complots ont été orchestrés pour justifier leur liquidation physique.
A l’heure des indemnisations des victimes de toutes les périodes, ils sont des centaines d’anciens soldats à être omis de la liste publiée par les commissions chargées de superviser les opérations d’indemnisation. Chacun de ces hommes ayant séjourné dans l’anti -chambre de la mort a un récit cauchemardesque à raconter pour évoquer son calvaire durant la chasse aux sorcières. Point n’est besoin de dire que tout homme aspire à vivre ; et fuir le supplice est un instinct de survie. Quand elle sent que sa vie est en danger, il est légitime que la personne cherche un moyen de s’échapper. Les commissions de supervision de ce dossier savent dans quelles conditions atroces se trouvaient les militaires durant les massacres survenus pendant la période d’exception. L’instigateur de ces mesures de réparation Mohamed Ould Abdel Aziz le sait lui-même car les faits se sont produits quand il était dans l’armée. Il est dommage que ce dossier aussi grave ayant fait l’objet de longues années d’attente et dont le règlement est loin de faire l’unanimité soit entaché d’irrégularités aussi intolérables. Et de surcroit mette hors de la liste des soldats qui portent encore sur leurs corps des traces de tortures. Voilà qui sème le doute sur les agissements de certains membres de cette commission accusés de se livrer au clientélisme. En considérant que ces omis soit des déserteurs, on se demande si rester dans l’armée pendant que des ordres d’arrêter et d’exécuter des militaires issus d’une communauté valait –il la peine de porter la tenue. Aucun noir en uniforme n’était à l’abri de cette battue lancée contre le genre humain. Pour toute réparation, ces soldats ne méritent-il d’autre qualificatif de déserteur. Déserter pour échapper à la mort est un acte hautement héroïque surtout qu’il ne s’agit pas d’une fuite pendant une guerre contre un ennemi mais une chasse menée par une armée contre ses frères d’armes. Il faudrait respecter tout ce monde qui a vécu dés épreuves terribles dans des camps de concentrations dans les bases militaires du pays. Les faits qui font aujourd’hui l’objet d’une indemnisation des victimes sont si abominables qu’il n’est point besoin de mettre des étiquettes simplistes et réductrices pour disqualifier des individus ayant souffert dans leur chair et leur conscience de l’injustice et de la barbarie absurde. Tous les arguments avancés ne tiennent pas devant les crimes odieux commis sous le régime de Taya. On pouvait s’attendre à tout sauf à ces motifs évoqués par la commission d’indemnisation pour priver des victimes d’accéder au moins à des compensations matérielles. C’est la moindre des choses. Le reste frise le cynisme.
Cheikh Tidiane Dia- LE RÉNOVATEUR