Indemnisation des militaires radiés: Une justice à deux vitesses?
Depuis quelques jours, le ministère de la Défense procède au paiement des militaires victimes d’exactions, entre 1981 à 2001. Les pauvres victimes, du moins en ce qui concerne les Négro-mauritaniens, de l’arbitraire orchestré par le pouvoir d’Ould Taya, infiltré par des extrémistes, font le pied de grue devant le ministère des Affaires étrangères, face au département de la Défense. Tous sont pressés de rentrer en possession de ce que certains n’hésitent pas à qualifier de «charité du président des pauvres», pour regagner leurs pénates, en cette période hivernale, surtout qu’on apprend, de la vallée, que les eaux du fleuve commencent à se retirer. D’autres sont permissionnaires et ne tiennent pas à perdre leur emploi. Mais, selon des informations recueillies auprès de certains «rescapés», les choses traînent, en dépit des déclarations des hauts responsables du gouvernement et des associations de défense des victimes. Ce retard résulterait des querelles intestines, entre quelques associations. A en croire les mêmes sources, les listes dressées et programmées sont souvent décalées par d’autres. Il subsisterait, également, un flou, sur le montant versé aux rescapés.
Les responsables de COVIRE et de COREMI étant injoignables, qui va édifier l’opinion sur ce montant: absence de transparence, dans les négociations avec le ministère de la Défense? L’ex-capitaine Breïka Ould M’Bareck parle «d’erreurs et d’omissions», au niveau de la commission de recensement des rescapés. L’homme, qui a contribué à faire bouger le dossier des rescapés, regrette ces malencontreuses omissions et annonce que le bureau des associations travaillera à les redresser.
Par ailleurs, on sait que tous les rescapés bénéficieraient de pensions, même s’ils n’ont passé que deux ans sous le drapeau. Sur ce point, on est en droit de se demander si cette décision est conforme à la loi, parce que pour bénéficier d’une pension – retraite? – il faut remplir un certain nombre de conditions. Dès lors, comment est fixé le montant de la pension? Est-il réversible ou non? Ensuite et plutôt que de verser, systématiquement, ces pensions, pourquoi ne pas proposer, à ceux qui sont encore valides et capables, donc, de travailler sous le drapeau, de reprendre du service, s’ils le souhaitent, ou de se faire remplacer, par leur progéniture, dans leur corps d’origine?
Enfin, est-ce qu’en versant ces «compensations» et «pensions», on éponge, définitivement, le dossier dit «passif humanitaire»? A-t-on définitivement extirpé les rancoeurs des victimes? Certes, le geste du président est louable, il a permis de calmer les esprits, de faire avancer le dossier, mais il ne règle pas, pour autant, le dossier humanitaire qu’on a rendu trop «élastique», en y incorporant d’autres intrus. Mohamed Ould Abdel Aziz a entamé un processus: il doit le mener au bout. Il doit, après cette phase, mettre en place une commission «vérité, justice et réconciliation». La prière de l’absent de Kaédi ne suffit pas. Les rescapés, qui traînent des handicaps occasionnés par leurs frères d’armes, ne demandent pas que ces derniers soient jugés et sanctionnés mais, au moins, qu’ils soient identifiés, sommés de s’expliquer sur leurs actes et, enfin, de demander pardon. Les rescapés négro-mauritaniens de 89/91 ne sont pas animés de vengeance aveugle: ils souhaitent, tout simplement, que les crimes des auteurs soient absous et que, plus jamais, cela ne recommence, en Mauritanie. L’argent compte peu, dans la majorité des cas. Leur radiation de l’armée ne les a pas empêchés de vivre, depuis bientôt plus de deux décennies.
Quelle part pour les civils victimes civils des « évènements de 89-91 » ?
Le paiement des rescapés militaires intervient au moment où les policiers et les fonctionnaires de l’Etat radiés de leur corps réclament, à cor et à cri, la régularisation de leur situation administrative. «Pourquoi indemnise-t-on les militaires, les gardes et les gendarmes et pas nous?», s’interroge un agent de police radié en 90. Pourquoi les fonctionnaires, enseignants dans leur majorité, n’ont bénéficié que de quatre mois de salaire, seulement, alors qu’ils ont été défalqués, comme les militaires, pendant les années de plomb? Le président de la République aurait plus de penchant pour ses frères d’armes? La question mérite d’être posée. En plus de ces fonctionnaires de police et de l’Etat, il y a, également, de nombreuses victimes civiles, «collatérales» des évènements dont les auteurs sont les corps habillés mais, aussi, des extrémistes armés. De nombreuses personnes ont été abattues, dans la vallée du fleuve Sénégal, parce qu’ils revenaient ou allaient aux champs, cherchaient ou accompagnaient leur bétail, ou parce que, tout simplement, ils ont osé placer un mot, face à un agent de sécurité ou, pire, se trouvaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Que va faire le président de la République, pour les familles de ces victimes? Et pour ceux ont perdu leur maison et leurs terres?
Monsieur le président, à défaut «de sang sur les mains», comme l’ont dit beaucoup de vos frères d’armes négro-mauritaniens qui ont servi avec vous, vous avez beaucoup de pain sur la planche. L’équité vous commande de penser à tout ce monde-là.
KT- LE CALAME