Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Hommage: Tène Youssouf Guèye par Soulé Elhadj Abdoul Ngaïdé

altEn septembre 1988 mourrait Tène Youssouf Guèye à la sinistre prison de Oualata. je relisais un papier que j’avais écrit et voulais le re-partager avec vous. La barbarie continue de jeter son dévolu sur les négro-mauritaniens et si on ne bouge pas, on n’y rémédiera pas.

Je n’ai pas la prétention de parler de l’homme car je suis jeune et je ne l’ai pas « connu».

J’ai par contre été de la même promotion que l’un de ses fils et j’ai beaucoup côtoyé ses enfants.

Je l’ai vu de nombreuses fois et, je crois, avoir retenu de lui principalement deux souvenirs, encore flous dans mon esprit.

Le premier c’est lorsqu’un jour je suis parti rendre visite à l’un de ses fils (je devais avoir14 ans et ils habitaient à cette époque à l’Ilot K derrière l’Hôpital National); c’était au crépuscule et il était assis au salon et, sur ses genoux, un de ses enfants en bas âge(ou un de ses petits-enfants, je ne m’en souviens plus très bien). D’une main, il essayait paternellement  de contenir les ardeurs de l’enfant turbulent, de l’autre, il entamait un morceau de gâteau qu’il devait partager entre sa progéniture dispersée aux quatre coins de la maison. Il me rappelait mon père, votre père; ces pères de familles austères qui étaient doux comme des agneaux, une fois entourés de leurs enfants. J’ai été frappé par la tendresse qui se dégageait de son petit corps noble (il n’était pas très grand).

Le second souvenir remonte au jour de son procès en septembre 86 (je n’avais pas vingt ans et je revenais d’un voyage du Sénégal). A l’appel de son nom, il s’avançât, fatigué certes mais humble dans son attitude ; Machinalement, mais tout aussi poétiquement, il répondait aux seules questions qui leur ont étés posés lors du procès : êtes-vous raciste? Faites-vous partie des FLAM? Avez-vous écrit le manifeste du nègro-mauritanien opprimé?) ; Ici, c’est par la dignité de l’homme que j’ai été frappé.

Aujourd’hui encore, quand je rends visite à sa famille à la SOCOGIM PS, que je dépasse Mariata(sa première épouse) en train de teindre ses habits au “goobu kayhaydi”, que j’empiète, dans la cour le « taara » sur lequel se prélassent ses belles-filles, avec tout autour les cris joyeux de ses petits-enfants, ; que je pénètre dans le salon pour  palabrer un moment avec Tène Daouda ou Alassane, que je m’enfouisse dans la chambre de Birome et de Djiby pour écouter un morceau de Funk et qu’enfin,  en repartant  de chez lui, je “taquine” Haby et Youmma, je me demande pourquoi avoir privé Tène Youssouf Guèye de tout ce splendide bonheur qu’il a passé tant d’années à bâtir à la seule force de son travail et de son intelligence.

Le soir à la maison, avant de me coucher, je relis encore son “Rella où les voies de l’honneur” qui me donne à chaque fois l’envie nostalgique et impérieuse de me marier à l’ancienne.

“À l’Orée du Sahel” me fait redécouvrir un Gorgol et un Guidimakha que je ne connaissais pas.

Ses “Sahéliennes” me percent toujours le flanc (comme si je dansais avec une négresse envoûtante).

Cet « exilé de Goumel » est parti, mort de Béribéri (j’ai toujours pensé que c’était une maladie d’oiseaux, pas d’Homme, et de Quel homme) ; Parti parce que sa plume avait quelque chose de révoltant, un je-ne-sais-quoi de conscientisant, un brin de rébellion à l’ordre raciste établi.

J’ai toujours trouvé dommage que les mauritaniens ne le lisent pas assez; ils peuvent pourtant trouver dans son œuvre des réponses à leurs questions. Le lire est le plus grand hommage que l’on puisse lui rendre.

Il aurait eu 71 ans aujourd’hui et il aurait pu, paisiblement prendre le chemin du paradis avec Oumar Bâ.

 N’gaidé Soulé

Comité de base Elhadj Abdoul Ngaïdé des FLAM-Europe de l´Ouest.

Partagez