Indemnisation des militaires radiés : Les victimes
Le samedi dernier, il est 18heures et quelques minutes dans la Moughataâ de Sebkha.Le siège central du COVIRE (Collectif des victimes des répressions), est pris d’assaut par les anciens militaires, gendarmes et gardes victimes des douloureuses répressions perpétrées au sein des forces armées de la Défense et de la Sécurité en terre islamique de Mauritanie. Les uns et les autres jouent au coude, se frayent un chemin et filent directement dans la salle pour chercher leur patronyme sur la liste de 701 noms des 974 personnes radiées de ces corps entre 1981 et 2004. Reportage.
Une triste ambiance dans une salle mal éclairée
Les différentes listes des 701personnes sont affichées sur les quatre murs d’une salle exiguë et sombre. Les torches des téléphones portables sont allumées pour éclairer ladite salle. Certains, comme Mamadou Daouda, voient leurs noms sur les listes. Et d’autres pas, tels que Diallo Abou. Ces derniers sont ainsi donc pris de panique, ne savent pas à quel saint se vouer ? Et transpirent davantage peut-être à cause, non de la forte chaleur du moment, mais d’inquiétude. L’ancien soldat de 1ère classe, Mamadou Daouda, qui a vu son patronyme, est tout heureux comme un enfant qui vient de réussir son CEP (Certificat d’études primaire). Parce que son nom est bel et écrit sur la liste : 674 Mamadou Daouda 1ère cl 761 272 Armée. Il ne cache pas sa joie et se souvient des péripéties de son arrestation comme si c’était hier : «En 1987, un certain capitaine Diop Djibril aurait fomenté un coup d’Etat contre le président Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya. C’est ainsi donc que j’ai été injustement accusé, arrêté au niveau de la 6ème région et envoyé en prison à Nouakchott pendant deux mois avant d’être transféré dans la prison centrale de Kaédi. Là où, j’y ai passé 6 mois et trois jours». Quant au soldat de 1ère classe, Diallo Abou dont le matricule est de 78 335, il n’a pas vu son nom sur la liste publiée comprenant les noms de 701 personnes radiées. Il ne sait pas où il doit s’adresser pour être rétabli dans son droit. Nonobstant cet état de fait, Abou est serein et se rappelle : «J’ai été accusé (il n’a jamais su de quoi et par qui). Et j’ai été arrêté dans un camp militaire sis à 7km de la ville de Rosso en 1990 par un ancien Colonel de très haut placé actuellement dans la chambre basse du Parlement». Emprisonné dans la prison de Tiguitt, il y est resté jusqu’en 1991. Libéré, semble-t-il, pour des raisons de santé, Ce pauvre soldat de 1ère classe a été hospitalisé durant 45 jours au Centre hospitalier national de Nouakchott. Et y est sorti avec un certificat médical lui recommandant un repos médical de 30 jours. Muni de ce certificat daté et signé par son médecin traitant, Diallo Abou s’est rendu à l’Etat-major de l’Armée nationale pour avoir, dit-il, l’aval de ses supérieurs hiérarchiques militaires. Mais mal lui en a pris ! Dans les locaux de l’Etat- major, il a été informé qu’il est maintenant muté à Néma et qu’il doit s’y rendre le même jour faute de quoi il serait passible de sanction disciplinaire. «Un voyage qu’il a alors effectué dans la moindre gaieté de cœur», affirme-t-il. Mais en 1994, comme il n’en pouvait plus, selon ses propres dires, de supporter les « caprices» de ses chefs militaires. Il a alors pris une décision. Comme en témoigne son propos : «J’ai adressé à mes supérieurs militaires une demande de ma mise à la retraite». En effet, le soldat de 1ère classe, Diallo Abou, s’est définitivement libéré des multiples contraintes militaires pour dire des caprices de ses chefs, mais sans jamais bénéficier de ses droits de retraite pour le service rendu à la nation. Et il pourrait encore attendre des jours, des mois voire des années avant d’être rétabli dans son droit de retraite, car son nom ne figure pas du tout sur la liste publiée. Quel triste sort après des années de loyaux services ! Mais pour l’instant, il peut savourer la décision gouvernementale de leur indemniser. Une décision qui n’est d’ailleurs que justice, qui innocente les innocents avant de les rétablir dans leur droit.
Camara Mamady- LE RÉNOVATEUR