SERIAL DÉNI! Par Bocar Daha KANE
A l’aide d’un prétexte fallacieux, on veut m’enlever ce que j’ai de plus cher en moi, ma nationalité. Comme si le mépris, la déportation, les massacres à caractère ethnique dont j’ai été victime ne suffisaient pas. Depuis ma naissance, je n’ai jamais un seul instant, cessé de prouver qui je suis. Chaque jour qui passe, mort à l’âme je subi des vexations et autres contraintes me signifiant que je ne suis pas le bienvenue chez moi. Au premier chef, je suis coupable ! Coupable, puisque je suis né ailleurs ; coupable puisque je ne connais pas le nom de l’Emir d’Adrar ; coupable puisque j’ai été déporté, et que j’ai pu me reconstruire socialement ailleurs ; coupable puisque l’idylle de mes aïeuls a vu le jour ailleurs, alors que la Mauritanie n’existait pas. On me dit « étranger », puisque ailleurs, j’ai « osé » manifester devant mon ambassade. J’ai du mal à croire en ce prétexte ! Hier, un incident entre agriculteurs et éleveurs a entrainé des massacres et une rupture de relations diplomatiques avec mon voisin. Aujourd’hui, « des étrangers » s’attaquent à ma représentation diplomatique, aucun signe de mécontentement, de désapprobation des autorités publiques, auprès de « ces français » !
Hier, des individus pénètrent dans cette même chancellerie, ôte le portrait de celui qui se dit président pour le substituer par son prédécesseur, aucun souci ! C’était l’œuvre des jeunes égarés, mais mauritaniens quand même.
Alors, dites moi qui est « étranger » et à quel moment, le sommes-nous ?
Qu’est-ce qu’il est devenu, l’appel de «l’illustre » père de la « nation » : Si le Sahara, si le sahel si le fleuve, si le Chergh et la Guelba représentent des entités vivantes avec des vocations particulières, nous placerons au dessus d’elles une ENTITÉ qui les résume toutes : la MAURITANIE » ?
Y a-t-il cru ? N’est-ce pas lui qui a perfidement abandonné cette idée d’un exécutif bicéphale sous prétexte que les nègres ne s’entendent pas pour choisir un des leurs, alors que la désignation devait être soumise aux votes ? Le fameux concept de « revalorisation de l’homme mauritanien » sous prétexte de se libérer de l’influence néo-coloniale et de lutter contre le tribalisme à tout simplement permis de valoriser un mauritanien au détriment d’un autre. L’arabisation comme « arme politique » à commencé dès 1960. Nous ne détestons pas cette langue, et nous ne sommes pas des inconditionnels du français. Le nègre refuse tout simplement l’utilisation de cette langue à des fins politiciennes. Non ! Cher Président ! Votre « faisons ensemble la Nation mauritanienne » n’a pas d’écho car vous n’y avez pas cru, et vos successeurs y ont encore moins cru. Nous ne crions pas au complot tout azimut, nous ne faisons que constater la négation de notre mauritananité, nous rendant apatrides et en même temps hypothéquant les chances de faire de la Mauritanie, « une NATION qui nait ».
La sortie récente de l’usurpateur a le mérite de lever tout équivoque à ceux qui croyaient en sa bonne volonté. « Le passif humanitaire » est définitivement réglé, il n’y a point d’esclavage en Mauritanie, la campagne « d’enrôlement » continuera, seuls les « non-mauritaniens » contestent….
Est-il nécessaire de rappeler ce qui se dit gentiment « passif humanitaire » est encore l’un des obstacles majeurs pour faire du « cherg » du « guelb » du « sahel » et du « sahara », une seule entité ? Cette épuration ethnique qui ne dit pas son nom ne connait toujours pas de dénouement. La prière fantaisiste, les « indemnisations » indécentes ne changerons en rien notre détermination de demander et exiger justice pour Anne Dahirou, Djigo Tapsirou, Téne Youssouf, Bâ, Sy, Sarr, Capitaine Lôm, soldat Dia…Nous demandons la vérité sur ses fosses commune de Sorry malé. Tant que nos compatriotes anciennement déportés et « réfugiés » aujourd’hui chez eux, ne retrouvent pas des conditions de vie décente, nous crierons toujours. Tant que nos frères continuent de languir dans une misère au Sénégal et au Mali, vous nous entendrez toujours. Tant que vos subordonnées continueront le déni de cette épuration ethnique, de cette nouvelle « épuration identitaire », nous ne construirons aucune Mauritanie avec vous. Vous pouvez faire du 28novembre une journée de deuil, vous pouvez donner à chacun de nos morts une rue, tant que les coupables connus de tous et qui se dandinent sans aucune peur, sans aucun regret, dans les villes et villages des défunts martyrs, ne répondent pas de leurs actes, nous ne ferons pas ensemble la Mauritanie.
Camarades de partout, l’heure est grave ! Ils veulent faire de nous actuellement des êtres sans patrie. Ils nous ont ôté nos fils et nos pères, ils nous ont confisqué nos terres, terres de nos ancêtres, ils veulent maintenant appliquer « la solution finale » : faire de nous des êtres sans patrie. Ils toléreront notre présence mais nous n’aurons plus accès à l’administration puisque n’étant pas « enrôlés », nous n’auront aucun droit puisque ne sommes détenteurs d’aucun « papier ». Nous seront juste des âmes errantes prisonnières chez nous. Ils nous proposent le supplice de l’inhumanité : ne pas exister !
Est-il nécessaire de préciser camarades beydane que ce « ils », n’est pas une indexation de la communauté. Ce « ils », s’adresse aux acolytes de ce système raciste et xénophobe. Alors les nouveaux progressistes épargnez nous le classique « lutter contre les extrémistes de tout bords ». Il n’y a qu’un seul extrémiste qui sévit encore en Mauritanie. Nous n’avons jamais prôné « l’exclusivité » négro-mauritanienne ou négro-africaine de la Mauritanie, contrairement aux propos et aux écrits de certains leaders du panarabisme, acteurs de ce système. Nous n’avons jamais agi dans le sens d’une élimination physique des Beydan, comme l’avait méticuleusement fait Taya et ses sbires. Nous n’avons jamais exigé la connaissance de l’Histoire du Fouta pour être « enrôlé », comme « les soldats enrôleurs » le font en humiliant nos patriarches. Le racisme n’est que d’un seul côté, ni beydan, ni négro-africain, il est du système.
Cependant nous ne pourrons pas faire front ensemble, si l’objectif de certains est pour x raisons la simple chute de Ould Abdel Aziz, comme les opposants hier de Taya qui se plaisent aujourd’hui sous le règne de son bourreau. Nous ne tendons la main qu’à ceux qui luttent contre le système dans toute sa globalité à savoir la marginalisation des négro-africains et l’encouragement des pratiques néfastes de l’esclavage. Cette campagne « d’enrôlement » et l’arrestation des abolitionnistes, sont l’illustration claire des intentions racistes et méprisantes de ce système vis-à-vis des kwar et hratîîn. « La Mauritanie une et indivisible » à l’état actuel des choses est une chimère. La Mauritanie, ce sont des communautés qui cohabitent et qui se regardent en chiens de faïence. La méfiance et la haine sont nourries et entretenues par ce système, qui est par ailleurs l’unique responsable de cette situation qui forme des « nazions » et le repli communautaire. « Une Mauritanie, une et indivisible » est un serment qui requière un engagement sincère. C’est une aspiration commune à certains d’entre nous, pour y parvenir seul le langage de la vérité fait office.
KANE BOCAR DAHA
BORDEAUX
AOUT 2011