Insulter la Mauritanie
Votre serviteur avait prédit, il y a déjà longtemps, la très mauvaise pente qu’est en train de prendre l’opération d’enrôlement des populations. Se fondant sur les déclarations du ministre de l’intérieur devant les députés, le flou qui entourait la préparation de l’opération, l’opacité dans le recrutement des agents en charge de la mission (qui ont fini d’ailleurs par être recrutés par clientélisme et, peut-être, l’accointance idéologique), nous avons vu la dérive actuellement en cours.
Excepté quelques députés de l’opposition et des activistes des associations et organisations des droits de l’homme, la plupart des acteurs de la scène nationale ne semblaient pas convaincus des inquiétudes que susciterait une opération qui était partie pour être banale comme toutes celles entreprises par le pouvoir. La plupart de ses structures soi-disant nationales, se taisent même, en signe de complicité éhontée avec les démons destructeurs.
Pourtant, aujourd’hui, on est face à une situation inextricable. Des milliards d’UM ont été dépensés pour saboter la Mauritanie, fragiliser son tissu social et miner son existence. On dirait même que le principal objectif de cette opération est d’achever l’œuvre de sape des fondements de l’unité du pays, entamée par la dictature militaire depuis 1978 et qui atteindra son apogée durant les années de braise qui ont vu des milliers de mauritaniens, purgés de l’administration, chassés de l’armée ou déguerpis de leur pays pour satisfaire les attentes criminelles de petits nationalistes chauvins qui ont investi l’Etat et ses institutions. D’ailleurs, ce n’est pas fortuit que les écrivaillons de la haine de cette mouvance reprennent aujourd’hui la plume à travers les sites d’information pour défendre cet enrôlement discriminatoire, humiliant et indécent pour la Mauritanie et compromettant pour son avenir. Alors que des citoyens crient à l’injustice et au racisme, eux encouragent l’Etat à persévérer dans la discrimination et le déni de droit pour que soit accomplie le fameux complexe d’arabité tout azimut qui les habite et sont prêts à tout brûler à ses pieds !
Au-delà des traitements discriminatoires et racistes qui sont réservés à une certaine catégorie de nos populations, cet enrôlement remet en cause les fondements du seul pacte social qui ait présidé à la naissance de la Mauritanie : l’esprit du Congrès d’Aleg de 1958. Ce congrès, tenu dans des circonstances particulières, avait jeté les bases d’une Mauritanie souveraine, unie et indivisible.
A l’époque, la plupart des géniteurs de ceux qui discriminent aujourd’hui, excluent et empoisonnent l’atmosphère, militaient pour le rattachement pur et simple de la Mauritanie au Maroc ; alors que d’autres, sceptiques sur la possibilité de toute union entre le sud et le nord de notre pays, rêvaient de nous voir tout simplement annexés au Mali (auquel appartenaient les deux Hodhs et l’Assaba jusqu’en 1946) ou rattachés au Sénégal pour réaliser une hypothétique union des deux rives du Fleuve.
Les pères bâtisseurs, armés d’une foi inébranlable dans le plus fort ciment unissant nos composantes, l’Islam, et soucieux de pérenniser l’apport de notre contrée dans la civilisation humanitaire, ont milité, bec et ongles, pour que naisse la Mauritanie, terre nourricière pour tous ses fils. L’effort de construction nationale a été engagé par tous, à partir de zéro, avec abnégation et courage. Des sacrifices ont été consentis au prix fort avec la sueur des travailleurs, le labeur des éleveurs, la hargne des agriculteurs, la foi des apôtres et le courage des soldats. Tout ceci pour que la Mauritanie reste éternellement debout !
Les natifs de Guelimine, les boys Louga et autres ex-bambins de Nara (Nouara pour certains) ne comprennent pas cette belle illustration de la Mauritanie plurielle qu’ils détestent tant. A force de s’acharner sur les populations du sud, ils ne savent pas qu’ils courent à notre perte à tous. Au-delà de la haine, il n’y a que des larmes, du sang, la division et la déconfiture. Ce qui est arrivé en Somalie ne nous enchante pas. Ce que les ivoiriens ont vécu à cause de leur “ivoirité” ne peut point être un exemple pour ceux qui aspirent à la dignité. L’expérience du Soudan ne saurait être un objectif pour un pays comme le nôtre qui dispose de tous les atouts pour rester uni et fort dans cette union.
Alors, mettons fin à tant d’humiliations et de rejet alors qu’il est encore temps. Déchoir le Dr Bâ Bocar Alpha, récuser Anne Amadou Babaly, éconduire Thiam Ousamne, maltraîter Selwa Chérif et Lala Aicha Ouedraogo et purger des registres les peulhs de Kankossa (Kangue Kossa, qui est du reste un nom soninké) n’est pas seulement une humiliation collective pour une communauté, c’est tout simplement une insulte au bon sens et à la Mauritanie !
Amar Ould Béjà.- L´Authentique